Chapitre 14 (J-21)
Agathe vit avec horreur la foule foncer sur eux et entendit Sakina leur crier de courir. Elle s'exécuta, Gwen sur ses talons. Elle vit un grand brun attraper Sakina et s'arrêta net, inquiète pour son amie. Mais cette-dernière asséna un coup de coude dans les côtes de son agresseur et le projeta à terre aussi facilement que si elle avait affaire à un vulgaire sac de pommes de terre. Agathe connaissait les capacités de Sakina, mais elle en fut tout de même impressionnée. Elle se remit à courir et réalisa qu'Alizée et Taj étaient également en difficulté, alors que les habitants ne semblaient pas vouloir s'en prendre à elles. Elle réalisa en frissonnant qu'il devait s'agir d'une force de racisme.
Un homme qui possédait la carrure d'une armoire à glace avait immobilisé Taj contre le sol et lui proférait des insultes. Agathe se demandait ce qu'ils pouvaient faire pour lui venir en aide lorsqu'elle vit Gwen bondir sur ses pieds pour venir en aide au jeune homme.
— Gwen, attends ! cria-t-elle.
Mais c'était trop tard, la jeune rousse était déjà partie à la rescousse de Taj. Pourtant, face à un homme de ce gabarit, elle n'avait aucune chance. Agathe la vit se placer derrière l'homme et enfoncer ses deux doigts dans ses orbites. Cela lui rappela son combat avec le tatou. L'agresseur de Taj poussa un hurlement et, contre toute attente, Gwen parvint à le faire lâcher Taj. Mais c'était sans compter un autre, plus jeune, qui attrapa Gwen par la taille et la plaqua contre le mur. Agathe réalisa que Gwen se défendait très mal, comme si elle n'avait suivi aucun entraînement. L'homme semblait la maîtriser avec une facilité déconcertante. Mais, tout à coup, Gwen envoya son genou dans ses parties génitales, et, profitant de la surprise et du déséquilibre de l'homme, le poussa violemment. Agathe comprit alors qu'elle n'avait fait que feindre de ne pas savoir se défendre pour prendre l'homme pas surprise. Même si elle n'était pas la plus forte physiquement, son intelligence hors pair lui avait permis de s'en sortir.
En voyant l'armoire à glace se relever, Agathe comprit que son amie allait avoir besoin d'aide, comme Taj était toujours à terre, et courut à sa rescousse. Alors qu'il s'apprêtait à frapper Gwen du poing droit, elle l'attrapa par l'épaule pour le tirer en arrière et faucha sa jambe droite, le faisant ainsi chuter. Gwen tendit alors une main à Taj qui se releva sans l'attraper, et ils se mirent à courir tous les trois. Quelqu'un d'autre avait visiblement aidé Alizée.
— Tu n'aurais pas dû faire ça, souffla Taj en direction de Gwen.
— Faire quoi, te sauver ? rétorqua cette dernière.
— Oui. C'était risqué.
— Tu m'as sauvée hier, je te sauve aujourd'hui.
— Alors ne recommence pas, compris ?
Agathe vit dans le regard de sa coéquipière que le comportement de Taj l'avait blessée, mais ils n'avaient pas de temps à perdre. Elle attrapa sa main pour la pousser à courir plus vite.
Au bout d'une dizaine de minutes, ils finirent par stopper leur course et décidèrent d'établir leur campement ici.
***
Sitôt leur repas avalé, Agathe s'arrangea pour avoir un moment avec Gwen à qui elle n'avait pas adressé la parole depuis le matin. Elle entraîna la jeune femme quelques dizaines de mètres plus loin, près de l'un des rares arbres qui parsemaient le désert texan imaginaire. Gwen paraissait un peu secouée, probablement à cause des paroles de Taj, mais elle continuait d'afficher son sourire habituel.
Elle s'assirent par terre et contemplèrent le ciel. Il faisait nuit à présent et les étoiles illuminaient le ciel. Soudain, Gwen fronça les sourcils.
— Les constellations, murmura-t-elle.
