29 - Le Bûcher
43e jour de la saison de la mort 2449
Le retour à l'académie avait été difficile. Accepté la mort d'un ami, d'un camarade n'était jamais facile. Arièlla était évidemment celle qui luttait le plus avec cette réalité. Même une dure à cuir comme elle avait ses limites. Après son explosion de rage à Norkux, elle s'était morfondu sur elle-même. Elle n'avait pas dit grand chose depuis. Elle s'était complètement renfermée. Elle ne dormait que peu. Ça se voyait dans ses yeux cernés. Elle passait son temps libre à s'entraîner en compagnie de Harath. La dragonne agissait de manière extra douce, enfin du mieux qu'elle le pouvait. Elle la suivait partout où elle pouvait. C'était comme si elle avait peur qu'Arièlla fasse quelque chose de stupide.
Honnêtement, le reste du groupe d'amis y avait songer aussi et s'inquiétaient autant. Ils avaient tous besoin de tourner la page. Il fallait quelque chose de significatif. Et Azéna avait une bonne idée.
— Un bûcher ? s'exclama Fayne. Sans personne ? Sans corps ? Ça ne me semble... pas honorable...
Encore des idiocies religieuses. L'archère s'en contre-foutait de ce qui était honorable. Elle voulait rendre hommage à son ami qui avait été cruellement assassiné. Elle sentit son coeur palpiter. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'être en colère. Elle était la première à avoir voulu retourner à cette sale ville pour tuer cette reine, mais évidemment, ce plan n'était qu'un rêve impossible. Tous, même Arièlla, s'y étaient opposés. Honnêtement, elle y avait presque été malgré tout. Mais ça aurait été du suicide.
— Tu crois vraiment qu'on serait capable de récupérer son c...
Nixie-Elle l'interrompit en pressant une main sur sa bouche. De l'autre côté, Naëshirie posa la sienne sur son épaule.
— Enfin... Zézé..., souffla doucement la brunette. Je ne voulais pas...
Azéna poussa férocement sa garde qui ne lutta pas.
— Pensez un peu à lui, grogna-t-elle. Il mérite... quelque chose !
— Pense un peu à Ari ! s'énerva l'herboriste.
— Je crois qu'un bûcher serait bien, dit faiblement Arièlla qui observait la scène du foyer.
La salle commune était vide. C'était le milieu de la nuit. Habituellement, la blonde retournait chez ses parents pour dormir. Pas dernièrement. Personne n'était entièrement sur de comment elle passait ses nuits.
Tout le groupe s'était tourné vers elle et la fixait avec un brin d'espoir. La Valkirel semblait un peu plus revigorée que d'habitude. Une petite lueur scintillait dans son regard et s'en fut assez pour que les autres acceptent sa décision.
✦×✦
Le lendemain, à la première lueur et malgré sa fatigue, Azéna se dépêcha hors de la chambre. Nixie-Elle dormait paisiblement sur le sofa. Sa protégée ne la dérangea pas, préférant la solitude. Elle emprunta les escaliers en colimaçon à pas de loups. Elle avait une quête à accomplir. Elle cherchait pour quelqu'un en particulier, quelqu'un qui allait être aisément convaincu, quelqu'un à la personnalité douce et en position d'autorité.
Eldarytzan Valkirel.
— Tu va vraiment demander permission pour dresser un bûcher ? questionna une voix familière qui provenait de derrière.
Fayne la rattrapa et se positionna devant elle, les bras étendus pour former un blocage.
— Comme c'est ironique, dit l'aéromancienne. D'habitude, c'est moi qui fait ça et ça t'énerve.
— C'est un truc qui fonctionne bien. Tu vois, tu t'es arrêté.
Elle croisa les bras et tapa impatiemment du pied.
— Tu ne veux pas qu'on dresse le bûcher, devina-t-elle.
— C'est que... les maîtres vont être en colère... Ne les défis pas.
— Tu ne comprends pas. Je vais demander la permission.
— Comme s'ils vont te laisser bâtir un immense feu. Il y a le risque que tu réduises toute la ville en cendres. De plus, c'est la loi ! Allez Zé, ne soit pas têtue.
— Premier Sage Wirus a eut droit à une célébration de sa vie. Serf aussi y a droit !
Fayne eut un mouvement de recul. On pouvait voir dans son visage qu'elle regrettait ses paroles. Elle déglutit et baissa les yeux, légèrement empourprée.
— Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire... Je ne veux juste pas que tu te mette dans le pétrin encore.
