Chapitre 4 : Le Poulet du Chaos
Un démon qui se marie... Hell aurait trouvé l'idée cocasse, si elle n'avait pas connu Nergal. Chevalier servant dans l'âme, il était évident que dans une telle période de trouble, il créerait un lien durable avec sa sœur.
Elle sourit bêtement, assise en tailleur sur son lit. Sa chambre était bien remplie, avec tous ses souvenirs de voyage depuis sa transformation. Autant dire que ses étagères étaient un véritable petit musé. Là, une statuette grecque de deux mille ans côtoyait, une estampe japonaise. Non loin, une dague de l'époque de Clovis trônait, et en guise de coiffeuse elle possédait un meuble chinois décoré de nacre.
-Hell ? Ça va ?
-Mmh ?
Milane écarta une mèche rousse de son visage, l'air un peu contrarié. Forcement. Elle c'était occupée de tous les autres, mais pas encore de lui. Hell fixa ses mains, mal à l'aise. Oui. A chacun de ses retours, elle devait surveiller la santé de tous les autres. Réparé ce qui avait été brisé, soigner les maladies, des cancers aux rhumes les plus bénins. Elle était la seule à pouvoir le faire, aussi se devait-elle de toujours revenir.
C'était désormais le tour de Milane. Bien entendu, avec lui, elle n'officiait pas par la simple imposition des mains. Non, entre lui et elle, les choses étaient bien différentes. Ils couchaient pour le soigner lui, et pour leur apporter du plaisir à eux. Un arrangement qui leur convenait à tous les deux, depuis la première fois où ils avaient fait l'amour. Celle-là même où Hell c'était aperçut de son don de guérison. Le début de son enfer personnel.
-Quelque chose te tracasse ? Murmura-t-il en embrassant son épaule.
-Non. Pas vraiment.
Elle en avait juste assez de ces relations d'intérêts. Surtout qu'elle avait de plus en plus de mal à partir, après. Ils voulaient la retenir. Un Clan de Chasseurs de Démons, réduit à dépendre d'une seule personne pour parer à tous leurs maux... Fergus avait beau tenter d'inverser les mentalités, il n'y parvenait pas. Tout était la faute de leur père.
-Tu sais quoi, Milane ? J'ai envie d'être tranquille, ce soir.
-Hein ? Impossible. J'ai besoin...
Sèchement, elle lui attrapa la main. En quelques secondes, elle absorba toute la douleur logée en lui, même si elle était infime, ainsi que toute la maladie. Quand il n'en resta plus une trace, elle le lâcha.
-Dehors.
Il s'exécuta, sans plus rechigner. Voilà. Elle lui avait donné ce qu'il voulait, aussi n'était-elle plus d'aucune utilité pour lui. Jusqu'à la prochaine fois. Hell alla à la fenêtre, contempla le ciel. Elle n'avait plus aucune envie d'être utilisée, ce soir.
*
-C'est tout de même très étrange, fit Silke, inquiète. Barbatos n'est pas du genre à s'écrouler, comme ça, sans raison !
Assise sur le comptoir de la cuisine de Svenn, elle balançait ses pieds dans le vide, perturbée. L'annonce des fiançailles avait été perturbée par la crise de souffrance de l'ange qui, aux dernières nouvelles, était toujours agité de convulsions. Nergal et Alastor veillaient sur lui, sans trouver le moyen de le soulager. Même Rebecca, l'elfe psychopathe douée du don de guérison, n'était pas parvenue à le calmer.
-Il faut attendre que ça passe, soupira Svenn. En souhaitant que ça passe.
Il lui donna un verre de smoothie fraise-banane, qu'elle goûta du bout des lèvres. En se devinant observée avec inquiétude, elle finit par engloutir le contenu de son verre.
-Ils sont tous sur le pied de guerre, fit-il. Tu veux passer la nuit ici ?
Son cœur explosa aussitôt dans sa poitrine. Elle pria pour que le rouge ne monte pas à ses joues, tant des idées diverses lui traversèrent l'esprit. Pourtant, elle le savait, il le proposait en simple amitié. Malgré cela... Elle ferma les yeux, les images de Svenn, remplit de passion au-dessus d'elle imprimées sur sa rétine.
-Non... Je dois retourner voir Blanche. Elle n'a pas besoin d'un sujet d'inquiétude supplémentaire.
Il n'insista pas. Accoudé au comptoir, penché en avant, il fixait son frigo, l'air préoccupé. Silke l'observa, fatiguée par les non-dits planant entre eux. Elle aurait aimé mettre la situation au clair. Mais elle n'osait pas. Elle avait peur de ce qu'il dirait. De ce qu'il pensait des événements de cette nuit-là.
