Le 1 mars.
Moi, malade qui se lève enfin de son siège.
Il paraît que Dieu est un acteur qui joue devant un public qui a peur de rire.
Cette phrase me fait doucement sourire, puisque je ne suis que le pantin d'une de ses pièces au scénario mal ficelé et que l'on a pour seul public la faucheuse autant sortir un peu du script non ?
C'est enfin mon tour, non pas que j'attends cela avec impatience, mais leur siège en plastique n'est pas ce qu'il y a de plus confortable. Je me retiens de me frotter le postérieur, mais le cœur y est. D'ailleurs, je ne remplis plus mes pantalons, dire que j'étais atrocement fière de mon fondement bien bombé... Merci la Zumba.
L'alien et le régime vont de pair ! D'ailleurs si vous avez du poids en trop...
Le docteur, celui que je n'enterrerais pas, ouvre sa porte et se fait précéder par le couple. Ils sont dignes, ils le resteront jusqu'a qu'ils soient dans leurs murs.
Tout le monde a le bon goût d'ignorer le soupire a à fendre l'âme du couple quand ils franchissent la porte.
Comme toujours, le médecin ne souffle pas entre deux patients et comme toujours mon dossier trône sur sa table verre, qui elle-même est juste occupée par un sublime ordinateur à la pomme croquée. L'écran est énorme !!
Encore un qui a succombé a l'appel du gourou. Moi aussi, je sais de quoi je parle !
Ô grand manitou atrocement cher donne-moi la force de ne pas te résister et file-moi une partie de ton compte en banque au passage...
Ce docteur, contrairement a l'ancien, ne parle jamais avant d'ouvrir mon dossier fuchsia, il m'a dit que cette couleur m'allait plutôt bien alors me voilà affublé d'un dossier couleur fifille. Pourtant la dernière fois que j'ai vérifié je suis bien une femme. Mais un orange ou un marron aurait tout aussi bien fait l'affaire. Tout sauf le vert caca d'oie.
Un peu de respect quand même !
— Comment allez-vous, Alice ? Pour toute réponse je lui souris, que puis-je faire d'autre ? Je vais bien après tout. Vos derniers résultats ne sont pas mauvais du tout, la suite arrivera d'ici quelques jours. Il feuillette quelques papiers. Pas de soucis avec votre traitement ?
— Aucuns non. Je ne peux m'empêcher de soupirer, je commence à avoir mal au ventre, ce que je vais lui dire n'est pas typique.
Allons calmez-vous pas de grande déclaration d'amour ! un peu de sagesse tout de même.
— Bon, il n'y a aucune raison que je vous fasse faire d'autres examens, je vais juste vous prolonger votre ordonnance.
Il sort son stylo et griffonne sur son éternel bloc de papier.
— Vous pouvez me la prolonger pour plus longtemps ? Il me regarde et hausse un sourcil avant de reposer son stylo. Je vais voyager quelque temps. Je termine avec aplomb, ce qu'il ne sait pas c'est que mon billet est déjà prêt mon assurance aussi.
Car oui quand on est malade il faut une assurance « spécial cancéreux » pour pouvoir dévaliser légalement une pharmacie et montrer une preuve de notre mal.
Une preuve papier j'entends, heureusement que je ne dois pas leur montrer mon sein droit qui a une cicatrice aussi hideuse que ma vieille tante Hilda.
Personnellement j'appelle mon sein ma petite vérole.
Je trouve ça charmant tout plein.
— J'ai déjà tout prévu, assurance et j'en passe je m'envole tout à l'heure pour l'Irlande. Je pose mes deux mains sur mes genoux, je fais tout pour paraître calme, mais je suis surexcité et totalement flippée. On parle de l'Irlande quand même !
— Pour l'Irlande ? Il répète en s'adossant sur son siège de Premier ministre qui a l'air vraiment confortable soit dit au passage.
— Oui vous savez le pays des lutins, des chaudrons pleins d'or. Je fais le moulin avec ma main.
— Hé bien je...
— Vous m'avez toujours dit que le cancer n'est pas incompatible avec les voyages et encore moins avec le traitement médicamenteux que je gobe tous les jours. Je le coupe en croisant aussi bien mes jambes que mes bras. Avec beaucoup d'assiduité ! Je rajoute comme une enfant prise en faute.
Mensonge du jour bonjour.
— Je sais ce que je dis, Mademoiselle Loti...
— Vous pouvez allez vous faire voire avec vos « Mademoiselle Loti » et votre air condescendantes. J'attaque une nouvelle fois en lui coupant la parole. C'est classique, c'est ignoble, mais il est un peu mon défouloir.
Nous nous toisons une longue minute avant qu'il ne reprenne la parole. Nous avons l'habitude de ce genre d'échange, pourquoi devrais-je me taire face à quelqu'un qui me connaît aussi « profondément » ? Le seul accessoirement.
— Décidément vous ne rentrez pas dans l'archétype du malade typique. Il mime les guillemets sur ce dernier mot.
— C'est le plus beau compliment que vous puissiez me faire. Je conclus avec mon plus beau sourire en décroisant les jambes. Puis les lits d'hôpitaux ne me vont pas vraiment au teint. Je finis en fronçant les sourcils, mélanger le tout avec une moue boudeuse et me voilà !
Il souffle et secoue la tête de droite à gauche. Je l'exaspère, c'est comme ça que je l'aime le plus !
— Vous partez combien de temps ?
— 35 jours pour commencer.
— Rien que ça ! Il s'exclame en soufflant une nouvelle fois. Pour commencer ? Il me demande en fronçant ses sourcils.
— C'est bien ce que j'ai dit oui.
Il fait son grand méchant oncologue aux dents pointues, mais je n'y crois pas une seule seconde, pourtant je sens d'ici son envie de m'étrangler. Un peu comme quand je piquais les derniers cookies sous le nez de ma petite sœur. Croyez-moi, c'était une déclaration de guerre pour elle. Chose que je n'ai, bien évidemment, jamais recommencé...
— Avez-vous vu avec votre assurance au cas où ?
— Oui, tout ira bien. C'est à mon tour de souffler, non cela ne m'agace pas... Un petit peu quand même.
— Et voilà qu'une de mes patientes me rassure ! On aura vraiment tout vu ! Il s'exclame en mettant un point final sur son charabia. Alice si vous avez le moindre problème...
— Oui je sais je rentre en quatrième vitesse quitte a voyagé dans la soute a bagage. Je le coupe une énième fois en soufflant et en le regardant à la fois fatiguer et désolé.
— J'allais juste vous donner mes coordonnées personnelles, mais si vous préférez la soute de l'avion, n'oubliez pas de prendre un gros manteau il doit faire froid dedans. Il conclut en rangeant une petite carte blanche qu'il avait commencé à sortir tout en faisant ne drôle de tête.
— À la réflexion faite, je préfère votre carte.
Voilà comment s'est conclut notre entretien, je repars avec une énorme ordonnance et son mail.
Finalement c'est une bonne journée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top