Chapitre 5 : Le Seigneur des Anges


Barbatos se redressa, obligeant Hell à en faire de même. Ses cheveux roux en bataille, elle semblait séchée par son atterrissage directement sur elle. Il gloussa. Elle n'était pas la seule, d'ailleurs. Les gugusses autour d'eux se rapprochaient lentement, sur le qui-vive. Qu'ils fassent mine de l'attaquer, tiens. Il les attendait de pied ferme.

-Attends... C'est une blague !? Explosa-t-elle soudain, en tirant sur la chaîne qui les reliait.

-Absolument pas.

-Je ne suis pas ton esclave !

-Dans ce cas, tu seras juste un bagage. Prépare tes fringues, on part dans dix minutes.

Si des yeux avaient pu tuer, l'ange aurait fini six pieds sous terre.

-Je ne partirais pas avec toi !

-Oh, mais si !

-Oh mais non !

-Attendez ! S'exclama un homme de haute stature, en fonçant droit sur eux. Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire à Hell !?

L'ange l'avisa, un sourire démoniaque aux lèvres. Il adorait faire tourner Hell en bourrique, aussi se réjouissait-il à l'avance des prochaines heures. En revanche, il détestait être dérangé.

-T'es qui, toi ?

-Milane, et...

-C'est ton mec ? Demanda-t-il à Hell, dont le froncement de sourcil indiqua clairement qu'elle ne suivait pas le raisonnement.

-Non...

-Ton petit ami ?

-Non.

-Ton frère ?

-Non plus !

-ALORS TU N'AS PAS VOIX AU CHAPITRE! Rugit-il sur le dénommé Milane, qui fit un bond en arrière. Hell, ramène tes fesses. Je dois te parler en privé.

Sur quoi il l'entraîna avec lui. Une bordée de jurons fleurit dans son sillage, alors qu'il adressait un sourire sûr de lui aux membres du Clan Ferguson. Il fut néanmoins obligé de s'arrêter, pour savoir quelle porte de cette structure en U correspondait à celle de Hell. Après quoi il s'y enferma avec la métamorphe, qui explosa :

-Tu n'as pas le droit de me faire ça devant le Clan ! Je ne suis pas ton esclave !

-La ferme, grommela-t-il. J'ai un problème, et tu es la seule à pouvoir le régler.

Elle s'arrêta, la bouche ouverte, avant de lui offrir un sourire narquois.

-Tu me demandes mon aide ? Ricana-t-elle.

-Non, je la prends. J'ai fait une nouvelle crise cette nuit.

Hell le considéra. Puis elle parut comprendre, car elle joua les poissons avec ses lèvres.

-C'est pour ça que tu viens me casser les pieds ? Je n'y suis pour rien, moi !

Il l'attrapa par les poignets, l'obligeant à le regarder droit dans les yeux. Elle tentait de le tuer avec les siens.

-J'ai besoin de ton aide, Hell. Tu m'as apaisé la première nuit. Nous allons probablement mener une attaque sous peu, aussi ne puis-je pas rester invalide durant des heures à cause d'un mal inconnu. J'ai besoin de toi.

Barbatos serra les lèvres, contrarié à l'idée de devoir avouer une telle chose. Hell en resta bouche bée. Jusqu'à ce qu'elle pousse un soupir irrité.

-Je n'aurais jamais dû t'aider. Maintenant tu veux m'utiliser, toi aussi.

-Hein ?

-Tu es comme les autres, Barbatos ! Tu ne t'intéresses à moi uniquement pour mes dons de guérison !

Il la considéra, sans comprendre le fond du problème. Avec ses yeux verts accusateurs, elle était plutôt mignonne, mais...

-Tu devrais déjà être contente qu'on s'intéresse à toi, chiante comme tu es.

L'uppercut en plein estomac était peut-être mérité, mais il faisait sacrément mal ! Plié en deux, il contempla les doigts de pieds de Hell, le temps de reprendre son souffle. Elle avait une force, cette nana ! Pas féminine pour deux sous !

-Tu n'es qu'un sale con, Barbatos.

-On me le dit souvent, avoua-t-il. Bon, puisque tu n'as pas envie de prendre de fringues, on y va.

-Hein !? Non, attends !

Il l'entraîna jusqu'à la porte, se ravisa soudain. Pivotant vers elle, il l'attrapa par la nuque, la faisant se raidir tout entière.

-J'ai un dernier truc à faire.

La prenant par surprise, il plaqua ses lèvres contre la peau tendre de son cou... Et lui fit un énorme suçon. Quand il s'écarta, elle ne semblait plus trouver les mots pour l'insulter. Il lui adressa un grand sourire.

-Tes petits copains Ferguson te considérerons comme prise, maintenant.

