Milieu de soirée
Il était vrai qu'il parlait abondamment de sa famille qu'il adorait et qu'il avait peut-être dit une fois ou deux qu'il ne pourrait pas sortir avec quelqu'un que sa famille n'appréciait pas mais... Avait-il à ce point mis une pression inconsciente à son petit-ami ? En exprimant tout son amour pour sa famille et à quel point leurs liens étaient soudés avait-il transmis un message erroné ?
Il fouillait désespérément dans sa mémoire à la recherche des propos qu'il avait tenu sur ce réveillon. Il se souvenait de son empressement à ce que le grand jour arrive et à quel point il n'arrêtait pas d'en parler à Minho. Comme quoi ce serait génial et tellement agréable. Il lui avait aussi décrit leur repas par le menu et que les illuminations le laisseraient sur le cul et il avait parlé de sa famille en long en large et en travers encore plus que d'habitude. Il avait bassiné Minho avec ça.
Cependant ce n'était aucunement son intention de lui mettre une telle pression qu'il se sente obligé de mentir pour rentrer dans un moule que Felix avait construit de ses mains sans le réaliser ! C'était juste qu'il était vraiment excité. Décembre était toujours une période qui l'exaltait particulièrement pour sa magie, ses histoires, la neige, ses films, les réunions de famille, les plaids, les chocolat chaud, les patinoires, les maisons de pain d'épice à décorer...
Une phrase tout particulièrement lui tournait en tête. J'ai hâte que tu rencontres ma famille. Pas l'inverse. Pas : j'ai hâte que mes parents te rencontrent. Non il avait constamment, quoiqu'inconsciemment, rabâché à Minho qu'il n'était qu'un bon deuxième en compétition avec le premier même s'il n'était pas de taille.
Autour de lui les dernières notes de la chorale de ses petits cousins se termina. Il applaudit avec les autres, l'esprit tracassé. Il avait à peine écouté et encore moins regardé alors qu'il adorait pourtant cette chorale où il avait eu sa place plus jeune. Sa tante rassemblait ensemble les plus petits pour des répétitions aux chants de noël qui, à défaut d'être juste, était un spectacle attendrissant. Il y avait toujours la petite timide qui chantait à peine du bout des lèvres et qu'il encourageait du regard pour avoir un jour été à sa place, les plus grand qui tenaient les paroles et les penchaient pour que les petits qui ne savaient pas lire puisse suivre, celui qui dansait plus qu'il ne chantait, celui ou celle qui se croyait le.a seul.e à chanter... Qu'avaient-ils chanté ? Petit papa noël, Douce nuit, Jingle bells, Il est né le divine enfant, Vive le vent ?
Il essaya de se ressaisir. Il devait profiter puisque pour le moment il ne pouvait pas discuter avec Minho en tête à tête. D'ailleurs celui-ci lui caressait la jambe sous la table parce qu'il avait besoin de soutien face à cette vingtaine d'inconnu qui pour lui étaient toute sa vie. Il devait arrêter d'avoir la tête ailleurs, il ne voulait pas lui laisser penser qu'il avait fait quelque chose de mal. Alors que les petits retournaient au salon avec sa mère qui transportait le plat de croque-monsieur en forme de sapin de noël en guise d'entrée.
Timbale de St Jacques aux poireaux et feuilleté d'escargot à la crème. C'était pourtant parmi ces plats préférés... Il soupira et plongea sa fourchette dans la timbale. Fermant les yeux pour mieux déguster le fondant de la crème de saint jacques au léger goût subtil du poireau, il ouvrit de nouveau son être aux chants gaies et à la convivialité de la tablée. Quand il les rouvrit son cœur était plus léger.
Il savourait son feuilleté quand sa mère revint dans la salle à manger et s'arrêta dans l'embrasure de la porte. Son tablier toujours noué autour de sa taille, gâchant un peu l'effet de sa robe en velours elle posa ses mains de part et d'autre de sa taille.
-Lix ! On a oublié le flot de Minho !
