Fin de soirée

Ecartelé. C'était le mot qu'il posait sur l'inconfort de son être. Il se sentait écartelé entre le fils modèle qu'il avait toujours été et sa volonté de montrer son petit-ami tel qu'il était. Prit en étau sans savoir comment réagir il suffoquait dans ses pensées, totalement renfermé sur lui-même.

Bien loin était sa félicité du début de soirée. Il avait à peine touché à son assiette alors qu'il adorait déguster ces mets qu'il ne pouvait goûter qu'aux fêtes de fin d'année. Foie gras, magret de canard, dinde aux marrons... Dans une piètre tentative de... d'apaiser sa culpabilité ? De montrer à Minho qu'il était de son côté ? Il n'avait cessé de déposer à manger dans l'assiette de son petit-ami. Mais son geste d'affection lui avait été retourné autant de fois qu'il avait été donné. Parce que Minho ne voulait pas que sa famille pense qu'il ne prenait pas soin de lui. Ce constat sur l'état où se trouvait Minho le déprima au point de ne plus trouver le courage de supporter son regard.

Il avait le cœur lourd à en pleurer. Il ne savait même pas comment il faisait pour donner le change face à sa famille. Il attendait inexorablement que le temps passe mais comme à chaque fois que c'était le cas il s'étirait à l'infini.

Tout était terne. Il ne faisait plus attention aux conversations, ne goûtait plus à l'ambiance festive, ne s'émerveillait plus devant sa maison chérie qui changeait de décors pour une fois dans l'année... Même lors de la messe de minuit il chanta du bout des lèvres, se leva et s'assit tel un automate en suivant les autres et n'accorda aucune attention à son Eglise décoré pour les fêtes. Son seul changement de passif à actif fut de caler Minho à une extrémité extérieure du banc et se mettre entre lui et sa famille. Minho n'étant pas pratiquant, il espérait par ce positionnement que sa famille ne remarquerait pas la supercherie.

Les doigts reconnaissant qui pressèrent les siens ne le lâchèrent pas de toute la messe. Ce ne fut que quand ils sortirent des rangs qu'ils glissèrent de son étreinte. Ils se trouvèrent séparés sur le parvis de l'église. Felix le chercha du regard en faisant attention à ne pas bloquer le passage mais sembla bientôt oublier la raison de sa quête pour retourner à ses pensées moroses.

Il n'était qu'une âme en peine et solitaire là où le reste de sa famille s'éparpillait pour discuter avec d'autres fidèles en leur souhaitant de passer un bon noël. Si pour certain son état pouvait paraitre exagéré c'était qu'ils ne connaissaient pas bien Felix. Le pauvre garçon était facilement impacté, une moindre peine pouvait prendre des proportions considérables dans son cœur. Et comme déjà dit précédemment, c'était la première fois qu'il avait la preuve irréfutable de son mauvais comportement. Cela le bouleversait.

-Qu'est-ce qui ne va pas ?

Il n'avait pas entendu Olivia se placer à ses côtés. En même temps il fallait dire qu'il n'avait plus que vaguement conscience de ce qui l'entourait. Il la regarda sans réaliser qu'il transportait toute la peine du monde dans ce regard. Pouvait-il le lui dire ?

-T'es en train d'inquiéter tout le monde et tu sais qu'ils vont finir par se poser les mauvaises questions alors je vais t'épargner ça en te les posant en premier. Un problème avec Minho ?

-Non ! S'écria-t-il horrifié.

La tête lui tourna tant il eut l'impression que son pire cauchemar prenait forme sous son nez. Heureusement sa sœur ne se démonta pas et poursuivit :

-Alors donne le change parce que t'es toujours le plus heureux au réveillon et à noël. Cette année Minho est avec toi et t'as l'air au bord du gouffre, faut pas avoir 200 de QI pour faire ce genre de mauvais rapprochement là. Surtout que t'as l'air à deux doigts de pleurer depuis que vous vous êtes éclipsé tous les deux.

-C'était pour aller chercher ses affaires !

