019Mph
Jimin soupira et laissa retomber sa tête contre le dossier du canapé. Ça faisait maintenant 20 minutes qu'ils cherchaient une solution pour prévenir le transporteur du danger qui le guettait sans en trouver.
Le ciel était nuageux, ne laissant qu'une lumière grise parvenir dans la pièce par les baies vitrées de la chambre d'hôtel, leur donnant presque l'impression de n'être que dans un rêve, que rien ne s'était passé. Pourtant au moindre de ses mouvements Jimin pouvait très clairement constaté que c'était bien la réalité.
Il inspira et leva les yeux vers le plafond blanc sans âme alors que la tasse autrefois chaude dans ses mains était maintenant très certainement insipide.
«Tu es en train de me dire qu'on a pas de moyen de le prévenir qu'ils sont au courant et qu'il faut qu'il dégage de là ?
—J'ai pas dit ça... Juste pas directement, pas en pouvant lui parler ou même être sûr qu'il ait vu le message.
—Tu penses à quoi ?
—Il y a une possibilité pour qu'il suive tes posts twitter sur le compte de ton groupe, d'une manière ou d'une autre... En tout cas à sa place c'est ce que je ferai. Je voudrais pouvoir vérifier anonymement que la personne que j'aime et ait laissée derrière moi aille bien sans la contacter directement.»
Jimin ne prit même pas la peine de détourner son regard vers Tae. Rien que lui rappeler qui ils avaient été l'un pour l'autre lui faisait mal. Alors il garda les yeux rivés vers le plafond sans plisser davantage un seul de ses muscles faciaux.
Pourtant cette hypothèse se basait sur le fait qu'il continuait effectivement à s'inquiéter pour Jimin, à désirer le voir évoluer, savoir ce qu'il faisait... Et Jimin doutait de ce point. Il avait rompu tout contact avec eux, le plus facile pour lui maintenant, après les avoir forcé à tourner leur page sur laquelle était marqué le nom de Jungkook, était pour lui aussi d'avancer sans se retourner.
«Ça m'étonnerait que Jungkook regarde ce genre de chose... Il veut que nous ne l'attendions pas, tu te souviens ? Pourquoi lui s'accrocherait-il alors qu'il désire que nous lâchions ?
— ... Mais c'est le seul moyen qu'on a de lui faire passer un message...
— Sauf à le retrouver en France avant eux.»
Taehyung fit alors mine de s'étouffer avec son propre thé à ses côtés avant de se tourner entièrement vers lui.
« On est surveillés, Chim..! Si la Kkangpae apprend qu'on va en France, elle saura que ce n'est pas innocent...
— "Si". Donc s'ils ne le découvrent pas, on est safe.
—C'est trop risqué, laiss-
—Tu me couvrirais ?
—Non, je veux pas te couvrir et accepter l'idée que tu te mettes en danger!
—Tae, c'est pour Jungkook !
—SOIT RAISONNABLE, PUTAIN! Il ne t'a jamais demandé de te sacrifier pour lui, au contraire ! Il serait le premier à te supplier de ne pas le faire, et tu le sais!»
La montée de ton de Tae arrêta net Jimin qui ne l'avait jamais entendu s'énerver. Il grimaça et lâcha un nouveau soupir.
«Tu as gagné. Mais je n'aurai pas l'esprit tranquille avec cette solution, Tae... S'il n'arrive pas à nous confirmer qu'il a vu le message d'une manière ou d'une autre, j'y vais, sans toi s'il le faut.»
Le châtain sourit à l'idole et prit sa main dans la sienne avant d'approcher leurs corps dans une étreinte prude et délicate, aussi fragile que la conviction de Jimin face à cette solution.
« On verra d'ici là, d'accord ..?»
[Une semaine plus tard]
Jungkook s'étira en posant la dernière assiette lavée sur l'égouttoir. Une main gratifiante de son patron se posa sur son épaule avant que sa consœur ne lui tende une enveloppe.
«T'as bien bossé cette semaine encore, An. On ferme ce soir exceptionnellement, ma femme et moi on va fêter nos 10 ans de mariage !
—Oh, félicitations, Chef.
—Merci, héhéhé ! Aller, file, on ferme !»
Jungkook retira son tablier et le replia soigneusement avant de quitter le restaurant, enfourné dans sa doudoune noire dont le but était bien moins l'esthétique que de lui tenir chaud. Il frémit à la transition thermique entre le restaurant dont les cuisines avaient chauffé tout le bâtiment sans aucun effort, et le froid glacial qui croqua la peau de ses joues.
Son pied s'enfonça dans une fine pellicule de neige qui absorba le bruit de ses semelles, se contentant de grincer sous son poids.
