14 : Oh Champs-Élysées !

— Tu comptes vraiment lui présenter ta fille ? demandais-je en entrant à la suite de Clément dans l'appartement.

Il hausse les épaules, désinvolte et se débarrasse de ses nombreuses couches de vêtements. Je l'imite et pars m'asseoir sur le canapé.

— Bon, je vais la récupérer chez la voisine. J'en ai pas pour longtemps. Tu restes là, c'est bon ?

J'hoche la tête alors qu'il ouvre de nouveau la porte en me laissant seul chez lui.

Je reste assis un long moment, à analyser tout ce que nous venons de vivre. Serait-ce enfin la lumière au bout du tunnel ? Je n'ose l'espérer. Vais-je enfin quitter ce trou à rat qui me sert de logement ? Puis-je réellement faire confiance à cet italien ?

En tous cas, vu son goût pour les « belles choses », je ne sais vraiment pas à quoi m'attendre pour l'appartement. J'espère que je ne serais pas trop dépaysé.

Je me lève finalement dans un soupir et me dirige vers la cuisine pour récupérer un verre d'eau. J'attrape ma petite boîte dans ma poche et avale mes antidouleurs.

Mon verre à la main, je reviens dans le salon et mon regard se pose sur la mallette, déposée sur la table basse.

C'est alors que Clément revient, tenant sa fille dans ses bras. Celle-ci rigole avec insouciance. Le papa improvisé me fait signe de m'approcher, ce que je fais pour ne pas le contrarier.

La petite se tait subitement lorsque ses grands yeux globuleux se figent sur moi. Elle a tout juste quelques cheveux sur la tête et de minuscules dents commencent à peine à naître. Alors que nous nous fixons pendant de longues secondes, elle finit par gesticuler et tendre les bras dans ma direction, échappant presque aux bras de son père.

— Ola, doucement Héra. Tu veux la prendre dans tes bras ? demande-t-il.

     Je l'observe un instant, mais il m'a l'air tout à fait sérieux. Mon regard passe de nouveau sur le petit être qui me fixe toujours, bras tendus.

     Je finis par lever les bras devant moi, hésitant et peu à l'aise. Clément positionne correctement mes bras, et avec toute l'attention du monde, me remet sa fille.

     Il sent bien que je ne suis pas très à l'aise, mais me sourit presque avec nostalgie.

— Quoi ? demandais-je.

— Rien, rien. C'est juste que j'aurais jamais cru vivre ça un jour, avec toi.

— Tu parles comme si on avait eu un gosse ensemble abruti.

Il m'ignore et continue :

— Je suis tellement heureux que tu sois là Terrence. Pour de vrai. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi.

     Je marmonne quelques insultes en lui rendant son enfant.

     Il disparaît dans la chambre et y passe un bon moment, probablement à essayer d'endormir Héra. Je repense un instant à mon soir de Noël. Evie. Qu'est-elle devenue ? Se souvient-elle encore de moi ? Je me rappelle de ses derniers mots...

« Tu reviendras me chercher au Noël prochain ! »

Terrence ?

— Quoi ? Pardon.

Clément me lance un regard étrange avant de répéter :

— T'as faim ? On peut commander quelque chose si tu veux ?

— Commander quelque chose ? Tu rigoles ?

— Ben quoi ? fait-il avec incompréhension.

— Mais t'as vu ce qu'on a gagné ? Il faut fêter ça comme il se doit !

Un sourire illumine son visage.

— T'as raison ! T'sais quoi, ce soir je t'emmène dans un des meilleurs restos parisiens ! C'est moi qui régale !

— Ouais, ouais, garde ton argent pour ta prochaine conquête. Tu me remercieras.

— T'es jamais content ! Bon, tu veux manger quelque chose ou tu te réserves pour ce soir ? Y a des œufs si tu veux.

— Depuis quand t'achètes des œufs ? remarquais-je en le suivant dans la cuisine.

— Ben... depuis que c'est facile et rapide à faire, dit-il en saisissant une poêle.


**

     Suite à l'appel de Georgio après le déjeuner, Clément et moi avons pris un taxi (étant donné qu'il serait impossible de s'y garer) en direction du noyau de Paris ; les Champs-Élysées.

     Le chauffeur nous dépose en face de l'Arc de Triomphe, que nous rejoignons à pied. Sans surprise, Georgio n'est pas encore présent.

— Tu crois qu'il va prendre du te...

— Hé ho ! Come va ?

     Le drôle de personnage s'approche de nous en nous faisant de grands signes de la main. Il nous salue et nous indique de le suivre. Nous traversons de nouveau la rue pour nous éloigner du majestueux monument.

     Georgio nous invite à monter à bord d'une somptueuse DS 9 Opéra Première. Je ne suis pas un amateur de voitures, mais je dois bien avouer que celle-ci a son petit effet.