Non non non non non ! Sa famille ne pouvait pas croire... pas à cause de son comportement ! C'était encore pire que ce qu'il s'était imaginé comme scénario catastrophe ! Minho n'avait rien fait, le problème venait de lui mais c'était son chéri qui allait tout prendre sur le dos ! Qu'est-ce qu'ils allaient croire ? Qu'est-ce qu'ils croyaient déjà ? Que son chéri avait fait une remarque déplacée sur leurs illuminations ? Qu'il les avait critiqués ouvertement ? Qu'ils s'étaient disputés ? Qu'il avait été frappé ?

-Vraiment ? Parce qu'en toute sincérité on dirait que tu cherches à monter la famille contre lui-là.

Elle soupira un volute blanc en voyant son frère se mettre dans tous ces états. Elle posa une main apaisante sur son épaule et d'une voix adoucit ajouta :

-Calme poussin tout va bien se passer. Va trouver Minho et profite au lieu de te torturer les ménages pour rien. Ton problème peut attendre un ou deux jours, j'en suis sûr.

Il n'eut pas le temps de répondre que Minho entrait dans son champ de vision, visiblement à sa recherche. En même temps que pouvait-il bien faire d'autre puisqu'il ne connaissait personne à part lui ici ? Sa sœur lui fit un signe de main jusqu'à ce qu'il les repère et s'approche.

-Tu tombes à piques, lix a besoin d'amour pour se changer les idées.

Felix ne put rien répondre qu'elle s'éloignait déjà, le laissant seul avec Minho. Il regarda brièvement son petit-ami avant de détourner le regard vers toutes ces autres personnes encore dehors autour d'eux.

En d'autres circonstances il aurait aidé Minho à suivre sur le livret de chant distribué avant la messe car beaucoup de non-chrétiens venaient à la messe de minuit, il l'aurait trouvé parmi la foule et l'aurait inclus dans les conversations en se collant à lui pour avoir plus chaud, il lui aurait parlé de la beauté des décorations auxquels il n'avait même pas fait attention ce soir...

Sa main fut prise avec délicatesse puis caché ensuite dans une poche qui n'était pas la sienne pour un semblant de chaleur. Le regard dardé sur lui était voilé d'inquiétude et de questions sans réponse. Il se sentait mal à l'aise... Mal à l'aise en présence de Minho. Pas à cause de son petit-ami mais de son comportement à lui, odieux envers Minho. Maintenant qu'il l'avait réalisé c'était devenu un poids entre eux. Il ne trouvait pas les mots pour en parler, ne savait même pas s'il devait aborder le sujet ou tout simplement changer discrètement mais durablement son comportement déplorable...

-Cœur... ? Tu te sens pas bien ? Tu veux rentrer au chaud dans la voiture ?

-Hum ? Non m...

-Lix ! Enfin te voilà ! Viens donc présenter ton petit-ami à Somin et Changsung !

Ainsi invectivé par son père en conversation avec un couple d'ami, Felix fut soulagé d'obéir pour ne plus être en tête à tête avec son petit-ami. C'était encore trop brouillon dans son esprit, il était encore trop secoué et puis ce n'était pas une conversation qu'il pouvait avoir au milieu de sa famille. Momentanément délesté de ce poids grâce au dernier argument il papillonna de groupe en groupe avec Minho pour le présenter à tous ceux qui n'étaient pas au repas de famille, évitant ainsi tout tête à tête l'objet de ses discussions.

De retour chez eux il fit aussi l'effort de s'intégrer aux conversations, rires et parler même si le fardeau de sa culpabilité menaçait de l'engloutir tout entier. Si les adultes en parurent rassurés et s'amusèrent de cette énergie renouvelée, Olivia et quelques cousin.es secouèrent la tête face à ce numéro forcé. Peiné pour lui.

La famille de nouveau au chaud poursuivit son repas avec les plateaux de fromages puis les bûches pâtissières. Les enfants devinrent grincheux et impatients par la fatigue alors les parents montèrent les border. A minuit tapante la grand-mère, devant toute la famille, plaça l'enfant-Jésus dans son berceau de paille. La crèche était enfin complète.

