Le 12 mai
Le 12 mai
Moi, médecin qui pars à la pèche aux ressources.
- J'arrive, je dis à mon collègue amateur de belles fesses bien lisses sinon rien. Il fronce les sourcils, mais me laisse seul face à l'unique miroir de notre salle de repos.
Absolument tout se mélange dans mon crâne, plus rien n'est à sa place. Je soupire, jure, serre les dents.
Je suis furieux !
- Merde ! je beugle en tapant du plat de la main ce maudit miroir qui ne cesse de refléter mon reflet.
Ma tronche est une pâle imitation de ma face « normale ». Tout ce que je vois est horrible, la colère et la haine déforment mes traits. Depuis toujours je me suis toujours reproché mes expressions faciales. Mes sentiments transparaissent sur mes traits et là... putain je fais peur.
J'ouvre le robinet, mets mes mains en coupe sous le filet d'eau froide et m'asperge le visage trois fois de suite. J'en fou partout, sur moi, par terre. J'ai les mains qui tremblent. Non, mon corps tremble en entier.
- Merde... je soupire une nouvelle fois en serrant mes deux mains sur le côté du petit évier.
Il faut que je réfléchisse. Que je pose les choses comme un médecin et non comme un être humain. L'un ne vaut pas mieux que l'autre on est bien d'accord, mais là il me faut la blouse blanche et tout ce qu'il va avec.
J'inspire doucement. Réfléchit Dorian, pense a ton objectif, a tes moyens. Respire, soit lucide, je m'ordonne silencieusement.
Oui, je sais ce que je dois faire et comment je dois faire. J'ouvre grand les yeux d'un coup et quand je croise mon propre regard qui m'observe j'y vois une toute nouvelle détermination. Oui, je sais ce que je dois faire.
Je dégaine mon portable et regarde les derniers chiffres, je les compare à ses résultats, encore et encore. Je regarde aussi les différents traitements, ce qui est possible ou non. Je ne regarde que les traitements médicamenteux je ne veux pas la priver de ces voyages, elle ne l'accepterait pas de toute façon. Au bout de quelques minutes, je tombe sur un protocole intéressant, extrêmement couteux, mais il donne des résultats intéressants.
- Pourquoi pas. Pourquoi pas ! je répète bien plus fort tout en fixant de nouveau mon reflet.
Il le faut.
Je me force à respirer plus calmement, depuis tout à l'heure je suis a la limite de l'hyperventilation. Je ferme les yeux pour m'y aider. De toute façon je n'ai pas le choix. Il le faut. Je sais ce que je dois faire.
Je sors de notre salle de repos en un coup de vent, la porte blanche claque contre le montant en plastique lui aussi blanc, c'est à peine si je l'entends. Mes pas frappent le sol bien plus rapidement que je ne le pensais. En fait je ne sens plus mon corps avancer, quand j'arrive dans la grande salle ou la réception se tient j'ai l'impression d'y avoir téléporté en un claquement de doigt.
La cafét » à bien changé en quelques heures, toutes les tables ont été décelées du sol et ont miraculeusement disparu, tout comme les chaises et tout ce qui constitue normalement notre temple de la bouffe rapide et pas forcement efficace. Sur tout le mur du fond un espèce de buffet bien classe se fait ravitailler par des gus employés pour l'occasion.
Je souris et lève une main amicale quand on m'interpelle au loin, moi pour le moment, je ne cherche qu'une seule personne. Je regarde ma montre, Mademoiselle Loti doit être chez elle, je pense. C'est pour elle que je fais ça, alors je dois le faire bien.
J'ai le sentiment que je le lui dois.
- Rebbeka, elle me regarde avec un verre de mauvais champagne entre les mains. Qui est un bon investisseur ? Je lui demande en regardant l'assemblé qui se mouve devant moi.
Je sens son regard se poser sur moi, j'imagine que son cerveau est en pleine surchauffe. Pourtant je sais qu'elle va répondre à ma question sans rien demander de plus. Elle est comme ça, elle travaille bien, plus que bien même, sans poser de questions superficielles.
- Monsieur Lariotte. Le gars là-bas avec la cravate jaune, non pas lui l'autre, le plus gros. Elle me précise quand elle voit mon regard se poser sur la mauvaise personne. C'est un gros bonnet qui croit en la science surtout quand ça lui rapporte bien.
Ni une ni deux je me dirige vers lui.
- Attend, elle me crochète le coude je me retourne légèrement vers elle. Ma secrétaire ne me regarde pas, sa touffe indomptable brune me chatouille le menton. Si tu veux lui soutirer un chèque avec au moins six zéros, parle de tes patients, il aime les détails sordides et promets-lui une quelconque opération 100/100 plastoque pour sa greluche du jour et une ordonnance pour la pilule bleue.
