7 : Je le savais, mais je l'ai quand même fait
Assis au pied du canapé, je passe rapidement ma main sur mon front endolori pour évaluer l'étendu des dégâts. J'ai un mal de tête terrible – sûrement du aux coups que je viens d'encaisser – et mes yeux gonflés peinent à rester ouverts. Je ne sais même pas si je suis encore capable de me relever, mais peu importe ; on a perdu.
Clément est assis à ma gauche, il n'est pas en bien meilleur état que moi. Un œil au beurre noir, une plaie ouverte sur le front et les lèvres en sang. D'ailleurs, il en recrache et s'essuie rapidement la bouche avec la manche de son pull.
Michael sort enfin de son bureau et nous fixe chacun notre tour d'un air supérieur. Il s'accroupit tout près, abordant une expression enjouée.
— Quelle dommage que ça se termine ainsi, déclare-t-il en faisant la moue. Je vous avais pourtant prévenus messieurs.
Il se relève et commence à faire le tour de la petite pièce. Il reprend rapidement :
— Vous avez causé de nombreux dégâts, vous en êtes conscients n'est-ce pas ? À cause de votre petit numéro, je viens de perdre de nombreux clients. En plus de m'avoir désobéit et attaqué mes hommes. Que feriez-vous à ma place les jeunes ? Quelle punition donneriez-vous aux malheureux qui auraient causé tant de dégâts ?
— C'est bon Michael, je crois que t'en as assez fait. Regarde l'état dans lequel on se trouve, lâche Clément.
Il cesse soudainement de parcourir la pièce pour se retourner vers lui. Un grand sourire étire ses lèvres avant de se transformer en fou rire.
— Mon pauvre gamin, tu ne te rends pas bien compte. Les coups que vous avez reçus ne représentent rien à côté des soucis que vous m'avez causé, déclare-t-il d'un ton étonnamment calme. Et bien, puisque vous ne vous décidez pas, je vais choisir moi-même ! Voyons voir... les torturer ? Les tuer ? Ou mieux, tuer un de leur proche ! Pourquoi pas un parent ? Ou une petite sœur ? Un grand frère ? se dit-il à lui-même.
Clément souffle alors que je me contente d'essayer de planifier comment nous sortir de là. Il faut aussi que je pense à quel moyen je vais employer pour tuer cet homme, qui me servait autre fois de meilleur ami. Mais je laisse cette seconde pensée pour plus tard.
Pourquoi. Pourquoi bon sang ai-je accepté de l'accompagner ? Pourquoi, alors que je savais parfaitement comment ça se finirait ? C'est toujours comme cela avec lui, ça l'a toujours été. J'aurais mieux fait de me trouver un autre plan, tout seul, où là au moins, j'aurais été sûr de ce que je faisais et dans quoi je m'embarquais. Pourquoi l'ai-je laissé rentrer à nouveau dans ma vie ? Pourquoi n'ai-je pas claqué cette foutue porte dès que j'ai vu de qui il s'agissait ? C'était déjà prévu, mais maintenant, j'en ai la certitude : si je parviens à me sortir de là, je ne veux plus jamais le voir. Je veux qu'il disparaisse de ma vie aussi vite qu'il est revenu. Sa présence est toxique, tout chez lui me rappelle une époque que je ne cesse d'espérer pouvoir oublier un jour.
Je reçois un coup de coude dans les côte et je pousse un râle, surpris. Mon regard se pose sur Clément pendant que Michael discute avec ses gars.
— T'as un plan ? demande-t-il.
Dans d'autres circonstances, sa phrase aurait le don de me mettre hors de moi, mais ce n'est ni l'endroit, ni le moment pour péter un plomb.
Je ne prend pas la peine de lui répondre et continue de chercher une solution. Mon cerveau tourne à cent à l'heure, mon regard inspecte chaque recoin et chaque objet de la pièce. Et une idée finit par germer dans mon esprit.
Quatre hommes, plus Michael. Seul ce dernier est armé. Si j'arrive à saisir son arme, coincée dans la poche arrière de son jean, on a peut-être un moyen de s'en sortir.
— Abruti...
Clément et Michael se retournent en même temps vers moi. Le premier me fixe comme si j'étais devenu fou tandis que Michael s'avance doucement.
— C'est à moi que tu parles ? demande-t-il.
