Chapitre 20 (J-16)

—Qu'est-ce que...

Le boulanger, un homme blond d'une quarantaine d'années, se planta devant elle, un sourire aux lèvres.

— Tu sais ce qu'on leur fait, ici, aux journalistes ?

Agathe recula, apeurée, mais elle ne fit que heurter la porte.

— Sakina ! cria-t-elle dans l'espoir que le bruit alerte sa coéquipière.

Le blond tapota sur la poche de son tablier et en sortit un petit couteau de cuisine.

— Tu crois vraiment que ta collègue va pouvoir faire quelque chose pour toi ? dit-il en tendant la main dans laquelle il tenait le couteau.

Sans réfléchir, Agathe envoya un coup de pied circulaire afin de le désarmer. Malheureusement, en plus d'anticiper son geste et de l'esquiver, son agresseur lui attrapa la jambe et la tourna, la faisant chuter brutalement par terre. Au passage, le couteau s'enfonça dans sa cuisse, lui arrachant un hurlement de douleur. L'homme s'agenouilla par terre à côté d'elle, affichant un rictus maléfique.

— Maintenant, tu vas te laisser faire, murmura-t-il en pointant le couteau dans sa direction.

Il caressa la joue d'Agathe de sa main libre. Elle se mit à trembler, priant pour que Sakina arrive. Sakina finissait toujours par arriver. Elle était forte, ce n'était pas un couteau qui l'arrêterait.

— Tu frisonnes de plaisir. Tu aimes ça, coquine.

Incapable de contenir plus longtemps son dégoût, Agathe cracha du plus fort qu'elle put sur la figure du boulanger. Celui-ci s'essuya d'un revers de main et ses traits se tordirent de rage.

— Tu vas regretter d'avoir fait ça. Enlève ton t-shirt.

Agathe obéit, tout en cherchant une issue. Elle remarqua une tache de sang sur son pantalon, à l'endroit où le couteau avait pénétré sa chair. Elle sentit des lèvres étrangères se poser sur les siennes et l'embrasser sans aucune douceur, tandis que des mains rugueuses tentaient de dégrafer son soutien-gorge. Si elle devait avoir un éclair de génie, c'était le bon moment. Soudain, Agathe entendit avec soulagement un bruit de clé qui tournait dans la serrure.

Sakina entra dans la pièce et son front plissa de colère en voyant ce que l'homme était en train de faire.

— Lâche-là immédiatement ou je te jure que je te casse la gueule à tel point que tu ne pourras plus jamais marcher, siffla-t-elle.

L'homme remonta le couteau et le posa sur la gorge d'Agathe. Terrifiée, elle sentit tous ses muscles se tendre et jeta un regard affolé à Sakina. Pourtant, elle savait pertinemment qu'elle était la seule à pouvoir se sauver. En se baissant brusquement et en lui assénant un coup de coude, elle avait une chance de se libérer de son empreinte et de s'en sortir indemne. Une maigre chance, mais une chance tout de même. En même temps, l'homme n'avait probablement pas l'intention de la tuer. Etait-elle réellement prête à risquer le tout pour le tout ?

Voyant que Sakina ne bougeait pas, l'homme appuya un peu plus sur le couteau, et Agathe sentit une légère douleur au contact de la lame.

— Sors tout de suite ou je la tue, gronda-t-il.

Sakina glissa une main sous son pantalon et en sortit le revolver qu'elles avaient volé à la station service, avant de le braquer sur l'homme. Agathe sentit l'espoir la regagner. Elle avait totalement oublié l'existence de cette arme, que Sakina avait dû garder pendant tout ce temps, sans jamais l'utiliser. Elle avait dû la réserver aux cas d'extrême urgence. Elle fit quelques pas vers l'agresseur d'Agathe, ignorant ses consignes.

— Ecoute-moi bien, ordonna-t-elle d'une voix étrangement calme. Tu vas me donner ce couteau, tout de suite, et tu vas gentiment nous laisser partir. Sinon, je te jure que je t'explose la cervelle.

L'homme hésita un instant, évaluant probablement le sérieux de la menace de Sakina. Il finit par baisser le couteau d'un geste lent. Agathe n'osa pas respirer avant qu'il n'ait rendu l'arme à sa capitaine. Aussitôt libérée, Agathe attrapa son t-shirt et elles se ruèrent toutes les deux hors de la boulangerie. Tout en continuant à courir, elle enfila tant bien que mal son t-shirt. Elle ne voulait pas s'attirer d'ennuis supplémentaires en courant dans la rue à moitié dénudée. Une fois suffisamment éloignées de la boulangerie, elles se laissèrent tomber contre le mur pour reprendre leur souffle.