Ses yeux se levèrent vers le ciel gris qui abandonnait sur la ville un flot régulier et doux de flocons qui s'échouaient sur lui avec la douceur et l'innocence d'une plume. S'il avait été en Corée aurait-il entraîné Jimin avec lui regarder la première neige de la saison tomber? Il l'aurait surement emmené à la Plage de Mokpo pour voir le sable jaune devenir blanc. Ils se seraient promenés, profitant du paysage, puis auraient sûrement joué comme des enfants. Il aurait ensuite conduit Jimin dans la voiture pour le réchauffer, aurait mit le chauffage à fond et l'aurait pris contre lui. Leurs souffles auraient embrumé les vitres, les rendant invisibles aux yeux de l'extérieur, et il lui aurait fait l'amour. Peut-être aurait-il même pu répondre à la déclaration que Jimin avait faite ce jour-là entre deux baisers.
Il lui manquait. Tae aussi.
Un sourire triste étira ses lèvres et il quitta lentement les nuages des yeux pour regarder devant lui et commencer à marcher, les mains enfournées dans ses poches.
Ça faisait un bout de temps qu'il n'avait pas cherché à se renseigner sur Jimin, sur ce qu'il faisait... La vraie raison était qu'il avait l'impression ne pas avoir le droit de le faire, qu'il n'avait plus le droit d'avoir de sentiments pour lui, de s'inquiéter. Lui le haïssait probablement après tout: il l'avait abandonné, c'était ce qu'il lui avait dit au téléphone. C'était ce qu'il ressentait.
Il se résigna et s'abandonna à son envie irrépréhensible, et ses pas le guidèrent jusqu'au cybercafé qu'il avait pris l'habitude de fréquenter de temps à autre. Il faut dire qu'à Paris les cybercafés ne couraient pas les rues, alors il n'avait pas franchement le choix.
La femme à l'accueil lui sourit et il alla s'installer à un PC après le lui avoir rendu aussi chaleureusement que possible.
La salle était presque vide, bercée dans le silence, l'obscurité, les lumières des écrans et quelques néons. Il s'avança et s'installa derrière l'un des PC le plus au fond de la salle.
Jungkook posa instinctivement son casque sur ses oreilles et alla sur Youtube pour se mettre de la musique "Jimin - Promise".
Alors que la voix de son aimé berçait ses oreilles, ses doigts cherchèrent le compte Twitter de BTS, espérant y voir des nouvelles de Jimin. Il ne savait pas où d'autres il pouvait bien en trouver sans lui laisser de signe de sa présence, de toute façon.
Il sourit en voyant une photo de groupe datant de la veille. Il cliqua dessus et fixa le visage de Jimin qui souriait doucement d'un air angélique qui lui était si propre. Il referma l'image puis descendit légèrement jusqu'à tombé sur un tweet datant d'il y a 6 jours. Une vidéo de Jimin, seul. Son cœur se mit à battre d'excitation et il l'a mis en grand écran.
Une vidéo silencieuse de Jimin qui fixait tendrement l'écran, une peluche d'un Pingouin dans ses bras. Puis son corps commença à basculer imperceptiblement de gauche à droite sans lâcher la caméra des yeux, des yeux qui absorbaient tant Jungkook qu'il oublia tout ce qui l'entourait et entourait leur propriétaire. Lorsqu'ils se baissèrent vers la peluche, enfin, il la remarqua. Puis il se mit à chantonner de sa voix douce, angélique, mélancolique, bougeant la peluche lentement comme pour la faire danser.
«Dasi Run Run Run, meomchul suga eobseo...»
Un sourire triste, l'idole se penche pour poser la peluche par terre, et la vidéo s'arrêta. Jungkook fronça les sourcils, perplexe. Pourquoi avait-il une drôle de sensation ? Pourquoi spécifiquement un "pingouin" ? Il ne savait que trop bien ce que cachait ce mot, en tout cas pour Taehyung.
Il cliqua sur Replay et regarda encore et encore l'expression triste de Jimin. Devait-il y voir un message ? Il avait peur de sur-interpréter les choses, il avait peur de chercher des interprétations dans une vidéo qui n'en avait peut-être pas.
Il alla dans les commentaires, ignorant avec une certaine jalousie les commentaires emplis de messages d'amour envers l'idole, puis l'un d'eux attira son attention.
Taboulet-Lover:
Ooooh, j'adore ton T-shirt "Danger" ! Est-ce que quelqu'un doit fuir les Pingouins, Jimin-Oppa?~♥
"Taboulet" ? Le cœur de Jungkook accéléra et il cliqua sur le profil de cette personne. Le taboulé ne s'écrivait pas avec 'et' à la fin. Et cette orthographe lui rappelait bien trop quelqu'un.