Couverts lâché Felix se levait déjà tout en s'essuyant la bouche.
-Va te rasseoir, je vais le chercher.
Il reculait déjà sa chaise. Le flot dont il était question était resté sur le comptoir entre la salle à manger et la cuisine. Du moins c'était là qu'il l'avait posé la dernière fois pour y penser. Geste qui s'était révélé infructueux. Cependant pour l'atteindre, il fallait qu'il passe l'étroit passage entre le mur et les chaises, encombré par les décorations. Il se contorsionna au mieux en prenant appui sur les épaules des membres de sa famille. La main de son oncle l'immobilisa, il voulait savoir s'il pouvait lui passer la bouteille de vin. Il donna un coup de pied à un faux bonhomme de neige. Sa grand-mère l'arrêta pour lui demander comment se passaient les cours et si son logement était bien... Où logeait-il déjà ? Il le lui réexpliqua pour la énième fois avec patience et pour la énième fois acquiesça aux mêmes recommandations.
Quand il parvint en bout de table il avait oublié ce qu'il venait chercher. Il profita d'être debout près de ses parents pour enlacer sa mère. Elle sentait bon le cannelle et l'orange cuite. Des effluves qui lui rappelaient noël.
-Merci pour ce magnifique repas.
-De rien mon chéri, répondit-elle en lui tapotant le bras. Minho mange ? Qu'il n'hésite pas à se resservir surtout.
-Ta cuisine lui plait. Il a n'a pas arrêté de reprendre de ton pâté en croûte et n'a fait qu'une bouchée de ton feuilleté.
-Que font ses parents ?
-Son père est menuisier et sa mère aide-soignante.
Le trio parents-fils regardait Minho en discutant si bien que le centre de leur intérêt dû sentir leur attention car il se tourna vers eux. Devant comprendre qu'on parlait de lui il se leva, les rejoignit. Felix nota que de son côté de table il était plus aisé de se déplacer et surtout que personne ne l'interrompit dans sa progression.
Quand il fut assez proche mais pas trop non plus, Felix lui ouvrit son bras en souriant pour l'accueillir. Minho se glissa dans l'espace alors Felix l'approcha d'une main sur la taille jusqu'à ce que leurs flancs se touchent. Il déposa un baiser sur sa tempe.
-Mes parents me demandaient ce que faisait les tiens, expliqua-t-il pour qu'il prenne sa place dans la conversation.
-Mon père est menuisier à son compte et ma mère est aide-soignante en Ephad.
C'était à peu de chose près ce que Felix venait de dire et justement il s'inquiétait de ce « peu de chose » de différence. Rajouter que son père était travailleur indépendant et en vivait était-il une manière de rassurer ses parents à lui ? Minho n'était pas vantard, Felix avait mis du temps avant de savoir qu'il n'était pas uniquement doué en japonais mais le parlait couramment, alors pourquoi cette précision ? Pour anoblir le métier et montrer le bon environnement familial dans lequel il avait grandi ? Pour sous-entendre qu'il avait pu l'aider à l'atelier afin de se rattraper par rapport au malaise de son loisir pour la cuisine ? Ne pas savoir le turlupinait.
-Tu sais y faire de tes mains donc ! S'exclama son père.
Sous le compliment il y avait une critique de ses qualités de cuistot et de la cuisine en général. La cuisine ce n'était pas une affaire d'homme ! On n'y trimait pas à la sueur de son front alors cela ne valait rien. Alors que si Minho avait aidé à la menuiserie c'était qu'il était un homme, un vrai... Ce genre de remarque qui n'avait jamais dérangé Felix (c'était ses parents, il laissait couler parce qu'ils n'étaient pas méchants avaient juste la mentalité qu'une époque révolue leur avait inculquée, à quoi bon les faire changer alors que ce n'était qu'une remarque de temps à autre ?) lui hérissait maintenant le poil. Parce qu'il entendait de l'oreille avec laquelle quelqu'un hors de son cercle familial pouvait entendre et interpréter ces propos.