*

Rika était arrivée bien plus tôt que prévu. Fergus l'accueillit néanmoins aux portes d'Exil, pour l'accompagner jusqu'au Hall de la Souffrance. Il ne l'avait plus vu depuis l'attaque de la forteresse perdue de Lucifer, où Svenn avait été emprisonné.

Ses cheveux roux, presque rouge, flottaient librement sur ses épaules, dénudées par un débardeur noir à fines bretelles. Dessus, on pouvait voir une faucheuse squelettique. Son pantalon, plein de lanières et des chaînes, était typique de cette femme.

-Salut, dragonnet.

-Bonjour, Rika. Des nouvelles fraîches ?

-Vous avez des ordres de Lucifer cachés ici, n'est-ce pas ? Nous devons en discuter.

Dans le Hall l'attendait l'équipe habituelle, sans Silke. Pour une raison inconnue, elle avait refusé de quitter sa chambre. Même Svenn n'avait pu entrer, tant elle se sentait mal.

-Rika. Il paraît que tu as affronté Barbatos pour des bouts de papiers ? Lança Alastor, prés de la grande vitre, donnant sur la plaine en contre-bas.

-Effectivement. Il peut remercier sa nature angélique, sans quoi nous l'aurions probablement tué. Au fait, ta sœur se bat souvent nue, Fergus ?

Le dragon haussa un sourcil surpris. Non, ce n'était pas dans les habitudes de Hell. Certainement les avait-elle surpris en plein vol, ce qui expliquerait sa nudité. A la simple pensée que l'ange avait vu sa sœur dans le plus simple appareil, Fergus serra les dents. Il était peut être un peu trop protecteur. Après tout, il n'était pas pire que ce Milane. Milane... Il ne comptait plus le nombre de fois où l'envie de le tuer l'avait démangé.

-Hell avait certainement ses raisons.

-Si tu le dis. Montrez-moi ces parchemins.

La lecture fut rapide. Tous attendaient son verdict, pour enfin comprendre de quoi il s'agissait. Ces « fermes » étaient-elles si importantes ?

-Je vois, lâcha-t-elle finalement. Nous allons devoir agir vite.

-Comment ça ? Que sais-tu, Rika ?

La Némésis darda ses yeux noirs sur Alastor. Ce dernier le soutint sans fléchir, la tension montant encore d'un cran. Après tout, elle le tenait pour responsable de ce qui arrivait aux siens.

-Je n'ai pas tous les détails, mais Lucifer a l'intention de mener une attaque de grande ampleur. Sur Satan le Rebelle ou sur vous, telle est la question. Malheureusement, dans tous les cas, il va recruter à la ferme. Si nous arrivons à temps, nous pourrons peut être limiter l'embrigadement.

-Recruter dans une ferme ? Répéta Nergal. Pourquoi une ferme ?

Rika hésita, chose rare chez elle. Elle plia soigneusement le parchemin noir des Ordres de Lucifer, visiblement tendue.

-On fait de l'élevage, dans les fermes.

Il y eu un long silence. Fergus ferma les yeux, l'estomac retourné. Par tous les dieux, non...

-Tu veux dire... Que cette ferme est l'endroit où sont élevées les nouvelles générations de Némésis ? Murmura-t-il.

-Effectivement. Or, ce sera catastrophique si Lucifer mène une attaque avec autant d'entre nous. S'il l'envisage, c'est qu'il a décidé de sortir son programme d'élevage de l'ombre. Nous risquons d'avoir de gros problème.

Une attaque sur Exil, avec des centaines de Némésis... Fergus avait assisté à l'ampleur des pouvoirs de Rika, mais également de ceux de Silke. Si les autres étaient du même acabit, ils n'avaient clairement aucune chance. Elle avait raison. Ils devaient arrêter le recrutement tout de suite.

-Le Duc de Bathin a du partir hier, continuait Rika. L'idéal serait d'attaquer ce soir.

-Mais... Tu connais l'emplacement des fermes ? Intervint Svenn, sourcils froncés.

Elle hocha la tête, sombrement.

-Bien sur. C'est là où Silke et moi avons été élevées.

Fergus observa la jeune femme, un brin horrifié. Jusqu'où était allé Lucifer, dans cette histoire ? Combien de choses inavouables Rika leur cachait-elle encore ?

*

Le vol fut des plus compliqués. Hell n'avait pas l'habitude de devoir se cramponner à quelqu'un, des centaines de mètres au-dessus du sol, et Barbatos lui lançait des piques en permanence. D'accord, il était parvenu à la faire sortir du village, ce qui était un tour de force en soit ! Mais d'après ce qu'elle avait compris, Milane avait appelé Fergus. Ce dernier avait dû leur dire de leur ficher la paix, ce qui revenait à peu près à la vendre à son pire ennemi.