— Merci, souffla Agathe.

— Je ne fais que te rendre la pareille.

— J'avais oublié qu'on avait le pistolet en dernier recours, avoua Agathe.

Sakina se mordit la lèvre.

— On ne l'a pas.

— Comment ça ?

— J'ai utilisé toutes les balles contre le tatou. J'ai dû bluffer.

Agathe fronça les sourcils. Sakina l'avait mise en danger en faisant ça. En même temps, son stratagème avait fonctionné et l'avait sauvée. Elle ne pouvait pas décemment lui en vouloir.

— Bien joué, la félicita-t-elle. Bon, on ferait mieux de chercher les autres. J'ose espérer que nous n'avons pas eu de chance, mais vu l'obsession de notre terroriste avec le viol, j'ai un mauvais pressentiment.

***

Taj et Gwen s'étaient dépêchés de s'éloigner de la maison. A présent, ils marchaient, mais Taj n'avait pas lâché la main de Gwen. Il restait sur ses gardes, de peur qu'une autre voiture ne surgisse de nulle part.

Alors qu'ils tournaient dans une autre rue, il aperçut Corentin qui courait vers eux à toute vitesse.

— Taj, haleta-t-il une fois arrivé à sa hauteur, j'ai besoin de ton aide.

Taj fronça les sourcils. Pour que Corentin lui adresse la parole, la situation devait vraiment être urgente. Néanmoins, il n'hésita et fit signe à Gwen de le suivre. Il ne l'aurait laissée seule pour rien au monde après ce qui venait de se produire. Après quelques minutes de course, Taj découvrit un Théodore recroquevillé contre un mur, secoué de tremblements. Alizée tentait tant bien que mal de le rassurer.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? interrogea Taj, bien qu'il ait déjà une idée de la réponse.

— Des hommes ont essayé de nous violer.

Ainsi, ils étaient tombés sur un village de violeurs. Mais ça n'expliquait pas la réaction de Théodore.

— Mais... Ils n'ont pas réussi, si ? demanda Taj une légère appréhension.

Corentin secoua la tête.

— Mais alors, pourquoi...

Soudain, il comprit. Dans leur groupe, il y avait ceux qui étaient partis pour échapper à ce qu'ils avaient fait et ceux qui étaient partis pour échapper à ce qu'on leur avait fait. Taj avait toujours cru que Théodore appartenait à la première catégorie, et il l'avait détesté pour ça. Parce qu'il était comme lui et qu'il se détestait lui-même. Mais en réalité, Théodore appartenait à la catégorie des victimes, comme Alizée et Corentin. Lentement, il s'approcha du jeune homme, qui sanglotait doucement.

— Ecoute, mec, je ne sais pas ce qui t'es arrivé exactement, mais si tu restes là sans bouger, tu les laisses gagner.

— Je sais, hoqueta Théodore, et Taj comprit qu'il était trop sous le choc pour bouger.

Corentin et lui se comprirent sans même avoir besoin de parler. Taj souleva Théodore par les épaules et Corentin s'occupa de ses jambes. Ensemble, ils entreprirent de l'amener au point de rendez-vous.

***

Agathe regarda avec soulagement Taj, Corentin, Théodore, Alizée et Gwen regagner le point de rendez-vous. Cela faisait plusieurs dizaines de minutes qu'elle et Sakina attendaient et elles commençaient à s'inquiéter. Agathe remarqua que Taj et Corentin portaient Théodore. Etait-il blessé ? Elle sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Elle avait beau ne pas apprécier Théodore, il restait son coéquipier et elle ne lui souhaitait aucun mal.

Lorsque le petit groupe parvint enfin à leur hauteur, elle constata avec soulagement qu'il n'avait pas l'air blessé. Cependant, il tremblait de tous ses membres. Elle en devina la raison.

— Vous aussi ?

Taj hocha la tête.

— Ils ont essayé sur un peu tout le monde. Et vous ?

Agathe ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortit. Elle n'avait pas envie de mettre un mot ce qui avait failli se produire. Percevant son malaise, Sakina posa une main qui se voulait réconfortante sur son épaule, provoquant un frisson chez la jeune femme qui ne put s'empêcher de repenser au contact avec le boulanger. Sa coéquipière parut comprendre et retira aussitôt sa main. Taj leur jeta un regard éloquent.

— C'est donc un sport national ici. Bon, je propose qu'on le porte au moins jusqu'à s'éloigner un peu d'ici.

Sakina acquiesça.

— Je vais te remplacer, Corentin, proposa-t-elle.

