8ème Chapitre (1/2)

Laisse l'ataraxie remplacer la souffrance

Leurs regards se rencontrèrent. Vay eut un mouvement de recul avant de reconnaître Rinual, elle se calma rapidement. Observant les alentours, elle découvrit une chambre simple aux murs blancs, aux grandes portes-fenêtres et meublée d'un lit sur lequel elle était couchée ainsi qu'un bureau, une chaise, une armoire et... c'était tout. Pour elle qui n'avait jamais rien vu en dehors du sous-sol du centre de recherche, faire face à un tel endroit était déjà incroyable. Elle ne cessait de passer d'un élément à l'autre, s'arrêtant souvent sur les vitres.

- Comment te sens-tu ?

La question de son bienfaiteur la ramena à l'instant présent, elle se tourna vers lui.

- Je vais bien, même si je suis fatiguée. Je suis restée inconsciente combien de temps ?

- Moins d'une journée. Nous sommes chez moi, j'habite avec mon père et mon frère. Il me semble que je ne t'ai pas encore parlé du métier de mon père ? Il est politicien, continua-t-il après qu'elle lui a fait un signe négatif de la tête. Il fait partie du gouvernement, ce qui signifie qu'aucun écart de conduite ne lui est permis. S'il apprend qui tu es, il te dénoncera sur-le-champ.

- Et ton frère ?

- Je ne sais pas. Je ne suis pas particulièrement proche de lui, dans le meilleur des cas il ne dirait rien à personne. Le mieux est que tu restes cachée le temps de décider de la suite.

Vay s'apprêtait à répondre lorsqu'un bruit de porte claquée leur parvint. Rinual mit un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer de se taire avant de se lever et de quitter sa chambre, refermant le battant derrière lui. Il se dirigea avec naturel vers la cuisine et ouvrit le réfrigérateur, comme s'il voulait simplement grignoter quelque chose. Des pas se rapprochèrent. Quelques instants plus tard, son demi-frère pénétrait dans la pièce. Casquette enfoncée sur la tête, cheveux mi-longs en bataille, yeux aussi bruns que ceux de leur père, relativement petit, il avait ses mains dans les poches de son jogging.

- Qu'est-ce qu'tu fous là ?

La nuance agressive dans la voix de l'adolescent n'échappa pas à Rinual, qui haussa les sourcils.

- Même plus le droit de manger ? rétorqua-t-il d'un ton indifférent. Au fait, pas très discret, ton œil au beurre noir.

- La ferme.

- Tu t'es battu ? continua le scientifique en ignorant sa remarque désobligeante.

Ne recevant aucune réponse, il referma le réfrigérateur et se tourna vers son frère qui se balançait sur ses pieds. Sans une parole, Rinual alla dans la salle de bain, prit une trousse de soins et revint. Il fit signe à son cadet de s'asseoir, ce dernier prit place sans un mot. Il se laissa faire tandis que l'aîné appliquait de la glace sur son visage.

- D'autres blessures ?

Denunsi releva son t-shirt, dévoilant divers hématomes et égratignures. Une des plaies semblait plus profonde, Rinual l'examina en priorité. Il s'occupa ensuite du reste, désinfectant et posant des bandages sur la peau meurtrie. Ce n'était pas un expert, mais son travail suffirait pour traiter les lésions simples de son frère. Quand il eut terminé, il se plaça face au jeune et attendit de croiser son regard avant de lui demander :

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Un long silence succéda à sa question, entrecoupé par le robot domestique qui s'enclencha et sortit de la pièce pour aller faire le ménage dans le salon. Denunsi finit par soupirer, remercia à contrecœur et du bout des lèvres Rinual avant d'aller s'enfermer dans sa chambre. Il ne dit pas un mot sur ce qui lui était arrivé.

Prenant un morceau de pain et de la viande, le scientifique se fit la réflexion que beaucoup d'aliments devaient avoir disparu à la suite de la troisième guerre mondiale. N'ayant jamais connu cette autre époque et ne s'y intéressant pas plus que ça, il ne savait pas que tous les produits dérivés des animaux comme les œufs, le lait ou le fromage n'étaient plus fabriqués. La viande, devenue artificielle, avait perdu en grande partie son goût d'antan et ne servait plus qu'à avoir un apport en protéine. Quant aux cultures, le tri génétique effectué au fil des ans leur avait fait perdre leur couleur, bien que la saveur reste relativement inchangée.

Rinual rejoignit Vay, il s'assit au bord de son lit après avoir fermé sa porte à clef, ne souhaitant pas être importuné.

- Tu dois avoir faim.

- Merci. Tu aurais de l'eau par hasard ?

- Je reviens.

Quelques instants plus tard, il était de retour avec une bouteille. Le prix des boissons s'était stabilisé une fois les usines de purification adaptées au besoin du peuple, elles étaient accessibles à tout le monde. Bien entendu, la ville-basse était moins bien fournie que la haute société, différence causant nombre de problèmes chez les plus pauvres et dont personne d'influent ne se souciait.

- Tu dois être fatiguée, tu devrais te reposer encore un peu. On parlera demain de ce que tu aimerais faire ensuite.

