Oliver Bernel
Je me réveille difficilement ce matin.
Comme tous les jours de la semaine, les matins sont consacrés aux options, ce qui est obligatoire dans notre classe.
Nous sommes mardi aujourd'hui, ce qui veut dire qu'à huit heures j'aurai cours de maths complémentaires. Je n'ai pas très envie d'y aller pour être honnête. Cela fait à peine une semaine que les cours ont repris, mais l'idée d'un cours de maths ne me réjouit déjà pas. Pourtant lorsque je regarde mon téléphone et qu'il affiche sept heures quarante-cinq je me lève en sursaut.
Zut, il faut vite que je m'habille. Tant pis je prendrai mon petit-déjeuner l'heure d'après, heureusement que je ne fais ni chinois ni management, et que la cafeteria ferme à dix-heures en semaine. J'enfile prestement un pantalon et une chemise, jette mes affaires dans mon sac et file devant la salle 120. J'arrive certes avec cinq minutes d'avance mais je suis déjà le dernier. Je grimace en remarquant à quel point mes camarades sont tous, comme à leur habitude, tirés à quatre épingles. Je dois avoir fière allure à côté d'eux...
Je me laisse tomber sur une chaise à côté de Noreen et Tiago, qui lui me regarde, moqueur.
"-Mec, tu ressembles à la prof de philo quand elle a pas eu sa clope.
-Merci du compliment, je rétorque. J'ai loupé mon réveil, je murmure en voyant Madame Joliquet entrer dans la salle.
-Monsieur Bernel, s'adresse-t-elle à moi, les yeux écarquillés. Mais qu'est-ce donc que cet accoutrement?!
-Désolée Madame, j'ai eu un souci de réveil et me suis dépêché pour ne pas arriver en retard.
-Tout de même, vous ne pouvez pas passer la journée ainsi! Elle me jette un regard sévère, m'adressant cette remarque plus par inquiétude que je ne récolte une quelconque sanction que par réprimande.
-Je n'ai pas cours de neuf heures à dix heures madame, j'irai me préparer plus convenablement. Comme pour appuyer mes propos, mon ventre émet un gargouillement peu discret, ce qui fait rire Noreen à ma gauche.
-Je suppose que vous n'avez pas eu le temps de manger non plus, renchérit la professeur.
-Non plus Madame, navré.
-Bon ce n'est pas grave nous ferons cours malgré les réclamations de votre estomac. Mais tout de même Monsieur Bernel, tâchez de ne pas recommencer. Cela passe pour cette fois, mais je doute que tous mes collègues soient aussi conciliants que je ne le suis ce matin. Et rappelez-vous bien que je vous fais cette faveur uniquement parce que c'est notre deuxième cours ensemble.
-Oui Madame, je vous en remercie.
-Bien, sur ce, sortez vos exercices nous allons les corriger."
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"-Alors, il paraît qu'on a eu un petit souci de réveil ce matin? Se moque mon meilleur ami Cyrill.
-Tais-toi, ça va...
-Non Oliver vraiment? Lance Axelle en se redressant. Sérieusement tu n'es pas croyable. C'est à peine la rentrée que tu commences déjà à être en retard...
-On ne peut pas tous arriver avec quinze minutes d'avance à chaque cours, sinon on créerait un bouchon dans les couloirs, je lui réplique. Elle me tire la langue dans une superbe démonstration de maturité, et me demande plus sérieusement.
-T'as quand même pu réviser pour ton exposé d'anglais? Katie m'a dit que tu n'avais même pas eu le temps de manger ce matin.
-Je pense que ça devrait le faire, et puis ce n'est qu'une première note.
-C'est vrai. Mais Madame Hamays est assez sévère tu sais. Je l'ai eue l'année dernière, et crois-moi, elle ne fait pas de cadeaux.
-Merci de me rassurer à quelques minutes de mon oral ça me touche.
-Je crois que ça veut dire que tu devrais le laisser tranquille, lance Cyrill amusé.
-Je sais que je suis un peu stupide parfois, mais là j'avais compris, mais merci de ton intervention Cyrill, lui répond-elle avec un sourire forcé. Je me retiens très fort de lever les yeux au ciel face à cet échange. Ces deux-là sont insupportables ensemble.
-Bon alors et toi pour l'élection de cette après-midi, continue néanmoins mon meilleur ami. Prête?
-Je suis prête à faire la guerre crois-moi, rit la jeune fille.
-Elle a passé toute la journée d'hier à et je la cite 'établir un plan d'attaque', s'amusa Alexian à ses côtés en levant la tête à son tour. Sans compter qu'elle a passé la semaine à faire sa campagne.
