Chapitre 21

ANDREA:

"Le destin a fait en sorte que tu sois là avec moi."
"Tu t'appelles le <<destin>> maintenant ?"
Il sourit.
"De temps en temps"
-Drive me insane, ALFREDA ENWY

Je suis tellement, tellement fatigué.
Je conduis des Formule 1 vingt-cinq week-ends par an. Je me surpasse encore plus à chaque course et roule parfois jusqu'à 300 kilomètres/heure. Et pourtant, je n'ai jamais été aussi épuisé. J'ai mal à la tête, envie de vomir, de dormir et de ne jamais me réveiller. Et pourtant, c'est comme si tous ces symptômes de la fatigue disparaissaient devant Kalea. Je pense qu'on peut appeler ça un rendez-vous. Elle a préparé assez de choses pour nourrir un régiment. Je me sens un peu mal qu'elle se soit donné tant de peine pour moi.

La soirée se déroule, on parle, on mange, on rit, mais on évite surtout le sujet le plus important. Kalea joue nerveusement avec ses boucles blondes et prend une inspiration. J'imagine que c'est maintenant que la conversation devient plus sérieuse. 

"Je voulais m'excuser pour ma dernière fois." 

Elle pince les lèvres et rigole nerveusement. 

"J'ai mal réagi, je suis aussi vraiment désolée pour ce qu'il s'est passé. Et, euh, j'étais énervée parce que je m'étais attachée, trop, trop vite"

Elle a l'air vraiment sincère, je vois à son regard qu'elle essaie de déchiffrer ma réaction. Comme si je pouvais refuser ses excuses, je ne pourrais pas la détester, encore moins pour rien que ça. 

"Je ne veux pas que tu aies peur de te rattacher encore une fois, je ne vais pas partir," dis-je, un peu plus sérieux.

Elle sourit, et c'est toujours ce sourire qui m'a conquis et qui m'aura toujours, son visage entier s'illumine à chaque fois et je ne m'en lasserai jamais. 

"Alors..." Elle réfléchit quelques secondes puis demande : "On est quoi ?" 

Je rigole un peu, la question fait peut-être un peu cliché, mais je comprends ce qu'elle se demande. Le problème, c'est que je n'ai pas plus de réponses à la question qu'elle. 

"Deux personnes qui réapprennent à se connaître ?" je propose en tendant la main. 

Elle me serre la main en souriant. 

"Ça me va," répond-elle, les yeux pétillants. 

On peut voir la lune à travers la fenêtre, c'est à peine si j'ai vu le temps passer. Quand je suis avec Kalea, tout est tellement mieux, tout le poids, dont je ne me rends même pas compte, qui pèse sur mes épaules se détache de moi comme par magie. J'en viens à, moi-même, me préférer quand je suis avec elle.

//

J'ai fini par rentrer chez moi. Il le fallait bien. Je crois que j'avais envie de me sentir nostalgique, car me voilà à feuilleter mes anciens carnets de dessins, assis en tailleur sur mon lit. Il est tard, mais je n'arrive pas à dormir. Même si j'y arrivais, il y a mieux à faire. Je dessine toujours, mais moins. J'aimerais dire que c'est parce que mon travail me prend trop de temps maintenant, mais ce n'est pas comme si j'avais d'autres choses dans ma vie à part conduire. Ça ne me rend pas triste, j'ai juste l'impression que ma vie est un peu... vide. Je ne sors pas avec des amis, je ne pars pas en vacances avec ma copine, je ne vais pas manger chez ma famille, rien de tout ça.
Le voilà, le carnet que je cherchais !
Je suis peut-être en manque d'inspiration depuis un moment maintenant, mais quand j'utilisais celui-là, je ne l'étais sûrement pas. J'avais dessiné la seule chose que j'avais en tête : Kaléa. Je ne sais pas combien de temps je passe à tourner les pages de ce carnet, à ressentir à nouveau ce que je ressentais à l'époque grâce à ces dessins. Quelques minutes, peut-être quelques heures.
Puis j'essaie de m'endormir. Pathétique. J'aurais dû me douter que ça ne servirait à rien. Alors je fixe le plafond, mon cerveau ne veut pas s'arrêter de me faire repenser à ma journée. Malheureusement, pas à mon dîner avec Kaléa, mais plutôt à mon après-midi avec Isabelle, ma mère, ma génitrice, enfin, je ne sais plus trop.
Elle m'a dit que je ressemblais à mon père, qu'on avait les mêmes yeux. "J'ai toujours adoré ce vert dans les yeux de ton père", avait-elle dit.
"C'était ce que j'aimais le plus chez lui."
Je me suis dit que c'était mieux d'avoir ses yeux plutôt que ses problèmes de colère. Elle n'a pas paru étonnée que je vienne sonner à sa porte comme si de rien n'était, elle ne m'a même pas posé de questions.
On a beaucoup discuté, je pense qu'on peut dire que ça m'a fait du bien, mais ça m'a aussi épuisé toute mon énergie. Elle a divorcé à nouveau, moi qui étais jaloux de sa nouvelle famille, je ne peux pas m'empêcher de me sentir mal pour eux maintenant. Je les imagine presque se demander ce qu'ils ont fait de mal, pourquoi ils n'étaient pas assez, je m'imagine me le demander aussi.
Elle a dit que mon père avait toujours été violent, jamais jusqu'à donner des coups, mais parfois jusqu'à casser des objets, taper dans les murs. Elle dit qu'elle l'a quitté pour ça et qu'elle savait qu'il ne me ferait jamais de mal à moi. J'ai du mal à la croire. Je ne l'ai pas pardonnée, je ne le ferai jamais. Mais ça m'a permis d'être plus en paix avec moi-même. Moins de haine, c'est trop épuisant, ça n'en vaut pas la peine.
Elle a aussi dit qu'elle avait quelqu'un à me présenter, qu'elle était parfaite pour moi. Ça m'a mis mal à l'aise qu'elle joue les entremetteuses, surtout que la femme que j'aime était déjà quelques étages plus bas. Elle disait beaucoup de choses en fait, je pense qu'elle avait besoin de parler.
Je finis par m'endormir en repensant déjà à la prochaine fois que je verrai Kaléa. Qui sait, peut-être qu'un jour ça aura marché. On sera peut-être mariés, peut-être qu'on aura des enfants. Je n'en ai jamais voulu, mais avec elle, tout me paraît possible. Je pense que c'est la première fois que j'ai dormi aussi paisiblement.

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À dimanche prochain pour le chapitre suivant !

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