Chapitre 5.
Enzo avait particulièrement mal dormi. Déjà, il avait passé une grande partie de la nuit à tourner et retourner en boucle ses brèves rencontres avec Camille, et à confectionner des plans. Ensuite, lorsqu'il avait enfin réussi à s'endormir, il s'était réveillé sans aucune raison une heure avant le lever du jour, avec une sensation perturbante dans sa poitrine, qui l'avait quitté presque tout de suite.
Il avait donc décidé de prendre Camille en embuscade dans la salle à manger, car la chambre qui lui avait été attribuée dans la section des soldats ne comportait pas de cuisine.
Seulement, il avait attendu toute la matinée, elle n'avait pas pointé le bout de son nez. Il avait fini par en conclure qu'elle avait une cuisine dans son logement. Cette idée lui rappelait qu'elle avait peut-être déjà un compagnon, et ça le mettait en rogne.
Il était donc parti demander conseil à son ami de toujours, Alan. Il n'eut d'ailleurs aucun mal à le trouver, puisqu'il le surprit en train de réclamer les faveurs de Maya dans l'infirmerie.
Il lui grogna dessus lorsque Maya s'en servit pour le dérouter, mais accepta tout de même de discuter avec lui.
— Tu cherches Camille ? Elle doit déjà être dans son bureau, mais tu sais, Ethan a dit que tu pouvais te reposer quelques jours avant de venir donner un coup de main...
Enzo fronça les sourcils.
— Pardon de demander ça, mais quel est le rapport avec Camille ?
Alan parut décontenancer quelques secondes avant que son regard s'illumine.
— Ne me dit pas que la jolie Camille à attiré ton regard ! s'amusa-t-il.
Enzo renifla.
— Sans commentaire.
— Laisse tomber, Enzo, soupira Maya en entrant dans la pièce.
Elle avait visiblement entendu la conversation.
— Camille est mon amie et je l'adore, mais elle fuit les relations comme la peste. Et puis, tu es trop gentil pour elle, elle ne te mérite pas.
Enzo ne put s'empêcher d'être soulagé. Si elle fuyait les relations, c'était qu'elle était forcément célibataire ! Ce serait beaucoup plus simple pour la convaincre d'une relation avec lui.
— C'est pas une image très glorieuse que vous m'offrez.
Maya soupira.
— Tu as raison, Camille est une fille géniale, mais elle veut toujours tout gérer toute seule ! Elle est devenue adulte trop rapidement, voilà tout ! En revanche, si tu veux juste coucher avec elle, elle est très ouverte sur le sujet.
Enzo grimaça. Ouverte à quel point ? Il n'était pas certain d'avoir envie de le savoir. Son loup était une créature jalouse, il n'aimait pas l'idée que d'autres hommes aient pu profiter des faveurs de sa compagne.
— Je te déconseille quand même de t'y risquer, Camille et la louve la plus dominante de la meute, elle ne plaisante pas quand elle grogne.
Enzo savait qu'Alan ne disait pas ça pour être méchant, pourtant, il sentit son loup ce hérissé à l'idée d'abandonner.
— Merci pour le conseil, mais désolé, Camille est trop intrigante, je crois que je vais aller tâter ses griffes.
Alan éclata de rire en attirant sa compagne sur ses genoux.
— Tu as bien raison, Camille n'a qu'à bien se tenir. Son bureau est dans le même couloir que celui d'Ethan, il y a une jolie plaque à son nom sur la porte.
Alan lui fit un clin d'œil et comme il commençait à retrousser la robe de Maya sous ses gloussements, Enzo décida qu'il était temps de s'éclipser.
Il n'eut aucun mal à trouver la porte du bureau de la jeune louve. À vrai dire, l'écriteau disait « Camille Balefule, Ressources Humaine ». Tiens donc.
Il toqua et attendit que la rousse l'invite à entrer pour ouvrir la porte.
