Chapitre 10 : Souvenir, souvenir...


Barbatos savait reconnaître un souvenir quand il en voyait un. D'ailleurs, il appréciait très peu l'expérience. Car bloqué dans le corps de la personne, il se trouvait ici enchaîné par la cheville à un bloc de pierre. L'énervement le gagna instantanément. Ça allait lui pourrir son bien être post-coïtale, cette histoire !

Une chiche lumière filtrait par le toit de paille de la masure, éclairant à peine le visage de la femme dans laquelle il était bloqué. Le sol de terre battue était froid sous ses mains, l'air semblait glacial. Pourtant, aucun nuage de froid ne venait se formait à chacune de ses respirations.

La porte s'ouvrit, sur un homme qui ne lui était pas inconnu. Ses cheveux châtains étaient plus longs, parés de petites tresses. En le voyant, le caractère de l'ange se gâta un peu plus. Qu'est-ce qu'il fichait là, celui-là ?

-Milane... fit la femme. Que fais-tu là ? Si mon frère te voit, tu vas...

-Il est parti au front. Un village a été attaqué par les démons. Le chef l'a envoyé les exterminer.

Comme toujours, pensa-t-elle. C'était toujours à Fergus que revenait les taches les plus dangereuses. Le fait qu'il soit un dragon ne le rendait pas pour autant invincible. Leur père ne s'en apercevrait-il donc jamais ? Etait-il trop pleutre pour aller affronter l'ennemi lui-même ? Depuis la perte de leur humanité, il était devenu plus cruel encore. Fergus en payait le prix... Et elle aussi.

-Hell... C'est le seul moment où je peux venir te voir. Ton frère m'interdit toujours de te parler.

Le viking s'agenouilla devant elle, avec un doux sourire.

Hell. Évidemment. S'il devait se retrouver dans la tête de quelqu'un c'était forcément la sienne. Et contre toute attente, la curiosité de Barbatos en fut décuplée. Il n'avait jamais aimé explorer les souvenirs des autres, surtout par accident. Mais là, il était curieux de voir comment la femme enchaînée avait pu devenir la garce meurtrière d'aujourd'hui.

Quand Milane lui caressa la joue, il eut envie de vomir. Pitié ! Pas de scène de sexe alors qu'il se trouvait dans un corps féminin !

-Je suis si désolé, mon amour... Si je n'avais rien dit... Tu ne serais pas enchaînée de la sorte.

-La réaction de mon père était imprévisible...

-Je... Je trouverai un moyen de te sortir de là ! S'exclama-t-il en l'enlaçant. Je te libérerai... Et après, je ferais de toi ma femme !

Sa femme ? Songea Hell. Pour quoi faire ? Croyait-il vraiment qu'elle se donnerait corps et âme à l'homme responsable de sa situation ? Pour qui la prenait-il ? Une donzelle sans cervelle ?

-Tu ne pourras pas me sortir de là, Milane. Tout le Clan m'utilise comme bon lui semble.

-On s'enfuira !

-Je n'ai pas l'intention de m'enfuir. J'ai une vengeance à accomplir.

-Pour ta sœur ? Bon sang, Hell ! Personne ne peut tuer Lucifer !

Cela ne l'empêcherait pas d'essayer. Ce monstre avait causé la mort de Blanche, mais aussi la transformation en métamorphes de tous les membres de son Clan. Les dieux avaient entendu leur prière : ils leurs avaient donné le pouvoir de se venger. Et elle comptait bien le faire.

-Hell ? Ma sœur, je reviens tout juste de...

Fergus bloqua la lumière à la porte, projetant une ombre sur le couple enlacé. En reconnaissant Milane, les ténèbres envahirent les yeux du dragon.

-Je te conseil de sortir très vite d'ici, si tu tiens à la vie.

Il ne se le fit pas dire deux fois. En un éclair, ils se retrouvèrent seuls tous les deux, dans la masure mal éclairée. Fergus vint s'agenouiller devant sa sœur. Il lui ébouriffa les cheveux, en un geste tendre.

-Tu vas bien ?

-C'est à toi qu'il faut poser la question. Tu reviens du front.

-Ça va. J'ai une bonne nouvelle.

