Chapitre 22 (J-15)
Agathe se réveilla sur une surface dure et humide. Elle avait la gorge sèche et sa tête la tiraillait. Elle cligna des yeux plusieurs fois avant de pouvoir distinguer clairement ce qui était autour d'elle.
Elle se trouvait dans une cellule digne d'Alcatraz — quoi qu'elle n'y ait jamais mis les pieds, donc elle ne pouvait pas vraiment faire de comparaison. Seul une toilette et un lavabo meublaient la pièce ; à une trentaine de centimètres d'elle se trouvait une flaque d'une substance douteuse. Agathe se redressa péniblement, se rappelant soudain le fil des évènements. Alizée était morte. Gwen avait découvert la vérité, mais elle n'avait pas eu le temps de la lui communiquer. Elle balaya la pièce du regard. Où était-elle ? Elle se rappelait de l'enterrement d'Alizée, mais ensuite c'était le flou le plus total.
Et si elle avait rêvé ? Après tout elle venait de se réveiller, peut-être qu'Alizée n'était pas vraiment morte. Mais dans ce cas, que faisait-elle dans cette cellule ? Non, malheureusement, elle n'avait pas rêvé. Quelqu'un l'avait enfermée ici. Mais pourquoi ? Elle poussa un soupir et passa une main dans sa natte de cheveux emmêlés. Sakina lui avait tressé les cheveux la veille. Comme elles n'avaient pas de peigne ni de brosse, les filles faisaient ce qu'elles pouvaient. Agathe pensa à Sakina et se prit à espérer qu'elle ne soit pas dans une cellule identique. Peut-être allaient ils tous venir la sauver. Tous, sauf Alizée. Agathe essuya une larme du revers de la main. Elle n'avait jamais perdu personne, à part son grand-père quand elle était petite, mais aussi horrible que cela puisse paraître, elle n'était pas vraiment proche de lui et la nouvelle de l'avait pas vraiment attristée. Le décès d'Alizée n'avait rien à voir, c'était trop soudain, trop atroce. Elle ne parvenait toujours pas à l'accepter. Lors de la cérémonie qu'ils avaient organisé pour elle, elle avait bafouillé une phrase à peine française, alors que les autres avaient trouvé les mots justes.
Soudain, elle se demanda combien de temps elle avait dormi et ses yeux se posèrent sur son poignet. Ils ne rencontrèrent que sa peau hâlée. Agathe sentit son rythme cardiaque s'accélérer tandis que la panique s'emparait d'elle. Ce n'était pas possible. Son bracelet ne pouvait pas avoir disparu.
— Non, non, non, s'entendit-elle murmurer.
Sans bracelet, elle ne pouvait pas revenir sur Terre. Elle était condamnée à passer sa vie dans ce monde imaginaire. Dans ce monde où les habitants avaient tenté de la tuer, de la violer, de l'emprisonner. Dans ce monde peuplé de monstres, de tatous géants et de policiers malveillants. Elle ne voulait pas mourir ici. Elle ne pouvait pas.
— Non ! hurla-t-elle.
A présent, la panique avait cédé sa place au désespoir. Elle allait rester ici pendant des jours. Elle allait mourir de soif. Elle avait lu une fois que c'était la pire mort possible. Ses yeux se brouillèrent de larmes et elle envoya son poing frapper le mur crasseux en face d'elle. Avant, elle pensait que personne ne faisait ça en dehors des films, mais à présent elle comprenait. Elle avait besoin de déverser toute sa rage sur quelque chose, et elle n'avait qu'un mur. Pourquoi avait-elle accepté cette mission-suicide ? Elle aurait juste pu arrêter la prépa pour la fac et se trouver une passion, comme tout le monde. Mais non, il avait fallu qu'elle travaille en secret pour le gouvernement français. Dans un monde imaginaire, par-dessus le marché. Et maintenant, Alizée était morte. Et elle allait croupir dans cette sorte de prison. Elle continuait à assener des coups au mur, sans se préoccuper de la douleur ni du sang qui salissait ses phalanges.
