Chapitre 4.
— Maman ? Chui rentrée ! s'écria Camille en jetant son cartable dans l'entrée et en retirant ses chaussures.
Sa mère avait insisté pour qu'elle aille à l'école des humains, elle disait qu'il était important de se fondre dans le décor. Camille n'avait que huit ans, alors elle obéissait à sa mère et se déguisait en humaine pour suivre les cours du petit village qui bordait le territoire. Il n'y avait qu'un seul professeur et moins de trente enfants de tout âge qui participait au cours, mais Camille n'avait pas d'ami. Il y avait très peu de filles dans son école, et les garçons la trouvaient bizarre. Elle, elle ne les aimait pas, les humains avaient une drôle d'odeur sur eux, qui lui faisait peur. En plus, ils la regardaient bizarrement pendant les cours de sport. Il fallait dire qu'elle était plus rapide et plus forte qu'eux. Elle-même ne comprenait pas pourquoi ça les dérangeait, elle battait beaucoup de changelins de son âge à la course. Elle était si rapide que parfois l'alpha l'envoyait porter des messages jusqu'à l'autre bout du territoire.
— Maman ? appela-t-elle de nouveau lorsqu'elle ne reçut aucune réponse.
Un mauvais pressentiment l'a pris à la gorge. Son nez d'humaine n'était pas très puissant, et tant qu'elle ne se serait pas transformée pour la première fois, il ne le serait pas plus qu'un humain, pourtant, il lui semblait déceler une odeur qui n'aurait pas dû être là.
— Maman...?
Camille déglutit et s'avança dans le couloir. La porte du salon était entre ouverte.
— Maman...
Une ombre dansait sur le mur et le plancher.
— MAMAN !
Camille se réveilla en sursaut, les jambes entortiller dans ses couvertures, la respiration haletante, en nage. Elle posa vivement une main sur sa bouche pour étouffer un sanglot et força son souffle à se calmer pour reprendre le contrôle de son corps. Un cauchemar, ce n'était qu'un cauchemar. Elle tendit l'oreille, pour déceler quatre respirations tranquilles. Soupirant de soulagement, elle réalisa que ses louveteaux dormaient à poing fermé, et qu'ils ne l'avaient pas entendu.
Se levant doucement, elle repoussa ses couvertures et se saisit de ses vêtements avant d'aller dans la salle de bain attenante à sa chambre. Le petit appartement familial qu'elle partageait avec Llea, Roméo, Tydian et Keen, ses quatre louveteaux adoptifs, possédait cinq chambres, mais seulement deux salles de bain, dont l'une n'était accessible que par sa chambre – raison pour laquelle elle avait choisi cette chambre en s'y installant à l'âge de dix-huit ans, lorsqu'elle avait pu adopter le quatuor légalement.
Elle prit une douche fraîche et s'habilla. En temps normal, elle aurait peut-être joué les pimbêches avec une minijupe et un croc-top, mais pas ce jour-là. Elle ne se sentait pas d'attaque à répondre ou à repousser les avances des jeunes mâles de la meute. Alors elle sélectionna plutôt un pantalon tailleur avec une veste vert foncé.
Lorsqu'elle sortit de sa chambre – qui était la première porte de couloir, deuxième petit plus pour empêcher sa bande de fauteurs de trouble de fuir pendant la nuit – elle aperçut assis sur un tabouret du comptoir un de ses louveteaux. Elle reconnut Tydian.
— Je t'ai réveillé ? chuchota-t-elle, en sentant ses instincts maternels faire refluer la glace dans ses veines.
Il secoua la tête pour lui assurer que non, avant de se passer la main dans les cheveux d'un air distrait.
— Je ne dormais pas.
Il faisait encore nuit dehors, mais son instinct lui soufflait que le soleil ne tarderait pas à se lever, alors elle vint s'asseoir à côté de son fils.
— Dis-moi tout, mon grand...
Tydian pinça les lèvres et hésita, mais finalement l'instinct prima sur la fierté et il se confia à sa mère.
— Les garçons de mon âge disent que je ne suis pas un vrai loup parce que je ne sais pas me transformer, déplora-t-il.
Camille soupira. Tydian avait déjà quinze ans, il en aurait seize dans trois mois et contrairement à ses deux frères et à sa sœur, son loup n'était pas encore sorti. C'était embêtant et ça ne pouvait dire que deux choses : soit Tydian était extrêmement soumis, et son loup timide n'osait pas sortir. Soit Tydian était extrêmement dominant et son loup attendait qu'il soit prêt à l'accueillir et à le contrôler, au risque qu'il ne sombre dans une fureur meurtrière.