Quand elle finit son explication, elle lève son menton pour me regarder dans les yeux et lève les sourcils d'un air de dire « t'as compris ? Sois un bon gentil lèche-cul et tu auras ce que tu veux ». J'opine du chef et pars le rejoindre. Plus tard, il faut que je lui demande comment elle sait tout ça.
- Monsieur Lariotte ?
- Vous êtes ? il me demande avec son plus beau sourire.
Je dégaine aussi le mien et commence mon discours. Du coin de l'œil je vois mon collègue amateur de belles fesses bien lisses qui me regarde étrangement sans bouger. Je continue ma quête sans faiblir une seule minute pendant plus de deux heures. On finit même par s'isoler dans un coin pour pouvoir parler en paix.
Tout y passe, mes interventions, mes opérations. Tout. Je n'aime pas vendre les personnes dont je me suis occupé ou dont je m'occupe encore. J'ai l'impression de flouer leur intimité, c'est pourquoi j'invente une bonne partie de mes prouesses. Pour en rajouter un peu, je parle aussi de quelques défaites, elles aussi fictives. Oui, j'en ai et non je ne fais pas du billet sur leur dos, voilà pourquoi je lui mens. Je fais absolument tout pour faire vibrer sa corde sensible, sans aucun remords.
La nuit est bien avancée quand monsieur, je suis pété de tune et j'adore me taper des petites jeunes bien connes, daigne enfin écouter mon projet. Je me donne encore plus, appuie surtout sur ce qu'il pourrait gagner et lui promets de donner son nom au protocole une fois qu'il sera viable. Dans moins d'un an je lui assure. Mensonge, bien sûr que c'est faux ! Il faut au minimum au moins dix ans d'études pour que les résultats soient durables.
Tout ce qu'il compte c'est le résultat.
Les rayons du soleil caressent les immeubles parisiens quand je me rentre chez moi avec un chèque honteusement énorme, déjà déposé chez le doyen avec mon projet. Monsieur l'investisseur repart avec une ordonnance de ma part pour un stock de cachets pour les bites molles et un rendez-vous avec un collègue pour des nichons tout neuf pour sa blonde du moment. Un collègue qui prend bien chère en dépassement d'honoraire.
- Miaou toi aussi, je réponds a Loti quand mademoiselle vient se frotter contre mes jambes dés que j'ouvre ma porte. Y'a Andrew qui va venir s'occuper de toi quelques jours, oui miaou je sais.
Je finis de lui expliquer je pars en vacances sur Bordeaux tout en lui servant son repas et surtout son lait spécial chat pourrit gâter de la mort qui tue. Au passage j'en profite pour envoyer un message à ma mère, je lui dis que j'arriverais dans la nuit. Là, faut que je dorme un peu. Que j'essaie du moins.
Tout en me mettant en tenue, à poil donc, j'entends mon portable vibrer une première fois, puis une seconde. Je finis par décrocher avant la fin de la dernière sonnerie.
- Oui ?
- Docteur Apps, Monsieur Limens je ne vous dérange pas ? me demande mon doyen qui a la voix éteinte.
J'en connais un qui a trop bu.
- Du tout monsieur.
- Je suis étonné par votre soudain intérêt pour vos recherches.
Il hésite sur le dernier mot, il n'y croit pas une seule seconde, je ne le côtoie pas des masses, mais je le vois d'ici lisser sa moustache poivre et sel tout en fronçant ses sourcils broussailleux, au-dessus de ses yeux noirs, de la même couleur.
- J'ai vu une opportunité tout simplement.
- Une opportunité vous dites... bien. N'oubliez pas votre formation sur les limites à respecter entre patient et praticien à votre retour de vacance.
- Pas de soucis monsieur, je réponds platement.
- Bien. Bonne vacance.
Je lui rends la politesse et raccroche. Je soupire et m'allonge sur mon lit, au passage j'écrase mon chaton qui s'était allongé dans mon dos.
- Ça va ! miaou toi aussi... aller vient je vais te faire un bisou.
La garce se carapate en feulant, j'imagine qu'en langage de chat je suis le pire des gardiens de chat. Je ricane sans joie.
Je reste plusieurs minutes à regarder le plafond. Je ressasse mes doutes, j'ai mal au crâne. J'en ai marre. Mon syndrome du super docteur guérisseur est vraiment mis à mal.
- Faut que je dorme, je me dis à voix haute tout en serrant mes deux poings sur mes cheveux.
Loti vient se frotter contre mon visage tout en ronronnant, je me mets sur le côté pour la caresser et avant de m'endormir d'épuisement le visage ravagé et pourtant si humble de ma patiente danse devant mes paupières.
La ronron thérapie c'est pas de la gnognotte.
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