Une bonne nouvelle ? Elle croyait ce terme disparu de leur vocabulaire, à tous les deux. Elle s'assit plus confortablement, ce geste faisant crisser les maillons de la chaîne. Les yeux orangés de Fergus pétillaient.

-Que se passe-t-il ?

-J'ai trouvé le moyen de te libérer.

L'explosion d'adrénaline coupa court au souvenir, rapatriant Barbatos dans son propre corps, au milieu des draps défaits. Il se redressa, les sourcils froncés. Hell, enchaînée par son propre père, au milieu d'un Clan qui profitait d'elle ? Fergus, tentant de sauver sa sœur ? C'était quoi, cette histoire ?

-Mmh... Qu'est-ce qui se passe ? Marmonna Hell, réveillée par son mouvement.

Entièrement nue, elle se serait assise à son tour, si l'ange ne l'avait pas attrapé par le menton.

-Dit donc, toi... Tu n'aurais pas fait une incursion dans mon passé, par hasard ?

-Heu...

-Bon sang ! Explosa-t-il. Tu aurais dû me le dire ! Ça m'aurait évité d'être surpris, en me retrouvant dans le tien !

-QUOI !? Qu'est-ce que tu as vu !?

Il baissa les yeux sur elle. Elle portait çà et là des traces de leurs ébats, notamment une marque de morsure sur la fesse. Pour sa part, il avait une omoplate labourée.

-Et toi ? Qu'as-tu vu ?

Elle grimaça, se dégagea de sa prise sur son menton d'une tape.

-Une scène de beuverie avec Alastor et Nergal. Tu n'étais pas encore déchu... Et tu étais vierge.

Ola, c'est vieux comme le monde, songea-t-il.

-J'ai vu Milane te demander en mariage.

-Ouah, ça date !

Il plissa les paupières, sa mauvaise humeur nullement apaisée.

-C'est ton homme ?

-Nous couchons ensemble de temps en temps, c'est tout. Hé ! Les hommes ne me courent pas après, je te signal.

L'ange regarda droit devant lui, incapable de comprendre pourquoi il était d'humeur massacrante, tout à coup. Foutu souvenir. Il s'en serait bien passé.

-On est d'accord, hein ? fit Hell. On garde ça entre nous ?

Comme il ne répondait pas, elle lui mordilla l'épaule.

-Mmh...

Il se tourna vers elle le plus naturellement du monde, pour l'embrasser. Elle y répondit avec passion... et cela aurait dégénéré en une énième partie de jambe en l'air, si un plus gros problème n'avait pas surgit dans son esprit.

-Nous devrions retourner à Exil, murmura-t-il contre ses lèvres.

-Oui, confirma-t-elle dans un souffle . J'aimerais savoir ce qui s'est passé à la Ferme.

Merde ! C'était vrai ! Il ne savait même pas si Alastor, Cass et les autres allaient bien ! Il supposait que oui, mais il aurait préféré en avoir la confirmation visuelle.

La journée n'étant toujours pas achevée, ils décollèrent avant midi du Clan des Ferguson. Ils eurent droit à des coups d'œil venimeux, ce qui ne leur fit ni chaud ni froid. Sans menottes, Hell choisit de partir sous sa forme d'oiseau de feu. Barbatos récupéra ses vêtements, bien décidé à les lui jeter à la figure dès leur atterrissage. En tout cas, il était heureux de pouvoir encore voler, après les dégâts de la veille sur ses ailes.

Dans les cieux de midi, ils ne passaient pas vraiment inaperçus. Perdu dans ses pensées, l'ange réfléchissait à bien des choses, lorsqu'il eut une drôle de sensation. Perturbé, il regarda vers le haut, en direction de l'immensité bleu du ciel.

Mais rien ne se profila. Mal à l'aise, l'ange déchu avisa les alentours. Il aurait pourtant juré sentir la présence des toutous du Créateur. Hell, inconsciente de son trouble, continuait sa route, ses ailes de feux rivalisant avec la lueur du soleil.

Perturbé par ses souvenirs, il continua sa route. Enfermée pour servir aux autres. Elle était certes capable d'apaiser sa souffrance, voir même de le soigner, mais il ne s'agissait pas là des traits propres aux Oiseaux de Feux. Elle devait être donc quelque chose d'autre. La question était...

Il fit volteface dans les airs, le cœur battant la chamade. Personne. Bon sang, cette fois-ci, il en était certain.