Au bout de quelques minutes, elle finit par se laisser tomber sur le sol, épuisée par ce combat à sens unique. C'était dommage de devoir mourir maintenant, alors qu'elle avait trouvé un véritable groupe d'amis. Et même plus. Elle avait commencé quelque chose avec Sakina, quelque chose qu'elle n'allait jamais pouvoir finir. Agathe regarda autour d'elle. Quitte à mourir seule et malheureuse, pourquoi attendre ? Autant chercher à en finir maintenant. Non, c'était égoïste. Gwen avait trouvé la cible, elle devait s'assurer que la jeune rousse et ses coéquipiers puissent regagner la Terre. Elle espérait qu'ils n'étaient pas en prison et que dans le cas contraire, on ne leur avait pas pris leur bracelet. Une lueur d'espoir gagna Agathe. La personne qui lui avait pris son bracelet ne l'avait probablement pas détruit — pourquoi l'aurait-elle fait ? Par conséquent, il lui restait une chance de récupérer l'objet et de regagner la Terre. Une infime chance, mais une chance tout de même. Il fallait juste qu'elle trouve un moyen de sortir d'ici.
Par réflexe, elle fouilla les poches de son pantalon en toile. Elles étaient vides. Ses mains remontèrent un peu pour palper son t-shirt, même si elle savait qu'elle n'allait rien trouver. Soudain, elle sentit un relief anormal. Elle était persuadée de ne pas avoir autant de poitrine. Elle glissa ses doigts sous son soutien-gorge usé et en sortit la montre. Stupéfaite, elle ne put contenir un éclat de rire nerveux. Tout ce temps, il avait été là, alors qu'elle paniquait et se voyait déjà passer ses vieux jours dans ce monde atroce. Le rire se mêla rapidement aux larmes, et elle ne savait plus très bien comment elle se sentait. Elle aurait aimé partager son soulagement avec quelqu'un. Elle était extrêmement reconnaissante envers la personne qui avait caché le bracelet dans son soutien-gorge. Tout de même, elle espérait que ce n'était pas un garçon. Elle n'avait pas très envie de se dire que Taj, Corentin ou Théodore lui avait peut-être touché les seins. C'était sûrement Gwen qui y avait pensé. C'était beaucoup moins gênant. Ou alors Sakina, et dans ce cas, c'était un peu embarrassant. Mais pas déplaisant pour autant.
Agathe se redressa. Elle avait mieux à faire que de passer du rire aux larmes en l'espace de quelques minutes. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait là, mais elle pouvait au moins mettre ce temps à profit pour réfléchir. Si Gwen avait compris, elle aussi pouvait comprendre. Dommage qu'elle n'ait ni papier ni crayon. Elle posa les yeux sur le bracelet qu'elle serrait fermement comme si sa vie en dépendait et une idée lui vint. Elle n'avait qu'à utiliser la fermeture en métal de la montre pour écrire sur le mur. Mais si quelqu'un venait, elle avait intérêt à dissimuler l'objet au plus vite.
Contente de son idée, elle se leva et s'attela à la tâche, écrivant en vrac tout ce qui lui passait par la tête.
France
Etats-Unis
Viol/Inceste
Texas
Monstre
Gens tristes dans un parc
Police malveillante
Tueur en soutane
Harcèlement scolaire
2010
Cellule de prison
Elle plissa les sourcils. La femme lui avait paru avoir une trentaine d'année. En 2010, elle devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans. L'âge de partir faire des études aux Etats-Unis. Elle divisa le mur en quatre parties à l'aide de trois traits : enfance, adolescence, études, adulte. Si quelqu'un passait par là, il la prendrait seulement pour une fille un peu étrange. Jamais il ne se douterait de la vérité. Dans la case « Enfance », elle écrivit :
France (Marseille ?)
