Chapitre 11 : La Chute du Déchu

Hell se trouvait au bord d'une falaise. Le vent lui fouettait le visage, charriant une odeur de sang et de mort. Ce souvenir ne lui appartenait pas. Une nouvelle fois, il s'agissait de celui de Barbatos.

L'ange contemplait ses mains rougies du sang de ses ennemis, ses pensées emplies d'un blanc insondable. Dans un silence irréel, un de ses pairs posa une main sur son épaule. Hell découvrit un être de toute beauté, au visage presque poupin. Dépourvu de la musculature du guerrier, aucune tache de sang ne venait souiller sa mise blanche, contrastant avec l'armure rougie de Barbatos.

-Tu as fait du bon travail, mon ami, fit l'ange, nimbé d'une lumière doré.

Il regarda derrière lui, l'incitant à en faire de même. Derrière eux s'étendait, à perte de vue, les cadavres des démons. De cette bataille, le Ciel en sortait vainqueur. Désormais, cette parcelle de Terre serait sous la lumière du Créateur. Satan aurait du mal à se remettre de telles pertes.

-Parfois, tu me fais presque peur, ajouta l'ange immaculé. Tu es né pour tuer. C'est rare, chez nous.

-Le fait que je sois né avec ces compétences ne fait pas de moi un tueur, Métatron. Je ne le fais que pour servir le Créateur.

Métatron ? Hell aurait écarquillé les yeux, si elle l'avait pu. Ce... Cet homme, était le grand Métatron ? L'ange le plus puissant de tous !? Il paressait si... efféminé. Elle l'aurait cru doté de la carrure de Barbatos ! D'une aura différente de celle d'une ampoule à moustique !

-Le Créateur t'a fait à cet effet. Nous devrions tous le remercier chaque jour d'avoir fait de toi un soldat si efficace. Cela nous évite à nous autre, Séraphins, de nous salir les mains avec le sang des démons.

Il contempla les cadavres encore un moment, avant de hausser les épaules.

-C'est à se demander pourquoi tu en es un toi aussi.

-De Séraphin ?

-Oui. Décidément, tu n'es pas comme nous.

Métatron s'éloigna, semblant flotter dans les airs. Barbatos l'observa, puis se détourna de nouveau, sans un mot. Pas comme eux, hein ? Parfois, il avait l'impression d'être un monstre en cage, que l'on ne lâchait que pour semer terreur et chaos. Un chien dressé pour tuer, que l'on flattait de temps à autres, sans se soucier de sa conscience. De savoir s'il en avait une.

Il ne voyait vraiment pas en quoi il différait du Bourreau. Ha, si. Lui, il semblait pouvoir s'amuser.

-Hell !

La métamorphe se réveilla brutalement, seule dans son lit. Elle s'assit, pleine d'une désagréable impression. Où était donc passé Barbatos ? La place à ses côtés était vide. Elle en avait marre, de ces souvenirs ! Elle n'aimait pas jouer les voyeuses, surtout sur les pensées les plus intimes d'un ange. Un ange très apprécié pour sa capacité de mise à mort, et mis à l'écart à cause de cela

Nue, elle enfila l'un des t-shirt de l'ange pour descendre. La veille, elle n'avait pas eu le temps de voir, mais... Sa maison était superbe ! Les murs peints en blanc étaient ornés d'arabesques dorés, formant de gracieuses volutes. Le sol aussi était blanc, d'une propreté telle qu'elle pouvait y voir son reflet. Dans le vestibule, des plantes vertes se baignaient sous des puits de lumière. Il en était ainsi dans toutes les pièces : délicatesse, ambiance apaisante... Elle avait du mal à croire que l'ange déchu habite ici. C'était si... Angélique.

-Barbatos ? Appela-t-elle.

-Dans la cuisine.

Elle le découvrit derrière un grand plan de travail. Il se préparait des gaufres au miel pour le petit déjeuner. Torse nu, ses muscles offraient un fantasme d'homme derrière les fourneaux. Ses cheveux blonds en bataille barraient ses iris bleus, pourtant elle discerna nettement leur pétillement.