***
Camille invita l'intrus à entrer dans un marmonnement bref. Elle travaillait sur le dossier d'une jeune soumise d'une maladresse affligeante. Certes, elle était encore jeune, mais il fallait la former, et elle ne savait pas où la mettre. C'était déjà la troisième formation qu'elle lui proposait, et elle était allée de catastrophe en catastrophe. Il allait falloir qu'elle apprenne à canaliser sa maladresse.
Elle en était là dans ses pensées lorsqu'une odeur sauvage et dangereuse lui fit relever vivement la tête. Enzo se tenait devant la porte fermée, ses yeux gris plus sombre que d'habitude, lui semblait-il. Elle retint son souffle alors que tout son être se tendait vers lui. Il était diablement sexy. Ses cheveux bruns étaient en bataille, et il s'était débarrassé de sa barbe de plusieurs jours, dévoilant une mâchoire carrée et un cou aux tendons apparent qui lui donnait envie de mordre.
Sa louve se jeta sur les parois de son esprit, déchiqueta ses pensées à coup de griffes psychiques.
Non ! hurlait-elle de douleur. Pas encore, non !
Camille se leva brusquement, faisant renverser sa chaise, elle se hérissa.
— Qu'est-ce que tu fais là ? gronda-t-elle.
Il leva les mains avec un air innocent.
— On m'a dit que c'était ici pour être assigné à un poste...
Camille battit des cils, décontenancé. Bien sûr qu'il était là pour un poste, mais quelle cruche ! Que croyait-elle au juste ? Elle l'avait clairement repoussé.
Elle farfouilla dans ses tiroirs et sortit un questionnaire vierge qu'elle lui tendit.
— Réponds-y tranquillement et reviens demain.
Mais au lieu de ça, il s'installa sur le fauteuil en face de son bureau et commença à rédiger après lui avoir volé un stylo.
Camille resta figé alors qu'il semblait parfaitement détendu et répondait à toutes les questions sans aucune hésitation. Elle songea qu'il devait avoir l'habitude de ce genre de questionnaire. Ce qui lui rappela que c'était un solitaire. Il s'en irait dès que l'hiver serait terminé. Il s'en irait.
Inspirant profondément pour se calmer – ce qui eut pour effet d'attirer à elle l'odeur dangereuse et sauvage de l'intrus – elle se tourna vers le tableau des patrouilles. Ça faisait des années que c'était elle qui créait les duos des patrouilles, même si quasiment personne ne le savait. À vrai dire, lorsque Lashlan, leur ancien alpha, avait découvert son don pour l'organisation, il avait demandé à Joshua – un ancien lieutenant qui était parti en même temps que son chef – de la former. Son mentor lui avait appris à organiser et à placer chaque loup là où il devait être pour optimiser un maximum les ressources de la meute. Mais il lui avait surtout appris à se sacrifier pour la meute, lorsqu'il n'y avait, par exemple, pas assez de soldats pour les patrouilles. En regardant le tableau, Camille remarqua qu'elle avait écrit son propre nom sur tous les jours de la semaine, à des horaires différents et sur des parcours différents. En général, ceux que personne ne voulait prendre, tôt le matin, en plein milieu de la journée et la nuit vers minuit. Et près de la frontière avec Lord Arthus, aux endroits les plus éloignés du manoir et du côté de la chaîne de montagnes. Des endroits qui nécessitaient au moins une heure de course aller-retour, en allant vraiment vite.
— Tu sais faire des patrouilles ? demanda Camille.
Elle se tourna vers Enzo, qui avait relevé la tête de son questionnaire.
— Évidemment... mais tu me confierais la sécurité de la meute, toi ?
Camille se figea, il avait raison. Mais en même temps...
— Si Ethan te fait confiance, alors moi aussi.
Elle se retourna sur le tableau et effaça son propre nom pour trois patrouilles en plein jour du côté du volcan au Dhrakon. Elle en choisit deux autres, une tôt le matin et une de nuit sur les flancs les plus éloignés du manoir.
— Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres meutes, mais ici les patrouilles se fond à deux, passe dans la salle commune des soldats pour voir les changements sur le tableau et savoir quand tu prendre ton tour de garde et qui sera ton binôme. Dis-lui que tu viens de ma part, il t'expliquera comment ça fonctionne.
Camille se retourna pour s'assurer qu'il l'avait bien entendu, sauf qu'il était juste derrière elle et elle dut retenir un sursaut involontaire. Heureusement, il semblait plus intéresser par le tableau derrière elle que par ses réactions. Il ne laissa rien paraître quant au fait qu'elle lui avait laissé les pires patrouilles. Au lieu de ça, il reporta son regard sur elle et lui tendit le questionnaire.
Proche, trop proche, songea Camille alors qu'elle pouvait sentir l'odeur de son après-rasage. C'était stupide de sa part, mais elle avait envie de venir frotter sa joue contre la sienne pour chercher de réconfort.
Stupide, vraiment stupide.
Prenant la feuille qu'il lui tendait, elle s'écarta vers son bureau.
— Je t'enverrais un emploi du temps avec des tâches convenant à tes compétences, marmonna-t-elle en rangeant sa fiche avec celle des autres loups.
Comme il ne répondit rien, et qu'elle ne l'entendit pas bouger, elle se retourna. Pour le découvrir de nouveau juste derrière elle. Mince, elle ne l'avait pas entendu ! Comment pouvait-il se déplacer si silencieusement ? Elle devait vraiment être distraite ! Il la dévisageait avec ses yeux de loup, rouille, la tête légèrement penchée sur le côté, comme un chasseur.
Camille déglutit, et rejeta les épaules en arrière, ce qui eut pour effet de mettre sa poitrine en avant.
— Éloigne-toi, ordonna-t-elle en s'appuyant contre son bureau pour mettre de la distance entre eux.
Il battit lentement des cils avant se faire un pas en avant et de se pencher, plaçant ses mains de chaque côté du bureau, il se pencha vers elle.
— Pourquoi résistes-tu, Camilla... chuchota-t-il dans ses cheveux. Tu sais aussi bien que moi qu'on est fait l'un pour l'autre...
Ça, oui, Camille le savait.
— Camille, marmonna-t-elle sans oser relever la tête. Je m'appelle Camille, pas Camilla.
— Regarde-moi, réclama-t-il en baissant la tête vers elle.
La louve rousse hésita quelques secondes, mais la tentation l'emporta et elle releva la tête. Il la dominait de sa haute stature, bien qu'elle soit nettement moins imposante que celle d'Ethan. Il se pencha davantage et leur lèvre s'effleura. Camille eut l'impression de recevoir un choc électrique dans toute sa colonne vertébrale.
Choc qui la sortit de la léthargie dans laquelle l'avait plongé la présence de l'homme.
— Tu es mienne...
Reprennent brusquement ses esprits, elle sortit les griffes et lui laboura le torse, le faisant s'éloigner vivement. Profitant de l'espace qu'il lui offrait involontairement, elle mit le bureau entre eux.
— Je n'appartiens à personne ! s'exclama-t-elle en grondant.
— Tu sais que c'est faux, rétorqua Enzo, qui sembla s'agacer.
Camille secoua la tête, perturber et perdu.
— Qu'est-ce que tu en sais, solitaire ? Tu ne me connais pas, tu ne sais pas qui je suis, ni quelle est ma vie, qu'elles sont mes désirs, ce à quoi j'aspire, et qu'elle est mon passé. Comment peux-tu prétendre que je t'appartiens, alors qu'on ne se connaît pas ? Un lien d'opposé ne fait pas tout ! Même, il ne fait rien du tout ! Ce lien n'existe pas, c'est clair ? Je refuse de l'accepter, je refuse de t'appartenir, et jamais ça n'arrivera ! Alors je te conseille vivement de te tenir le plus éloigné de moi possible ou je te jure que je vais te montrer pourquoi je suis lieutenante !
