Je rigole intérieurement. Les garçons nous jettent des coups d'oeil suspects, tandis que nous, les dix-sept filles de la classe, jubilons.

Notre plan est en marche depuis bien longtemps déjà. Nous avons finement observé les surveillants, discrètement amassé les provisions.

Et ce soir, a partie de minuit et demie, nous irons toutes dormir dans le foyer pour la meilleure pyjama partie du siècle. Interdiction aux garçons d'entrer, et par ailleurs, aucun ne savait ce qui se tramait.

Aussi, lorsque je sors de ma chambre en même temps qu'Adèle, nos couettes et oreillers sous le bras, son voisin de chambre Seamus ouvre la porte pour tenter d'obtenir un quelconque indice.

Ni une ni deux, Adèle referme la porte de sa chambre, et je me cache tant bien que mal dans le couloir, le cœur battant la chamade.

Les garçons ont de la chance, la porte qui mène au foyer est de leur côté. Je dois passer devant six de leurs chambres pour y accéder, et je suis bien évidemment à l'opposé du couloir.

Lorsque Seamus referme sa porte, Adèle s'empresse de me faire signe, et nous nous avançons sur la point des pieds.
Au moment de pousser la lourde porte qui mène au foyer, je grimace. Pourvu qu'elle ne fasse pas trop de bruit.

Lorsque nous sommes entrées sans incident, je m'autorise un soupir soulagé. Je me redresse en souriant. Je vois que nous avons été devancées par beaucoup, mais nous ne sommes pas les dernières pour autant.

Je vais m'asseoir à côté de Clémence, et commence à grignoter quelques chips en attendant notre retardataire nationale, j'ai nommé Noëlys.

Quand elle entre enfin, elle a bien évidemment droit à de nombreuses remarques taquines qui la font rougir. Elle s'asseoit, et alors la soirée peut commencer.

Enola prend la parole la première.

"-Bon alors. Je me suis dit qu'on ne pouvait pas faire une soirée pyjama digne de ce nom sans commencer par quelques potins. Et pour ça, quoi de mieux qu'un action ou vérité! Des exclamations enthousiastes se font entendre. Nous essayons de chuchoter le plus possible, mais la tâche devient difficile à dix-sept.

-Si vous ne vous sentez pas à l'aise avec certaines questions pas de soucis, on est pas là pour se juger, juste passer un bon moment, précise Noreen. Nous acquiescons toutes en même temps. Cela me rassure. On ne se connaît pas encore tout à fait, c'est d'ailleurs le but de cette soirée, mais savoir que je peux poser mes limites sans souci est rassurant.

-J'ai une application sur mon téléphone qui va me donner la personne et la question d'accord? Bien sûr si vous avez des idées, sentez-vous libre! Enola actionne un bouton. Alors, on va commencer par... Celestia action ou vérité.

-Hmm allez je vais être joueuse je vais dire action!

-Tu dois garder les yeux fermés jusqu'au prochain tour. On a connu pire comme début. Plusieurs d'entre nous lâchent un rire, et Maéline rajoute une consigne.

-Non attends Celestia, tu vas devoir rester debout sur un pied les yeux fermés pendant les deux prochains tours.

-Tu es horrible Maéline, tu sais très bien que je n'ai aucun équilibre.

-C'est bien pour ça que je t'ai ajouté ça, rit-elle. Alors que Celestia se met debout de mauvaise grâce et commence à tanguer, nos rires s'accentuent et nous avons bien du mal à rester silencieuses.

-Dis Enola tu voudrais pas te dépêcher? Supplie Celestia.

-Non, j'aime beaucoup mieux regarder ça! Elle rappuie tout de même sur le bouton.
Katie c'est ton tour.

-Oh la j'ai pas très envie de me retrouver sur un pied moi, alors je vais dire vérité!

-As-tu encore des sentiments pour ton ex? Celestia tu triches je t'ai vue ouvrir les yeux.

-Je triche pas je veux écouter la réponse.

-T'as pas besoin de tes yeux pour écouter, je réponds en riant. Clémence m'approuve joyeusement.

-Alors Katie? Demande une Celestia boudeuse.