Les anges l'épiaient.

Mais pourquoi n'attaquaient-ils pas ?

*

Se retrouver dans la même pièce que Svenn fut un véritable calvaire pour Silke. Adossé à l'un des murs du Hall de la Souffrance, il observait l'assistance, de ses yeux dorés inexpressifs. Il était arrivé avec Fergus, mais le colosse, apparemment de mauvais poil pour une obscure raison, tournait en rond un peu plus loin, sous l'œil intrigué de Rika. Les autres, eux, semblaient également tendus.

Pour cause : leur mission à la Ferme avait été un désastre notoire. Non seulement ils n'étaient pas parvenus à stopper l'embrigadement des Némésis, mais en plus Barbatos avait manqué se faire tuer par le Duc Bathin. Tous savaient ce qui allait résulter de cet échec : Lucifer allait descendre sur Exil.

-Nous n'avons aucun allié, faisait Nergal. Avec les réfugiés, nous pouvons organiser une défense, mais cela va être compliqué.

-Hors de question de déclarer forfait si facilement, grondait Alastor, ses yeux rouges étincelant de rage. Nous ne sommes même pas certain que ce pleutre de Déchu vienne !

-Rika, tu as une idée de ce qui est planifié ?

La Némésis se détourna de Fergus, ses longs cheveux rouges sombres agités par le mouvement.

-Pas plus qu'avant l'attaque. En plus, je ne peux plus retourner là-bas. Je suis grillée.

-Les probabilités pour que Lucifer viennent se venger de la perte de son aile ?

-Cent pour cent.

-Le tout est de savoir quand.

Svenn, lui, ne pipait mot. Toujours très impliqué dans la défense d'Exil, il restait dans son coin, d'un silence absolu. Silke n'osait pas le regarder. En vérité, elle était terrorisée à l'idée de lui parler. Les choses allaient mal tourner, c'était certain. Il ne lui pardonnerait jamais ses actes

C'est dans cette ambiance lourde que Barbatos et Hell firent leur entrée. Plus que remarquée. L'ange n'eut pas le temps de faire un pas, que Fergus l'attrapait par le devant de son t-shirt, pour le plaquer violemment contre la porte du Hall.

-Hé ! Je n'ai encore rien dit ! s'insurgea Barbatos.

-Enfoiré ! rugit-il. Comment as-tu osé poser tes mains sur ma sœur !?

-Mais comment es-tu au courant !? Répondit Barbatos sur le même ton, absolument pas impressionné par la fureur à peine contenue du Ferguson.

-Ne me dis pas que le Clan nous a espionné ! S'exclama sa sœur, rouge pivoine.

-Je t'avais dit de la laisser tranquille !

-Elle était consentante !

-Je vais t'égorger.

-Fergus ! tonna la métamorphe.

-Je lui ai même fait des trucs qu'elle ne connaissait pas, ajouta l'ange avec un sourire railleur.

-Barbatos !

-Tu t'es tapé Hell !? S'exclamèrent les deux démons, en s'approchant.

Ils étaient presque admiratifs, ce qui leur valut un coup d'œil venimeux de la part de Fergus. Le tout aurait dégénéré dans les grandes largeurs, si Cassandra et Rika n'avaient pas séparé les deux bêtes à testostérone. Hell s'occupa de son frère, Barbatos fut traîné de l'autre côté du Hall par ses comparses, tout sourire.

-Tu parles, d'un secret, marmonnait-il en passant devant Silke. Bon, qu'elles sont les nouvelles ? Je n'ai pas trop eu le temps de voir, mais la petite, là, a une gueule d'outre-tombe. Luci va nous tomber dessus ?

La Némésis grimaça, en constatant qu'il parlait d'elle. Effectivement, elle devait avoir une sale tête. Elle n'avait quasiment pas dormi de la nuit, rongée par la culpabilité. Les événements désastreux ne faisaient rien pour arranger son moral.

-Non, fit Barbatos, après un bref résumé d'Alastor. Lucifer ne viendra pas tout de suite ici. S'il avait voulu nous éradiquer, il l'aurait fait depuis longtemps.

-Tu en es certain ? Lança Svenn, en se rapprochant.

Oh non, songea Silke en tentant de maîtriser les battements de son cœur. Pas ça, en plus de tout le reste !

