Chapitre 9 : La Vengeance d'une Femme

Enfin, ils s'embrassaient... Disons plutôt que madame de Crisance avait bloqué le Marquis contre la bibliothèque, pour entreprendre une exploration poussée de sa cavité buccale. Ce que monsieur Florentin ne semblait pas particulièrement apprécier, vu comment il empoigna ses épaules pour la repousser.

-Jarnicoton ! rugit-il. Combien de fois devrais-je vous le dire !? Vous ne m'attirez plus !

-C'est impossible, ronronna la veuve en ondulant des hanches. Nous nous entendions si bien... dans le lit...

-Votre petite incartade avec le Comte Valérian d'Himeline a mis un terme à toute entente entre nous, madame. J'espère que c'est clair, maintenant ?

Médusée, Léopoldine resta sur le pas de la porte, incapable de bouger. Ils ne l'avaient toujours pas vue. Pour cause, la dame était de dos, et Florentin semblait résister à une furieuse envie de l'étrangler.

-Le Comte Valérian n'est rien pour moi ! De plus, il a disparu...

-Le Comte Valérian a tenté de tuer ma sœur ! rugit Florentin. Que vous ayez fricoté avec lui vous ôte toute chance de me revoir un jour dans votre lit, alors cessez de me poursuivre de vos assiduités !

-Je n'y suis pour rien dans cette tentative d'assassinat !

-Que vous y soyez pour quelque chose ne change rien au fait que je ne vous désire plus !

-Parce que vous préférez cette petite pimbêche, peut-être !?

Le Marquis serra les poings, l'air tellement furieux que Léopoldine claqua la porte. Cela eut le mérite de mettre un terme à l'escalade de colère entre eux.

-Madame de Crisance, je pense que nous allons mettre les choses au clair, fit-elle calmement. Monsieur Florentin est mon amant. Approchez-vous encore de lui, faites-lui encore des avances, et vous verrez de quoi est capable la pimbêche.

-C'est une menace ?

-Tout à fait.

-Oh !

Furieuse, la belle veuve quitta la bibliothèque telle une tornade. Seuls, le Marquis poussa un profond soupir. Adossé aux étagères de bois clairs alourdis par les livres, il semblait sincèrement soulagé. Tendant l'oreille, la sorcière entendit des murmures dans le couloir, derrière les lourdes portes de bois.

-Merci, mademoiselle Léopoldine. Je ne savais plus comment...

-Monsieur Florentin, le coupa-t-elle en s'avançant vers lui. Vous avez un atroce caractère. Pourquoi ne pas être capable de repousser une femme ?

Il se passa une main sur son ombre de barbe, l'air soucieux.

-Car je n'aime pas faire pleurer les femmes. De fait j'ai du mal à être ferme avec une ancienne... conquête.

-Dans ce cas, je le serais pour vous.

Elle se planta à un cheveu de lui. Le visage levé vers le sien, elle fut de nouveau surprise par la soudaine tension entre eux. Elle n'était pas... désagréable. Plutôt sensuelle.

-Des curieux se demandent comment nous allons réagir suite à ce petit souci, murmura-t-elle. Ils nous espionnent.

-Ooh... souffla-t-il en posant une main sur sa hanche. Selon vous, comment deux amants devraient-ils réagir ?

-Je dirais... qu'une maitresse tenterait de marquer son territoire.

Les yeux de monsieur Florentin s'assombrirent, son timbre se fit soudain plus rauque. Un frisson parcourut la peau de Léopoldine, tandis qu'elle glissait les doigts le long du revers de sa veste. Inconsciemment, ils étaient penchés l'un vers l'autre, leur souffle se frôlant déjà.

-Et comment le marquerait-elle ?

-De la plus érotique des façons, chuchota Léopoldine en faisant glisser sa main le long de la cuisse du Marquis, non loin de son entrejambe.