-Je ferais mieux de rentrer. Bonne nuit, Svenn.
-Heu... Ouais... Tu veux que je te raccompagne ?
-Non, non, c'est bon.
La Némésis quitta la maison, la boule au ventre. Perdue dans ses pensées, pleines d'inquiétudes, elle aurait loupé Faith si la lune ne s'était pas reflétée sur son serre-tête. Parée d'un décolleté à faire baver un eunuque, elle roulait des hanches avec un grand sourire. En passant devant elle, elle alla même jusqu'à lui adresser un clin d'œil.
Avec un haussement d'épaules, Silke reprit sa marche. S'arrêta. Se retourna. Faith venait de disparaître au coin d'une ruelle, celle-là même qui conduisait à l'arrière de la maison de Svenn. Elle n'hésita pas une seconde.
Aussi silencieuse qu'une ombre, Silke se glissa à la suite de Faith. Cette vampire faisait une fixation sur Svenn. Elle était prête à tout pour établir le contact avec lui, alors venir en pleine nuit chez lui...
Plaquée contre le mur de la ruelle adjacente, la Némésis la vit frapper à la porte de la cuisine. Son cœur manqua un battement lorsque cette dernière s'ouvrit, pour la laisser entrer dans la maison.
Glacée jusqu'aux os, Silke fit la chose la plus stupide au monde : elle se glissa près de la petite fenêtre, pour, du coin de l'œil, observer l'intérieur de la demeure.
Faith se dandinait devant Svenn, dos à elle. Elle ne pouvait voir son expression, pourtant, à la raideur de ses épaules, il était clairement tendu. Faith lui caressa les omoplates du bout du doigt, au travers de son t-shirt, ce qui provoqua une réaction violente chez lui. Il se jeta de coté en l'attrapant par le poignet, à la limite de lui briser les os. La vampire ne grimaça pas, pas même à l'instant où il l'attira violemment à lui, pour...
Le sang se figea dans les veines de Silke.
Il venait de plonger ses crocs dans la gorge de la vampire, du cou de laquelle coulait un mince filet de sang. Tétanisée, l'esprit embrumé, la Némésis le regarda boire au cou de Faith, dont le plaisir montait avec ses gémissements. En une minute, elle avait atteint l'orgasme, et Svenn, son objectif. Elle s'effondra dans ses bras. Il la posa sur le sol, avant de se détourner, en s'essuyant la bouche du revers de sa main. Ce faisant, il la tacha de rouge. En apercevant la marque, il s'arrêta. Son expression de profond dégoût, de honte, fit revenir Silke à la réalité.
Elle s'accroupit précipitamment dans la ruelle, pour ne pas être vue, le cœur battant à tout rompre. Que...Que venait-elle de voir ? Avec Faith... Et... Il n'était pas... Censé être un loup ? Par tous les dieux... Que ce passait-il ?
*
Barbatos reprit connaissance dans sa chambre, son antre en plein milieu d'Exil. Pour avoir plusieurs révélations désagréables : petit un, il avait encore explosé les records de la douleur cette nuit. Petit deux, il était tout habillé et noyé de sueur. Petit trois, des parasites squattaient sa chambre. Alastor et Nergal étaient affalés contre le mur, endormit les bras croisés.
-Hé... fit-il en s'asseyant sur le lit. Hé, les boulets, debout !
Ils se réveillèrent en sursaut, l'air misérable. Des cernes plus grosses qu'eux ourlaient leurs yeux, leur visage était livide de manque de sommeil.
-Ha... T'es revenu à la vie, toi ?
-Tu peux nous dire ce qui ce passe, tête de piaf ? Râla Alastor. On t'a veillé toute la nuit sans pouvoir t'aider !
-Je n'en sais rien, de ce qui ce passe ! A quelle heure je me suis écroulé, au fait !?
Nergal aida le Bourreau à se lever, tous les deux aussi frais qu'un fromage oublié au soleil. Barbatos avait du mal à croire qu'ils aient passé toute la nuit avec lui. Il avait vraiment du présenter un spectacle pitoyable.
-C'était juste après l'annonce... Vers les vingt et une heure.
-Vingt et une heure...
-Hé, au fait... Tu es un ange, tu aurais pu mieux réagir à une annonce de mariage !
-Hein ? Mais je vous ai félicité !
-Tu t'es carrément évanoui !
-Je ne pensais pas que ça te ferais un tel effet, ajouta Alastor avec un ricanement.
Barbatos fronça les sourcils, ouvrit la bouche, la referma.