Camille penchait plutôt pour le premier cas, Roméo et Keen étaient des dominants, et Llea – même si son comportement ne le laissait pas voir – était une soumise. Il ne serait donc en rien étonnant que Tydian le soit aussi, pour équilibrer la balance.
Malgré ça, ils allaient devoir faire quelque chose pour forcer le loup de Tydian à sortir, où il risquerait d'avoir de sérieux problème avec. Il avait fallu cinq ans à Ethan pour contrôler correctement ses transformations. Parfois, le loup avait pris le dessus pendant plusieurs jours, d'autres fois, il avait été incapable d'amorcer la transformation pendant plusieurs semaines. Camille l'avait accompagné durant tout le processus, et jusqu'à ce qu'Elina arrive, ça avait toujours été vers elle qu'Ethan avait cherché de l'aide.
Camille jeta un coup d'œil sur la cicatrice blanche qui déchirait son bras droit, vestige d'une grave blessure infligée par Ethan l'hiver dernier dans l'idée de protéger sa compagne. Jamais Ethan ne l'avait blessée, elle avait toujours réussi à apaiser ses fureurs, mais pas ce jour-là. Et elle présentait que plus jamais elle ne pourrait le calmer.
Mais elle pouvait encore le faire pour son garçon.
— Viens là, mon grand, soupira-t-elle en l'attirant entre ses bras. Je vais en parler à Mike, il t'aidera à faire sortir ton loup comme il a aidé notre Alpha.
Tydian hocha la tête.
— D'accord, en attendant je continuerais à m'entraîner pour courir aussi vite de Roméo, Keen et Llea quand il se transforme.
Camille sourit.
— Excellente idée, tu veux que je te prépare un petit-déjeuner ? proposa-t-elle.
Tydian s'écarta vivement en écarquillant les yeux, catastrophé.
— Non, ça va aller, je m'en charge !
Il quitta le tabouret pour préparer de quoi manger. Camille renifla, à la fois amusée et légèrement vexée.
— Je ne suis pas une cuisinière si catastrophique que ça, protesta-t-elle.
— Tu nous as fait brûler des pâtes, maman, fit-il remarquer.
— C'est arrivé une fois, j'ai oublié de mettre de l'eau.
— Tu as fait cramer un plat tout prêt de Gracias.
— Le four était défectueux ! se défendit-elle.
— On a fait une intoxication alimentaire après que tu aies tenté de faire une salade au fruit de mer, bâilla Llea en entrant dans la cuisine, à moitié endormi.
Elle passa les bras autour des épaules de Camille et fit mine de se rendormir contre son dos.
— Tu m'as donné du lait quand j'étais bébé, alors qu'on t'avait dit que j'étais intolérant au lactose, ajouta Keen en venant ébouriffer les cheveux blonds de sa sœur, qui de toute manière n'était pas coiffé.
— Tu as confondu l'huile de coco avec le gèle pour mes cheveux, conclus Roméo en entrant à son tour.
— Oui, mais là, c'était surtout toi qui avais échangé l'huile de coco avec le gèle pour cheveux ! gloussa Llea.
Roméo offrit un de ses sourires de pure innocence mêlés à une touche de mauvais garçon.
— C'était juste un test. Enfin, ce qui compte, c'est qu'on ait tous survécu jusqu'à ce que Tydian apprenne à cuisiner !
— Je n'ai pas été une si mauvaise mère que ça ! protesta Camille en passant par réflexe les doigts dans les courtes mèches blondes de Llea pour les démêler.
— Non c'est vrai, tu m'as coupé les cheveux une fois, c'était presque potable, se remémora Llea.
— Oh ! Oui, elle t'avait fait une coupe au bol et on t'avait fait passer pour moi, se souvint Roméo.
Enfant, ces deux-là se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, heureusement avec le temps Llea avait pris des formes féminines et la voix de Roméo avait mué.
Et alors que ses enfants se remémoraient quelques anecdotes, Camille sut qu'elle n'avait besoin de rien d'autre. Un automne et un hiver, ce n'était pas grand-chose. Elle ferait clairement comprendre à Enzo qu'elle n'était pas intéressée, et il la laisserait tranquille. Puis il s'en irait et elle ne le reverrait jamais.
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