— Ça va... Je sais ce que je fais. Tu sais, il suffit de demander à la bonne personne, termina l'archère en lui faisant un clin d'oeil mesquin.
Elle contourna son amie et se dirigea vers la salle de classe d'Eldarytzan. Fayne abandonna la lutte et en soupirant, elle se mit à suivre Azéna.
Ils cherchèrent pendant un moment. Le maître n'était pas aisé à trouver. Sûrement parce que en ce jour, les cours n'avaient pas lieu.
— Mais où est-il ? questionna l'aéromancienne avec rogne.
Elle entra dans le Grand Hall. La gigantesque salle avait été décoré en guise du Festival du Crâne. Les flammes artificiellement maintenues par magie étaient noires au lieu de vermeil. Sinon il y avait des lanternes en papier suspendues à des pôles près des tables, illuminant d'un variété de teintes joyeuses, contrastant celles sombres. Des faux esprits flottaient près de la voûte et s'amusaient comme des enfants. C'était bien plus chaleureux qu'à Norkux.
Déjà, Azéna appréciait plus cette fête. Elle ne savait pas où Serfantor reposait donc elle ne pouvait pas aller le visiter, mais au moins, elle pouvait lui rendre hommage.
Il n'y avait personne dans le Grand Hall mis à part une femme qui était installé à la table des maîtres qui faisait face aux autres. À mesure que la demi-elfe approcha, elle put identifier Nymia Valkirel. Elle paraissait aussi épuisé que sa fille. Elle se faisait sûrement du soucis pour elle. Fayne parut attristée par cette vision et tira la manche de l'archère.
— On devrait peut-être la laisser tranquille...
— Juste une petite question et on part, lui assura Azéna.
La brunette grimaça, mais continua de suivre son amie. Elle ne semblait pas à l'aise du tout avec cette décision.
— Maîtresse Nymia, dit la rebelle en se prosternant légèrement.
La blonde leva le regard du parchemin qu'elle étudiait et croisa les yeux bleu pétillants de l'apprentie. Les siens étaient de la même couleur, mais tiraient plus vers le gris. Elle portait son armure légère, même lorsqu'elle en avait clairement pas besoin. Elle était sûrement sur les nerfs depuis l'attaque du Gok'Mok.
Pendant un instant, elle eut un sourire en coin, mais celui-ci s'effaça rapidement.
— Que voulez-vous, toutes les deux ?
Les deux adolescentes se mirent à parler en même temps et elle n'y compris rien du tout.
— Une à la fois...
Fayne se dépêcha de commencer à parler la première.
— Pardonnez-nous, Maîtresse Valkirel.
Azéna s'avança et fit signe à la Litfow que c'était son tour.
— Nous cherchons Eldarytzan.
— Maître Valkirel, corrigea Fayne en roulant les yeux. Zé, montre un peu de politesse envers nos supérieurs. Enfin !
Nymia fronça les sourcils, suspicieuse. Elle déposa sa plume lentement et se redressa encore plus droit si c'était même possible.
— Maître Valkirel doit être au lit, informa-t-elle. Il est hyper tôt. Qu'est-ce qui se passe ?
Azéna se gratta le derrière de la tête avec nervosité. Elle poussa un petit rire maladroit.
— C'est que...
— Nous désirons célébrer le Festival du Crâne, interrompit Fayne.
— De quelle façon exactement ? questionna l'adulte dont les paupières baissaient puis, soudainement, s'ouvraient.
Les deux adolescentes échangèrent un regard inquiet.
— Si je peux me le permettre, vous devriez aller vous reposer Maîtresse Valkirel, conseilla Fayne de sa voix pleine de douceur.
— C'est gentils Fayne, répondit la blonde. Mais j'ai beaucoup de travail et, pour tout t'avouer, j'ai un peu de mal à trouver le sommeil dernièrement. Maintenant, expliquez-moi ces plans.
Son attention dévia vers quelque chose qui se trouvait en arrière du trio. Bientôt, le son rythmé de bottes retentit au travers du hall. Quelqu'un approchait.
— Bon matin, ma douce ! s'exclama la voix familière d'Eldarytzan. Tu étais absente alors...
Il se tut aussitôt qu'il se rendit compte qu'ils n'étaient pas seuls. Il s'attendait probablement à ce qu'elle soit seule.
— Heu... Je veux dire...
Il se racla la gorge, leva la tête haute et adopta une posture bien droite qui le fit paraître légèrement plus grand.
