Le 1 mars.
Moi, médecin qui vogue au grès de ses souvenirs.
La première fois que j'ai visité les urgences, je devais avoir un bon 17 ans. Je parlais avec une amie, Maggie vraiment jolie soit dite au passage, bref. On allait au cinéma j'espérais pouvoir la draguer tranquillement, mais je me suis littéralement bouffé un panneau-stop.
En plein visage.
Littéralement.
Paf !!
J'étais plutôt grand pour mon âge, pile à la bonne taille pour que mon nez s'écrase avec beaucoup d'enthousiasme dessus du moins.
Maggie ne m'a plus jamais parlé, mais une autre, bien plus jolie a eu de la peine pour moi.
En tant que fils unique et grande fierté de mon père, je n'ai jamais eu autant d'encouragement de sa part pour la gent féminine. Je l'entends encore me dire avec un immense sourire « Amuse-toi fils, profite les filles aiment bien les guerriers ! » en tapotant son propre nez. Il était boxer, ça laisse des traces.
J'entends aussi ma mère souffler et lui tendre un bocal de cornichon pour qu'il l'ouvre. Par contre elle, elle, se moquait beaucoup de moi, cet épisode ma suivit vraiment très longtemps.
Je râle, je râle, mais j'aime beaucoup ce souvenir. Oui, même la partie ou j'embrasse chaleureusement le panneau.
Merci de ne pas chercher à comprendre.
Le couple qui entre maintenant dans mon bureau n'est pas au top de sa forme. Que ce soit l'un ou l'autre même si c'est lui qui est mourant. Sa femme a vraiment tout fait pour lui, des thérapies à base d'herbe au plus agressive.
Honnêtement de l'homéo-thérapie pour traiter un cancer de la prostate fulgurant...
C'est comme aller voir une prostituée pour lui demander un câlin !
Maintenant, je dois leur dire qu'il n'y a plus rien à faire, cette saloperie dévore son corps... Tout ce que je peux faire s'est soulagé sa douleur.
Rien que ce mois-ci, j'en condamne trois... Bonne moyenne, peu mieux faire. Comme dirait un de mes vieux prof' que j'avais au lycée.
Le visage de sa femme est un parfait miroir du mien. Elle sait sans un mot, sans un soupir, elle sait.
Je les suis depuis si longtemps, que je sais aussi qu'aucun des deux ne pleurera devant moi. Ils attendront d'être à l'abri dans leur voiture pour le faire.
Il ne faut pas croire, mais ce genre de réaction est tout aussi compliqué que les grandes crises de larmes et de cris. Le silence et les non-dits sont des tueurs embusqués.
— Quand ? me demande ce monsieur, sa voix rocailleuse est le résultat de trop nombreux traitement et de sa tracéo aussi. Son cancer lui tout prit. Ses cellules, sa virilité, son corps, sa famille et maintenant sa vie. À 36 ans.
— D'après vos résultats, il ne vous resterait que quelques semaines un mois tout au plus.
Alors que certains partiraient dans les grandes eaux, eux restent silencieux et dignes. Ils regardent leurs genoux et se tiennent la main. Le pire dans tout ça, enfin une de plus, c'est qu'ils ne peuvent haïr personne. Cette saloperie n'est pas tangible.
Certains reportent leur colère sur moi et quoi que l'on dise quoi que l'on pense je suis aussi là pour ça.
Et voilà une journée de plus dans la super blouse de l'oncologue !
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