Et en plus, ces foutues menottes ne pouvaient pas être brisées ! Forgées dans un métal spécial couvert de runes, elles résistaient à tout, ces saletés !

-Arrête de gigoter, tu m'énerves.

-On vole depuis trois heures !

-Hé bien tu attendras encore.

-Salopard.

-Je...

Il s'arrêta soudain, faisant gonfler ses ailes dans le vent. Les yeux vers le soleil, son teint perdit deux tons au moins. Puis Hell hurla carrément, quand il piqua vers le sol, en chute libre.

-Barbatos, qu'est-ce que tu fiches !?

Il ne lui répondit pas, allant de plus en plus vite. Le vent sifflait aux oreilles de la métamorphe, ses joues étaient giflées par la vitesse. En contre bas, une forêt se rapprochait à toute vitesse. Elle laboura les épaules de l'ange, cherchant à se dégager pour déployer ses propres ailes de feu. Mais il la maintint en place, jusqu'à ce qu'il s'engouffre telle une flèche entre les frondaisons, pour ensuite redresser et se poser avec une douceur à couper le souffle. L'instant suivant, il la jetait derrière le tronc d'un arbre couvert de lierre, pour l'y rejoindre.

-Que ce passe-t-il !?

Il la bâillonna d'une main, son index venant barrer ses propres lèvres. Son épée translucide jaillit du néant, dans son poing. Il la planta dans le sol, à une cheveux de la cuisse de la métamorphe. Adossé à l'arbre, il attira Hell contre lui, la laissant sans voix. Que ce passait-il !?

Sous ses doigts, le cœur de l'ange déchu battait à tout rompre. Clignant des paupières, elle pencha la tête de côté, pour voir de quoi il en retournait. Des bruits d'atterrissages délicats se firent entendre.

Hell eut le souffle coupé en découvrant quatre anges, aux longues ailes blanches. Vêtus d'armures scintillantes, ils semblaient parés pour le combat, leur beau visage sans âge scrutant les alentours. Elle n'avait jamais vu plus beau tableau...

Barbatos l'attrapa par le menton, l'obligeant à le regarder lui, et non pas les quatre entités célestes derrière l'arbre. Pourtant, ils irradiaient une sorte de lumière, comme s'ils avaient emporté avec eux l'éclat d'un doux soleil.

-Comment fait-il pour disparaître à chaque fois ? soupira l'un d'eux. Si on ne le prend pas par surprise, on peut être certain de perdre sa trace.

-Barbatos est un vrai scélérat.

-Si c'est le cas, pourquoi le Seigneur Métatron voudrait-il le voir ?

Métatron ? Hell écarquilla les yeux, en fixant ceux de Barbatos, inexpressifs. Métatron ! Elle connaissait ce nom ! Il s'agissait du plus haut placé des anges, le plus puissant d'entre tous ! Un Séraphin, chef de tous ses compères, sous les ordres directs du Créateur.

-Certainement pour le juger une nouvelle fois.

-S'ils le faisaient disparaître, ça nous faciliterais la tâche.

-Ne dis pas ça, cingla le premier. Barbatos est peut être un traître, il n'en reste pas moins l'un de nos plus illustres soldats.

-Qui a rejoint l'ennemi, je te signal.

-Au moins n'est-il pas aux cotés de Lucifer. Ne perdons pas de temps, mes amis. Nous devons le trouver, et vite. Seigneur Métatron nous a spécifié que c'était de la plus haute urgence, cette fois-ci.

Ils durent s'envoler, car le silence retomba derrière l'arbre. Barbatos la relâcha, l'air particulièrement irrité. Il fit aussi disparaître son épée si particulière, sans pour autant prononcer un mot.

-Si Métatron veut te juger, tu es un ange mort, fit Hell.

Il leva ses prunelles bleus clair sur elle, de nouveau inexpressif.

-Métatron ne me jugera pas. Il me tuera, tout simplement.

Il se redressa, tirant sur la chaine pour la faire le suivre. L'esprit allant à toute allure, la métamorphe l'étudia, discrètement. Il était un ange déchu, certes. Mais qu'avait-il donc bien pu faire, pour s'attirer le courroux du plus grand des anges ? Et pourquoi n'était-il plus un soldat des cieux, si il était si respecté, à l'époque ?

-Ne t'avise même pas de me poser des questions, gronda-t-il sans la regarder.

Ce qui, évidemment, provoqua une avalanche des demandes, auxquelles il opposa un farouche silence.

*

Les cours de l'après-midi s'achevaient à quatorze heure. Libre, Holly Damon vit son fils se diriger vers le terrain d'entraînement, dans la zone des réfugiés, et sa fille se promener dans le village en chantant.