Le jeune homme ne protesta pas et Taj et Sakina soulevèrent à nouveau Théodore. En quittant la ville, Gwen ne put contenir une exclamation de surprise.

— Regardez ! s'exclama-t-elle en désignant un panneau du doigt.

Agathe dirigea son regard vers la direction et son sang se glaça. Le panneau de la ville indiquait « Fathertown ». Elle comprit pourquoi tout les habitants du village avaient essayé de les violer. La théorie de Gwen sur l'inceste était donc vérifiée.

— Tu avais raison, soupira Agathe.

Ils restèrent quelques instants plantés devant le panneau, avant que Sakina ne leur fasse signe de se remettre en route. Théodore ne devait pas être très léger. Quelques minutes plus tard, ils s'arrêtèrent à nouveau à l'abri d'un arbre. Agathe n'était pas contre cette pause, car sa jambe lui faisait un mal de chien, ce qui rendait la marche difficile.

— Alors, raconte-nous, encouragea Taj en reposant Théodore par terre.

Il n'y avait aucune trace de curiosité malsaine ou de pitié dans sa voix, seulement de compassion. Théodore releva la tête, le regard vide.

— Vous allez vous foutre de ma gueule.

— Il n'y a rien de drôle dans le viol, le rassura Taj.

Théodore prit une inspiration.

— Ca se passait pendant mes cours particuliers de piano, murmura-t-il. J'avais treize ans, et je savais très bien ce qui se passait. Mais j'étais un garçon et... Enfin, je ne dis pas que c'est pire pour un garçon, mais dans ma tête, c'était impensable de le dire. J'avais honte de ne pas être capable de me défendre. J'ai demandé à mes parents d'arrêter le piano, mais ils ont exigé que je finisse l'année scolaire.

Il marqua une pause.

— C'est peut-être idiot, reprit-il, mais je me suis mis à les détester. J'aurais voulu qu'ils devinent ce qui se passait, qu'ils comprennent que j'allais mal. Au lieu de ça, ils ont prolongé mon calvaire. Parce qu'un fils qui fait du piano, ça fait bien. Moi, je les hais, tous ces bons catholiques bien croyants qui vont à l'église tous les dimanches, mais qui se préoccupent plus des apparences que de la santé de leurs enfants. Tous des putains d'hypocrites.

Pour une fois, Agathe eut l'impression de partager quelque chose avec le jeune homme. Elle ne détestait évidemment pas les catholiques, mais elle déplorait le fait que chez certaines personnes, les conventions et la préoccupation de l'image avaient pris le dessus sur les valeurs.

— J'aimerais pouvoir dire que c'est à cause de ça que je suis devenu aussi con, avoua le blond. Mais honnêtement, je n'en sais rien. C'est sûr que détester tout le monde, ça n'aide pas particulièrement à être sympa. Mais pour moi, j'ai une grosse de part de responsabilité dans la personne que je suis aujourd'hui.

Il y eut un silence, comme si personne ne savait comment réagir devant tant d'honnêteté. Etrangement, la déclaration de Théodore avait complètement changé la perception qu'Agathe avait de lui. Pas parce qu'elle avait pitié de lui, mais parce qu'elle aimait la façon dont il n'essayait pas d'excuser son comportement par ce qui lui était arrivé. Prise d'une impulsion soudaine, elle tendit la main au jeune homme pour l'aider à se relever. Celui-ci lui lança un regard surpris, mais finit par l'attraper avec un léger sourire.

— Bon, assez parlé, lâcha-t-il comme pour détendre l'atmosphère. On reprend la route ?

— Promets-moi que tu ne vas pas arrêter de nous casser les pieds, intervint Taj. Tu as l'air d'un mec gentil, et ça me fait flipper.

— T'inquiète pas pour ça, Taj Mahal, répliqua Théodore. J'ai bien l'intention d'être chiant jusqu'au bout.

Sur ce, ils se remirent tous en route.

***

Taj vit avec surprise Corentin se rapprocher de lui. Il savait que le jeune homme le détestait, et il pouvait difficilement lui en vouloir. Mais cette fois-ci, il ne lut aucune animosité dans le regard du brun.

— Merci de m'avoir aidé.

— C'est normal, protesta Taj.

— Je sais. C'était juste ma façon de dire que je t'ai pardonné.

Taj fronça les sourcils.

— Mais, pourquoi ? Ce que j'ai fait est impardonnable.

— D'après ce que j'ai compris, tu n'étais pas un leader. Tu as agi comme un mouton, pour t'intégrer. Tu ne comprenais pas le mal que tu faisais. Et puis, c'était il y a presque cinq ans. Pour moi, la connerie n'est pas un crime impardonnable.