Jungkook soupira, déçu, en ne découvrant que des photos du groupe, un fan account parmi tant d'autres. Au moment où il allait renoncer à y trouver un quelconque lien avec une certaine personne, puis il se figea devant une photo parmi tant d'autres: celle d'un petit chat qu'il reconnut, malgré le fait qu'il avait bien grandi. Et derrière ce chat, un vase qui lui était plus que familier, un vase que Taehyung lui avait offert pour l'un de ses anniversaires, mais qu'il lui avait refilé "parce qu'il n'avait pas la place". Okay, c'était pas très poli de refuser un cadeau comme ça, mais bon...
Avant de retourner en arrière revoir la vidéo de Jimin et le commentaire de Tae, il s'arrêta sur un détail. "Inscrit depuis 6 jours." Il avait fait ce compte exprès pour commenter la vidéo de Jimin?
Jungkook plissait des yeux, réfléchissant alors que la vidéo se répétait en boucle devant ses yeux, il remarqua enfin effectivement le t-shirt de Jimin sur lequel était marqué "Danger", quand bien même on ne le voyait qu'une fraction de seconde lorsqu'il venait de poser la peluche, avant que la vidéo ne se coupe. Clairement, ils voulaient lui dire quelque chose. Ils lui disaient de fuir. Que s'était-il passé ?
Tout devenait plus clair avec l'implication de Tae dans tout ceci, l'ex-transporteur savait très bien que son ami appelait communément la Kkangpae "Les Pingouins". Et si eux lui disaient de partir en y mettant une corrélation avec la Mafia, c'est qu'ils avaient eux-même dû faire à eux.
Il chercha rapidement d'autres indices mais ne vit rien de plus. Alors il effaça l'historique et se leva en direction de la sortie. Si la KKangpae était au courant qu'il était en France depuis maintenant une semaine, il fallait qu'il se dépêche, il était même étonnant qu'ils soient aussi mauvais pour prendre autant de temps pour retrouver sa trace.
Il prit le premier métro, fila dans sa chambre d'hôtel et récupéra ses affaires en hâte. Puis il courut dans les rues, les bruits de ses enjambées encore étouffés par la pellicule de neige sur les trottoirs.
Où devait-il aller ? Que devait-il faire ?
Un homme qui arrivait sur la fin de sa trentaine passa la porte du restaurant. Il était habillé simplement, un jean et une chemise à rayures. Il s'assit à une table, commanda et mangea son repas en silence, puis se leva pour payer.
«Merci de votre visite!
—Oh, vous parlez Coréen? Dites-moi, mon petit neveu était venu en France et depuis on a un peu perdu sa trace... Il parle Coréen, aussi. Vous ne l'auriez pas vu, dans le plus grand des hasards ?»
Sur ces mots, il sortit une photo de sa poche et la montra au serveur qui la saisit pour la regarder. Dessus, deux hommes se tenaient bras dessus, bras dessous, souriant, l'un avec le visage de cet homme qui leur avait tendu la photo, l'autre, le visage de leur jeune collègue.
«Aaah mais c'est Han ! Il a fait la plonge ici quelques mois, ça fait des jours qu'on ne l'a pas vu d'ailleurs... Impossible de le contacter, on s'inquiète...
—Vous le connaissez ?! Han Jinsong?»
L'homme face à lui sembla soudainement troublé devant ce coup de théâtre.
«Jinsong ? Non, le nôtre s'appelait Han Shaozu..?
—Ah, ok. Merci en tout cas, bonne journée!»
Le trentenaire prit alors son téléphone, refermant la porte du restaurant derrière lui avec soin.
«Oui, Boss ?
—Faudra m'expliquer pourquoi vous trouvez rien en une semaine, c'était pourtant pas si compliqué... Merci à la photo trafiquée par contre ahah... Bref, j'ai son nom d'emprunt. Han Shaozu, essayez de retrouver une trace de quelqu'un avec ce nom. Une ouverture de compte bancaire, une transaction, une souscription à un abonnement téléphonique ou à un quelconque autre contrat, fouillez tout. Et j'ai un restaurant à vous faire surveiller, notre homme pourrait bien y revenir.»
Beom-Seok s'installa sur un banc et sortit une cigarette qu'il porta à ses lèvres. Un sourire s'étira sur son visage, se remettant intérieurement un oscar pour son jeu d'acteur. Les humains étaient si facilement manipulables.
Deux jours plus tard, le chef de la petite escouade était confortablement installé dans le divan de la chambre d'hôtel alors que ses hommes de main pianotaient vigoureusement sur leurs claviers comme ils le faisaient sans relâche depuis 48h.
«Boss ! Le passeport d'Han Shaozu vient d'être utilisé ! Il vient d'embarquer dans un avion à destination de New York ! Il décolle dans 20 minutes ! On y va ?!
—Ne sois pas ridicule, on n'y sera jamais à temps. Quel aéroport d'arrivée ?
