Prologue


Perchée sur la plus haute tour du château, perdu au fin fond des Enfers, Hell Feguson étudiait attentivement les effectifs en contre-bas. Guère nombreux,il restait là les plus minables au service du Duc de Bathin. Preuve en était la harpie, occupée à se vider de son sang derrière elle.Dans ces lieux avait été enfermée Cassandra, épouse du chef d'Exil. Une erreur stratégique. Pas l'enfermement, mais l'enlèvement en lui-même. Il n'y avait rien de bon à s'attirer les foudres du Bourreau. Désormais, avec des remparts éventrés par un dragon et une foultitude de morts à enterrer, les démons avaient dû retenir la leçon.

Laissant l'adrénaline envahir ses veines, la métamorphe mit un pied au dessus du vide.Elle le savait, Barbatos se trouvait ici, emprisonné par le Duc de Bathin comme une bleusaille. Il avait tout juste eu le temps de confier un message à Potchi, l'animal de compagnie de Cassandra,avant de disparaître corps et âme.

Elle se laissa tomber du haut de la tour. Une déferlante de pouvoir s'abattit sur elle,savoureuse. Elle sentit son enveloppe exploser dans la transformation, vit les murs, les ennemis, l'air prendre un aspect enflammé à l'instant où sa forme alternative prenait le dessus.Une forme qui n'avait pas vu la lumière du jour depuis bien longtemps.

*

Les yeux plissés à cause de la douleur, Barbatos se concentra sur ses menottes. Pendu au plafond par les poignets, il dut se tordre le cou pour y parvenir.Cela réveilla les douleurs causées par ses diverses plaies, si savamment imprimées dans ses chairs par le Duc Bathin. Son dos lui cuisait horriblement, aussi. En plus de sa chair à vif, un sortilèges'ancrait au plus profond de son être, lentement, insidieusement. La sensation s'estompait peu à peu, pourtant, il le devinait, logé en lui.

C'était extrêmement désagréable.

Surtout dans un contexte où il ne pouvait rendre la monnaie de sa pièce à cet angelot de pacotille. Attendez qu'il se débarrasse de ces menottes... Il allait lui montrer de quel bois il était fait !

Malheureusement, des runes recouvraient toute la surface métallique, l'empêchant de se libérer. Le faisant enrager un peu plus encore. Si seulement il nec'était pas retrouvé dans un tel état ! Il aurait explosé ces trucs sans problème ! Mais non. A cause de ce fichu Bathin,qui l'avait téléporté dans cette geôle en plein affrontement, il était bloqué !

Il tira tout de même sur les fers, s'agitant dans l'air. Le seul résultat fut d'amplifier la douleur dans son corps. Bon sang... Ça allait bien finir par se décrocher du plafond ! Il était peut être un ange déchu,mais il pesait son poids, tout de même !

Il tressauta en l'air avec des grognements obstinés. Ça allait céder ! Ça allait céder ! Ça allait... Les menottes s'ouvrirent d'un coup, le faisant tomber tel un sac de patate. Autant pour le coté angélique.Quand on se fracassait le coccyx par terre, on blasphémait automatiquement. Barbatos regarda les menottes, les paupières plissées. C'était tout sauf normal. Certes, sa notion de la normalité était très malléable, mais là... Les fers n'avaient pas lâché sous son poids, non. Ils c'étaient tout bonnement ouverts, le système de fermeture s'étant défait tout seul.

Incertain, l'ange regarda le plafond, et, indirectement, les cieux. Si les glandus du dessus avaient décidé d'intervenir, alors la situation craignait vraiment.

Il eut sa confirmation cinq minutes plus tard, en ouvrant la porte des souterrains dans lesquels il était enfermé. Une vague de chaleur insoutenable manqua le faire roussir en même temps que des flammes. Il referma précipitamment le battant, son cœur battant à cent à l'heure.C'est quoi, ça, encore !? Il recula précipitamment, en sentant le bois devenir brûlant sous ses doigts.

Il avait intérêt à partir, et vite ! Par chance, dans ce type de lieu, il y avait toujours une sortie de secours. Ou plutôt, un passage secret menant soit aux cuisines, soit aux appartements du châtelain. La deuxième option fut la bonne, constata-t-il en soulevant une tenture brodée,placée devant la faille qu'il venait de remonter. La chambre de Bathin, bleu et dorée. Beurk. C'était typiquement angélique,parfaitement anachronique en plein milieu des Enfers.

