— Si ça c'est pas des vacances de rêves mon pote !

Debout face à la plage, nous observons avec apaisement le paysage. Clément croise ses mains derrière sa nuque en souriant.

Ce matin, le room service nous a apporté notre petit déjeuner à la chambre, que nous avons dégusté sur la terrasse, face à la mer. Nous nous sommes ensuite empressés de quitter l'hôtel pour rejoindre l'océan. Il y a déjà pas mal de monde, mais la détente flotte dans l'air. Je ne me souviens pas de la dernière fois que mes pieds ont foulé le sable.

Une jolie brune en bikini s'attarde en passant devant nous, nous regardant de haut en bas. Ce qui n'échappe pas au regard prédateur de mon meilleur ami. Il lui lance son plus beau sourire alors que la fille nous fait un petit signe de la main.

Mon coude part dans ses côtes et je le rappelle à l'ordre.

— Aïe ! Ça va pas ? s'exclame-t-il, regardant avec déception la brune s'éloigner.

— On a dit qu'on attendait ce soir abruti. En plus c'est à moi qu'elle faisait signe.

Il éclate de rire et s'avance vers l'eau.

— Tu veux vraiment rejouer à ce jeu-là Terrence ? Rappelle-toi nos années de lycée, il en restait pas une pour toi.

— Il me semble que tu sois toujours dans le déni Clem. Tu n'as toujours pas avalé le fait que j'ai pécho la fille que tu convoitais depuis une semaine en une soirée ?

Son sourire s'efface et il me lance un regard faussement outré.

— Ok, c'était pas cool ça.

C'est à mon tour de rire aux éclats devant son air abattu.

— Elle était même pas belle c'te nana, grogne-t-il.

— Cesse donc de faire le rageux. Le dernier à l'eau est une poule mouillée !

Je n'attends pas de réaction de sa part et accourt jusqu'à l'eau. J'y plonge la tête la première, laissant l'eau fraîche détendre chaque parcelle de ma peau.

En remontant à la surface, Clément m'a rejoint et me jette de l'eau à la figure.

— J'étais pas prêt !

Après une longue journée à la plage, nous sommes rentrés profiter de la piscine de l'hôtel. Nous avons ensuite pris nos douches et enfilé nos plus beaux accoutrements. Ce soir, nous nous rendons dans l'une des boîtes les plus célèbre d'Europe ; Pacha. La seule règle est « interdiction de ramener une fille dans notre chambre commune ». C'est moi qui l'ai instaurée, étant donné qu'il m'a déjà fait le coup il y a quelques années.

Alors que nous arrivons devant la boîte, nous sentons l'adrénaline qui commence à monter. Une fois à l'intérieur, c'est l'explosion.

Des centaines de personnes dansent les unes contre les autres, verre en l'air. Le DJ s'apprête à jouer le plus gros hit et nous nous imprégnons immédiatement de cette ambiance festive qui règne entre ces murs. La prochaine musique démarre, un remix de la chanson love tonight, alors que Clément et moi nous frayons un chemin jusqu'au bar.

Je commande un sex on the beach, et lui un mojito. Des danseurs de gogo animent les différentes scènes, il y a un monde fou. Clément se tourne vers moi après avoir récupéré son verre.

— Que la chasse commence mon pote !

Quelques verres d'alcool plus tard, et l'esprit déjà bien embrumé, je me laissais aller à la danse, au milieu de la foule. Sûrement que, de l'extérieur, mes gestes aléatoires et imprécis ne ressemblaient pas à grand chose, mais l'alcool dans mon sang me dictait de bouger au rythme de la musique.

Il y a un moment déjà que j'avais perdu Clément de vue. Je ne me souviens même plus de ce qu'il m'avait dit avant de tourner les talons.

Je décide de faire une pause rapide pour m'hydrater. Je retrouve mon verre posé non loin, et m'adosse à un mur, analysant du regard la salle.

Aucune trace de Clément. En revanche, mon regard croise celui d'une belle brune aux cheveux ondulés qui m'a tapé dans l'œil depuis le début de la soirée. Sirotant un cocktail, elle me lance un sourire timide avant de reporter son attention sur son verre. Assise seule à une table, j'en déduis que je n'ai rien à perdre.

Il y a bien longtemps que je n'ai pas flirté, je ne sais même plus comment aborder une fille...

Je décide de prendre mon courage à deux mains. Sûrement que l'alcool y est grandement pour quelque chose.