— Va dire ça aux parents de Stéphanie.

— Je pense qu'ils s'en veulent bien plus à eux-mêmes, rétorqua Corentin. Tout le monde t'a pardonné, Taj. Maintenant, c'est à toi de faire de même.

Sur ce, il s'éloigna, laissant Taj perplexe. Une adolescente était morte à cause de lui, et il devrait essayer d'arrêter de se sentir coupable ? Il décida de ne plus y penser pour le moment. Il se dirigea vers Gwen ; il n'avait même pas eu le temps de lui demander si elle allait bien. La jeune rousse lui adressa un sourire timide en le voyant arriver.

— Ca va ? s'enquit-il.

Gwen hocha la tête.

— Oui. J'ai eu un peu peur, mais tu es arrivé à temps.

Sans crier gare, elle attrapa la main de Taj.

— Tu saignes, constata-t-elle.

— Oui, je me suis pris pour Jackie Chan et j'ai voulu briser la vitre à la main. Ça a marché, mais ma main a pris cher.

— C'est pas pour rien que Jackie Chan est chinois et pas indien, plaisanta Gwen.

Taj rit.

— C'est pas un peu raciste, ça ?

— J'ai le droit, je suis rousse, on a voulu brûler les gens comme moi tout au long de l'histoire.

— Tu marques un point, admit-il.

Il réalisa qu'il n'avait toujours pas lâché la main de Gwen.

— Tu sais, avoua-t-il, j'aurais aimé qu'on se rencontre dans d'autres circonstances.

— Pourquoi ? Dans d'autres circonstances, on ne se serait peut-être pas parlé.

Taj songea qu'elle avait probablement raison. Il ne parlait pas à beaucoup de gens dans le monde réel.

— Ce que je veux dire, c'est que si on réussit la mission et qu'on rentre sain et sauf...

Il s'arrêta, cherchant ses mots.

— Ce sera comme de nouvelles circonstances, mais on se sera déjà parlé.

— Oui, en effet, approuva Gwen, un sourire amusé aux lèvres. Où est-ce que tu veux en venir ?

Taj hésita. D'habitude, il ne parlait pas beaucoup, mais il n'avait aucune difficulté à le faire.

— Je t'aime bien, lâcha-t-il finalement. J'ai envie de continuer à te voir sur Terre.

Le sourire de Gwen s'élargit.

— J'accepte.

***

Agathe grimaça. Sa blessure n'était que superficielle, mais elle rendait tout de même sa marche difficile. Sakina s'approcha d'elle, n'ayant plus à porter la chaise.

— Hé, je suis désolée de t'avoir abandonnée pour aller chercher une chaise.

Agathe haussa les épaules.

— Je te pardonne. J'ai bien compris que la conversation avec les inconnus, ce n'était pas ton fort.

Sakina fit mine de s'offusquer.

— Dit la fille passe les soirées toute seule dans un coin, à boire dans un gobelet en plastique.

Agathe feignit de réfléchir.

— C'est marrant, dans mon souvenir, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça, hier...

Agathe crut voir Sakina rougir.

— Oui, désolée pour ça, je me suis un peu emballée...

— Ne t'excuse pas, j'ai apprécié.

— Oui, j'avais remarqué, s'esclaffa sa coéquipière. Ce que je voulais dire, c'est que ce n'était pas très professionnel. On nous a envoyés là pour sauver des vies.

Agathe hocha la tête.

— Je comprends ton point de vue. Après, on risque notre vie. Si je dois mourir, je préfère mourir après t'avoir embrassée.

— Tu ne vas pas mourir, assura Sakina. On va rentrer sur Terre, sauver tout le monde, et ensuite, si tu le souhaites, on pourra reprendre là où on s'était arrêtées.

Agathe ne put s'empêcher de sourire.

— J'aimerais bien.

Sa blessure se rappela brutalement à l'ordre et elle ferma les yeux, comme si ce geste pouvait faire disparaître la douleur.

— Ca va ? Mais, tu es blessée...

Lorsqu'Agathe rouvrit les yeux, Sakina était en train d'observer sa blessure, le front plissé.

— C'est rien, protesta-t-elle. Pas besoin de déshabiller tous les mecs pour ça.

— Ah, tu préfères déshabiller les filles ?

Un instant, fut tentée de répondre par une plaisanterie similaire, mais elle se ravisa et se contenta de lever les yeux au ciel. Elle ferait des blagues quand elle aurait les idées plus claires. Sakina fit signe au reste du groupe de s'arrêter.