-Mais ça n'a aucun rapport ! S'insurgea-t-il. Nergal, je suis heureux pour toi. Ce qui s'est passé est totalement indépendant de ma volonté.
-Mouais... Alors on fait quoi, maintenant ? Si ça se reproduit, qu'est-ce qu'on peut faire ?
Ils prirent tous les temps de la réflexion, encore habillés des vêtements de la veille. Barbatos avait vraiment besoin d'une bonne douche. D'autant qu'il allait devoir prendre une décision très, très difficile. Car il ne pouvait en aucun cas résoudre le problème, ni même parler de son tatouage inconnu ornant son dos. Cela risquait de créer un sacré remue-ménage s'ils le voyaient. Donc...
-Rika arrive cet après-midi, c'est bien ça ? Demanda-t-il en se grattant l'épaule.
-Oui, c'est ça. Nous devons lui montrer les parchemins de Lucifer.
-J'essayerai d'être de retour d'ici là.
Il tourna les talons, pour dissimuler son méchant sourire à ses amis. Ces derniers se regardèrent, intrigués.
-Où vas-tu ?
-Si je vous le dis, vous allez m'empêcher de le faire.
Il claqua la porte de la salle de bain, particulièrement content d'entendre leurs exclamations frustrées. Ces deux-là étaient curieux comme pas possible. Ça leur ferait les pieds de marronner un peu !
*
A cette heure matinale, Hell avait déjà fini de se préparer. En short et débardeur vert, elle était prête à affronter une nouvelle journée sur le territoire des Fergusons. Ils allaient trouver des centaines de choses à lui faire faire, l'épuisant avant la nuit. Quand elle était dans les parages, ils prenaient encore plus de risques que d'habitude. D'ailleurs, un escadron était partit à la Chasse aux Démon hier soir. A croire que sa présence les autorisait à se faire découper en rondelles.
-Mademoiselle Hell, fit une jeune femme brune, un seau d'eau à la main. Comme je suis heureuse de vous voir de si bon matin !
Ce n'était pas réciproque. Vanessa était une vraie plaie. Toujours à se plaindre pour un oui ou pour un non, elle était l'une des rares non guerrière du Clan. En dépit des siècles et de sa forme de licorne, elle n'avait jamais tenté de prendre les armes pour protéger les siens. Une vraie femme au foyer d'époque, plus occupée à tisser des vêtements qu'autre chose. Hell ne l'avait jamais comprise.
-Ouais. Heu... Ça fait du bien de revenir à la maison.
-Rassurez-moi, murmura la jeune femme. Vous... Vous n'avez pas l'intention de repartir, n'est-ce pas ? Parce que... On a besoin de vous. On ne peut pas vivre sans vous.
Un peu plus loin, un groupe d'hommes hocha la tête. Ils épiaient leur conversation, les bougres !
-Ça reste à voir. Avec la guerre contre Lucifer et les problèmes qu'ont nos alliés, je risque de devoir repartir.
-On s'en fiche, de ces prétendus alliés ! Ce sont des démons ! Ils ne devraient même pas...
-Oserais-tu contredire une décision de ton chef ? Demanda calmement Hell.
La peur qu'inspirait Fergus suffit à faire reculer Vanessa. Il n'avait jamais levé la main contre un membre de son Clan. Néanmoins, tous le craignaient en mémoire de leur père. Un monstre sanguinaire, que son frère c'était juré de ne jamais devenir.
Furieuse, Hell rejoignit le grand puits, au milieu de la place. Le bâtiment en U l'entourait, lui donnant une drôle d'impression. Celle d'être épiée, par chacune de ces fenêtres. Elle aurait vraiment aimé que Fergus soit là. Elle détestait venir seule. Peut-être devrait-elle...
Des exclamations venant de tout part la fit regarder autour d'elle. Des dizaines de métamorphes regardaient les cieux, incrédules. Hell leva la tête... Et fut percutée de plein fouet par un homme tombé du ciel. Elle se retrouva plaquée dos au sol, l'autre à califourchon sur elle. Deux grandes ailes blanches projetèrent leur ombre sur elle, de mauvais augure. Elle eut tout juste le temps de pousser une exclamation surprise, qu'un « clic » reconnaissable retentissait entre eux.
Barbatos leva son bras, entraînant le sien au passage. Il venait de lui passer une menotte couverte de runes, l'autre étant directement passée à son poignet à lui. Sidéré, Hell le fixa, les yeux écarquillés.
-Mon petit poulet du chaos, fit-il avec un grand sourire sadique. Tu es désormais mon esclave.
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