5 : The beans on fire
Sur le chemin du retour, mon regard croise une voiture de police garée sur le bord du trottoir. Puis, à mesure que je m'en approche, je perçois la présence de deux agents. Le premier, adossé à la voiture, savoure son café tout en parlant avec lassitude au deuxième qui se tient devant lui, téléphone à la main. Je m'arrête au beau milieu du trottoir, comme paralysé par la culpabilité.
Les deux policiers remarquent finalement ma présence et me fixent bizarrement. Mon regard se perd sur les lumières bleues et rouges qu'émetla voiture.
— Monsieur, tout va bien ?
Je relève soudainement les yeux vers le policier qui vient de m'adresser la parole. J'hoche la tête en signe de réponse et me retourne, prêt à faire demi-tour.
— Attendez !
Mon sang se glace.
Je me retourne à nouveau vers lui, à deux doigts de détaler en courant vers la direction opposée.
— Je vous offre un café ? J'en ai un de trop, propose-t-il en me tendant un gobelet.
— Non merci, je ne bois pas de café, me contenté-je de répondre dans un sourire forcé. Bon travail.
— Bonne journée ! s'exclame-t-il.
Je m'empresse de rebrousser chemin alors que les deux hommes reprennent déjà leur discussion.
En arrivant devant la porte de mon studio, l'envie de craquer est plus forte que tout. C'est beaucoup trop d'émotions en moins de vingt-quatre heures. Et ce qui viendra est encore pire. Je repousse ce moment depuis le retour à la maison hier, mais maintenant ce n'est plus possible. Il me faut un autre plan.
Je repense à nouveau à la veille. Si tout n'avait pas foiré, je serais déjà loin d'ici, loin de la capitale et même sûrement du pays. Je serais sûrement parti vers les Pays-Bas, dans un village en Hollande comme Marken. Ces paysages qui m'ont toujours fait rêvé, ma mère autrefois également. C'est elle qui m'a fait découvrir tout ces beaux paysages. Nous voyagions tous les étés, pendant les grandes vacances. La plupart du temps mon père était là, mais parfois nous partions seulement tous les deux. Elle me disait qu'un jour ce serait à moi de l'emmener en voyage, et je riais en lui promettant des endroits plus paradisiaques les uns que les autres. Au final, je n'aurai jamais tenu ma promesse.
Mon cœur se contracte et je serre les dents. Les souvenirs sont trop douloureux, c'est pour cela que je les enferme à double tour. Mais parfois, la porte s'ouvre seule, comme par magie, et ce qui en sort dévaste tout sur son passage.
Je souffle et m'assois pour retirer mes chaussures. En m'allongeant sur mon lit, mes pensées dérivent à nouveau.
« Retrouve-moi dans trois jours au The beans on Fire, 19:00. »
Je passe mes mains sur mon visage. Il faut que j'arrête de penser à lui et à ses plans foireux, peu importe ce qu'il a à me proposer, ça ne marchera jamais. Et il a besoin de moi dans cette affaire, ce serait trop beau pour lui.
Je vais bien trouver un nouveau plan, un millionnaire à Paris, ce n'est pas ce qu'il manque après tout.
Sauf qu'il me faudrait au moins un mois pour tout préparer, et une bonne occasion. Un mois que je n'ai pas devant moi. Il faut que je me rende à l'évidence, celui-ci était le plan parfait, la chance de ma vie. Et tout à foiré.
Je suis dans une impasse, je n'ai pas le choix. Pas le choix que d'accepter...
*
Je m'arrête au passage piéton et fixe l'enseigne du café en prenant une grande inspiration. Mains dans les poches, je regarde de chaque côté de la route avant de traverser.
Lorsque je pousse la porte de l'endroit, une atmosphère chaleureuse se crée autour de moi. Il y a pas mal de monde, des couples, des grands-parents qui emmènent leurs petits-enfants goûter, des bandes d'adolescents qui relâchent la pression de la journée après les cours. Puis mon regard finit par se poser sur celui pour qui je suis là. Il triture nerveusement sa tasse, tête baissée. Le voir comme ça me rappelle un millier de souvenirs. Je n'ai qu'une seule envie : faire demi tour.
J'inspire longuement comme pour me donner du courage et continue d'avancer jusqu'à sa table. Lorsque je me retrouve face à lui, il relève enfin la tête et un large sourire s'étire sur ses lèvres.
Je garde mon visage froid alors qu'il se lève pour me saluer mais je l'arrête :
— Non, pas de ça.
Il se rassoit en soupirant.
— Vas-y, installe-toi.
Je m'assois négligemment sur la chaise en face de lui, le regard fuyant. J'ai le temps de contempler chaque recoin du café. Je vais sûrement avoir un torticolis à force, mais hors de question que je le regarde dans les yeux.
— Tu crois pas que t'abuses quand même ? Tu peux me regarder, ça va pas te tuer, Terrence.
— Tu me dis encore une fois ce que je devrais faire ou non je me casse, je déclare en croisant le plus froidement possible son regard.
Il soupire et alors que je détourne à nouveau les yeux, un homme à la carrure imposante s'arrête dans l'encadrement de la porte. Cheveux bruns tirant vers le blanc, lunettes noires sur le nez. Il porte un gros blouson noir et un chapeau de la même couleur, qu'il retire théâtralement.
— Salut amigo ! s'exclame-t-il en levant la main vers le patron du café qui se tient derrière le comptoir.
Celui-ci lui rend son sourire et l'homme croise ensuite mon regard, puis celui de Clément. Il s'avance vers nous de sa démarche boiteuse et celui que j'ai un jour considéré comme mon meilleur ami se lève pour le saluer.
— Hé Georgio !
Le dit Georgio lui donne une accolade virile dans le dos alors que je reste bien sagement assis sur ma chaise. Il me tend la main et je la serre avec hésitation, méfiant. Il retire son blouson et s'installe en appelant le serveur comme s'il était chez lui.
— Je vais prendre un café noir, avec une toute petite cuillère de sucre, comme d'habitude. Tu ne prends rien mon garçon ?
Je relève la tête, comprenant que cette question m'est adressée.
— Pas pour l'instant.
Le serveur hoche la tête et repart.
— Je suis content que tu sois venue Clem ! Tu me présentes ton ami ?
— Georgio, je te présente Terrence. Terrence, Georgio.
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