3 : Retour à la maison

— Merci monsieur.

— Merci d'avoir tenté de cambrioler ta maison ?

— Merci d'avoir fait de cette nuit mon meilleur soir de Noël, reprend-elle en souriant.

     Je reste perplexe, immobile. C'est comme si mon cerveau s'était éteint. Mais qui est donc cette enfant ?

— Ma nounou dort encore, elle ne se réveille pas avant midi. Elle ne saura rien et papa et maman non plus, mais à une condition !

     Évidemment, c'était trop beau.

— Laquelle ? demandé-je.

— Tu reviendras me chercher au Noël prochain !

     Je n'ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit. Elle est déjà rentrée en ricanant.



     Je reste de longues secondes, planté au beau milieu de l'allée déserte. Il se met à neiger, et un flocon s'écrasant dans mes cheveux me fait enfin reprendre mes esprits.

     Je commence à marcher, la neige accumulée des derniers jours forme déjà une épaisse couche au sol, absorbant le bruit de mes pas. Une fois à l'abri dans la voiture, je démarre et prends la route. Mais mon esprit divague toujours. Pourquoi cette simple soirée me fait cet effet ? Pourquoi les simples paroles de cette gosse me troublent autant ? Je remets toute ma vie en question à cause de cet incident. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'un de mes plans tombe à l'eau, loin de là. J'ai, malheureusement pour moi et heureusement pour les autres, connu plus de défaites que de réussites.

     Ma vie n'a jamais été des plus simples. J'ai toujours dû me débrouiller seul, depuis mon plus jeune âge. Toutes ces années de galères, de souffrance et de solitude m'ont forgé une carapace. Une carapace que personne n'est capable de détruire, beaucoup trop solide. J'ai enfermé tout mon passé dans un coin de ma mémoire, mais le temps d'une soirée, cette petite a tout fait ressurgir. Une partie de moi s'est déjà attachée à elle, chose que je n'ai pas faite depuis des années : m'attacher à quelqu'un. Je suis seul, complètement seul. Pas d'amis, pas de famille, et ça a toujours été comme ça depuis leur mort. Alors pourquoi un lien aussi fort s'est déjà créé avec cette pauvre gamine ?

     Je ne sais pas, je n'en sais rien et si je continue de me poser autant de questions ma tête risque d'exploser.

     Je me gare devant mon studio, à l'autre bout de la ville.

     J'avais choisi une maison distante pour qu'on ne puisse me retrouver. Tout était parfaitement planifié, mais tout à foiré à cause d'elle.

     Ça aurait été ma meilleure affaire, j'aurais enfin pu me sortir de la misère. Avoir une vie digne de ce terme. Me trouver un logement à l'autre bout de la planète et fuir la folie constante de la ville.

     En entrant, je pose mes clés sur le comptoir qui sépare la cuisine de la chambre et me jette sur mon lit.

     En voyant l'annonce de ce studio, j'avais directement sauté sur l'occasion. L'endroit est propre et ses 15㎡ me conviennent étonnamment. Je vis seul et ne reçois jamais personne, alors pourquoi ne pas en profiter. Surtout que le prix était tout à fait abordable.

     Je fais un dernier effort et retire mes chaussures avant de me rouler sous la couette.

     Je ne parviendrais probablement pas à dormir cette nuit, mais je dois au moins fermer les yeux et tenter de penser à autre chose. D'oublier, comme je sais si bien le faire...

     Mais soudain, des coups se font entendre contre la porte.

     Tout mon corps se tend automatiquement. Qui cela peut bien être à cette heure-ci ?

La police.

     Les rythmes de mon cœur s'accélèrent dangereusement alors qu'on toque une nouvelle fois.

     Je me lève doucement de mon lit, méfiant.

Merde, la sale gamine...

     Comment m'ont-ils trouvé si rapidement ?

     Je respire profondément et fais une dernière prière à « Dieu », même si celui-ci doit profondément me détester. À mon jugement dernier, il m'enverrait sans doute pourrir en enfer.

     Ma main tremblante se pose sur la clé pour déverrouiller la porte. Je ferme les yeux, comme si cela allait me protéger et me prépare déjà à m'agenouiller au sol.

C'est fini...

     Tout me revient brusquement en tête. Je vois ma vie défiler, toutes mes erreurs, mes démons du passé. C'en est fini, je vais passer le reste de mes jours enfermé, derrière les barreaux. Les masques sont tombés...

     Dans un dernier soupir, j'ouvre la porte et lève les mains en signe de rédemption.

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