-Comment tu sais ça toi? S'incruste à sont tour Noreen dans la conversation. Et dire qu'à la base Cyrill se moquait simplement de moi en finissant le repas. Elle les scrute fixement en attendant une réponse, qui, pour sa plus grande joie, ne se fait pas tarder.
-Comme on a spés au même moment on a passé nos pauses ensemble, répondit la blonde avec une lueur de défi dans le regard, que Noreen lui rend en levant un sourcil amusé.
-Ah oui vraiment? Vous passez beaucoup de temps ensemble depuis cet été je trouve.
-Oui on s'entend bien", renchérit Alexian. Je dois me pincer les lèvres pour ne pas rire tellement la situation est comique. Il n'y a vraiment que ces deux-là pour ne pas remarquer qu'il se passe quelque chose entre eux. Et toute la classe semble l'avoir bien compris. Ou peut-être Noreen leur a-t-elle fait comprendre. A vrai dire, cette option me semble plus probable, au vu de la rapidité avec laquelle tout le monde est sorti du foyer hier pour les laisser tous les deux lorsque Noreen a lancé avoir froid. Et curieusement, nous nous sommes tous mis à avoir froid.
Nous finissons notre déjeuner et montons en cours d'anglais. Je commence un peu à stresser mais je n'en montre rien. Madame Hamays est réputée pour être aussi sévère aussi bien sur les contenu que sur la prestance lors d'un exposé.
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Lorsque le professeur d'histoire annonce enfin le moment tant attendu de l'élection des délégués de classe, des regards sont échangés dans la classe entre les différents candidats. Axelle lance un regard de défi à Adam, et Nolann et Igor semblent avoir démarré un duel de regards. Enola se contente de lever les yeux au ciel devant la détermination de ses concurrents.
Lorsque vient le temps de voter, le silence se fait entendre dans la salle, et chacun réfléchit. Pour ma part je ne sais pas trop pour qui voter. La logique voudrait que je vote pour Axelle et Enola puisque je ne connais pas trop les autres, mais Nolann a l'air prêt à s'investir également. Je me décide finalement pour Axelle, vu qu'elle connaît déjà pas mal de monde ce sera plus simple pour elle, et pour Nolann.
Le dépouillement des votes élit Axelle déléguée avec sa suppléante Noëlys, puis un deuxième vote désigne Nolann avec Maxime comme suppléant. Je pense que ce sera un bon quatuor. Reste maintenant à voir si j'ai raison de penser ainsi.
Le cours d'histoire commence. Ça a toujours été ma matière préférée. J'aime apprendre le passé et les personnes qui ont pu y jouer un rôle. Je ne suis peut-être pas le meilleur quand il s'agit de rédiger des devoirs, mais j'aime écouter le cours, et aller faire des recherches en plus en rentrant chez moi.
Alors que j'écoute ce que raconte Monsieur Idaquet sur la crise de 1929 et le New Deal de Roosevelt, je reçois un coup de coude derrière moi, et Ellia me tend un petit papier. Je l'ouvre en prenant garde à ne pas me faire remarquer.
Rendez-vous au foyer à 18h, on a de quoi faire la fête jusqu'à 22h.
Partant.e?
Oui Non
Lorsque le mot arrive jusqu'à notre table, presque toute la classe a déjà mit une croix en dessous de oui. Si j'avais été dans les premiers, j'aurais hésité. Les professeurs, et surtout le proviseur ne sont pas des grands adeptes des fêtes. Mais si toute la classe y va, je ne compte pas rester seul dans ma chambre. Et puis, c'est peut-être le seul moment où nous aurons l'occasion d'organiser une soirée à l'internat. J'inscris moi aussi une croix en dessous de oui, puis Ethan fait la même chose avant de passer le papier aux deux personnes devant nous, de qui je ne me rappelle plus du nom. A vrai dire à part mes amis je ne me rappelle pas de beaucoup de noms.
"-Eh dis, me souffle Ethan, à ton avis, c'est les délégués qui ont proposé ça?
-Mais qu'est-ce que j'en sais moi, je lui réponds. Non en vrai ça m'étonnerait. Tu sais bien qu'Axelle ne prendra jamais une telle initiative, et Nolann est trop occupé à jouer à Minecraft au fond de la salle.
-Déjà? Ils perdent pas de temps dis donc les deux du fond. On devrait faire pareil.
-Tu m'étonnes. On a les deux heures de philo après, on aura qu'à embarquer le reste des guignols.
-Le reste ça m'étonnerait, chuchote Cyrill qui a visiblement suivi notre conversation.
-Oh non allez t'es pas drôle vraiment, rétorque Ethan.
-Je ne parlais pour une fois pas de moi pour ta gouverne, même si effectivement jouer en cours, vous êtes des malades. Non je pensais plutôt à Alexian. Je vous rappelle qu'il est assis à côté d'Axelle en philo, y a pas moyen que vous l'entrainiez jouer s'il est avec elle.