Il pressa la taille de Minho, désolé de lui infliger cela et craignant une scène s'il venait à répondre. Il se sentait prit dans une situation impossible qui n'était encore qu'à ses prémices mais gonflerait et gonflerait jusqu'à ce qu'il ne puisse plus regarder sans rien dire. Obligé de prendre parti.
-Oui on peut dire ça comme ça, sourit Minho. Vous aviez parlé d'un flot tout à l'heure ?
Felix se sentit encore plus minable de voir que son petit-ami détournait la conversation en faisant l'effort de ne faire aucune remarque à ses parents. Alors que lui n'avait même pas pensé à glisser un anodin « oui entre cuisine et menuiserie, il est très habile de ces mains ». Pourquoi cette phrase ne lui venait à l'esprit que maintenant ?
Minho se sentait-il intimidé ? Redoutait-il qu'il prenne le parti de ses parents si jamais il faisait la remarque que les hommes cuisinaient aussi bien que les femmes ? En avait-il la certitude ? Était-il persuadé qu'il devait tout encaisser de sa belle-famille pour être en couple avec lui ? Pensait-il qu'au moindre écart Felix le renierait pour les siens ? Se sentait-il mal de ce décalage, ce favoritisme ?
Trois regards sur lui le firent revenir à la réalité. Il se força à respirer pour reprendre ses esprits. Il ne devait pas pousser le bouchon trop loin. Il connaissait la personnalité de son petit-ami, s'il avait abusé il lui en aurait fait une remarque légère, presque anodine qu'il penserait neutre mais qui révélait tout de ce qu'il ressentait à l'intérieur.
-Le flot, oui ! Viens je te montre où il est.
Il l'entraina derrière le comptoir qui séparait la salle à manger de la cuisine. La pièce n'était pas nettoyée, il y avait encore de la nourriture partout, des épluchures, des ustensiles utilisés, des monceaux de papiers sulfurisés, des bougeoirs en forme de maisons enneigés, des dessous de verre en forme de flocon de neige scintillant où reposait des pommes de pins, des étoiles du berger suspendues aux poignées de portes, des fausses coulées de neiges autocollées en haut de la fenêtre qui donnait sur la cour de derrière... Tout avait été laissé en plan quand Minho était arrivé. Seul l'apport des apéritifs sur la table puis des entrées avait légèrement modifié le paysage.
-Je l'ai mis à côté de la cafetière, les prévint sa mère.
Sous le comptoir sur le plan de travail se trouvait effectivement un morceau de ruban rouge soigneusement plié juste à côté de la cafetière vide. Felix le déplia pour le passer autour du cou de Minho. Le flot qu'il était en train de recréer prenait image sur celui autour de son cou. Non pas un nœud papillon mais bien un flot comme ceux que l'on retrouvait sur les cadeaux. Ils seraient assortis par cet accessoire de couple en tant que présent le plus chéri dans leur vie. N'était-ce pas une belle métaphore ?
-Tu ferais un parfait punching ball, tu sens pas quand on te frappes ? lui souffla Minho profitant qu'ils soient proche l'un de l'autre.
Il le regarda avec de grands yeux, déstabilisé par le nonsense émit alors qu'il allait se lancer dans le petit discours qu'il avait prévu à propos des flots. C'était une tradition familiale dont plus personne ne connaissait l'origine. Ses parents avaient un flot rouge strié de noir, Olivia et son partenaire un flot à carreau, une tante et son oncle des blancs neige avec une broche et ainsi de suite pour toutes les paires de la famille. Jusqu'à l'année dernière il partageait son flot avec Rachel, sa sœur cadette.
-Tu m'as frappé ?
-Sous la table. Faut que j'aille aux toilettes, tu m'indiques où elles sont ou je peux pisser dans le premier placard venu ?
C'était pour cela qu'il avait la bougeotte ? Felix s'en voulut de ne pas avoir tilté. Il était complétement à côté de la plaque ce soir.
