18 : Une de perdue, zéro de retrouvée

Je finis d'emballer mes quelques affaires et passe un dernier coup de balai dans la pièce. J'ai discuté avec le propriétaire qui s'est étonnamment montré très compréhensif. Mon ventre qui crie famine me rappelle mon déjeuner sauté. J'ai passé la matinée à ranger, trier et mettre de l'ordre dans le petit studio. Je crois qu'il n'a jamais été aussi propre et bien rangé depuis que j'ai débarqué ici.

J'attrape mon portable, à la recherche d'un quelconque message de Clément, mais rien. Il est déjà pourtant 14:00 passées.

Au moment où je repose le téléphone, celui-ci se met à vibrer incessamment. Je m'en empare de nouveau et décroche en voyant le nom de mon meilleur ami affiché.

— Terrence ?

Sa voix tremble, son entrain habituel a disparu pour laisser place à une profonde tristesse enfouie au fond de sa gorge. Je comprends immédiatement.

— T'es où ?

— Devant le cimetière...

— J'arrive.

Je raccroche, saisis mes clés et me voilà parti.

Je ne prends pas la peine d'appeler un taxi. Mon cœur bat fort dans mes tempes à cause du rythme effréné de ma marche. Je ne sens même plus le froid qui fouette ma peau et hérisse tous mes poils. Les rues défilent sans que je ne prenne le temps d'en lire les noms. Bientôt, j'accélère et me mets à courir. Les gens se retournent sur mon passage, me prenant sûrement pour un fou furieux.

Lorsque j'arrive au tournant, mon regard se pose sur l'entrée du cimetière, où Clément se tient debout, sa fille dans les bras, l'air abattu, le regard perdu.

Je ralentis, presque soulagé, puis prends mon courage à deux mains pour affronter ce qui va suivre.

Il lève la tête en me voyant arriver et sans un mot, je le prends dans mes bras, en faisant bien attention de ne pas écraser le bébé qui dort profondément. Il ne lui en faut pas plus pour craquer. Son corps est parcouru de soubresauts et ses larmes coulent sur mon épaule. J'essaie tant bien que mal de calmer ma respiration encore haletante et contient au mieux mon émotion.

— Je suis désolé... pardonne-moi je t'en supplie...

Je l'écoute silencieusement. Je sais qu'inconsciemment, ses mots ne me pas sont adressés.

Il continue de verser ses larmes pendant de longues minutes. Je le laisse faire et garde le silence, conscient qu'il en a besoin. Je me contente de lui apporter mon soutien, comme il l'avait fait pour moi il y a des années de ça.

Héra finit par se réveiller. Elle fixe son père de ses grands yeux pleins d'amour.

— Ça va aller, je te le promets.

Il acquiesce et serre sa fille contre lui. Nous nous mettons en route, ignorant pourtant encore où nous allons.

***

— Heureusement que t'es pas au cinquième étage ! Je suis crevé ! s'exclame mon ami.

Je n'ai pas ramené beaucoup d'affaires, mais nous avons dû faire plusieurs voyages de la voiture à l'appartement. Je tends un verre d'eau à Clément et m'installe sur le canapé à ses côtés. Il détaille encore les lieux avec admiration.

— Tu vas être trop bien ici, lâche-t-il dans un sourire.

Je fixe mes pieds en acquiesçant.

— On a pris cher, mais on peut dire que ça valait le coup ?

Il rit doucement et le silence finit par s'installer.

— Je suis désolé pour tout à l'heure Terrence. J'aurais pas dû t'appeler, je sais à quel point c'est difficile pour toi...

— Tais-toi si c'est pour dire de la merde.

Un sourire presque imperceptible apparaît sur ses lèvres. Le silence s'installe de nouveau jusqu'à ce que je reprenne la parole :

— Tu te souviens de ce que tu m'as dit ce jour-là ? Quand ma mère est morte ?

Il me regarde, hésitant.

— On se connaissait pas, je pensais même pas qu'on se reverrait un jour. Tu m'as dit que tu serais là pour moi.

— Je l'ai pas toujours été, répond-il avec regret. Je m'en veux tellement pour ce que je t'ai fait subir Terrence, si tu savais. Je pourrais jamais me pardonner. Et toi t'es là aujourd'hui, à me consoler malgré tout.

Quelques longues secondes passent avant que je ne réponde :

— Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs. J'ai pas toujours été le meilleur ami du monde non plus.

— C'est pas comparable.

— La ferme.

Il rigole nerveusement en passant une main dans ses cheveux. Mais son sourire disparaît rapidement. Pas besoin de lire dans ses pensées pour comprendre qu'il ressasse encore.

— Tu lui fais du mal autant que tu t'en fais, Clément.

Il soupire en prenant sa tête entre ses mains.

— C'est trop dur...

— Je sais. Le seul remède c'est le temps. Tu as la chance d'avoir une fille dans un moment pareil, et elle a besoin de son père. Te laisse pas aller.

— Dieu merci elle est encore trop petite pour ressentir la douleur... Mais t'as raison, je vais pas me laisser aller. J'ai juste besoin de faire mon deuil.

Il essuie silencieusement une larme qui perle au coin de son œil.

— T'es sûr que tu veux pas venir vivre ici ? lâchais-je.

— Je peux pas accepter Terrence... J'ai encore trop de problèmes à résoudre. Je prendrai pas le risque de te foutre dans la merde encore une fois.

— Tu l'as déjà fait.

— Désolé.

— Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? reprend-il après une courte pause.

— Je sais pas. Essayer de me trouver un job... C'est plus pour moi ces trucs là. Peut-être qu'il est temps que je rentre sur le droit chemin.

— On a jamais été sur le droit chemin tous les deux. Ça nous connaît pas.

J'hausse les épaules et me laisse aller contre le dossier du canapé, levant la tête vers le plafond. La fin de journée s'annonce lentement. Le soleil illumine le beau salon et l'air frais rentre par la fenêtre légèrement ouverte. Un silence apaisant règne, seulement dérangé par le bruit des voitures et des passants qui font leurs vies dehors. Ma respiration est lente et j'essaie au possible d'inculquer cette paix qui m'envahît à Clément.

— Qu'est-ce que tu dis de l'Espagne ?

Il a un temps de réaction avant de comprendre le sens de ma phrase. Un sourire radieux s'étire sur ses lèvres et il lâche :

— C'est parfait.

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