—John F. Kennedy. Terminal 4, Porte 14.»
Beom-Seok prit son téléphone et passa un coup de fil rapide.
« Je vous donne 100 secondes pour ranger toutes vos affaires, un jet nous attend direction New-York les enfants.»
[New-York. Aéroport John F. Kennedy]
Beom-Seok avait un sourire carnassier qu'il n'arrivait pas à retirer de son visage. Dans quelques minutes l'avion de JK allait se poser. Et ils étaient déjà sur place pour le réceptionner comme il se doit. C'était enivrant, excitant. Depuis le temps qu'ils le cherchaient, qu'ils lui couraient après sans savoir ou courir, ils étaient maintenant là à attendre qu'il se jette dans leurs bras. C'était au final trop facile.
Les passagers commençaient à défiler sous leurs yeux. Il les scrutait, détaillant chaque visage, prêt à s'élancer.
Mais plus le temps passait, plus le sourire du chef quittait ses lèvres. Le flot des gens arrivait à sa fin, et aucune trace du transporteur dont il avait pourtant si bien mémorisé les traits. Où était-il ?!
«Chef, il vient de scanner son passeport.», dit l'un des hommes de mains, scrutant avec attention l'écran entre ses mains.
Beom-Seok se précipita aux guichets et attrapa la personne concernée. Il la tira à l'abri des regards et le jaugea. C'était bien un asiatique dans la tranche d'âge de JK, mais comment aurait-il pu être lui ? Malgré un petit air de ressemblance, c'était bien une toute autre personne. Le serveur du restaurant lui aurait menti ? Aurait confondu JK avec cet individu ?
La Mafieux vola le passeport des mains de l'asiatique. Et grimaça en reconnaissant le visage du Transporteur sur la petite photo d'identité. "Han Shaozu". Quel était ce bordel?
Il prit le poignet du voleur d'identité et le traîna jusqu'aux toilettes. Une personne utilisait actuellement une cabine tandis que les hommes de mains s'étaient postés devant la porte d'entrée.
Beom-Seok tenta d'attendre sans montrer son impatience, puis faillit crier de joie en entendant un petit 'Plouf' signe que la personne avait bientôt fini sa commission. Pourtant, plus rien.
Le Mafieux s'avança et frappa à la porte vigoureusement en criant une phrase en Coréen que la personne à l'intérieur ne devait certainement pas comprendre, mais l'intonation énervée devait sûrement suffire à transmettre le message.
«Tu as 10 secondes pour sortir de là, où je défonce cette porte et j'te fais sortir le cul encore à l'air!»
L'homme sortit exactement 7 secondes plus tard, et courra sans comprendre la situation ni se retourner.
«Bien, à nous maintenant. Pourquoi as-tu ce passeport en ta possession? Et n'essaye pas de me faire tourner en bourrique ou de me raconter des pipeaux.
—J-Je sais pas trop, à l'aéroport, en France, quand je suis allé acheté mon billet ce mec m'a accosté et m'a demandé où j'allais. Quand je lui ai répondu à New-York il a juste souri et a proposé de m'acheter le billet si on échangeait nos passeports... J'ai pas beaucoup d'argent alors...
—Échanger vos passeports ?
—Bah oui, au début je voulais pas trop, mais il m'a promis qu'il allait juste l'utiliser une fois et le brûler, que j'aurais qu'à le déclarer volé ou perdu... Et moi ça me faisait faire une économie sympa... Je suis qu'un étudiant, vous savez...
—Donne-moi ton nom.
—N-Non, je veux pas, vous n'avez pas l'air de confiance...»
Beom-Seok soupira et sortit un couteau qu'il lui plaqua sous la gorge.
«C'est justement parce que je suis pas un type de confiance que tu vas me donner ton nom, maintenant.»
Les hommes de mains se retournèrent lorsque la porte des toilettes claqua dans leurs dos. Leur chef venait de la franchir et était en train de se frotter les mains pour les sécher manuellement alors que quelques gouttes écarlates tachaient sa veste de costard. Il leur tendit un morceau de papier avec un nouveau indiqué dessus.
« Vous chercherez les utilisations passeport de ce nom là. On dégage rapidement d'ici.»
Leur enquête n'avança pas plus. Le Passeport de l'asiatique avait effectivement été utilisé pour se rendre en Russie, mais sur place leurs recherches n'avaient rien donné durant un moment, puis ils se rendirent compte que c'était encore quelqu'un d'autre qui avait prit l'avion, quelqu'un dont tous les papiers de séjour avaient expirés et qui avait accepté ce passeport pour se déplacer une dernière fois.
Ils avaient perdu la trace de Jungkook. Complètement. Qui sait combien de trafics il avait effectué en ce sens pour se rendre introuvable ? Et eux étaient maintenant déjà bloqués à la deuxième étape.
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