     Une fois à l'intérieur, Clément me donne un coup de coude. Il fait les gros yeux, signe qu'il est admiratif. Georgio qui s'en aperçoit, lâche un rire et s'exclame de son fort accent italien :

— Tu n'as encore rien vu mon garçon !

     Le chauffeur nous dépose dans le 17ème arrondissement, rue Anatole-de-La-Forge.

     Mon cœur s'accélère alors que nous continuons de suivre Georgio qui s'arrête devant la porte d'un magnifique immeuble du 20ème siècle. Il tape le code d'entrée et nous montons jusqu'au premier étage.

— Ceci est l'un de mes appartements preferito sur Paris ! Je l'ai nommé "il soggiorno soleggiato". Vous comprendrez mieux en le découvrant, venez !

     Il ouvre la porte et nous invite à entrer avant lui. Je suis Clément et arrive directement sur un hall d'entrée somptueux. Le parquet lumineux est superbement entretenu et la première pièce sur la droite est la cuisine.

     Nous pénétrons dans une cuisine plutôt étroite, mais très charmante. Le sol est un carrelage qui ressemble à du ciment brûlé de couleur marron orangé et les murs sont d'un blanc immaculé – comme dans probablement tout l'appartement – sauf sur une partie du mur de gauche, où un carrelage un peu plus foncé que celui du sol a été déposé. Malgré l'espace plutôt étroit, la pièce est très bien aménagée et il ne manque rien. Deux fours, lave linge, sèche linge, évier, plaques de cuisson, micro-ondes et même lave-vaisselle ! Sans compter les multiples placards. Je suis déjà assez impressionné.

     De retour dans le hall, à droite ; deux portes fenêtres donnent sur l'incroyable séjour. Deux jolis balcons filtrent la lumière du jour. Sur la gauche, une superbe table en verre accompagnée de neuf chaises en cuir noir. En dessous, un tapis aux motifs d'arabesques bruns et crèmes. Derrière, une grande armoire à étagère. En face, un grand canapé blanc cassé – accompagné d'un fauteuil – surplombé d'un plaid légèrement plus clair. Les fenêtres donnant sur les balcons sont équipées de rideaux dans les mêmes tons. Et le clou du spectacle ; une magnifique cheminée, où se dresse juste au-dessus un grand miroir. Il y aussi dans le coin de la pièce, une petite console où est déposée une télévision. Et encore un plus petit canapé contre le mur de droite.

     J'ai déjà perdu Clément, qui explore le reste de l'appartement, alors que Georgio a dû passer un coup de fil.

     Je reviens dans le hall. La deuxième pièce sur la droite est gardée par une porte blanche (comme le reste) à double battant. J'y pénètre et découvre une première chambre.

     Dans les mêmes tons que le reste. Il y a un placard incrusté dans le mur et un lit double au centre de la pièce. Presque en face, encore une somptueuse cheminée surplombée d'un miroir, et au bout de la pièce, un bureau juste en face de la fenêtre qui donne de nouveau sur un petit balcon.

     Pour conclure, dans la dernière partie du couloir, une deuxième chambre encore plus grande que la première. Jamais deux sans trois, il y a bien évidemment une cheminée accompagnée de son miroir et un fabuleux lit king size où je rêve de m'étendre, trône au milieu de la chambre. Un grand placard blanc occupe le mur de droite et un plus petit est placé dans le coin de la pièce. Il y a même un petite commode décorée d'une espèce de fresque où l'on aperçoit deux petits anges.

     Les autres pièces sont une salle de douche et une agréable salle de bain avec baignoire et une immense vasque.

     Lorsque je retourne dans le salon, encore abasourdi par la beauté des lieux, les deux hommes sont installés dans le canapé. Le regard de Georgio se tourne vers moi et il s'exclame :

— Alors ? Ça te plaît ragazzi ? Tant mieux ! Tu es chez toi.

     Il me lance les clés de l'appartement, que j'attrape au vol.

     Clément sourit toujours et remercie le vieil homme, alors que je suis incapable de dire quoi que ce soit. Je ne réalise toujours pas ce qui est en train de se passer.


     En bas de la rue, Georgio nous salue une dernière fois avant de nous tourner le dos pour retrouver sa voiture qui l'attend à quelques pas. Clément commence à marcher dans la direction opposée pour rentrer, mais je reste parfaitement immobile en plein milieu du trottoir. C'est enfin que je m'écris :

— Georgio !

     L'italien se retourne vers moi en même temps que mon ami dans mon dos.

— Merci !

     Un sourire s'étend sur ses lèvres et il retire théâtralement son chapeau en se courbant en avant.

— Prends-en soin mon garçon. Allez, à la revoyure !








Hey ! Je vous mets ici un plan de l'appartement pour aider à la compréhension.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top