La jeune femme acquiesça, avant de réaliser qu'elle occupait le lit de Rinual. Il ne pouvait décemment pas passer la nuit sur le canapé où ailleurs que dans sa chambre, sous peine d'éveiller les soupçons de ses proches.

- Et toi ? lui demanda-t-elle gentiment.

- Il faut que je me renseigne, je ne compte pas dormir.

- Tu ne t'es pas reposé depuis plus de vingt-quatre heures, tu as besoin d'une bonne nuit de sommeil.

Les traits fatigués de l'homme parlaient pour lui, il ne trouva rien à redire. Sentant qu'elle ne renoncerait pas avant d'avoir obtenu gain de cause, il soupira. Victorieuse, Vay se déplaça et tapota à côté d'elle, l'invitant à s'installer à sa droite.

- Je vais me changer, je reviens. Au fait, si tu veux aussi te changer n'hésite pas à prendre des habits dans mon armoire, même s'ils sont sans doute trop grands pour toi.

- Merci, dit-elle en le regardant quitter la pièce.

Elle grimaça en jetant un coup d'œil à sa tenue. Son pull et son pantalon noirs n'avaient plus rien de propre, entre les taches et la saleté qui s'amoncelaient depuis sa fuite. D'un geste souple, elle se leva et se dirigea vers l'imposant meuble recouvrant un mur complet. Sans se gêner, elle ouvrit un battant avant de se retrouver face à... des livres. Des dizaines et des dizaines de livres papier.

Se demandant si tout le contenu était pareil, elle se saisit d'une seconde poignée et l'actionna. Le même spectacle s'offrit à son regard orange tandis qu'un doute s'emparait de son esprit. Une armoire était bien faite pour ranger des habits, non ? Ou aurait-elle mal appris ?

Alors qu'elle se posait sérieusement la question, Rinual revint. Elle lui fit face, croisant ses mains dans son dos et se penchant légèrement en avant.

- Dis, je peux te demander deux trucs ?

- Je t'écoute, lui répondit-il, quelque peu suspicieux.

- Pourquoi tu ranges tes livres là-dedans ? dit-elle en lui désignant le meuble.

- Pour éviter qu'ils prennent de la place ailleurs.

- Mmh, fit-elle pensivement. Et pourquoi tu as des livres en papier alors que tout est connecté ?

- Rien ne vaut un bon ouvrage en papier. D'ailleurs, je suis étonné que tu connaisses. La plupart des gens n'en ont jamais entendu parler.

- J'ai grandi au centre de recherche, mon seul moyen d'en savoir plus sur le reste du monde c'était en me plongeant dans des livres, répondit-elle en haussant les épaules, désinvolte. Au fait, où sont les toilettes ?

Rinual, qui s'efforçait de dénicher un t-shirt propre pour Vay, se figea. Pour accéder à la salle de bain, il fallait traverser tout l'appartement. Tant que Denunsi demeurait dans sa chambre, les risques étaient minimes, mais si son père venait à rentrer...

- Il nous faut trouver une excuse au cas où on s'apercevrait de ta présence.

- C'est si problématique que ça que j'aille aux toilettes ? souffla-t-elle dans un sourire amusé.

Son hôte ne répondit rien, il était en pleine réflexion. Le poussant gentiment, Vay prit sa place et se saisit du premier t-shirt qu'elle voyait. Le posant contre elle, elle fit la moue. Il était bien trop grand pour sa taille. Tant pis, il ferait un bon pyjama. Elle ne comptait de toute manière pas quitter l'appartement avec.

Se dirigeant vers la porte, elle se tourna vers Rinual et lui lança :

- Au pire, on a qu'à dire qu'on sort ensemble. C'est bien comme ça qu'on dit pour les personnes qui sont en couple, non ?

Sur ces paroles, elle quitta la chambre. Un sourire étira ses lèvres tandis qu'elle savourait l'air atterré de l'homme. Un gloussement lui échappa, le battant se referma.

Il n'en revenait pas. Comment faisait-elle pour être aussi... détachée ? Elle dégageait en permanence une aura de légèreté, de fraîcheur, elle avait quelque chose de différent qui l'attirait.

Secouant la tête, il se débarrassa de ses pensées étranges. Il était là pour l'aider, rien de plus. Ils se connaissaient depuis à peine quelques heures, il ne savait presque rien d'elle. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de désirer passer plus de temps avec elle.

La dernière phrase qu'elle lui avait dite trottait dans sa tête. Il revoyait son air malicieux et aucunement gêné, cette femme était un véritable mystère. Comment faisait-elle pour le prendre ainsi au dépourvu ? Il était incapable de prédire ses futures actions, lui qui d'habitude arrivait bien à cerner les gens. Un talent qui lui avait évité nombre de problèmes.

La poignée s'abaissa, la porte s'ouvrit. Une Vay paniquée lui fonça dessus, se saisit de sa main et le tira à sa suite. Il se laissa faire, ne comprenant pas ce qu'il se passait. La jeune femme rejoignit la cuisine avant de se diriger vers la chambre de son frère.

- Attends, par là c'est...

- Il a besoin d'aide.

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