— Non, c'est au mur derrière toi, je réplique d'un air insolent.
— Terrence, arrête ça, lâche discrètement Clément.
— Tu ferais mieux d'écouter ton ami, reprend Michael.
Un rire amer m'échappe. Il me regarde ahuri, puis les traits de son visage se tendent.
— Qu'est-ce qu'il a lui ?! crache-t-il. Contrôle ton pote si tu veux pas que je le bute !
— Tu vas me tuer, toi ? Essaie un peu pour voir, continué-je.
Michael s'accroupit à ma hauteur et me fixe pendant de longue secondes avant de m'attraper avec rage par le cou.
— Tu veux vraiment voir ?!
Je plante mes yeux dans les siens pendant que ma main passe discrètement sur le côté. Mes doigts effleurent le métal froid de l'arme.
— Je te parle imbécile ! reprend Michael.
— Michael, c'est pas la peine, il va se taire, assure Clément en me lançant un regard noir.
C'est le moment ou jamais.
Ma main se referme sur le manche du pistolet que je tire de toutes mes forces. Je donne un coup de pied dans le ventre de celui qui me fait face et, surpris, il retombe lamentablement sur les fesses. Je m'empresse de me relever sous le regard encore incrédule de Clément, pointant l'arme devant moi.
— Dépêche-toi, on se tire, lâché-je froidement à son attention.
Je vois les visages des colosses se tordre de rage, tandis qu'ils sont forcés de garder les mains vers le ciel. En passant à côté de Michael, le pied de Clément s'écrase brutalement sur son visage. Il tombe à terre dans un cri de surprise.
— Ça, c'est pour les menaces « abruti », lâche-t-il en récupérant les clés de la porte.
Je me dirige lentement vers la sortie à reculons, sans quitter les hommes des yeux. J'ordonne à Clément d'ouvrir la porte.
Nous nous retrouvons dans la cage d'escalier, mais les hommes sont encore face à nous. Je me place aux côtés de Clément pendant qu'il enfonce la clé de l'autre côté de la serrure.
Je lui fais signe de fermer la porte à mon signal.
— Maintenant !
Il ferme la porte le plus rapidement possible, tournant habilement la clé pour la verrouiller alors que nous entendons les hommes de l'autre côté qui se précipitent déjà vers celle-ci pour tenter de l'ouvrir.
Il jette la clé derrière lui et je me débarrasse du flingue en dévalant les escaliers. En ouvrant la porte du bâtiment, nous marchons le plus normalement possible pour ne pas alerter les colosses de l'entrée. Par chance, le manque de lumière camoufle nos nombreuses blessures. Mais une fois que nous parvenons à rejoindre la voiture, Clément démarre en trombe et s'engage à toute allure sur la route. Lorsque nous nous tenons enfin à bonne distance de l'endroit et que la tension descend peu à peu, il se tourne vers moi.
— On a eu chaud ! s'exclame-t-il en lâchant un petit rire nerveux.
— Ne te réjouis pas si vite.
— Ça me rappelle le bon vieux temps...
— Arrête de comparer les choses au passé. Avant c'était avant et ce ne sera plus jamais pareil.
— Ça c'est de ta faute. Si ça ne tenait qu'à moi il n'y aurait pas de problème.
— Sauf que ça ne tient pas qu'à toi et c'est de ta faute seulement si plus rien n'est comme avant.
— Terrence... Je t'ai déjà demandé pardon, qu'est-ce que tu attends de plus ?
— Je n'attend qu'une seule chose de toi ; que tu disparaisse de ma vie. J'étais très bien sans toi.
— Je ne compte pas m'en aller et je compte encore moins te laisser tranquille. Pas tant que tu ne m'auras pas pardonné.
— J'en ai rien à faire, encore une fois, ça ne tient pas qu'à toi. Si je refuse de te voir, tu n'as aucun moyen de continuer à me pourrir la vie. C'est la dernière fois que je te vois ce soir, alors si tu peux te taire, histoire qu'on ne finisse pas sur une nouvelle bagarre.
— Laisse-moi au moins une chance Terrence... pour m'expliquer. Rejoins-moi demain après-midi, au lac de Saint Mandé. Et je te promets que, quand tu m'auras écouté, si tu me demande de disparaître, je le ferais.
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