Lettre III
"Jeudi 19 octobre,
Mes chers enfants, je désespère. Plus le temps passe, et plus vos visages semblent s'évaporer de ma tête. Encore cet oubli, voilà qu'il s'attaque à ma mémoire et la rend défaillante.
Plus ma punition prend de la place dans ma vie, plus le mot "liberté" sonne comme un songe. J'ai l'impression que chaque jour, j'ajoute une pierre au mur devant la porte de ma cage.
Qu'est-ce que c'est, la liberté ?
Expliquez-moi les enfants, vous sentez-vous libre ?
La liberté, est-ce quand notre monde ne se résume pas à un lit, une table et quatre murs ?
Est-ce quand on peut simplement s'exprimer sans censure ? Parler comme on le souhaite, avec qui on le souhaite, où on le souhaite ?
La liberté, est-ce le fait de pouvoir tout faire soi-même, de se sentir autonome et maître de chacune de nos actions ?
Est-ce quand nous ne devons compter sur personne pour vivre notre vie ?
Sommes-nous libres si notre loyauté est sans limite et que l'on ferait tout pour une personne ?
Est-ce quand nous pouvons bouger, danser, chanter, ou juste fredonner un air à n'importe quel moment de la journée ?
La liberté, quand comme moi cela fait des années qu'on en est privé, ça n'a plus le même sens.
Pouvoir me balader serait une liberté, prendre mon déjeuner seul serait une liberté.
Rêver serait une liberté.
L'imagination est la clé de la porte du rêve, mais cette clé, je l'ai perdue il y a bien longtemps.
Alors qu'auparavant inventer des histoire, raconter des bobards ne me posait aucun problème, à présent ma vie monotone m'empêche de sortir du terre à terre.
Ce bâtiment sans couleur, nos tenues monochromes et tristes, et notre vie horriblement routinière me donnent l'impression de jouer dans un film en noir et blanc sans fin.
Il y a longtemps que ma vie n'est plus en couleur, comme si un brouillard éliminait les nuances chaudes pour me baigner dans un cyclone de morosité et de laideur.
Pourtant, quand j'ouvre ce carnet, un rayon de soleil semble percer les nuages sombres de mon ciel. Chaque feuille que j'arrache est une lanterne qui me laisse enfin apercevoir mes pieds dans cette grotte sombre, comme si, après toutes ces années, la sortie du tunnel se rapprochait.
Je dois y aller, prenez soin de vous les enfants, je vous embrasse fort."
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top