-Oooh... C'est vrai que je t'ai pas fait visiter. Dans le hall à côté de l'escalier sur ta droite.
-Tu m'accompagnes ?
Avant qu'il n'ait pu protester, Minho cessa de gigoter pour l'emmener avec lui. Pour ne pas donner une mauvaise image de son chéri il le suivit sans broncher. Une fois dans le hall ils s'arrêtèrent à côté de la rampe d'escalier assez loin des encadrements de portes pour que ni les adultes ni les enfants ne les voient discuter.
-De quoi ? S'enquit-il un peu nerveux.
Minho allait lui demander des comptes sur sa famille dès maintenant ? D'accord il aurait entièrement le droit mais il savait aussi que c'était sa soirée préférée à vie, Felix aurait apprécié s'il pouvait en tenir compte. Ils pouvaient avoir cette discussion mais si cela pouvait attendre un moment plus propice il lui en aurait été reconnaissant.
-Les toilettes sont à droite, ajouta-t-il en espérant lui remettre en tête combien son envie était pressante.
-J'ai laissé mes sacs dans la voiture, il faudrait que je sache où les ranger avant d'aller les chercher.
Devant son regard insistant et l'intonation apposée au mot « sacs » il comprit qu'il était surtout question de ce qu'ils contenaient. Mieux valait éviter que les enfants tombent dessus ! Soulagé il l'invita à utiliser les toilettes pendant qu'il allait expliquer à ses parents qu'ils ne leur faussaient pas compagnie mais allaient cacher les cadeaux.
La discussion s'éternisa un peu car sa tante profita qu'il soit proche d'elle pour engager la conversation. Il fit de son mieux pour écourter sans se montrer impoli ou blessant. En regagnant le hall il se promit de reprendre leur conversation dès qu'il reviendrait dans la salle.
Minho l'attendait posté sur la première marche de l'escalier pour caresser un rouge-gorge sur la guirlande verte à fausse neige blanche. Une fois sur deux sur les colonnes liant l'escalier à la rampe il y avait des nœuds brillants rouge et or. L'escalier avait même revêtu un tapis centrale rouge calé contre les marches par des réglettes dorées pour éviter tout accident. Depuis cette pièce ils pouvaient aussi bien entendre les rires et courses poursuites des enfants que le brouhaha des différentes conversations des adultes.
Il fit mine d'avancer la main pour lui effleurer le bras mais Minho remarqua sa présence avant tout contact. Vessie soulagée, il était moins agité.
-Allons-y.
Ils s'emmitouflèrent dans leurs manteaux et écharpes tout en enfilant leurs chaussures. Rangers fourrés pour Minho et Caterpillar rembourrés pour Felix. Pourtant préparé au mieux, l'attaque du froid dès l'ouverture de la porte les crispa dans un long frisson. Ils se faufilèrent dehors en vitesse, la tête rentrée dans leurs épaules, les mains tremblantes dans les poches et leur chemin éclairé par les illuminations de noël autour d'eux.
-Il fait trop froid pour qu'il neige, se plaignit-il
Il voulait trouver un moyen de lancer la conversation pour profiter de cet instant à deux en faisant passer un agréable moment à Minho. Cela le détendrait peut-être un peu. Il l'espérait.
-C'est le temps parfait pour mourir ce soir. Le froid conserve les corps, on sera retrouvé intact demain matin.
-Hyung !
Mais il y avait un sourire dans sa voix. Son copain d'eut l'entendre car il se retourna pour lui faire un clin d'œil plein de malice.
-Et puis qui pourrait bien nous tuer ce soir ? Il fait trop froid pour que les tueurs sortent en pensant trouver d'innocentes victimes.
-On peut mourir accidentellement en glissant sur... une plaque de verglas !
Il fut poussé sans vergogne et rattrapé de justesse par les mains agressives alors qu'il faisait de désespérés moulinets des bras. Son assaillant l'attira contre lui sans masquer son amusement et déposa un baiser sur sa bouche.