-Après Nergal et Al, je suis celui qui le connaît le mieux, expliqua l'ange déchu. Nous sommes de la même génération.

-Attends, tu veux dire...

-Oui. Je suis plus ou moins un frère de Lulu. Mais éloigné, hein.

-Cela expliquerait pourquoi tu es déchu toi aussi.

La remarque venait de Hell. Apparemment, son frère s'était plus ou moins calmé, en dépit de son regard assassin pour Barbatos. Tous réunis autour de l'ange, ils attendaient ses paroles, dans l'espoir de pouvoir prévoir le prochain mouvement de l'ennemi. Le guerrier blond se passa une main sur le menton, songeur.

-Merci pour ta remarque pertinente, Hell. De toute façon, Lulu est un salopard calculateur. Faire sortir ses générations de Némésis des Fermes, en si grand nombre, implique forcement de les faire découvrir à tous les Enfers. Donc, il risque d'encourir le courroux de Belzébuth, pour lui avoir dissimulé une information aussi importante. Surtout dans la période de Guerre Civile ou se trouvent les Enfers.

-Cela me paraît logique. Nous rayer de la carte impliquerait forcement d'être vu, approuva le Bourreau.

-Donc, il veut mettre fin à la guerre civile en tuant Satan ? C'est le partit adverse.

-Je pense, Nergal, fit l'ange. Ça lui permettrait de tomber dans les bonnes grâces du Souverain Démoniaque, et ainsi ne pas être exécuté pour sa tromperie.

-Dans tous les cas, nous ne sommes pas des cibles de première intention.

-Cela nous laisse plus de temps pour dénicher des alliés. Soulagés, mes poulets ?

Ils grognèrent tous à l'encontre de l'ange, dont l'entrain semblait déplacé. La fin de la réunion fut décrétée, sauf pour Rika, Silke et Alastor. Le démon voulait des précisions sur les Némésis. Nergal et Barbatos se greffèrent à la discussion. Soulagée, pour une fois, de devoir parler de ses racines, la jeune femme accepta de venir avec eux.

Cela retardait encore un peu sa confrontation avec Svenn.

*

-Je suis majeure et vaccinée ! Je couche avec qui je veux !

-C'est Barbatos ! Il t'a décapité, je te rappelle !

-Je ne pouvais pas en mourir, je te signal !

-Mais est-ce qu'il en savait, lui !?

La dispute durait depuis un bon petit moment. Enfermés dans la maison de Blanche, occupée à compter les points entre son frère et sa sœur, ils faisaient exploser les décibels.

-Comment as-tu pu te fourvoyer avec lui ? Lança Fergus.

Masse de muscles, habituellement très calme, il se crispa encore plus, dans le joli salon, en voyant Hell rougir.

-Il a été très persuasif.

C'était le moins que l'on puisse dire. Il savait aussi bien parler que manipuler son corps. Mais ça, elle ne pouvait pas le dire. Surtout à son frère.

-Tu trouves que c'est pire que de coucher avec Milane ? ajouta-t-elle. Dis le moi sincèrement : en quoi est-ce pire que de coucher avec Milane ?

Il serra les poings, à s'en faire blanchir les jointures. Blanche et elle crurent qu'il allait littéralement exploser. Puis il parut se dégonfler comme une baudruche, en s'écroulant dans le canapé derrière lui.

-Ce n'est pas pire, marmonna-t-il. C'est même mieux, à la limite. Mais es-tu certaine qu'il ne se sert pas non plus de toi ?

-Je crois qu'il n'a même pas compris ce que j'étais.

-Il peut être stupide, j'avais oublié.

Ils rirent doucement. Blanche, soulagée de les voir enfin réconciliés, revint avec un plateau d'infusions. Hell s'installa dans un fauteuil, la tension la quittant enfin. Elle qui voulait en faire un secret, ça n'avait vraiment pas duré longtemps. Au moins n'avait-elle rien à cacher...

-En plus, ce n'est pas comme si ça allait se reproduire.

-Ne compte pas trop là-dessus, ma belle.

Fergus avala de travers sa gorgée de tisane. Blanche se retint difficilement d'éclater de rire, lorsque Barbatos attrapa le menton de la métamorphe. Un air diabolique animait ses traits d'ange, le rendant irréel.