Alors que la famille retournait autour de la table Felix resta avec Minho en le voyant s'attarder sur l'impressionnant village de noël entourant l'étable. La nervosité le rendant énergique se fut un flot continue de parole qui se déversa de sa bouche. Des prémices de ce village, aux créations manuelles en passant par les quelques bâtiments cassés et parfois réparés avec succès, il ne tarit pas d'éloge. Il ne ressentait pourtant pas la fierté coutumière qui le prenait quand il parlait du village de noël que sa famille étoffait chaque année avec goût.

Réalisant qu'il baratinait encore son copain avec sa super famille il ferma tout à coup son caquet et retourna tout aussi sec dans la salle à manger. Un rire nerveux lui gratta la gorge. Il perdait la tête.

En d'autres années il aurait souhaité que cette soirée perdure jusqu'au bout de la nuit mais ce réveillon-ci il priait pour que l'on abrège sa sentence. Il savait que ce n'était qu'une question de temps maintenant, puisque les enfants étaient couchés et qu'un enfant ne dormait jamais bien longtemps la veille de noël ils n'allaient pas tarder à se coucher eux aussi pour pouvoir suivre le rythme demain.

Être si proche de son souhait rendait le temps qui s'écoulait encore plus éternel. Dans cet étrange état dans lequel il était, il faillit bien sauter au cou de sa belle-cousine enceinte qui, la première, se leva pour souhaiter une bonne soirée à la tabler et monter dormir.

Il se leva tout de go pour annoncer que lui aussi allait se coucher avec une énergie qui n'allait pas avec ses propos. Il essuya quelques moqueries mais finalement petit à petit tout le monde décida d'aller se coucher ce qui éternisa les embrassades de bonne nuit.

Quand il eut l'impression d'avoir dit au revoir à tout le monde et qu'il eut récupéré Minho, il s'éclipsa dans sa chambre aussi vite que le naturel le lui permettait. L'encadrement de porte passé fut le signe indéniable que cette douloureuse soirée était terminée. Son masque de joie forcé disparu au profit d'une lassitude mentale dont on pouvait voir qu'elle lui pesait à la manière dont il se tassait vers le sol.

Il s'affala sur son lit. Peu de temps après sa conscience fit s'affaisser le matelas sur sa gauche.

-Quelle soirée...

Le ton était léger mais il savait que Minho n'était pas un adepte des « small talk », il lui laissait plutôt le temps de se reprendre et d'engager la conversation sans le brusquer. Il eut envie de pleurer devant tant d'attention. Son tourment ne prenait pas fin maintenant qu'il avait quitté la salle à manger mais arrêter de se forcer à être ce qu'on attendait de lui faisait tout de même du bien.

-Tu as bien profité ?

Une main se posa sur son ventre étonnamment plat pour une fin de souper de réveillon et le caressa affectueusement. Il posa sa main dessus pour l'immobiliser et se redressa en expirant lourdement l'air de ses poumons. Minho était là avec son regard attentionné et vaguement inquiet à lui faire un petit sourire pincé comme pour s'excuser de ce qu'il disait ou allait dire. Felix s'en sentit encore plus mal. Toutes les gentilles attentions de son petit-ami ne faisaient que refléter son comportement de petit-ami toxique.

Toxique... Il était toxique. Rien que ce constat lui tiraillait le ventre de milles épingles.

-Je comprends si tu ne veux pas en parler mais si ça me concerne j'aimerai être au courant. Si j'ai dit ou fait quelque chose qui t'as déplu ou qui a manqué de respect à ta famille...

-Non ! Non absolument pas ! T'as été parfait ! Ce n'est pas ta faute.

Lui qui depuis sa réalisation craignait par-dessus tout d'en parler à Minho et d'entendre de sa bouche la confirmation de ses frayeurs ; ou pire encore, qu'en mentionnant tous les points qui faisaient de lui le pire des petits-amis il lui ouvre les yeux et lui fasse réaliser à quel point il disait vrai... C'était trop dur à garder en lui, il avait la sensation de mourir ou de se décomposer, pire que tomber malade une chaine à ses pieds. Il voulait se confier et ironiquement la seule personne avec qui il se sentait de le faire était Lee Minho, son petit-ami.

-C'est ma faute...

Il baissa les yeux sous toute la proportion que prenait sa honte. Minho se rapprocha pour être un meilleur soutien et lui pressa les mains avec affection. Pour le rassurer autant que pour l'inviter à la confidence.