-Non. Ça fait longtemps qu'on est séparés, on était sortis ensemble en fin de collège et à distance en plus. On a pu se voir qu'une seule fois, donc on a tous les deux lâchés l'affaire, et je crois que c'est mieux comme ça.

-Katie, je te propose d'appuyer sur le bouton puis de passer le téléphone à celle qui aura répondu à la question ou exécuté l'exercice, comme ça on fera tourner.

-Oh bonne idée. Alors. Mais tiens. Noëlys.

-Oh non c'est pas vrai. Euuuuuh allez action.

-Je sens qu'on va bien rire. Alors ton action: tu vas imiter le bruit que je vais te demander de faire. Des idées? Nous questionne-t-elle ensuite. Une idée me vient en tête et je souris en y pensant.

-Essaye le dauphin pour voir.

-Oh mais oui bonne idée Bianca, s'exclame Adèle.

-Oh pitié. Alors. Hum hum. Squiiiiiiit squiiiiiiiiiit Squiiiiiiiiiit." Nous explosons toutes de rire le plus silencieusement possible à son imitation plus que laborieuse. Il nous faut dix bonne minutes pour reprendre notre souffle, chaque contact visuel nous faisant rire un peu plus.

La soirée se déroule ainsi, et alors que l'horloge s'apprête à sonner trois heures du matin, quelques-unes commencent à lutter contre le sommeil. Si elles refusent d'aller dormir, c'est que nous arrivons au moment de la nuit où la fatigue supprime toute gêne, et où chacune déballe ainsi certains secrets bien gardés.

"-Non arrête tu as crushé sur Oliver et Cyrill? S'exclame Ellia. Noreen hoche honteusement la tête et plusieurs bouches s'ouvrent se surprise.

-Meuf ça c'est du scoop, enchaîne Maeva.

-Ça surpassera quand même pas Noëlys qui a fait tomber son téléphone entre les marches du lac à côté, nous rappelle sournoisement Katie. Sa meilleure amie rougit à son tour.

-Oui bon ça va je suis un peu maladroite. Cet euphémisme nous arrache un sourire.
Puis moi je trouve que Ellia qui se fait draguer par son meilleur pote alors qu'elle est en couple ça vaut aussi le détour.

-Hey, qui a envoyé une carte postale à son voisin, à qui elle n'avait jamais parlé, pour lui déclarer sa flamme? Se défend cette dernière en regardant Maéline avec insistance.

-C'est pas moi qui ai crushé sur le fils de Monsieur Idaquet. Axelle lui tire la langue gentiment et rétorque à son tour.

-On en parle de celle qui a écrit une lettre d'amour à son dentiste il y a pas si longtemps?"
Zut elle parle de moi là. Je grimace alors que toutes rigolent. Je réfléchis vite à une cible moi aussi, pour me venger d'Axelle.

Nous finissons par toutes y passer. Je crois que désormais plus aucune d'entre nous n'a de secret pour les autres. Il est près que cinq heures du matin quand Enola se lève pour pousser les paquets de bonbons vides.

Elle s'installe sous sa couette et lâche un bâillement.
"-Je suis explosée pas vous? Incapables de répondre, nous nous contentons de hocher la tête. Peut-être qu'on devrait aller dormir vous ne croyez pas? Et même si on est dimanche vu l'heure, on devrait retourner dans nos chambres. Les surveillants commencent leurs rondes à huit heures et si nous nous endormons ici nous sommes fichues.

-Tu as, Noreen baille, entièrement raison. N'empêche une fois on devrait essayer avec les garçons maintenant qu'on aura plein de private jokes ce serait marrant.

-Oh oui ce serait sympa. J'ai hâte d'être à demain en tous cas pour pouvoir exposer notre complicité à dix-sept qui s'est faite en une nuit comme par magie. Clémence ris a ma plaisanterie et se lève.

-Je crois qu'Enola a raison, il est l'heure d'aller dormir. Bonne nuit les filles, je ne vous attends pas avant le déjeuner demain, et ne comptez pas sur moi pour être debout la première."

Je me lève à mon tour, salue le reste du groupe, et suit Clémence dans les couloirs jusqu'à nos chambres.

En m'allonger sur mon lit, je me repasse chaque moment de la soirée en boucle.

Comme quoi l'internat ça peut avoir du bon.