— Les constellations ? répéta Agathe.
— C'est très précis, expliqua la rousse. Elle a dû passer beaucoup de temps à regarder le ciel.
— Une passion pour les étoiles ?
— Ou alors, elle a passé un certain temps dans la rue. Ca ne m'étonnerait pas outre-mesure.
Agathe eut le sentiment qu'elle ne pouvait pas mentir à Gwen. Certes, dire que c'était elle que le policier avait agressée ne changeait a priori pas grand chose, mais elle n'en était pas sûre. Peut-être que Gwen y verrait une importance particulière. C'était elle la plus brillante du groupe.
— Gwen, ça va ? Je suis désolée si j'ai été agressive avec toi ce matin.
Gwen secoua la tête.
— Non, ne t'inquiète pas pour ça. Je n'aurais pas dû insister.
Agathe lâcha un petit rire. Ils avaient beau être dans un monde parallèle dans une mission risquée et d'une importance considérable, elle avait parfois l'impression d'être à l'école primaire, à force de disputes et de réconciliations. Elle s'éclaircit la gorge.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Taj ?
— Je n'en sais rien, avoua Gwen. Je n'ai pas eu l'impression d'avoir fait quoi que ce soit de mal, mais il a changé de comportement tout à coup.
— Bizarre, souffla Agathe. Et dommage. J'aurais aimé voir ce que ça donne des bébés indiens roux.
Gwen éclata de dire, au grand plaisir de son amie.
— Ca n'existe pas. L'allèle roux est récessif. Et c'est censé être toi, la scientifique.
Agathe le savait, mais elle ne manquait pas une occasion de taquiner sa camarade.
— Donc, tu ne nies pas avoir envie d'avoir des bébés avec Taj.
Gwen fit la moue, prise au piège. Agathe réalisa que cette conversation lui faisait du bien à elle aussi. Elle se sentait presque normale. Et en même temps, rien n'était normal. Elle réalisa avec un pincement au cœur qu'elle était la seule cause de son malheur et qu'elle aurait probablement pu arranger les choses sans faire quelque chose d'aussi extrême et faire du mal à ses proches.
— Je ne veux pas faire de bébés avec lui, répliqua Gwen. Mais je l'aime bien comme ami et je ne comprends pas pourquoi il a l'air de m'en vouloir.
— Alors parle lui, suggéra Agathe. J'ai eu une discussion avec Sakina et ça a arrangé pas mal de choses. Il a peut-être une raison de t'éviter, ça ne veut pas dire qu'il ne t'aime pas.
Elle se rendit compte qu'elle venait de comparer la relation entre Gwen et Taj avec celle qu'elle entretenait avec Sakina, mais heureusement, Gwen ne releva pas.
— Tu as sans doute raison, approuva-t-elle.
— Ah, et, je voulais te parler de quelque chose.
Elle hésita un moment. Elle venait de gagner la confiance de Sakina et cela lui fendait le cœur de la trahir aussi vite. Mais elle n'avait guère le choix, elle devait faire passer la mission avant tout.
— Je n'ai pas dit la vérité sur ce qui s'est passé à Marseille.
Sur ce, elle se mit à raconter la façon dont les évènements s'étaient déroulés. Gwen écoutait d'une oreille attentive, pensive.
— Merci de me l'avoir dit, Agathe.
Celle-ci se força à sourire tandis que la rousse rejoignait le reste du groupe, mais elle se sentait vraiment mal par rapport à ce qu'elle venait de faire. Lorsque Gwen fut partie, elle resta un moment adossée contre le tronc, les yeux levés vers l'immensité du ciel. Elle aurait voulu oublier tous les actes qu'elle avait commis depuis son départ : crever l'œil d'un animal, tenter de tuer un policier, trahir la confiance d'une amie. A présent, elle comprenait qu'elle pouvait ajouter quitter ses parents sans leur dire au revoir à la liste. La culpabilité était un poids nouveau, et la seule chose qu'elle savait, c'était qu'elle n'avait pas envie de le porter.