-J'ai... Je... Je suis un horrible petit-ami ! Horrible ! Je t'ai fait croire que ma famille passerait forcément, systématiquement avant toi. Que t'avais aucune chance contre eux ! Je t'ai obligé à mentir et je t'ai fait internaliser tout ton stress sans créer un... un... une relation assez saine pour que t'es le courage de m'en parler ! Je t'ai fait comprendre que j'avais honte de ta personnalité et de ton univers et de tout ce qui faisait que tu es toi. Je t'ai pas soutenu et je t'ai fait renier ton humour, tes passions, et je t'ai même pas défendu quand ils t'ont critiqué sur ta cuisine alors que tu fais les meilleurs hamburger maison que j'ai jamais mangé ! J'ai tout fait de travers, je t'ai forcé à passer le réveillon avec des inconnus qui te respectent pas pour qui tu es et j'ai tellement mon rôle à jouer là-dedans... J'ai tout gâché et maintenant tu vas réaliser combien je t'enferme dans une cage et me quitter pour voler de tes propres ailes et... et...

Des débuts d'excuses et de reproches fait à lui-même se bousculèrent sur ses lèvres dans une suite plus incohérente. Son cœur battait et sa tête lui faisait mal mais son ventre était apaisé. Il était soulagé d'avoir enfin pu se livrer même s'il redoutait la réaction de celui qu'il aimait. Avouer ses fautes ne signifiait pas qu'on en était totalement absout.

-Dis donc ça fait beaucoup de défaut pour ta bouille d'ange.

.

.

.

-Hyung c'est pas drôle !

-Je sais. Je vois bien que ça te prend la tête. Dis-moi plutôt ce qui te fait penser ça.

Ses grands yeux effarés rencontrèrent ceux compréhensif de son hyung où plus aucune inquiétude ne subsistait. N'allait-il pas en profiter pour abonder dans son sens et lui faire des reproches bien mérité ? Enfin il était content qu'il ne le fasse pas mais en même temps il aurait compris si c'était le cas.

Prit au dépourvu il obéit et balbutia ses « preuves » :

-Ben... déjà ta tenue... tu t'habilles pas comme ça tous les jours...

-On n'est pas tous les jours.

Il ne sembla pas l'avoir entendu.

-Et je... tu... Tu as dit que tu voulais être professeur...

-Ce qui est une profession tout à fait envisageable dans mon cas.

-Et que tu étais chrétien !

-J'ai étais baptisé oui.

-Et je t'ai pas défendu quand ils ont critiqué ton hobby pour la cuisine ni quand ils t'ont fait des câlins et des embrassades ! Et t'as même pas osé répliquer quoi que ce soit pour défendre l'égalité des sexes et le fait que les genres c'est qu'un phénomène sociétal qui endoctrine les individus alors que ce sont des sujets qui te tiennent à cœur ! T'as même mentit sur notre rencontre alors, alors que c'est le début de notre histoire ! Et et tu préfères Halloween je suis sûr que t'aurais raconté des histoires qui foutent la trouille sur le père fouettard aux enfants pour le plaisir de leur faire une petite frayeur ! Là t'étais tout figé et tu trouvais rien à dire ! Oh et j'ai même pas réagit quand tu as essayé d'attirer mon attention parce que tu voulais aller aux toilettes ! Je t'ai tout transformé en quelqu'un que tu n'es pas pour que tu correspondes au gendre parfait qu'attende mes parents !

Le calme de Minho le rendait d'autant plus nerveux car il ne le comprenait pas. Il ne s'épargnait pas, lui listant même les plus infimes erreurs de son parcours comme s'il voulait lui prouver qu'il avait raison, qu'il était bien l'horrible petit-ami qu'il disait être.

Un baiser sur son front le coupa dans ses questionnements sur le comportement bien trop... calme de son copain. Ne devait-il pas y avoir plus de vague pour un fait qui avait gâché sa soirée préférée ? Pour cette affirmation si écrasante qu'il en suffoquait encore ?

D'un toucher plein de tendresse son menton fut relevé et son regard invité à se plonger dans ces yeux en face de lui si... Affectueux et rassuré.