-Bien dormit ?

C'était un euphémisme. Ils c'était tellement dépensés cette nuit que, sans le souvenir, elle ne se serait probablement pas réveillée tout de suite. Il le savait, car il n'attendit pas sa réponse pour se pencher par-dessus le plan de travail, afin de l'embrasser avec douceur. Le plus naturellement du monde.

-Gaufres, ça te va ? Lança-t-il en allant farfouiller dans le réfrigérateur.

-J'adore ça.

Elle admira la vue de ses muscles jouant dans son dos pendant sa recherche. Les cicatrices ne gâchaient rien, et le tatouage était... Elle plissa les yeux, incertaine. Mais depuis deux nuits, elle avait largement eu le temps de mémoriser les aiguilles et chiffres de cette horloge imprimée sur sa peau.

-Ton tatouage a changé.

Il se figea, la tête dans le frigo.

-Tu as fumé, ou quoi ?

Un pot de confiture dans la main, il claqua la porte.

-C'est impossible. Ca ne peut pas bouger, c'est de l'encre.

-Je ne suis pas folle. Il a changé ! Barbatos, qu'est-ce que ça veut dire !?

-Mais rien ! Hé ho, je sais quand même...

Un hurlement coupa court à leur embryon de dispute. L'ange partit telle une flèche, atteignant la porte bien avant elle. Il jaillit sur les pavés d'Exil, dans une lumière éclatante. Hell n'eut pas le temps de sortir du vestibule.

-Surtout ne sors pas ! Rugit-il.

-Que ce passe-t-il !?

Il voulut lui répondre, mais quelque chose le happa hors de son champ de vision. L'adrénaline coula à flot dans ses veines. Hell sortit en courant dans la rue... Pour découvrir un chaos d'une blancheur immaculée.

Dans une lumière étincelante, des anges tombaient des cieux, inondant les rues du village, plaquant les habitants contre les murs, clouant au sol le moindre contestataire. Ils étaient des centaines à descendre sur Terre, avec l'efficacité de guerriers implacables. En découvrant la scène, Hell resta un instant stupéfaite. Puis l'un des soldats des cieux se posa devant elle. Il allait pour la repousser dans la maison, lorsqu'un rugissement de rage fit trembler tout le monde.

Le Bourreau arrivait, armé de pieds en cape, accompagné de Nergal et de Rika. Déjà, ses Ancêtres se déployaient autour d'elle, dans une brume létale d'où jaillissaient des métamorphes de toute race.

-Qui êtes-vous pour oser bafouer les terres d'Exil !? Tonna Alastor. Relâchez-les !

-Hell !

Fergus arrivait de l'autre côté d'une ruelle, suivit de Silke et Svenn. La Némésis usait aussi de son pouvoir, les formes monstrueuses de ses Ancêtres s'agglutinant dans l'ombre. Elle ne put répondre à son frère. L'ange la plaqua contre le mur, sa lance en argent en travers de sa poitrine, ses yeux d'azur formulant un avertissement muet.

-Nous sommes ici sur la volonté du Créateur. Veuillez rester calme.

-CALME !?

C'était une des choses à ne pas dire Alastor. Pas plus qu'aux habitants d'Exil. Les anges ne semblaient pas savoir à qu'ils avaient à faire. Ils ne semblaient pas savoir que chacun des résidents de ce village étaient des guerriers rompus au combat. Les hostilités auraient éclaté, si un ange n'était pas littéralement tombé du ciel, pour s'écraser en plein milieu de la rue. Il avait été bien aidé : Barbatos lui tenait les ailes, le visage transfiguré par la colère.

-Al ! Surtout, que personne n'intervienne !

Hein ? Le Bourreau eut un instant d'hésitation, qui se mua en stupeur quand quelqu'un apparut derrière le déchu. Un être d'une beauté absolue, qu'Hell avait vu le matin même. Dans ses souvenirs.