— On va dormir ici, annonça-t-elle. Je sais qu'il est tôt, mais tout le monde a bien besoin d'un peu de repos.

Un murmure approbateur s'éleva et les sept coéquipières s'assirent en cercle, à l'ombre d'un arbre. A présent qu'ils approchaient d'Austin, ces derniers se faisaient de plus en plus fréquents. Elle regarda Sakina sortir une des robes de leur sac ; en partant de l'université, ils avaient enfilé leurs habits sales et décidé de subtiliser les tenues de soirée, estimant que cette punition était loin d'être suffisante. La capitaine déchira le vêtement d'un coup sec.

— C'est une bonne chose que tu n'aimes pas les robes, commenta-t-elle avant d'entraîner Agathe à l'écart pour lui faire son bandage.

Cette dernière jeta un regard angoissé à son bracelet. Il restait quinze jours, dix-neuf heures et quarante minutes. Soudain, une pensée dérangeante s'immisça dans son esprit.

— Sakina ?

Alarmée par son ton inquiet, la jeune femme releva la tête.

— Oui ?

— C'est une vraie blessure ?

— Euh... Ce n'est pas grave, mais oui, c'est une blessure.

— Assez pour m'empêcher de translater ?

Elle sentit une vague de peur monter en elle. Elle ne voulait pas rester seule dans un monde qui n'était pas le sien, dans des pensées qui n'étaient pas les siennes. Elle deviendrait folle.

— Je ne sais pas, mais ne t'inquiète pas pour ça, la rassura Sakina. Il reste du temps. On ne te laissera pas toute seule ici, en tout cas. Allez viens, on va manger.

Sur ce, elle l'aida à se relever sans lui laisser de temps de s'apitoyer sur son sort. Elles rejoignirent le reste du groupe et Agathe constata avec surprise que leurs camarades étaient en pleine discussion. Il régnait une ambiance étrange, comme si les personnes assises en demi-cercle s'appréciaient. Un peu étonnée, Agathe prit place et attrapa le paquet de biscotte que Théodore lui tendait avec un sourire.

Elle réalisa qu'ils n'avaient plus aucun secret les uns pour les autres. Tout était dit, et c'était sans doute ce qui avait provoqué cette atmosphère plus légère. Prise d'une soudaine envie d'exprimer ce qu'elle ressentait, elle attrapa la main de Sakina.

— Oh, s'exclama Alizée, vous êtes vraiment un des couples les plus mignons que je connaisse.

Elles étaient loin d'être en couple, mais Agathe ne trouva pas nécessaire de le préciser et préféra mordre avec appétit dans une biscotte.

— Je tuerais pour un steak-frites, lança Corentin.

— Un fondant au chocolat, renchérit Agathe.

Sakina parut réfléchir un instant.

— Est-ce que ça fait le cliché de la fille algérienne si je dis que je meurs d'envie d'un tajine ?

— Un peu, s'esclaffa Théodore, mais on te pardonne. Cela dit, je crois que je préfèrerais un couscous. Avec des cornes de gazelle. Ou alors un curry, pour faire plaisir à Taj Mahal.

Pour une fois, Taj n'eut pas l'air agacé par ce surnom.

— Moi, je reste sur le tajine.

— C'est injuste, s'indigna Alizée, vous citez des plats algériens et indiens mais rien de Côte d'Ivoire.

— Arrête de nous les briser avec tes origines ivoiriennes, t'es juste un quart.

— Chut, les interrompit Sakina.

— Quoi, ironisa Théodore, tu vas nous annoncer que toi aussi, t'es seulement un quart algérienne ?

— Non, j'ai entendu un bruit.

Aussitôt, le silence se fit. Tous avaient compris au ton de Sakina qu'elle ne plaisantait pas. Soudain, Agathe entendit quelqu'un marcher derrière elle et fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec un homme vêtu d'une sorte de soutane.

— Ceux qui offensent Dieu doivent payer, déclara-t-il, le regard perdu dans le vague.

Agathe tenta de se relever, mais sa douleur à la cuisse la rappela à l'ordre et elle resta clouée au sol. Horrifiée, elle regarda l'homme sortir de sa poche une épée en forme de croix et se ruer sur Alizée. Cette dernière ne vit même pas le coup venir. La lame s'enfonça dans son dos et la traversa sans qu'elle n'ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait. 

          *******************

Je sens que vous allez me détester...

Au fait je m'excuse s'il y a des fautes je ne suis pas chez moi donc j'ai pas mon ordi (oui je suis en vacances cette fois :p)

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