Camille reprit difficilement son souffle après sa tirade. Elle bouillonnait d'une telle colère qu'elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer correctement. Enzo la dévisageait, le regard impassible, comme si ses paroles ne l'avaient pas atteint. Puis lentement, il fit le tour du bureau, d'une démarche de prédateur.
— Tu as raison, Camilla, je ne te connais pas...
Camille se raidit, et même sa louve, qui avait gonflé son pelage dans son esprit, se figea, surprise. Il y avait dans le ton de sa voix une forme de reddition. S'en était presque... Décevant. Il n'allait pas insister ? Cette idée lui déplut, un mâle se devait de courir un peu avant d'avoir le droit de posséder une femelle.
Camille secoua vivement la tête, elle n'était pas du tout dans ce cas avec Enzo. Elle ne voulait pas de lui. Point. Ça ne lui faisait rien qu'il abandonne.
Et peut-être que si elle se le répétait assez souvent, son traître de corps finirait par l'accepter.
Suivant son mouvement vers la porte pour ne pas le perdre de vue – se faire surprendre deux fois était bien suffisent – elle attendit qu'il sorte. Sauf qu'au lieu de ça, il tourna le verrou et s'adossa à la porte.
Camille se tendit, mais il ne la laissa pas parler.
— Mais j'ai envie d'apprendre à te connaître, Camilla.
Camille secoua la tête négativement.
— Non, tu n'as pas envie, tu es juste persuadé que t'as vie serait mieux avec moi, mais c'est faux.
— Comment peux-tu le savoir ? Tu n'as même pas essayé.
Promets-le-moi, Camille ! Promets !
— Je le sais, tout le monde le sait, demande à n'importe qui, je ne suis pas faite pour toi...
— Qu'est-ce que tu sais de ce qui est bien pour moi ?
— Qu'est-ce qui te fait dire que je suis bien pour toi ? rétorqua la louve rousse.
— Je ne sais parce que tu es mon opposée Camille ! nous avons littéralement été créés l'un pour l'autre !
Camille sentit qu'elle était sur le point de craquer. Le corps tremblant de rage, elle ordonna :
— Sors de mon bureau. Maintenant !
Enzo se raidit, il ne semblait pas être le genre de mâle à recevoir des ordres. Dommage pour lui, Camille n'était pas du genre à préserver le petit ego des hommes.
— Camilla... protesta-t-il doucement en faisant un pas en avant.
— VA-T'EN ! hurla-t-elle, hystérique.
Elle se saisit d'une agrafeuse sur son bureau et la lança en direction du mâle, il s'esquiva de justesse.
Enzo leva les mains en signe d'apaisement et fit un pas en arrière.
— Je m'en vais, je m'en vais... il déverrouilla la porte. Mais ce n'est pas fini, Camille, tu sais bien que je ne peux pas abandonner.
La porte se referma à l'instant exacte ou un vase plein d'eau et de fleurs vint s'y exploser.
Tremblante, Camille sentit ses jambes se dérober sous elle, et elle tomba à terre. Un sanglot incontrôlable secoua son corps et elle se recroquevilla sur elle-même.
Elle détestait Enzo, pourquoi lui faisait-il subir ça ? Pourquoi ne pouvait-il tout simplement pas disparaître au lieu de venir la tenter ? Pourquoi les dieux venaient-ils lui agiter sous le nez un tel cadeau empoisonné ?
Le pire dans tout ça, c'est que Camille savait qu'elle allait céder. Et elle se détesterait alors encore plus qu'elle ne détestait Enzo.
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Hello !
Alors, c'est pas gagner entre nos deux protagonistes, on dirait ! Il va falloir beaucoup de patience à Enzo pour réussir à apprivoiser notre fougueuse Camille !
J'espère que ce chapitre vous a plus, je vous enjoins a ne jamais hésiter à me laisser votre avis en commentaire ! ça me fait toujours très plaisir !
Kiss
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