Il s'y laissa aller un instant mais ses muscles à peine détendus par l'amour transmit se recrispaient déjà sous les températures négatives.
-T'as le bout du nez tout froid, dit-il sous les volutes qui s'échappaient de sa bouche.
-Les extrémités se décomposent toujours en premier.
-Tu n'es pas mort ! Ce que j'en sais ? Je ne sors pas avec les morts ! S'exclama-t-il faussement indigné pour devancer la question qui allait suivre.
L'éclairage du terrain familial était tel qu'il vit nettement les yeux de Minho se plisser alors qu'il riait et ses dents qui prirent une teinte rougeâtre. Il le joignit plus discrètement, appréciant mieux ce visage-là.
-Tu nous suggère de rompre ? Demanda Minho avec nonchalance en déverrouillant sa voiture sans sortir les mains de ses poches.
-A parce qu'on sort ensemble ? Je pensais que notre contrat stipulait clairement que je devais juste te stimuler assez pour que ton cœur batte.
-A la Frankenstein ?
-Evidemment. Les morts-vivants sont beaucoup mieux conservés de nos jours il n'empêche que...
-Que ?
Cette fois la malice de Minho s'était transformé en douce moquerie où se mêlait une certaine fierté. C'était son petit-ami qui l'avait initié à l'univers gothique avec Frankenstein, Dracula etc. ainsi qu'à la sous-culture des zombies et du gore. Des univers dont il n'aurait jamais cherché à s'intéresser par lui-même mais pour lesquels il se découvrait une passion grandissante. C'était bien loin des croyances de bienveillance, charité et de dévotion que l'Eglise inculquait et ce contrepoids lui faisait du bien.
-On est bon ?
-ça dépend. Si tu veux mourir d'hypothermie alors il faut attendre encore un peu, sinon on peut y aller.
Un sac chacun ils firent le chemin en sens inverse. Repassant entre les illuminations de la cours, Felix désigna de son doigt à l'ongle bleui par le froid, le poteau en forme de sucre d'orge glacé où les panneaux qui y étaient fixés indiquaient le chemin du pôle nord, de l'étable des rennes et du pays des gâteaux. Il venait de penser à une anecdote qui, il le savait, plairait à son petit-ami.
-Tu sais à l'inverse du père noël il y a le père fouettard qui puni les enfants pas sages ?
-Je sais, je le connais même personnellement. Il me rend visite chaque année !
N'ayant pas le courage de ressortir sa main une seconde fois alors qu'elle obtenait un semblant de chaleur dans sa poche, il lui donnait un gentillet coup d'épaule.
-Avant il y avait un panneau qui indiquait là où on pouvait le trouver mais on a dû le retirer parce que trop de parents sont venus se plaindre car leurs enfants refusaient d'avancer et se mettaient à pleurer parce qu'ils avaient peur de croiser le père fouettard.
-Enorme, rit Minho comme attendu. Vous auriez dû le laisser !
-Arrête les pauvres !
-Faut les endurcir dès le plus jeune âge !
Leurs rires se calmèrent quand ils atteignirent le perron. Minho se dévoua pour sortir sa main de sa poche et ouvrir la porte. La chaleur picota leurs mains et leurs visages gelés. La sensation était à la limite du désagréable, comme une brûlure dont ils surent tirer le positif. Ils se réchauffaient.
La maisonnée était toujours aussi vivante et lumineuse. Felix se sentait mieux d'avoir passé un petit moment en tête à tête avec son chéri et de lui avoir remonté le moral. Retrouvant le bonheur qui l'habitait toujours au réveillon il saisit sa petite cousine qui courrait jusqu'à eux pour la soulever dans les airs.
-Tu t'amuses bien princesse ?
-T'es froid ! T'es froid ! Geignit la fillette en riant alors qu'il la couvait de baiser.
Il la fit tournoyer et la dévora de bisous en souriant. Son rire cristallin était une mélodie à ses oreilles.