-J'ai encore besoin de toi cette nuit. Et crois-moi, tu ne vas pas dormir.

-Hein ? Mais, att...

Il la tira de son siège, l'entraînant à l'extérieur sans laisser le temps à Fergus de hurler de rage, car il tentait toujours de respirer. Sous le regard des derniers habitants du village dehors à cette heure, il la traîna jusque chez lui, trois rues plus loin. Hell n'eut pas l'occasion de s'esbaudir sur les lieux, qu'elle se trouvait déjà à l'étage, jetée sur un lit. Barbatos se mit califourchon sur elle, et elle eu enfin la possibilité de protester.

-Tu te prends pour qui !?

-Pour ton amant, répondit-il calmement.

-Non mais tu rêves ! Laisse-moi partir !

-Non.

Il jeta un coup d'œil à la montre à son poignet, lui fit un grand sourire en la lui montrant. Sur le cadran, les aiguilles se rapprochaient de vingt et une heure.

-Selon mes calculs, il nous reste dix minutes avant le début de mes souffrances. Alors à toi de choisir : soit on commence un intense contact physique maintenant, soit je suis plié de douleur pour le reste de la nuit.

Il y eu un petit silence.

-Tu es hyper sûre de toi, grinça-t-elle, dans le vain espoir de lui faire perdre de sa superbe.

Barbatos tira sur le devant de son débardeur du bout de doigt, avec un sourire coquin.

-Ha, tu crois? Susurra-t-il, d'une voix rauque. A moi de te rappeler la qualité de mes performances, dans ce cas.

*

On sonnait à sa porte. Exténuée, Holly posa son couteau de cuisine. Elle faisait de son mieux pour préparer son repas du soir. Ses enfants étaient partis dormir chez des amis, la laissant seule dans la maison. Une chance, étant donné l'état de faiblesse dans laquelle elle se trouvait.

Elle avait de plus en plus besoin de sang. Malheureusement, elle n'avait absolument pas envisagé la chose, depuis le décès de Stefan. Il était son pourvoyeur en sang, et réciproquement. Enfin. Quand il ne mangeait pas ailleurs. S'il y avait bien une qualité qui avait fait défaut à son défunt mari, c'était la fidélité. Avant même leur mariage il l'avait cocufiée, pour sa plus grande honte. Dire qu'elle avait eu deux enfants avec lui...Sa seule qualité était son absence de violence envers eux. D'un autre côté, elle le lui aurait fait payer au centuple.

Que se passait-il, déjà ? Ha oui. On sonnait. Elle devait s'y rendre.

Morténe se tenait derrière la porte. En découvrant son visage inquiet, elle plissa les paupières. Que faisait-il là ? Ha, il lui parlait.

-... M'inquiète pour vous depuis la dernière fois. Vous n'aviez pas l'air bien. Pas plus que maintenant, en fait. Je...

Comme muent par leur volonté propre, les mains de Holly empoignèrent le devant du t-shirt de Morténe. Avant qu'il n'ai eu le temps de protester, elle le plaqua contre le mur du vestibule, tandis qu'elle claquait la porte d'un coup de talon. Son regard croisa la sien. En cet instant, il pétillait d'un sentiment qu'elle ne parvint pas à identifier, dans son brouillard assoiffé.

-Allez-y, murmura-t-il en l'attrapant par la nuque.

Si elle fut surprise, elle n'eut pas une once d'hésitation. Ses crocs transpercèrent la carotide de l'homme, avec une précision née de l'habitude. Pas une goutte de sang ne lui échappa. Elle avait toujours bu proprement. Le souffle rauque de Morténe vint lui caresser l'oreille, tandis qu'il la serrait étroitement contre lui, ses mains se permettant des privautés indécentes. Une chaleur brûlante envahit le corps de Holly. Elle n'avait plus sentit cela depuis des siècles.

Elle ne sut pas si les genoux de Morténe cédèrent, mais ils se retrouvèrent soudain sur le sol du vestibule. Sans savoir comment, elle se retrouva nue sur sa victime, dont la main sur sa nuque l'incita à lâcher prise. Elle donna un coup de langue sur la morsure pour l'empêcher de saigner. Il en profitant pour prendre ses lèvres, en un baiser qui lui fit perdre la tête. Stefan ne l'avait jamais embrassé de cette façon. Comme si, en cet instant, elle était la seule personne qui comptait. La seule à exister dans sa vie.