-Cœur je sais combien ta famille compte pour toi et que bien que tu t'émancipes doucement de ton cocon tu as encore peur de leur révéler le vrai toi. Je sais tout ça c'est bien pour ça que je ne t'ai pas mis dans une situation impossible en faisant se rencontrer deux versions de toi que tu n'es pas encore prêt à fusionner.

Minho déposa un chaste baiser sur ses lèvres décontenancées. Quoi ?

-Evidemment que j'allais faire un effort vestimentaire pour rencontrer ta famille et qui plus est lors du réveillon de noël. Bien sûr que j'allais essayer de me faire voir sur un jour avantageux face à ma belle-famille parce que ce sont des personnes à qui tu tiens plus que tout au monde et que j'ai envie qu'ils aient une bonne opinion de moi. Pour ce qui est de ma grande gueule, je sais la fermer quand je considère que ce n'est pas le bon moment et ce soir ce n'était pas le moment opportun pour ouvrir ce genre de débat. Je sais m'adapter à mon environnement et ce soir ce qui comptait ce n'était pas de faire valoir ma cause perdue d'avance face à des oreilles peu enclines à m'écouter mais à faire bonne impression pour que cette soirée qui, je le sais, comptait énormément pour toi se passe au mieux. Tu t'es encore monté la tête tout seul cœur.

-... Je ne comprends pas...

Minho lui ébouriffa affectueusement les cheveux comme si sa réaction était parfaitement classique.

-Tu as tendance à t'arrêter sur un détail et à ne voire plus que lui jusqu'à ce qu'il soit le centre de ton univers. Tu te souviens quand tu étais persuadé que Sunhi flashait sur toi ? Ou que DongYul avait une relation secrète avec Madame Park ? Ou encore que ce groupe d'ado allait braquer l'épicerie ?

-Oui... Je me souviens, dit-il lentement alors que les souvenirs refaisaient surface.

Sunhi toujours tactile, le sourire aux lèvres avait finalement seulement une personnalité « bubbly », chaleureuse qui allait vers les autres comme si tous étaient ses meilleurs amis et DongYul qui passait uniquement beaucoup de temps avec son maitre de projet et heureux d'avoir un peu d'aide alors que tout le reste de son groupe ne foutait rien et ce groupe aux allures de racailles dont il avait pris trop aux sérieux leurs blagues de vandales pour se mousser auprès de leurs compères...

-Mais j'ai pas arrêté de te parler de me famille et de te faire passer en second... C'est pour ça que tu fais autant d'effort !

-Je vais pas rentrer dans les détails parce qu'il est tard mais disons qu'on est un peu comme des caméléons, pour se fondre dans le groupe auquel on veut appartenir on va légèrement modifier notre comportement pour s'adapter à eux. Ce n'est pas qu'on renie qui on n'est ou qu'on se force à changer, c'est une opération qui s'effectue naturellement en nous pour qu'on trouve notre place dans le groupe. Notre accent, citer un loisir plutôt qu'un autre, faire plus ressortir tel trait de sa personnalité... C'est nous, c'est de l'adaptativité environnementale. Tu comprends ? Je ne vais pas agir énergique et esprit d'équipe dans un groupe de lecture comme avec des footballeurs.

-Tu promets ? Que t'inventes pas tout ça pour me faire sentir mieux ? Que s'il y avait vraiment un problème tu me le dirais ?

-Tends ton petit doigt... Promis.

Tout le visage calme et confiant de Minho lui offrait un sourire rassurant. Lui se sentait encore hagard de tout ce retournement de situation. Il était persuadé... ! Il avait passé toute la soirée, à y croire encore plus dur que le fer si bien que malgré son soulagement il émettait des réserves à ces révélations. Sa bouche s'ouvrit plusieurs fois mais se referma en silence. Plutôt que de trouver de nouveaux arguments il essayait d'assimiler cette nouvelle vision de la soirée.

Un baiser fut déposé sur sa tempe et il eut soudain envie de se laisser totalement aller au contact. Il éprouvait une immense et soudaine lassitude de toute ce réveillon qu'il s'était gâché tout seul. Cela faisait mal à dire... Comment son cerveau avait pu s'infliger cette torture alors qu'il était aussi l'organe qui savait à quel point le réveillon et noël lui était précieux ?