-Sage décision, mon ami, fit Métatron. Tu seras ainsi le seul à mourir.

*

Son instinct prenant le dessus, Barbatos sauta en arrière, stupéfait de découvrir le Séraphin ici. De toutes les choses improbables susceptibles de survenir, celle-ci était la dernière sur sa liste. Il le croisait depuis la première fois, depuis sa déchéance.

Auréolé de l'aura des anges, Métatron portait l'une de ses éternelles tenues blanches, tout en drapés tombant parfaitement sur son corps filiforme. Sans ses pectoraux, on aurait pu le prendre pour une femme.

-Je t'interdis de toucher aux habitants d'Exil ! Rugit Barbatos.

-Oh. Tu m'interdis ? De quel droit ?

Le Séraphin, mains croisées dans le dos, arbora un sourire supérieur.

-Aurais-tu oublié que tu n'es plus rien ?

La rage l'envahit. Depuis le temps. Depuis le temps qu'il rêvait de se retrouver confronté à lui !

Privé de toute raison, il fonça sur Métatron. Le Séraphin déploya ses quatre paires d'ailes, s'échappant vers les cieux. Sans se laisser démonter, il le prit en chasse. Dans sa main apparut son épée, d'une transparence absolue. Ses doigts se refermèrent autour de la poignée, son envie de meurtre encore décuplée.

-Oh... Tu l'as gardée avec toi tout ce temps ? Lança son adversaire en stoppant soudain son ascension.

Il disparut... Pour réapparaître juste devant lui. Il aurait dû lui rentrer dedans, mais Métatron accompagna le mouvement, une main sur son poing armé.

-C'est grâce à elle que tu disparaissais de la sorte. Le Créateur a été trop indulgent avec toi.

-Silence !

-Quel dommage que tu n'ai pas vu le coup venir...

Effectivement, il ne vit rien venir. Trois anges jaillirent de derrière lui, lui empoignant les ailes pour l'empêcher de voler. Il se débattit tel un diable, sa rage décuplée par le sourire calme du Séraphin. Tout ! Il était prêt à tout pour lui faire perdre de sa superbe ! Pour lui rappeler ce que c'était, que de sentir le sang, le pouvoir, quitter son corps !

-Maître ! Vous devez faire vite !

-Lâchez-moi !

Ils rabattirent leurs ailes, les faisant chuter vers le sol, des centaines de mètres plus bas. Incapable de se soustraire à leur prise, Barbatos percuta les pavés, sous les yeux d'Alastor, de Nergal, Cassandra, Fergus... Tous les habitants assistèrent à sa chute. Hell aussi. Un instant, il crut l'entendre crier son nom.

A peine sonné par l'impact, à genoux au milieu des pierres réduites en miettes, Barbatos se débattit de nouveau. Mais les anges le maintenaient fermement. Métatron se posa devant eux, avec une grâce angélique.

-Si faible... J'ai entendu dire que tu avais failli être tué par Bathin. Ce traître... Qui eut cru que tu deviendrais faible au point de t'incliner devant un tel rebut ?

-Espèce de...

Une main le bâillonna, l'empêchant d'insulter le Séraphin. Dans sa chute, réalisa-t-il, il avait lâché son épée. Elle se trouvait à l'autre bout de la rue, intact, quasiment invisible. Pour une raison inconcevable, elle décolla du sol, mue par une force extérieure. Non...

-Tu as de la chance, continua Métatron. Dans son infinie bonté, le Créateur a décidé de mettre un terme à tes souffrances.

Son épée fusa dans les airs, à une telle vitesse que rien ne pus l'arrêter. Des gens hurlèrent. Barbatos rugit dans le bâillon, rua dans la poigne des anges. Mais rien, absolument rien, n'empêchant la lame de le transpercer de part en part. La douleur le submergea, envahissant son corps entier, tendant ses muscles à l'extrême. A l'instant où son cœur lâchait, une aveuglante lumière emplit son champ de vision.



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Tags: #paranormal