-Anna tu as demandé ?
Il interrompit ses cajoleries pour voir les plus jeunes de ses petits cousins et petites cousines amassé.es au seuil du couloir. Il n'avait pas réalisé qu'ils étaient épiés. Il se tourna vers Anna entre ses bras pour qu'elle lui pose la question qu'il l'avait empêché de formuler en la couvrant d'amour. Cependant Anna ne pensait même plus à la question, voyant que son cousin avait arrêté les bisous elle décida de l'attaquer en retour, riant encore et encore.
Felix ressortit les autres de leur petit monde pour reprendre ses cajoleries. Il ne vit donc pas l'un de ses courageux petit cousin se décider à s'approcher lui-même de Minho qui délaçait ses chaussures. Il n'entendit pas non plus la question posée. Ce fut seulement le silence qui suivit qui alerta ses sens. Enfin pas qu'il entendit une différence puisque les adultes dans la salle à manger poursuivaient de rire et de parler par-dessus les autres. Peut-être l'immobilité de la scène ? Ou inconsciemment il avait entendu la question sans l'écouter et que le temps de réponse s'éternisait ? Il ne savait pas quel avait été le déclencheur et il s'en fichait bien, tout ce qui importait c'était qu'il reposa Anna par terre et voyant Basil devant Minho. Son copain encore à genou, immobile dans son action, comme figé.
-De quoi ? Quelle est la question ?
-Comment le père noël va faire pour savoir qu'il est ici et déposer les cadeaux ? Il n'est pas de la famille, il peut pas savoir...
Derrière, Anna les ayant rejoints, le petit groupe acquiesça avec ferveur, impatient de connaitre la réponse à leur questionnement.
-Vous êtes marié ? Si vous êtes marié alors il est de la famille ! S'exclama George son visage éclairé comme s'il avait eu la révélation du siècle.
Un bref coup d'œil à Minho lui apprit que son cerveau était toujours à la recherche désespérée d'une réponse. Felix prit les devant en chassant pour le moment tout ce que cette scène venait de générer en lui. Le cœur en vrac il sortit son plus beau sourire.
-C'est pour ça qu'on est sorti à la recherche d'un lutin ! Pour le prévenir que Minho serait ici ce soir.
-Un lutin ?
-Vous avez vu un lutin ?
-Bien sûr ! Il y a tellement de maison dans le monde, comment le père noël peut savoir si les enfants sont endormis si ses lutins ne le préviennent pas ?
-Il était où ?
-On peut voir ?
-Tu nous emmène ?
-C'était quoi son prénom ? Est-ce qu'il s'appelait chaussette ?
Les questions fusaient aussi vite que les petits pieds se dirigeaient vers la porte. Felix fit barrière de son corps sans se départir de son sourire.
-Vous ne le verrez pas, vous êtes encore des enfants. Seuls les adultes peuvent voir les lutins.
Les gamins survoltés par la magie de cette rencontre qu'ils avaient bien failli ne jamais connaitre, s'attroupèrent autour de lui pour en savoir plus plus plus et toujours plus. Felix broda son histoire de merveilles pour le plaisir de voir leurs yeux briller. Bien sûr que le lutin portait sa robe verte et son bonnet à pompon. Evidemment qu'il était à dos de renne et même que l'animal avait essayé de manger sa capuche ! Quand ils leur avaient dit que Minho serait ici ce soir le gentil lutin avait fait partir sa monture au galop dans les étoiles pour prévenir le père noël. D'ailleurs bientôt, quand il reviendrait, s'ils tendaient bien l'oreille ils pourraient entendre les sabots et les clochettes de l'animal résonner jusqu'ici.
Il n'en fallut pas plus pour qu'ils détalent jusqu'à la fenêtre, les plus petits demandant à être porté et les plus grands se vantant d'avoir déjà entendu le bruit des clochettes. En d'autres années il les aurait suivis pour les porter et leur désigner le point de rencontre mais ce soir il se sentit soulagé de les voir partir.