***
Lorsque Gwen revint, Taj s'éclipsa. Il ne pouvait supporter de voir le visage de la jeune femme. Mais le pire était sans doute de devoir faire face à Corentin depuis sa révélation. Il se demanda s'il ne ferait pas mieux de lui en parler. Non, c'était la pire des idées. Et ce serait une décision égoïste. Il ne pouvait pas compromettre l'unité du groupe uniquement dans le but de soulager sa conscience. Il entendit des pas derrière lui et se retourna, sur le qui-vive.
Théodore lui faisait face, son habituel sourire arrogant aux lèvres.
— Alors, fit-il, fâché avec ta copine ?
Taj s'efforça de garder son calme, mais la simple présence du blond suffisait à l'insupporter.
— Gwen n'est pas ma copine.
— Alors, pourquoi est-ce que tu te comportes comme un connard avec elle ? rétorqua Théodore.
— Tu peux parler.
Le blond s'approcha tout près de lui.
— Non, justement. Tu n'arrêtes pas de me faire la morale parce que je suis méchant, mais tu fais exactement pareil. La seule différence, c'est que moi, je ne fais pas semblant d'être un mec bien.
— Qu'est-ce que tu insinues ? demanda Taj sur un ton très calme, mais il bouillait intérieurement.
— Oh allez, je ne sais pas ce que tu as fait, mais ça crève les yeux que tu te sens coupable.
Ce fut la parole de trop. Taj sentit un flot d'énergie parcourir son bras droit et ressentit le besoin urgent d'effacer le sourire provocateur du visage de Théodore. Son poing partit tout seul et alla s'écraser violemment sur la lèvre du blond, qui poussa un grognement et chancela en arrière.
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
La voix de Sakina fit revenir Taj à la réalité. Il était vraiment allé trop loin.
— Ce malade m'a frappé, s'indigna Théodore en passant une main sur sa lèvre en sang.
Sakina se tourna vers Taj d'un air interrogateur.
— Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris. Je suis sorti de mes gonds.
Il réalisa avec une pointe de tristesse que c'était une expression que Gwen aurait pu utiliser. Elle lui lança un regard interrogateur.
— Bon, je ne veux pas savoir, mais c'est assez dangereux comme ça, ce qu'on fait, pas besoin de s'entretuer, OK ?
Taj lui fut reconnaissant de ne pas avoir trop insisté. Théodore le fusilla du regard avant de rejoindre le reste du groupe, qui avait assisté à la scène de loin. Sakina ne bougea pas, comme si elle hésitait à le suivre.
— Tout va bien ?
Il hocha la tête et avala sa salive. Sakina était comme lui. Ils faisaient partie de ceux qui gardaient leurs émotions pour eux, et il était certain qu'elle ne se montrerait pas trop curieuse.
— Bien, dit-elle simplement. Entre nous, il fallait bien que quelqu'un le fasse un jour.
Taj lâcha un petit rire. Il n'était effectivement pas le seul à ne pas le supporter. Mais ce n'était pas une raison pour le frapper.
— Tu sais, poursuivit Sakina, quoique tu aies fait, c'est réparable et tu pourras l'arranger à ton retour. Mais ici, tu ne peux rien faire et personne ne te le demande. Ce que tu as fait avant n'a pas d'importance.
Sur ce, elle tourna les talons. Dès qu'elle fut partie, Taj se laissa tomber par terre. Les paroles de Sakina résonnèrent dans son esprit. C'est réparable. Tu pourras l'arranger à ton retour. Sauf que ce n'était pas vrai. Ce qu'il avait fait était irréparable, et il allait devoir vivre – ou mourir – avec.
**************************
Hey! On arrive bientôt à la moitié, je pense que je vais faire 31 chapitres. Là j'ai plus que 6 chapitres d'avance, mais c'est suffisant, dans 6 chapitres mes oraux seront finis donc a priori pas de problème :)
Sinon Taj fait un peu n'importe quoi et Agathe désobéit à Sakina... On les envoie au coin?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top