Lorsque j'arrive à sa hauteur, elle lève les yeux vers moi et je lui lance mon plus beau sourire, en essayant au mieux de garder l'équilibre.

— Holà, lance-t-elle en souriant de nouveau.

Merde, mais bien sûr, elle parle espagnol !

Je ne me décourage pas pour autant et tente l'improvisation.

— Hey, como estás ? Je peux ? demandais-je en pointant la chaise vide en face d'elle.

Elle suit mon geste du regard.

— Oh, sí, sí !

Je lui lance un nouveau sourire en posant mon verre sur la table. Elle me dévisage longuement, un sourire en coin. Le mien ne disparaît pas non plus, je sens que je lui plaît.

— Qué quieres ?

Je penche la tête sur le côté alors qu'elle me fixe, amusée. Tu sais très bien ce que je veux.

Elle me fait signe de me rapprocher. Je m'exécute, même si cela me demande un effort immense. Je n'ai aucune envie de bouger de cette chaise, comme si j'y étais collé.

Je replace une mèche de cheveux derrière son oreille alors qu'elle plante son regard dans le mien. Ses yeux reflètent les multiples lumières de la salle et j'y perçois une pointe de malice.

Je l'embrasse finalement avec envie. Elle se laisse faire et passe même une main contre mon torse pour m'inciter à continuer. Ses lèvres ont le goût de fruits exotiques, c'est délicieux.

C'est alors que je me sens tiré brutalement vers l'arrière. Je chancelle alors que tout semble tourner autour de moi. Le visage d'un homme apparaît dans mon champ de vision. J'ignore complètement ce qu'il raconte, mais une chose est sûre, il n'a pas l'air très content.

— Qué diablos crees que estás haciendo, idiota ?!

Je retrouve finalement l'équilibre et me stabilise en me tenant à la table. La fille s'est levée et a posé une main sur l'épaule de l'homme baraqué qui me fait face. Je crois que je commence à comprendre...

— Hijo de puta !

— Sam, basta ! s'écrie la brune.

Trop tard. Son poing s'écrase directement contre mon nez. Je n'ai même pas le temps de le voir venir. Il a frappé avec tellement de force que je perds pour de bon l'équilibre. J'ai beau me retenir à la chaise, je finis lamentablement par terre.

Je porte ma main à mon nez ensanglanté. La douleur est telle que je crois que celui-ci s'est déplacé. Ma vision est trouble, mais j'aperçois l'homme se ruer vers moi, s'accroupissant à ma hauteur pour me chopper par le col. J'essaie de retrouver mes esprits pour m'apprêter à riposter. Hors de question que je me laisse faire sans broncher.

La fille tente de s'interposer. Je sens sa main sur mon bras, qui essaie vainement de m'écarter de mon agresseur. Tout se mélange, la musique qui bat dans mes tempes, les cris de la jeune femme, les insultes incompréhensibles que me lance le tas de muscles, les voix étrangères autour, qui profitent du spectacle.

Bon sang, pas maintenant...

Un mal de cœur incontrôlable s'empare de moi. Je suis à deux doigts de rendre tout mon estomac.

Qu'il arrête de me secouer comme ça !

Au moment où je me relève, avec l'aide de la fille qui me tient fermement, je ne parviens plus à me retenir. Je rends mon dîner sur l'homme, dans un bruit peu ragoûtant. Le temps semble s'arrêter l'espace d'un instant. Il met plusieurs secondes avant de se rendre compte de ce qui vient de se passer. La fille a la bouche grande ouverte et les yeux exorbités.

— Terrence !

Elle me lâche alors que je m'essuie la bouche du revers de la main. Je reconnais enfin la voix de Clément qui accourt dans ma direction, en même temps que les vigiles qui ont remarqué l'agitation générale.

L'homme en face de moi ne réagit toujours pas. Je m'apprête à me prendre la plus grande tarte de ma vie, mais au moment où il lève la main, les vigiles le saisissent fermement. L'un d'eux m'attrape également et me pousse vers la sortie, sous les cris de Clément, qui essaie tant bien que mal de calmer le jeu. Mais évidemment, il est incapable de prononcer un mot en espagnol.

— Hé ! It's my friend ! Please, lâchez-le, on s'en va !

L'armoire à glace finit par obtempérer. Il me lâche, mais nous escorte tout de même jusqu'à la sortie.

— No vuelvas por aquí !