Inceste
Harcèlement scolaire
Après tout, les élèves de l'école où elles avaient récupéré l'eau n'étaient pas exactement des enfants de chœur. Dans la colonne « Jeune adulte », elle inscrivit :
Etats-Unis (Texas)
Université d'Austin
2010
Encore du harcèlement scolaire
Pleurer dans un parc
Tueur en soutane
Cellule de prison
Elle fronça les sourcils, ne parvenant pas à trouver une corrélation entre ces différents éléments. Au bout de quelques minutes de réflexion, elle finit par se rasseoir et jeta un œil à sa montre, qui indiquait dix-sept heures cinquante-trois. Elle s'empressa de remettre le bracelet dans son soutien-gorge, peu désireuse de le perdre à nouveau. Quelques minutes plus tard, la porte s'entrouvrit et quelqu'un déposa sur le sol une tranche de pain recouverte de viande et une bouteille d'eau. Agathe eut à peine le temps d'entrevoir le visage de l'homme que la porte s'était déjà refermée.
Elle réalisa qu'elle mourait de faim et attrapa la tranche de pain. Elle aurait préféré avoir une vraie assiette, peut-être aurait-elle pu l'utiliser à d'autres fins. Mais au moins, elle avait plus de nourriture. Elle enfourna un morceau de viande, tentant de manger le plus proprement possible. Même si elle était seule, elle tenait à préserver un certain degré de dignité.
Une fois la dernière bouchée avalée, elle poussa un long soupir. En plus de l'avoir rassasiée, manger l'avait occupée. Cela ne faisait que quelques heures qu'elle était enfermée dans cette cellule, mais c'était suffisant pour avoir un aperçu du calvaire que vivaient les personnes séquestrées pendant plusieurs années.
Elle se força à repenser à l'assassin d'Alizée. Qu'avait-il dit exactement ? Quelque chose en rapport avec ceux qui offensaient Dieu. Elle sentait que toute la clé résidait là, dans la religion. Et puis il y avait tout ce qui n'avait aucun sens. Le parc avec les gens tristes. La cellule dans laquelle elle se trouvait. Pour la première fois, elle eut la même impression que Gwen la veille. Tout était là, sous ses yeux, mais elle ne parvenait pas à assembler les morceaux de puzzle.
Agathe décida de s'efforcer de dormir un peu. Il n'était même pas dix-neuf heures, mais elle n'avait rien de mieux à faire. Et puis, ne disait-on pas que la nuit portait conseil ?
Bien évidemment, elle n'avait pas sommeil. Depuis le début du programme d'entraînement, elle s'était habituée à s'endormir en quelques minutes, épuisée par tant d'activité physique, mais aujourd'hui, elle n'avait rien fait d'autre que de se faire capturer. Les minutes lui parurent des heures, et elle s'obligea à ne pas regarder sa montre, à la fois par peur de se faire prendre si un garde entrait et pour ne pas être découragée par la lenteur avec laquelle le temps s'écoulait. Après s'être retournée pendant plusieurs heures, elle finit par somnoler un peu. Les images du cadavre d'Alizée, de l'œil du tatou et de l'homme qui avait tenté de la violer se succédaient dans son esprit et elle se réveillait fréquemment en sursaut. Peu à peu, la solitude commença à lui peser vraiment.
Plusieurs fois, on lui amena à manger et Agathe dégusta sans entrain la tranche de pain et ce qui la recouvrait. Elle se sentait de plus en plus confuse ; combien de temps allait-elle rester dans cette cellule ? Etait-il possible qu'on la laisse croupir ici ? Elle s'efforçait de parler et de regarder l'heure de temps en temps pour ne pas sombrer dans la folie. De temps en temps, elle avait envie de hurler et de frapper le mur, mais elle se contenait et fredonnait une chanson qu'elle connaissait à la place. Elle n'était pas folle.
Au bout de plusieurs jours, la porte s'ouvrit et un garde entra. Agathe se redressa, persuadée qu'il lui apportait à manger. Mais l'homme laissa la porte grande ouverte.
— Tu sors, déclara-t-il en anglais. On a du travail pour toi.
**********
Hello! Bon, je viens de faire un chapitre sur Agathe qui psychote toute seule dans une cellule, je vous l'accorde, y'a plus passionnant. Mais au moins:
- Personne n'est mort dans ce chapitre (à notre connaissance du moins)
- Ça vous aura peut-être permis de comprendre la cible
- Le prochain chapitre va être plus mouvementé 😈
Pas d'ordi pendant une semaine donc je vais galérer mais je vais poster (Et j'espère que wattpad va pas faire n'importe quoi)
Bonne soirée 😀
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