-Tu peux retourner manger, je vais poser les sacs dans ma chambre.
Minho le lui reprit des mains en un instant.
-Si tu penses que je vais te laisser l'occasion de chercher ton... Comme les enfants faudra attendre que le père noël soit passé.
Ce n'était donc pas maintenant qu'il pourrait avoir cinq minutes pour se remettre de ses émotions... Il n'argua pas contre Minho, il... Il avait la gorge sèche et aucune envie d'empirer cette soirée pour son copain.
Il le suivit lentement dans l'escalier, ne sachant plus que dire ni que faire. Il était pitoyable. Et encore il trouvait le mot faible pour tout ce qu'il infligeait à Minho et dont il n'avait jamais pensé à combien cela était néfaste. Parce qu'il ne lui avait pas uniquement mit une pression monstre à l'idée qu'il devait faire bonne impression devant ses parents mais il lui avait carrément fait comprendre qu'il avait honte de lui. Que sa personnalité devait être répudiée parce qu'elle ne passait pas en société.
Il était toxique. Incroyablement toxique. C'était un constat effroyable pour lui qui s'était toujours entendu dire combien il était gentil, un ange, un bon samaritain... Ce que vous voulez mais en positif. Avec Minho il s'était comporté comme... comme... La pire des enflures.
Parce que Minho n'était pas doué avec les contes de fées, les fables et les histoires féériques. Son petit-ami aurait raconté aux enfants une histoire épeurante sur le père fouettard, toujours amusé de faire peur. Il serait venu habillé avec son blouson de cuir et ses jeans troués avec peut-être uniquement une chemise sous un pull noir pour faire classe dans son style... Il n'aurait pas modifié sa vie pour rentrer dans le moule conforme que Felix avait inconsciemment créé pour lui. Il aurait fait des remarques et débattu sur le sexisme et le rôle sociétal imposé aux femmes et aux hommes. Il aurait fui les embrassades en s'excusant qu'il n'aimait pas le contact physique. Il...
Felix l'avait présenté comme un petit enfant sage, comme un bon chrétien, celui que ses parents, sa famille s'attendait à voir à son bras. Quelqu'un de posé et courtois, qui savait respecter ses ainés et protéger « sa famille », qui avait une conversation civilisée et une opinion qui s'adaptait à la leur. Et le pire c'était que Minho était tout cela en grande majorité ! Seulement il s'habillait comme un « voyou » auraient dit ses parents, il se passionnait pour la cuisine et l'art plutôt que pour la mécanique et le ballon rond, il respectait ses ainés dans la mesure où ce respect était réciproque, il aimait effrayer les enfants autant qu'ici on en surprotégeait l'innocence, il aimait Halloween et préparer de bons petits plats, boire et toucher aux drogues à l'occasion, il avait l'humour noir et le sarcasme acéré, il était aussi piquant que lui était sucré, il était aussi malicieux et mesquin que lui était sage et s'effaçait dans la norme, il avait déjà eu affaire plusieurs fois à la police là où lui n'avait jamais eu ne serait-ce qu'une observation dans son carnet scolaire.
Il aurait été catégorisé en cinq minutes comme un vilain garnement qui ne le méritait pas et le tirerait vers le bas tout le long de leur relation. Une personne peu fréquentable dont sa famille se serait méfiée et contre lequel elle l'aurait mise en garde. Un jugement sur la façade sans chercher à aller creuser plus en profondeur. Descendre Minho, être si différent de lui, pour l'élever lui et ses qualités.
Le pire était que tout cela se produisait par sa faute, parce qu'il n'avait pas eu le courage de se révéler à sa famille. Parce que lui et Minho n'étaient pas aussi diamétralement opposé qu'elle aurait pu le croire. Mis à part la soirée d'intégration il n'avait jamais mentionné aucune autre de celles à auxquelles il était allé, évidemment il ne s'était jamais pris quelques murges, testant ses limites, non évidemment que non il ne buvait qu'un verre ou deux en famille mais rien de plus, il n'avait pas non plus parlé de ces quelques cours séchés qui lui avait fait le plus grand bien dans son émancipation... Et même si cela semblait logique qu'un enfant ne prévienne pas ses parents sur ces points-là, pour Felix cela jouait maintenant sur sa culpabilité envers Minho.