Par bonheur, cela eut l'effet escompté. Il l'attira à lui, pour un baiser qu'elle lui rendit avec un grondement sourd. Cela n'avait rien de chaste, rien de sensuel. C'était grisant, entêtant... Sa langue jouait une danse experte, dont Léopoldine suivit le rythme avec un enthousiasme indécent. Avant même de s'en apercevoir, elle avait glissé les mains sous la chemise du Marquis, pour toucher ce corps qui la tentait depuis si longtemps.

Sa peau était douce, ses muscles fermes sous ses doigts. Elle parcourut son torse, dessina le contour de ses abdominaux avant de descendre de façon dangereuse... Sa progression fut à peine perturbée par un bruit de tissu déchiré : il venait de lui arracher robe et corset. Elle se retrouva soudain en chemise et jupons devant lui, ce qui ne la gêna pas.

Bien au contraire.

Enhardie, elle fit sauter les boutons de son pantalon. Il poussa un grondement sourd contre ses lèvres, la souleva du sol. Cela eut le mérite de lui faire lâcher un couinement surpris. La satisfaction prit rapidement le pas lorsqu'il l'allongea sur le canapé, pour la contempler d'un regard avide. En constatant l'effet qu'elle produisait sur une certaine partie de son anatomie, elle rougit en dépit des circonstances. Elle se redressa, l'empoigna par sa chemise et le força à la rejoindre sur les coussins.

Dans un pêle-mêle de bras, de jambes et de caresses, elle se retrouva bientôt nue contre lui, la peau en feu. Débarrassé de sa chemise, Florentin entreprenait de couvrir de baisers ce petit corps à sa merci. Léopoldine se cambrait en gémissant sans honte, pour la plus grande joie de son partenaire. Soudain, elle sentit ses doigts s'aventurer sur son intimité. Le souffle coupé, elle exhala une plainte pleine de luxure, avant de rouler sur le côté pour lui échapper. Surpris, il la regarda... Avant de comprendre ses intentions.

Agenouillée entre le canapé et la table basse, elle se logea entre ses cuisses avec un rire gourmand.

-Léopoldine... fit-il, le souffle court. Tu ne p...

-Oh, Florentin... susurra-t-elle en dégageant de ses chausses son impressionnante érection. Si tu savais depuis combien de temps j'ai envie de faire cela...

Ses lèvres se posèrent sur le gland rose. La saveur si particulière d'un homme, d'une fée qui plus était, envahit son palais. Le Marquis poussa un gémissement en glissant ses doigts dans sa chevelure rousse. Grisée par ce son, elle entreprit de le lécher sur toute la longueur de son sexe, avant de le prendre en bouche. Une main en appuie sur la cuisse contractée de Florentin, l'autre enserrant la base épaisse, elle entreprit de lui faire une fellation dans les règles de l'art. Sa respiration se fit de plus en plus saccadée, excitant la sorcière encore davantage. Elle avait dans l'idée de le faire jouir, mais il ne l'entendait pas de cette oreille.

Se retrouvant soudain renversée sur la table basse, elle se délecta du grondement presque animal de Florentin quand il s'allongea sur elle. Il prit de nouveau sa bouche, avant de la posséder d'un coup de rein puissant. Un cri de plaisir emplit la bibliothèque quand elle sentit son sexe la pénétrer, l'emplir de façon délicieuse. Il ne cessa de l'embrasser, d'agacer sa poitrine tendue tandis qu'il allait et venait en elle. Perdant la tête dans ce torrent de désir et de plaisir, elle lui griffa le dos, la naissance des fesses.

Quand enfin l'orgasme les submergea, plus rien d'autre n'existait.

*

Léopoldine se réveilla tôt le lendemain. Il faisait encore nuit, et elle eut la surprise de ne plus savoir tout à fait où elle se trouvait. Les souvenirs eurent tôt fait de revenir quand la chaleur d'un grand corps contre le sien lui parvint.

Oh... mon... Dieu.

Elle venait de devenir officiellement la maitresse de monsieur Florentin.