De son côté, Nymia ne semblait pas impressionnée. Elle dardait l'elfe lunaire du regard, sa mâchoire plus serré.
— Ça tombe bien. Azéna et Fayne te cherchaient.
Eldarytzan s'arrêta à côté des adolescentes, les mains entrecroisées derrière son dos.
— A-ah bon ? Et pourquoi cela ?
— Elles allaient justement me le partager. Faites vite. J'ai du travail à faire.
L'elfe eut un sourire en coin. Il savait quelque chose d'amusant à propos de cette situation et Azéna mourrait de savoir quoi. Lui et Nymia la faisaient rire avec leurs intérations folles.
— Nous voulions faire un bûcher pour un ami qui est décédé... Enfin... C'est cela qu'on croit, expliqua l'archère à une vitesse insensée.
Fayne et Nymia la fixèrent avec confusion. Par conséquent, Eldarytzan semblait avoir compris. Il hocha la tête en marmonnant.
— Nous ne pouvons pas dresser un feu ici, encore moins un bûcher. Il faudrait sortir des limites d'Atgoren pour le faire.
— Un bûcher ? Mais vous n'avez pas de cadavre à brûler, dit Nymia assez sèchement. Enfin, je l'espère. Ce n'est pas un jeu.
— Je te l'avais dis, marmonna Fayne en s'approchant de l'oreille d'Azéna.
Les trois fixèrent la blonde au regard sévère comme des chiots piteux.
— Bon, bon... Allez, ouste, dit-elle. Je n'ai rien vu. Je n'ai rien entendu. Juste... allez à une distance raisonnable de la cité.
Elle retourna à son travail. Eldarytzan sourit tout simplement. Azéna et Fayne poussèrent un cri, savourant leur victoire et détalèrent le long du hall comme des gazelles qui venaient de vaincre un lion.
✦×✦
Ce soir là, sous le ciel illuminé d'une abondance d'étoiles et d'une pleine lune ébène qui commençait légèrement à viré sur le bleu, le bande d'amis se regroupèrent sur la colline où, en temps normal, Azéna et Tyrath s'entraînaient avec Argoshin. Le demi-dragon était, bien évidemment, absent.
Accôtée contre l'unique arbre dans le coin, Nixie-Elle frottait l'une de ses épées courtes contre une pierre à aiguiser. Elle évitait le regard de tout le mond et semblait légèrement irrité, peut-être même déçu. Sièrre, sa partenaire sombre, était lové en boule à sa droite et surveillait les autres d'un oeil serpentin.
Arièlla et Harath se cajolaient. C'était la première fois qu'Azéna voyait la dragonne rouge agir si affectueusement.
Les dragons s'étaient chargés de récupérer des troncs et branches d'arbres. Ensembles, ils les entassèrent afin de créer un tas immense qui pointait vers le firmament magnifique.
— Ça va être le plus gros bûcher que j'ai jamais vu, souffla Fayne, les yeux pétillants d'émerveillement.
Azéna en avait vu des impressionnants. Chaque fois qu'un membre de la famille Kindirah tombait, une grande célébration de leur vie était lancée et cela incluait un bûcher assez gigantesque merci. Elle n'osa pas le dire, ne voulant pas blesser son amie qui avait grandi dans la pauvreté.
— Tu es prête Naëshirie ? demanda Teriondil en lui tendant la main. Pour l'ejsh'yal.
La petite elfe métisse se tenait à côté d'Azéna. Elle lui prit la main et ensemble, ils se dirigèrent calmement vers le bûcher.
— L'ejsh'yal ? questionna Tyrath et Azéna, le duo confus.
— J-je sais pas, dit Fayne.
Les deux furent choquées que la brunette ne connaissait pas la réponse. Elle passait son temps à apprendre et à absorber de l'informations.
— L'ejsh'yal est un rituel elfique, communément pratiqué par les elfes sylvains, qui honore un mort et qui guide l'âme au Berceau des âmes, dit Arièlla sur un ton étrange, comme si elle était émerveillé par ce qu'elle vivait, mais qu'elle n'arrivait pas à l'exprimer.
Lorsqu'Azéna se tourna vers les deux Nadaléens, ils étaient entrain de danser de façon aussi sauvage que belle et dans leur sillage, une série de lucioles élémentaires, vertes et brunes, flottait paisiblement. Ils chantonnaient en elfique. Elle ne comprenait pas les paroles, mais elle se sentait attirée au spirituel qui les entourait.
— Merci Azéna, dit Arièlla qui se tourna vers elle avec un petit sourire.
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