Il se laissa retomber sur matelas et sa joue contre la couette sentit le tracé d'une larme s'effacer de sa peau. Sans même le réaliser ses yeux avaient échappé un surplus de larmes avant de ravaler le reste. Minho avait géré encore une fois. Il l'avait écouté et sans se moquer ni dénigrer ses pensées poussées trop loin, il lui avait patiemment fait voir la vérité sous une lumière plus juste.

Et les fois précédentes il avait agi à peu près de la même manière, riant de ses fantaisies parties trop loin mais jamais trop longtemps pour ne pas lui faire de peine, puis il lui ouvrait sa perception à plus large pour qu'il comprenne où son jugement avait été biaisé.

-T'es un super petit-ami cœur. T'es attentionné au point de t'en rendre malade de penser que tu es pu me porter préjudice. T'es la personne la plus tendre que je connaisse. Ton cerveau t'a encore joué des tours. Alors la prochaine fois qu'un problème de ce genre te mine la soirée, fait comme aujourd'hui, parle-moi en à la première occasion, d'accord ?

-Mais tu n'étais pas stressé ou nerveux ? T'arrêtais pas de me donner à manger, de te coller à moi et d'essayer d'accrocher mon regard !

-Tu m'as déjà vu nerveux cœur ? Je voyais bien que t'avais le moral dans les chaussettes et en attendant de pouvoir être seul avec toi je voulais essayer de soutenir comme je le pouvais. Essais pas très fructueux mais...

-Non... Tu étais nerveux et j'essayais de te rassurer en ayant de petites interactions avec toi...

A sa voix hésitante l'on pouvait comprendre à quel point il était perdu. Il s'était remis en position assise et son regard balayait la pièce à la recherche d'une constante à laquelle se raccrocher. L'armature du lit en bois foncé, sa table de chevet, sa commode, ses murs marron-rouge avec une pointe de violet qui donnaient l'impression générale d'une pièce aux tons chauds. Son plaid rouge à motif de cadeaux blancs au pied de son lit, des boules à neige uniquement sur le thème de noël étalées sur toute la surface de la commode, des fausses branches de houx pendues aux poignets de ses placards intégrés, des peluches (Ourson, souris et renard des neiges) à côté de lui sur l'oreiller revêtant un bonnet de noël, une écharpe de noël ou encore un veston à cette effigie. Ses rideaux étaient verts à franges rouges et or noués par une cordelette de ces mêmes teintes. Sur la housse de couette l'image déformée par leurs fessiers d'un père noël avec sa hotte riant et des coussins de noël accompagnaient l'oreiller de toute l'année.

Des mains sur ses joues interrompirent sa quête de réponse. Une bouche contre la sienne lui fit du bien. Il se blottit contre Minho pour prolonger l'effet de l'amour.

-Tu as fait de la projection, tu te souviens de ce que c'est ? C'est quand tu transposes tes sentiments vers autrui pour te soulager de ce poids et te rassurer par procuration en le rassurant lui.

-... Mon cerveau est vraiment tordu en fait...

-Ils le sont tous mais il n'y a que de rare élus pour voir à quel point le cerveau d'un autre est aussi mal foutu que le leur.

Felix ne répondit pas. L'idée faisait son chemin dans son esprit. Il avait foiré sur toute la ligne. Pour une fois c'était assez rassurant. Tout ce qu'il pensait mettre à Minho de pression il se l'était en fait mis tout seul. L'inquiétude que Minho ne plaise pas à sa famille c'était lui qui l'avait et le fait qu'il avait obligé son petit-ami à renier sa personnalité pour être « présentable » n'avait finalement aucun rapport avec son copain. C'était le poids de son secret à lui et de sa culpabilité à ne pas être franc avec sa famille sur qui il était vraiment. Un garçon pas tout lisse ni tout sage qui se bourrait parfois la gueule sans aucune raison comme le faisait la jeunesse, découvrait un amour pour la cuisine, n'allait pas tous les dimanches à l'église quand il ne passait pas le week-end chez eux, visionnait des films d'horreurs tel que La nonne ou L'exorciste, rêvait d'avoir plusieurs piercings, faisait parfois des blagues borderlines...