Mortifiée, le rouge aux joues, elle se demanda comment ils en étaient arrivés là. Puis elle se souvint l'avoir indéniablement provoqué la veille au soir. Oh la la ! Il allait la prendre pour une dévergondée ! Surtout après qu'elle lui ait... Enfin, elle ne connaissait pas les pratiques des gens de la haute, mais elle voyait mal ces dames s'adonner aux plaisirs de la chair avec autant d'enthousiasme !

Par bonheur, son partenaire semblait avoir un sommeil de plomb. D'un autre côté, suite à leurs activités, elle ne voyait pas comment il aurait pu en être autrement. Elle-même avait fortement envie de sombrer de nouveau.

Malheureusement, le malaise de la situation la laissait tendue comme un balai dans le lit. Elle devait sortir de là. Elle devait sortir de cette chambre. D'ailleurs, comment avaient-ils fait pour arriver là sans faillir à la décence ? Ils avaient passablement déchiré leurs vêtements respectifs.

Elle était aussi tout à fait nue entre les draps.

Léopoldine réfléchit, ma fille ! s'admonesta-t-elle.

Il était tôt. Elle pourrait certainement rejoindre sa propre chambre sans alerter tous les Millicent. La première étape serait donc de se glisser hors du lit sans réveiller monsieur Florentin. Retenant son souffle, la jeune femme se dandina. Elle se retrouva rapidement hors de la sécurité des draps, toute nue et glacée jusqu'au bout de ses petits orteils.

Bon. Maintenant, il lui fallait trouver de quoi se vêtir. Par bonheur, une robe de chambre d'un bleu roi éblouissant trainait sur l'un des fauteuils de brocart pourpre. Sans hésiter, Léopoldine s'enroula dedans, fut surprise de la voir trainer au sol –monsieur Florentin était bien plus grand qu'elle-, avant de jeter un dernier coup d'œil à son désormais amant.

Allongé sur le ventre, le visage tourné vers elle et ses bras enlaçant un coussin, il avait toujours la beauté d'un dieu grec. Ses cheveux en bataille dégageaient son visage serein dans le sommeil, et le drap blanc, rejeté au pied du lit, laissait voir les lignes de son corps, le galbe de ses fesses, son dos musclé, son...

Elle devait sortir de cet antre du vice !

Se précipitant presque dehors, elle se félicita de ne découvrir personne dans le couloir. Trottant jusqu'à ses appartements, elle s'enferma dans le salon jaune avec un immense soupir de soulagement.

Comment allait-elle faire à présent ? Elle venait d'avoir une aventure avec l'un des hommes les plus puissants et les plus dangereux de France. Le Marquis d'Aresac, héritier des Millicent.

À qui elle était attachée par l'obligation de faire des potions contre le changement de taille.

Non, vraiment... Plus jamais elle n'oserait se présenter devant lui ! Pas après son total abandon, son oubli des convenances !

Un rire aigu retentit dans la chambre, la faisant se tétaniser contre la porte à laquelle elle était restée adosser. Oh non...

-Trainée... chuchota-t-on à son oreille.

Léopoldine fit un bond en arrière, les yeux écarquillés. Personne. Elle tourna de nouveau la tête... Et le visage calciné d'un mort lui feula dessus, juste avant qu'il ne lance les mains pour la griffer.

L'instinct de survie fit son œuvre : d'une parole prononcée d'une voix sèche, la créature fut propulsée à l'autre bout de la pièce. Par tous les saints des cieux ! Pourquoi venait-il l'importuner, après toutes ces années sans pouvoir l'atteindre !?

Des ricanements résonnèrent dans tout le salon jaune. Déjà, le mort se redressait, de cette façon désarticulée si particulière. Léopoldine déglutit nerveusement, en envisageant ses différentes options. En vérité, elle n'en avait guère. Surtout quand des esprits aux allures d'hommes cornus miniatures se mirent à surgir des ombres, pour ramper le long des murs, telles une nuée d'araignées

Démons... mineurs, mais démons tout de même.

-Que la peste soit de cette séance de spiritisme ! s'exclama-t-elle en comprenant soudain.