Il ne leur avait pas non plus dit qu'il avait regardé des films d'horreurs ou cette nouvelle série sur les zombies que ses parents avaient critiqué pour ses images violentes sans même l'avoir vu. Ses essais derrière les fourneaux avaient eux aussi été passés sous silence même s'il aimait assez cuisiner, ou encore sa tentative de manucure qui l'aurait directement catégorisé comme la « femme » du couple. Le piercing qu'il projetait de se faire à l'oreille était son secret tout comme l'humour pince sans rire qu'il développait naturellement.
Jamais au grand jamais il n'avait troublé l'image du fils à papa et maman obéissant, calme, sage, pondéré et tout autre adjectif qui pouvait décrire un bon chien bien éduqué.
La tâche n'était pas insignifiante, elle obstruait complétement sa vue lui donnant des sueurs froides. Il dû se raccrocher à la rambarde alors qu'un vertige le déséquilibrait. La guirlande lui piqua les phalanges. La tête lui tournait. Il était une mauvaise personne. Un mauvais fils, un mauvais petit-ami. Ce constat lui retournait l'estomac lui qui n'avait jamais été autre qu'un « gentil ».
Un poids se soustrayait à ses épaules. Au sens littéral du terme. Il vit un flot sur un gilet à carreau et sentit la chaleur d'une main le soutenant au creux de son dos. Baissant les yeux il vit le sac qu'il portait dans la main libre de son petit-ami. Celui-ci parlait, il lui disait que la mort ne l'attendrait pas en bas des escaliers, tout au plus quelques bleues et os cassés s'il était chanceux. Il ne réagit pas, oublia ces mots à peine furent-ils prononcés.
-Felix ? Vient asseyons-nous deux minutes.
Mais son corps résista quand Minho tenta de le faire fléchir. Un regard perplexe lui fut lancé mais tout ce à quoi il pouvait penser était qu'il devait cacher son mal-être sans parvenir à le faire.
-Ah vous êtes là ! Dépêchez-vous on sert le plat principal. Dinde aux marrons et écrasé de pommes de terre aux truffes !
Sa tante était en bas des escaliers. Dans sa belle robe rouge de mère noël elle traversait le hall en transportant les pommes noisette pour les enfants, ses mains protégées par des maniques. Son message transmit elle allait poursuivre son chemin mais sembla se raviser.
-Chéri ça va ? Tu es tout pâle.
-Il ne se sent pas bien. Surement le choc thermique. Entre le chaud et le froid son corps a été pris de vertige.
Felix vit sa tante faire un pas vers lui, la mine inquiète, avant de s'arrêter, se rappelant du plat qui lui encombrait les deux mains. Elle se tourna vers la salle à manger pour invectiver d'une voix forte :
-Byun ! Olivia ! Venez aider Felix ! il va tomber dans les pommes !
Evidemment les paroles parfaites pour n'inquiéter personne. Felix se trouva subtilisé aux bras de Minho pour être escorté jusqu'à sa chaise où il pourrait tranquillement se reprendre. Il regarda derrière lui, bousculé par l'avancement de la situation il était une nouvelle fois en train de s'éloigner de Minho pour sa famille.
Il n'entendait rien des mots l'encourageant à mettre un pied devant l'autre ou lui demandant s'il avait le vertige mais il attira l'attention de sa sœur sur Minho resté en retrait. La seule chose qu'il entendit fut :
-Pense à les cacher. Normalement les enfants n'ont pas le droit de monter mais on ne sait jamais.
La dernière chose qu'il vit avant de franchir la porte de la salle à manger fut Minho isolé de sa famille tournant les talons, pour découvrir seul sa maison.
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