Un peu comme un coming out qu'il n'était pas encore prêt à faire mais qui ce soir lui avait drôlement pesé.

-ça va mieux maintenant ? Tout est plus clair ?

-Tu manques ta vocation, sérieux. Tu devrais faire psychologues, tu démêles tout avec une facilité déconcertante.

-C'est clair je devrais me reconvertir. Je ferais psy pour meurtrier comme ça je jaugerais mon niveau de sociopathie au leur.

Felix bouffa. A peine venait-il de dire qu'il allait mieux que Minho ne perdait pas une seconde pour retrouver son premier amour : L'humour noir.

-C'est pas un concours.

Il se leva en même temps que son copain pour, enfin, se préparer à se mettre au lit. Se dirigeant vers sa penderie il ne vit pas Minho hausser les épaules.

-C'est parce qu'on n'a pas encore mis les termes mais attends que j'organise ça.

-Je t'encouragerais des gradins.

-Même quand je trancherais la gorge de l'éliminé ?

-Surtout quand tu le feras ! Quel serais un concours de sociopathie sans une goutte de sang ?

Felix lui tendit ses sacs cachés dans le dressing à l'abris des enfants pour qu'il puisse se mettre en pyjama aussi. Tout en se dévêtant ils poursuivirent leur petit délire à voix basse pour être certain que leur étrange conversation ne soit entendue de quiconque. Si ses parents le surprenaient à parler de la sorte il serait bon à leur faire une crise cardiaque. Et à être envoyé dans un asile de fou.

Son pantalon rouge en velours avec son haut blanc où un immense pingouin sur sa banquise s'apprêtait à jeter une boule de neige : il était paré pour la nuit. Il ne manquait plus que de se laver les dents et il pourrait enfin se glisser sous la couette, contre le corps chaud de son petit-ami pour se laisser aller au sommeil et enfin terminer cet éprouvant réveillon.

Trainant quelque peu les pieds, il se rendit dans la salle de bain. La fatigue se fit sentir à ses yeux se fermant tout seul alors qu'il passait lascivement la brosse contre l'émail. Son corps passait déjà en mode dodo.

Il salua son cousin dans le couloir et ce pressa un peu de retourner dans sa chambre pour n'avoir à engager la conversation avec personne. Il referma la porte sur les effluves persistantes de leur repas de fêtes. Minho était déjà sous la couette dans son ample haut de pyjama, à taper les coussins pour leur donner une forme agréable.

Il se glissa sous la couette avec délectation, même si la soirée se terminait sur une note soulageante, son cerveau s'était épuisé en ineptie. Il était apaisé d'aller dormir pour passer à autre chose. Demain était un autre jour.

A peine allongé qu'un bras s'enroula autour de sa taille pour le coller contre un corps chaud et rassurant. Il huma l'odeur d'après-rasage mêlé de transpiration qui ne le rebuta pas. Bien au contraire cette odeur familière l'aida à se détendre. Il se pelotonna contre son petit-ami.

-J'éteints ?

Il soupira.

-Il faut mettre le réveil pour aller déposer les cadeaux.

Dire qu'il avait presque oublié le plus important, son cerveau avait vraiment besoin de recharger.

-Oh, je croyais qu'on allait tendre un guet-apens au père noël moi.

-Faut pas prendre tes rêves pour des réalités non plus.

Essayant de ne pas quitter l'étreinte, Felix s'étira tel un félin. Sans succès, son téléphone était hors d'atteinte. Il soupira de nouveau et se redressa.

-Je met quelle heure ?

-Ce qui t'arranges. Je me lèverais dans tous les cas.

Le réveil fut mis pour trois heures du matin et la sonnerie éteinte au profit des vibrations pour éviter d'éveiller des petits curieux au sommeil trop léger ce soir. Puis il éteignit tout, téléphone et plafonnier, et retourna dans les bras de Minho. Cette fois il soupira d'aise, déposa un baiser sur la peau tendre du cou. A tâtons Minho chercha ses lèvres pour un baiser de bonne nuit.

Enfin pût-il mettre son cerveau sur pause.

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Bon réveillon ! J'espère que vous serez gâté.es ! 😘🎁

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