Elle avait ouvert des portes qui étaient restées béantes depuis ! Pas étonnant qu'elle fasse l'objet de régulières attaques, dans ces circonstances ! Non de dieu de... le mort chargea avec un mugissement inhumain. Prise de panique, Léopoldine recula, butta contra la porte...

Son pouvoir s'imposa à elle dans un élan désespéré. Les murs vibrèrent sous l'impact. Un craquement sembla se propager dans tout le château, tandis que le calciné restait cloué sur place. Les démons, eux, émirent des gémissements désarticulés en tombant telles des mouches sur le tapis d'Orient. Les iris devenus d'un blanc laiteux, Léopoldine sentit ses cheveux se soulever de ses épaules, pour flotter au gré d'un vent éthéré.

Ce dernier était bien réel, pour elle. Et elle les vit, ces portes ouvertes sur l'au-delà. Béant tout autour d'elle, elles avaient été le point d'entrée pour tous ces démons mineurs. Au déploiement de ses dons, elles s'écartèrent un peu plus.

Des hurlements de terreurs se firent entendre dans toute la demeure des Millicent. À tour de rôle, nobles, femmes et maitresses s'éveillèrent, avec pour première vision celle d'un fantôme translucide, aussi surpris qu'eux de se retrouver là.

-Jarnicoton !

Le cri parut lointain à Léopoldine. Les détonations lui parurent bien plus proches, plus encore lorsque la créature calcinée recula sous l'impact des balles. Une à l'épaule. Une au genou. Deux dans le crâne.

L'apparition s'évanouit soudain, à l'instar des petits démons. Ils furent soudain balayés vers la porte... Et deux mains se posèrent sur le visage de Léopoldine. Le lien étant rompu une nouvelle fois de façon abrupte, elle s'écroula dans des bras fermes, froids contre sa peau.

Haletante, elle battit des paupières, ses yeux redevenant émeraude.

-Je... monsieur Florentin...

Essoufflée, elle tenta de se redresser. Néanmoins, le Marquis ne l'entendit pas de cette oreille. Il l'assit d'autorité dans l'un des fauteuils du salon, avant de s'accroupir devant elle, les sourcils froncés. Son regard la parcourut, comme s'il cherchait à distinguer une blessure. N'en voyant aucune, il revint à son visage.

Lui ne portait qu'un pantalon certainement enfilé à la va-vite, et ses cheveux en bataille portaient la marque de leurs ébats. À sa main fumait encore un pistolet à un coup.

-Mademoiselle de Briac. Nous allons avoir, je le crains, une sérieuse discussion.

-Je suis désolée...

-Je l'imagine bien. Vous venez de réveiller à peu près tous les fantômes des individus morts entre ces murs, depuis sa construction.

Hein ? Léopoldine battit des paupières, sans comprendre. Puis elle les vit. Trois, quatre fantômes, debout derrière monsieur Florentin. L'air hébété, ils la fixaient. Puis lui parvinrent les hurlements. Les bruits de cavalcades. La voix tonitruante du Duc, ainsi que celle de la Duchesse. Qu'est-ce que...

-Mon fils ! tonna Angèle de Millicent en ouvrant la porte à la volée.

Nullement surpris, le Marquis d'Aresac leva la tête vers sa mère. En chemise de nuit affriolante, la Duchesse semblait d'une humeur massacrante.

-Tu veux que j'aille chercher Lord Abiscon ? fit-il avec le plus grand calme.

-Oui. Cela m'arrangerait fortement. Nous avons trois ectoplasmes par chambrée, et trois de nos Barons viennent de faire un arrêt cardiaque. J'aimerais préserver le reste de nos invités, si tu n'y vois pas d'inconvénient.

-Je n'en vois aucun, maman. Pourrais-tu envoyer Aliénor et Aurore auprès de mademoiselle Léopoldine ? Son cas, je crois, nécessite une étroite surveillance.

Angèle posa son regard perçant sur la sorcière, qui pâlit un peu plus. Un sourire de mauvais augure étira les lèvres pleines de la Duchesse de Millicent.

-Ne t'en fais pas, mon fils. Je vais personnellement m'occuper d'elle.


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