-Oh il fait chier hein, répond Ethan plus pour rire que par réel énervement. Mais il le dit un peu fort, et manque de chance pour lui, le silence règne dans la salle pile à ce moment-là.
-Monsieur Lebson, je conçois parfaitement que l'histoire de la crise de 1929 ne vous passionne pas, mais j'attends une autre réponse à ma question. Je vous donne une retenue samedi après-midi, vous viendrez me voir à la fin du cours." Mon ami s'excuse, et lorsque le professeur se retourne enfin, Ethan lance un regard noir à Cyrill, qui se retient de rire.
Après cette altercation, nous écoutons silencieusement le cours, bien que Cyrill ait du mal à se calmer pour le reste de l'heure.
*
*
*
Après deux longues heures de philosophie où on a tous tenté de convaincre Alexian de lâcher Axelle pour discuter avec nous, la classe se sépare en trois, entre ceux qui ont option mathématiques expertes, préparation à Sciences Po et ceux qui ont terminé. Je fais partie du dernier groupe, et quand je sors de la salle, Enola m'agrippe le bras et m'entraîne au foyer, vers où tous ceux qui n'ont pas cours se dirigent.
"-Oui Enola? Je demande, la voyant fébrile.
-L'idée de la fête, c'est la mienne. Mais j'ai besoin de toi pour m'aider à installer, et du reste de la classe qui n'a pas cours aussi.
-Non c'est vraiment toi? T'es folle Enola, on va se faire démonter par l'admin'.
-Ils n'ont jamais précisé que c'était interdit.
-Non mais crois-moi après ce soir ça le sera.
-Tant pis on peut bien profiter ne serait-ce qu'une fois. Allez viens m'aider à convaincre les autres, sinon jamais ce sera prêt dans... Elle regarde son téléphone... Quarante-cinq minutes!
-D'accord t'as gagné. Je viens t'aider. Mais Enola, si jamais ils demandent à ce qu'on dénonce quelqu'un, il y a forcément au moins une personne dans la classe qui va te balancer.
-Je sais, mais je prends le risque tant pis. Allez viens."
Nous entrons dans le foyer à la suite des autres, et il ne nous faut pas plus de deux minutes pour convaincre tout le monde de nous aider et de garder le silence sur l'évènement.
Nous installons plein de nourriture sur les différentes tables, des décorations et même de quoi mettre de la musique et des lumières. Au moment où tout le monde se demande comment Enola a pu se procurer autant de choses en si peu de temps, celle-ci répond qu'elle a dû aller chez le médecin hier, et que sa mère l'avait à ce moment-là aidée à préparer son coup.
A dix-huit heures pile, la cloche sonne. Tant mieux. Nous avons terminé.
Le reste de la classe nous rejoint rapidement, et alors un garçon se place d'office à la place de DJ, et lance la musique.
*
*
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Il est vingt heures cinquante lorsque les surveillants ouvrent la pote du foyer avec fracas.
La musique se coupe rapidement, et le silence remplace rapidement l'ambiance qu'il y avait quelques minutes plus tôt.
"-Et bien si on s'attendait à ça! S'exprime l'une des surveillantes des filles. Non seulement vous n'êtes pas descendus manger ce soir, et maintenant on comprend pourquoi, mais en plus vous faites une fête! Mais qui donc vous a permis de faire une telle chose!
Nous nous regardons tout. Personne ne semble vouloir dénoncer Enola, mais il va bien falloir la défendre tout de même. Je soupire. Personne ne semble se décider, mais je ne peux pas laisser tout le monde se faire accuser à tort. Tant pis moi j'y vais.
-Ce n'est inscrit nulle part dans le règlement que les fêtes sont interdites, je dis légèrement en retrait. Le regard que je me prends me confirme que je suis bien placé, à l'abri sur l'un des fauteuils.
-Parce que c'était une clause évidente. Et d'ailleurs vos camarades des années passées n'ont eu aucun mal à le comprendre eux. Croyez-bien que ce sera remonté au proviseur. Il va y avoir une punition. Pour vous tous. Néanmoins si vous dénoncez l'instigateur de cette petite soirée, continue la surveillante en me fixant froidement, nous pourrons sûrement être plus cléments. Nous vous laissons jusqu'à demain soir quand nous passerons dans vos chambres pour vérifier que vous y êtes tous à vingt-deux heures. Maintenant montez tous, et je ne veux plus en voir un seul d'entre-vous trainer dans les couloirs jusqu'au petit-déjeuner!"
Nous nous regardons tous et montons sans discuter, les surveillants à notre suite. La punition risque d'être sévère. Peut-être que nous serons tous renvoyés.
Mais Enola a raison:
Ça valait le coup.
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