Néanmoins, le plus étonnant était le chaos qui régnait à l'extérieur. Par les fenêtres encastrées dans d'anciennes meurtrières, Barbatos découvrit un enchevêtrement de flammes, capables de faire fondre la roche elle-même. Les démons courraient en tout sens, terrorisés ou déjà à moitié en feu. Dans quelques heures, il ne resterait plus rien du château de Bathin. L'idée en elle-même lui plaisait, mais pas avec lui dedans.

Il fonça vers une autre porte, espérant trouver un chemin vers l'une des tours. Les flammes montaient haut, pourtant cela lui offrirait une occasion de fuir.Juste avant de sortir, des parchemins noirs, posés sur le bureau du duc, attirèrent son attention. Il s'arrêta net, les yeux plissés.Des parchemins noirs... Alastor lui en avait parlé, une fois. Les ordres donnés par Lucifer lui-même y étaient notés, à l'intention de ses sous-fifres les plus hauts gradés.

Un mauvais sourire sur les lèvres, il s'empara de tous les morceaux de papiers, les enroula et les passa dans son pantalon en lambeaux. Il en profita pour prendre une chemise qu'il enfila, peu désireux d'exposer ses plaies aux infections des Enfers.

Le tout sur lui, il repartit en courant dans le château. Tout le monde avait déjà fui ou brûlait dans un concert de cris à vous glacer le sang. Il trouva des escaliers en colimaçon, les remonta au pas de course, tout en jurant contre les douleurs fleurissant un peu partout dans son corps.Il avait vraiment besoin de soins.

Il atteignit enfin le haut de la tour, où il découvrit le responsable de tout ce chaos.D'un autre coté, il était difficile de passer à coté.

Un énorme oiseau de feu volait au dessus de la cour principale du château, ses battements d'ailes envoyant des vagues de flammes sur ses ennemis. Les yeux écarquillés, l'ange déchu fixa la créature, d'une beauté à couper le souffle. Faite de feu, elle paressait immatérielle et parfaitement réelle, son inconsistance ne la rendant pas moins létale. Elle devait faire la taille d'un lion. L'oiseau tourna sa tête vers lui, avec une grâce qui le fit tiquer. Ses yeux croisèrent les siens.

Attendez... Ce n'était tout de même pas Hell !? Hell Ferguson !?

*

La Ferguson aperçut Barbatos, dont la bouche ouverte était éloquente. Ha... Il avait deviné son identité, en dépit de sa forme alternative ?C'était surprenant. La première fois, même son frère ne l'avait pas reconnu.

Dans tous les cas, elle avait trouvé sa cible. Elle n'avait plus besoin de cette apparence.Rabattant ses ailes le long de son corps, elle fonça droit sur lui.Il eut un mouvement de recul, apparemment persuadé de finir les fesses flambées. Il le mériterait, tient ! Après ce qu'il lui avait fait !

Pourtant, elle abandonna sa silhouette enflammée, cinq mètres au dessus du toit. Elle atterrit avec souplesse sur les tuiles abîmées, sous les yeux écarquillés de l'ange déchu. Elle lui adressa un grand sourire,particulièrement contente d'elle. Bon, l'inconvénient était sa complète nudité. Un des désavantages de la transformation.

-Alors, on a besoin d'aide pour sortir des griffes du grand méchant loup ?Ricana-t-elle.

-Je n'avais besoin de personne, répliqua-t-il aussitôt, piqué au vif. J'étais libre avant même que tu interviennes.

Elle croisa les bras,attirant par là l'attention de l'ange sur ses seins. Même ensanglanté, de traces de suie, de plaies et les cheveux rendus gras par la détention, il restait... Lui.

-Dis-donc, tu n'as pas l'impression d'être ingrat ?

-Je m'en serais sorti.

-Tu as vu ta tête !?S'exclama-t-elle. Tu es en sang !

-Ce n'est pas ton problème !

-Tu as envoyé un message !

-C'était pour ne pas inquiéter mes collègues ! Pas pour que mademoiselle Hell Ferguson vienne me sauver la mise !

-Espèce de...

Un craquement sonore les firent s'arrêter net, suivit du vacillement de mauvais aloi de la tour. Oh oh... Les flammes avaient rongé toutes les poutres !Le bâtiment allait s'écrouler !

-Non mais quel boulet !S'exclama l'ange en l'attrapant par la taille.

Il déploya grand ses ailes blanches, ses plumes agitées par le vent des Enfers. La seconde suivante il décollait, emportant la métamorphe avec lui.Cette dernière poussa un glapissement de contestation, peu désireuse de se retrouver nue et collée à lui.

-Lâche-moi ! Je peux très bien voler toute seule, sale piaf !

-Ha ouais ? Bah alors vas-y, cracha-t-il en s'exécutant.


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