Le premier se libérait de sa colère en frappant sur les mannequins de bois, la seconde ne semblait pas affectée par le décès de son père. Et elle, dans tout ça ? Depuis la mort de Stefan, son époux depuis des siècles, elle n'avait pas vraiment changé. Après tout, il n'avait jamais été réellement là pour elle. En fait, à cause de leur admission en Exil, il lui en avait voulu.

-Vous semblez bien songeuse, madame Damon.

La vampire sursauta, en découvrant Morténe tout près d'elle. Le bougre l'observait de son œil valide, comme s'il cherchait à sonder son âme !

-Que voulez-vous ? Fit-elle en plissant les paupières. Je vous ai déjà signifié que votre présence m'incommodait.

-Je me suis déjà excusé, fit-il. Je ne peux pas faire beaucoup plus...

Elle planta son index dans le pectoral gauche de Morténe, tenant sa liasse de feuille dans l'autre main. Elle le savait, avec sa tresse ramenée en un chignon et ses robes sages, elle ne payait pas de mine. D'ailleurs, il eut un demi-sourire indulgent.

-Ne croyez pas pouvoir me berner, Morténe. Votre comportement est clair : vous voulez quelque chose. Mais quelque que soit cette chose, je ne vous la fournirais pas. Je me demande même si vous n'êtes pas un espion.

Il haussa un sourcil étonné.

-Un espion, moi ? Grands dieux, non ! Mais vous avez raison.

La prenant par surprise, il lui attrapa la main, pour lui embrasser délicatement le poignet. Dans un couinement offusqué, Holly récupéra son bras.

-Vous m'intriguez, madame Damon. Vos manières sont celles d'une femme du commun, mais votre instruction vaut celle des plus éminents membres d'une cours royale. Qui êtes-vous donc ? Pourquoi êtes-vous en Exil ?

Elle plissa les paupières, mal à l'aise.

-Vous n'êtes pas un vampire. Cela ne vous regarde en rien.

Morténe l'observa, avec un demi-sourire de mauvais aloi. Que lui voulait-donc !?

*

Assise au milieu de ses oreillers, Silke faisait l'un des plus gros travail sur elle-même de sa vie. Le dernier avait été lors de la disparition de Blanche, au cœur de la forteresse de Lucifer. Aujourd'hui, un coussin écrasé contre elle, elle fixait le couvre lit, cherchant à tous prix à se calmer. Depuis cette nuit, son sang bouillonnait, lui donnant envie de toute détruire.

Ou de détruire une seule chose : Faith.

L'image de cette garce vampirique, blottit contre Svenn, ne lui donnait pas envie de vomir. Elle lui donnait envie de tuer Faith, de la réduire en cendres, de l'enterrer dans une fosse à cochons. De passer Svenn à tabac, aussi. Mais cette dernière pensée était toujours accompagnée de son visage dégoûté, torturé par ce qu'il venait de faire. Boire du sang...

Silke ferma les yeux, l'estomac retourné. Il avait toujours été un loup incapable de se transformer. Mais comment... Pourquoi... Que ce passait-il ? Que lui arrivait-il ? Qu'est-ce que Faith lui avait fait, bon sang !?

Un léger bruit, presque imperceptible, lui fit entrouvrir les paupières. Par sa fenêtre ouverte, à cause de la chaleur de début Septembre, elle vit passer un papillon noir. En quelque battements d'ailes, il se retrouva au pied de son lit... Et Faith reprit sa forme humaine, vêtue d'une robe noire moulante, un grand sourire sur ses lèvres vulgaires.

-Ma petite Silke, ronronna-t-elle. Tu as aimé le spectacle d'hier soir ?

Elle ne répondit pas, le coussin écrasé contre elle. Elle se contenta de la fixer, choquée par sa bêtise.

-Tu sais, je n'y croyais pas, au début, ajouta-t-elle en se tapotant le haut d'un sein, l'air songeuse. Svenn était toujours collé à toi, avec un air énamouré à vomir... Mais maintenant...

La vampire se passa une langue rouge sur la lèvre supérieure, l'air très contente d'elle. Les ongles de la Némésis se plantèrent dans l'oreiller, à le déchirer. Les murs de la pièce, aux, commencèrent à vibrer.

-Il est tout à moi. Tu m'entends ?

Oh, oui, elle l'entendait. Elle l'entendait même beaucoup trop. Faith, trop occupée à s'écouter, ne vit pas la brume qui commençait à tapisser le sol.

-Il n'est rien qu'à moi. Et il me fait des choses que tu ne peux même pas imaginer...

Le coussin retomba sur le lit. Silke se redressa se leva lentement.

Faith cessa de parler.

Son hurlement raisonna dans tout Exil.


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Tags: #paranormal