La seule femme dont il voulait connaître le corps. Or, dans sa passion, Morténe mit un point d'honneur à la découvrir, pour son plus grand plaisir.

*

Silke jeta son t-shirt dans un coin de la salle de bain, épuisée. Les deux démons et l'ange l'avaient assailli de questions, auxquelles elle avait répondu avec l'aide de Rika. Elle se demandait bien pourquoi ils voulaient savoir tant de choses, d'un seul coup. Voulaient-ils réitérer leur intervention sur les Fermes ? En attaquer d'autres, afin d'enrayer le programme d'élevage ? Elle l'espérait. Et elle y participerait activement. Si elle ne s'était pas occupée de Svenn la nuit dernière, elle aurait pris part à l'attaque.

Svenn.

Appuyée sur le rebord du lavabo, elle fixa son reflet, dégoûtée. Les yeux cernés, elle avait les cheveux en bataille de s'être débarrassée de ses vêtements. Son soutien-gorge de sport gris jurait avec sa blondeur, des bleus fleurissaient un peu partout sur son corps, à cause de ses entraînements avec Cassandra. C'était à se demander comment son ami avait pu se retrouver dans un tel état d'excitation face à elle.

Elle ferma les paupières, épuisée. Elle avait intérêt à dormir, cette nuit. S'ils étaient attaqués, elle devait être en état d'agir. Quelque chose effleura sa nuque, la faisant brusquement ouvrir les yeux. En découvrant Svenn dans le miroir, elle crut que son cœur ne repartirait jamais. Inexpressif, il écartait ses cheveux, mettant à jour son cou. Ses doigts effleurèrent doucement l'endroit où il l'avait mordu, lui faisant faire un bond.

-Svenn ! S'exclama-t-elle en faisant volte-face.

Sa hanche heurta au passage le lavabo, mais elle parvint tout de même à reculer jusqu'au mur. Imperturbable, le métamorphe pencha la tête de côté. Cette fois-ci, son cœur était au bord de l'explosion, l'anxiété l'envahit jusqu'au bout de ses orteils recroquevillés.

-Qu'est-ce que tu...

-Alors comme ça, tu tiens trop à moi pour me laisser mourir ? Murmura-t-il, avec un sourire narquois.

De façon inexplicable, cela lui fit monter le rouge aux joues. Pourquoi, de tout ce qu'il aurait pu dire, il lui sortait ça !?

-Heu... Je... Hé ! Toi, tu fantasmes bien sur moi !

Il l'attrapa par la nuque, la prenant au dépourvu. Il allait... L'embrasser ? Non... Il lui en voulait à mourir, c'était certain.

-Effectivement. Je fantasme sur toi, Silke. Mais pas de cette façon. Je veux pouvoir te toucher. Te goûter. Faire de toi une femme aimée dans son bon droit, et non pas par la force.

Ses paroles la mirent mal à l'aise, en même temps qu'elles la firent rougir un peu plus. Elle fixa le torse du métamorphe, se rendant compte de tout ce qui se trouvait dans ces paroles. Ce qu'elle lui avait fait. Ce que Lucifer lui avait fait, à elle. Son absence de toute normalité sexuelle.

-Ne crois pas que je vais te pardonner si facilement de m'avoir fait te mordre, Silke.

-C'était une nécessité !

-Ne crois pas que je n'ai pas pris mon plaisir avec toi. Mais, tu sais ce qui est exceptionnel ?

Perturbée, elle secoua la tête. Il disait trop de choses différentes en même temps. Elle ne parvenait plus à suivre. Ou alors, son cerveau était inopérant depuis un moment.

-La pleine lune est pour bientôt, souffla-t-il à son oreille. C'est grâce à toi que je vais pouvoir l'apprécier pour la première fois de ma vie.

Il caressa sa joue, faisant battre son cœur un peu plus vite. L'espace d'un instant, elle crut une qu'il allait l'embrasser. Mais soudain, avec un claquement de langue irrité, il partit. L'instant suivant, elle était seule dans la salle de bain, prise d'un frisson glacé.

-Oui mais... Il me déteste, ou il me déteste pas, au final ? Demanda-t-elle dans le vide. Il faut être plus clair !



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