4 : Commissariat ou torture mentale ?

     Mon sang se glace à nouveau quand la personne qui vient de toquer à la porte se tient devant moi. Mon cerveau est partagé entre le soulagement et la panique.

     Ce n'est pas un policier qui me fait face, mais c'est peut-être bien pire.


     Il reste immobile, sûrement en état de choc lui aussi.

— Qu'est-ce que tu fais là ? articulé-je difficilement.

     Mon ton est froid. C'est tout ce qu'il mérite après tout. C'est un miracle que je ne lui ai pas encore fermé la porte au nez ou asséné mon poing dans la figure.

Un miracle...

     Il ne répond pas, restant immobile dans l'encadrement de la porte. Sa posture me donne déjà envie de lui en coller une. Je souffle bruyamment, perdant mon sang froid.

— Dégage de là !

     Il ne bouge toujours pas et continue de me fixer calmement. Comment peut-il être calme ? Comment ose-t-il se pointer devant moi ?

— Dégage ! répété-je en haussant la voix.

     Il sursaute légèrement mais n'en fait rien.

— Terrence...

— Ne dis pas mon prénom. Ne me parle pas. Je ne veux rien entendre, dégage de chez moi maintenant !

— Tu vas réveiller les voisins en hurlant de la sorte.

— Comment oses-tu ? Non, je ne veux même pas savoir. Vas-t-en tout de suite avant que je m'énerve pour de bon, Clément.

— C'est Clem.

— C'est rien du tout ! Tu n'es rien du tout !

     Je fais demi tour et prends une grande inspiration. Je me retourne à nouveau vers lui et mon poing part tout seul. J'ai à peine le temps de voir son visage déformé par la douleur, le sang coule déjà le long de sa mâchoire. Il titube légèrement mais je me rue sur lui, prêt à attaquer à nouveau.

     Il ne fait rien pendant que je le frappe à de nombreuses reprises, beaucoup trop étourdi pour riposter.

     Je le laisse à terre après m'être bien défoulé et me dirige vers l'évier pour laver le sang sur mes mains. J'en profite pour me servir un verre de gin que je bois d'une traite et lorsque je me retourne, je le vois pénétrer dans le studio, à l'ouest.

     Il marche de travers, grimaçant à chaque nouveau pas et se laisse tomber au pied du lit, sous mon regard de marbre.

— C'est ta façon de me souhaiter la bienvenue ? demande-t-il ironiquement.

     Je ne réponds pas et vais m'installer dans le mini sofa, verre à la main.

     Après de longues minutes de silence, pendant lesquelles les informations tournent à mille à l'heure dans mon cerveau, je formule enfin la question qui me ronge.

— C'est quoi ton problème ?

— Hein ?

     Il se tourne vers moi, sûrement surpris par cette soudaine prise de parole.

— Là actuellement, j'ai le visage en sang, reprend-il.

— Arrête. Sincèrement, j'ai pas la tête pour supporter ton humour à deux balles. Soit tu réponds sérieusement à mes questions, soit tu te barres.

— Ok, ok ! dit-il en s'accrochant au lit pour tenter de se relever. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

— Qu'est-ce que je veux savoir ? Je veux savoir comment tu oses te pointer devant moi après tout ce qu'il s'est passé. Après tout ce que tu as fait !

— Je suis désolé mec... je sais que j'ai fait le con mais je regrette, vraiment. Tu dois me pardonner.

— Je devrais te pardonner parce que tu regrettes ? T'es culotté.

— Et parce qu'on était meilleurs amis. Si tu ne le fais pas pour moi, fais le au moins pour notre amitié.

— Notre amitié ? Laquelle, celle que tu as détruit ?

— Terrence...

— Attends ! Tu ne te rends pas compte de ce que t'es en train de me demander là ! Tu crois qu'un « je regrette » est suffisant pour effacer tout ce que tu as fait ? Tu crois que je vais te serrer dans mes bras ?

— Ben honnêtement, je sais pas. C'est ce que j'essaie de faire, me faire pardonner, non ? Qu'est-ce qu'il y a de si compliqué là-dedans ? Tu as juste à prononcer trois mots : je te pardonne.

— Tu te casses. Ça marche aussi.

— Un peu moins.

— C'était pas une question.

     Il soupire, sûrement fatigué de lutter.

— J'ai été contacté par Georgio. Une bonne affaire, ça nous rapporterait gros.

     Cette fois c'en est trop.

— Nous ? Tu penses vraiment que... non, tu sais quoi, laisse tomber. Je parle à un mur. Va-t'en maintenant.

— Laisse-moi au moins m'expliquer...

— Va-t'en !

     Il me fixe pendant de longues secondes avant de se diriger vers la porte. Il s'arrête devant celle-ci et se tourne vers moi.

— Si tu changes d'avis, retrouve-moi dans trois jours au The Beans on Fire, 19:00.

     Puis il ouvre la porte et disparaît derrière, comme il avait disparu de ma vie quelques années plus tôt.

     Les questions fusent dans ma tête, les insultes ne manquent pas non plus. Je suis sidéré, il n'a décidément aucune vergogne. Je le savais déjà, mais je ne pensais pas que cela pourrait aller si loin.

     Je m'avance jusqu'à la toute petite fenêtre de mon studio, que j'ouvre en grand. Les premiers rayons du soleil cognent déjà contre la vitre désormais ouverte, le chant des oiseaux se lève, la circulation des voitures aussi.

     J'enfile ma veste, attrape mes clés et claque la porte de mon logement. Je traverse la rue en enfonçant mes mains dans mes poches pour en sortir une cigarette, que je porte à mes lèvres. Je resserre mon blouson autour de moi et continue de marcher.

     La tour Eiffel se dresse au loin. Imposante et à moitié couverte de neige. La vie reprend son cours après une soirée d'amour et de partage pour la plupart des parisiens.

     Je repense à ma soirée, j'en avais presque oublié la petite Evie après cette confrontation matinale. Sans même m'en rendre compte, mes lèvres s'étirent en un sourire à cette pensée. Elle a tenu sa parole, mais se souviendra-t-elle de moi au prochain Noël ? Même si elle m'a fait promettre de revenir, ne m'aura-t-elle pas oublié d'ici là ?

     Finalement, c'était peut-être l'un des meilleurs Noël de ma vie, à moi aussi...

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