11 - Euh

Ben atterrit le plus délicatement possible dans une étroite rue à côté de chez lui. Il soupira de soulagement. Personne ne semblait l'avoir remarqué. Il fallait dire qu'à minuit passé, la plupart des citadins étaient blottis sous leurs couvertures, ou au moins dans le cocon familier de leur domicile. Personne donc, ne vit le jeune sorcier se presser jusqu'à la vieille porte en bois de son immeuble, balai à la main. Il accompagna la porte qui avait tendance à claquer pour qu'elle se referme silencieusement derrière lui. Si seulement ses parents pouvaient être déjà endormis, cela lui éviterait un sermon...

Il escalada un escalier en colimaçon de bois sombre jusqu'à s'immobiliser sur le palier du troisième étage. Un rai de lumière filtrait en dessous de la porte d'entrée de l'appartement familial... Il allait passer un mauvais quart d'heure. Il hésita à laisser le balai sur le palier, quitte à se relever dans la nuit pour le ranger. De cette manière, ses parents ne s'apercevraient peut-être pas qu'il l'avait emprunté... Mais un voisin humain pourrait tomber dessus, or exposer sa famille serait plus grave que de se faire un peu remonter les bretelles. Il n'avait plus qu'à prendre son courage à deux mains. Il ouvrit la porte de chez lui.

Personne dans le couloir, la personne levée devait être dans le salon. Ben saisit cette occasion pour tenter de ranger le balai incognito. Il se crut tiré d'affaire en refermant la porte du cagibi lorsqu'il entendit la voix de sa mère derrière lui :

— Tu ne nous avais pas dit que tu prenais le balai.

Ben sursauta. Il se retourna et signa :

— Ah bon ? Je croyais vous avoir prévenu...

C'était un mensonge, évidemment. Il avait espéré que cet emprunt passerait incognito.

— Et tu avais dit que tu serais de retour pour onze heures.

— Je sais, il est tard, on n'a pas vu l'heure tourner... Désolé.

— Rappelle-moi où habite Malween ?

— Dans le quartier des Saules, pas très loin du pont avec la voie ferrée.

Sa mère le fixa en silence, serrant son plaid autour de ses épaules. Elle avait l'air fatiguée. Ben s'en voulu d'être rentré si tard, mais il était soulagé qu'elle ne le réprimande pas plus que ça.

— C'est vrai qu'il est tard, je ferais plus attention à l'heure la prochaine fois. Bonne nuit maman.

Il tourna les talons pour s'en aller vers sa chambre, mais sa mère l'interpela à nouveau :

— Amina m'a dit qu'elle vous avait vu roder autour de la maison du maire. Visiblement votre charme d'invisibilité n'était pas très efficace, on vous voyait par intermittence. Tu peux m'expliquer ce que vous étiez en train de faire ?

Là, Ben avait de vrais ennuis. De vrais gros ennuis. Amina, en plus d'être une proche amie de sa mère, était la représentante de la communauté magique au conseil municipal de la ville.

Il leva ses mains comme pour signer, mais ne sut quoi dire. Il resta ainsi quelques secondes, cherchant une explication alternative – tout, sauf avouer la vérité. Il esquissa quelques gestes, quelques débuts de phrases bien vites avortées.

Ces gestes désordonnés et balbutiants étaient l'équivalent, en langue des signes, d'un long, très long et très laborieux « euuuuuuuh... ». Pas très convaincant, comme argumentation.

— Pas la peine de m'inventer une excuse bidon, Ben. Je n'ai aucune idée de comment tu es au courant mais je pense bien que tu as dû entendre ma conversation avec ton oncle. C'est une affaire qui ne te concerne absolument pas, et qui se porterait bien mieux si tu t'en tenais à l'écart. Donc, à partir de maintenant et jusqu'à nouvel ordre, tu rentres directement à la maison en sortant de l'académie. Pas de soirée chez Malween, pas de détour je ne sais où et particulièrement pas vers chez monsieur le maire. C'est bien clair ?

— Plutôt, oui.

— Et puis interdiction de toucher au balai, de toutes façons je ne vois pas pour quoi tu pourrais en avoir besoin. Pas la peine de tirer cette tête, tu n'avais qu'à te mêler de tes affaires, Ben. Je crois que tu ne rends pas bien compte des conséquences que cela pourrait avoir pour vous deux et pour toute la communauté magique si les humains s'apercevaient que deux ados sorciers cherchent à s'introduire chez leur maire à l'aide de sorts d'invisibilité et de balais volants... Nous sommes tolérés aujourd'hui, grâce à une confiance qui a eu bien du mal à se construire. Donc j'aimerais mieux que ce ne soit pas mon fils qui réduise tous ces efforts à néant et nous oblige à vivre à nouveau en clandestins.

Quelques minutes plus tard, Ben fixait le noir de sa chambre, peinant à trouver le sommeil. Culpabilité et excitation se mêlaient en lui. Certes ils n'avaient pas été aussi discrets que souhaité, mais leur escapade n'avait pas été vaine. Ils savaient maintenant où était cachée la pierre philosophale. 

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