22ème Chapitre (2/2)
Nous allons vous aider.
Il faut que nous parlions au général.
— Je veux bien, mais il ne va pas me croire. Et je ne vais pas jouer l'intermédiaire, ce serait vraiment interminable en plus de mettre à mal ma crédibilité.
Contente-toi de l'amener ici et de lui donner un appareil auquel on peut se connecter.
— Comme quoi ?
Le talkie-walkie.
Tu l'as encore ?
— Il doit traîner dans mes affaires.
Dépêche-toi.
Nous n'avons pas beaucoup de temps.
Après avoir prévenu le sergent Naraminti qu'elle ne se sentait pas bien et qu'elle rentrait à la base située à l'autre bout du tunnel, elle se retourna pour se rendre à la navette. En se renseignant, Vay apprit que l'engin ne partirait pas avant plusieurs minutes. Elle décida d'y aller en courant. C'était le moyen parfait pour tester son endurance et sa rapidité.
Commençant à petites foulées pour s'échauffer, elle accéléra de plus en plus, gagnant peu à peu de la vitesse jusqu'à finalement atteindre un bon rythme. Il lui fallut un peu plus d'une heure pour parcourir les cinquante kilomètres du passage. Quand elle arriva au camp, elle prit le temps de souffler et de se calmer avant d'aller fouiller dans ses affaires en croisant le moins de soldats possible. Dès qu'elle fut en possession du talkie, elle se dirigea vers le bâtiment au centre de la base, là où se trouvait le général. Elle pénétra à l'intérieur sans faire de bruit. Il était en train de discuter seul. Elle resta dans l'ombre jusqu'à ce qu'il ait fini son appel, puis s'avança devant lui. Le grand homme chauve qui portait un uniforme clair détonnant sur sa peau sombre sursauta.
— J'ai des indications à vous transmettre.
— Nom de... Ne surgissez pas de nulle part ! C'est un lieu privé, frappez à la porte et armez-vous de patience, comme tout le monde !
— Pardon, mais je, ou plutôt nous sommes pressées. J'ai des informations importantes, vous voulez bien me laisser parler ?
Il passa sa main sur son visage, observant la jeune femme devant lui qui se mordillait la lèvre, le regard ailleurs. Il n'arrivait décidément pas à comprendre sa manière de réfléchir.
— Allez-y, je vous écoute.
— Bon, vous allez me prendre pour une folle mais des voix communiquent dans ma tête par un implant qui ne fonctionne qu'à l'intérieur de Farshlisn et sous la ville. La puce ne permet pas de me localiser.
— Si vous le dites. Vous êtes certaine que ce n'est pas simplement de la schizophrénie ?
— J'y ai pensé aussi, au début, mais elles m'ont assuré le contraire. Bref, ce n'est pas le sujet. Elles connaissent la cité par cœur, sont capables de pirater le système et elles sont prêtes à nous aider. Elles aimeraient vous parler, pour ça il vous suffit de vous emparer de ce talkie-walkie et de vous rendre dans le tunnel, sous Farshlisn.
— Il ne me reste qu'à vous suivre, alors, dit-il sans faire mine de se lever.
Vay faillit y croire, toutefois elle se reprit en voyant son air sceptique. Qu'il ne pose pas plus de questions aurait été trop beau.
— Le temps presse, général.
— Ce ne sont pas quelques minutes qui vont tout changer.
— La clef USB avec les informations, ce sont elles qui me l'ont fournie. Le chemin pour quitter la ville, elles me l'ont montré. Le talkie-walkie et la manière de m'en servir, elles m'ont tout donné.
Voyant que le combattant n'était pas convaincu, elle s'approcha de son bureau, mit ses deux mains à plat dessus et se pencha en le regardant droit dans les yeux.
— Si, après leur avoir parlé, vous estimez que c'était une simple perte de temps, j'en prendrai l'entière responsabilité et ferai tout ce que vous me demanderez sans poser de questions. Je deviendrai votre meilleur élément jusqu'à la fin de votre carrière, qui s'annonce encore longue. Refusez-vous toujours de venir ?
Vay était une combattante hors pair. Elle était supérieure à un escadron d'élite et capable d'accomplir n'importe quelle tâche périlleuse sans se plaindre. Le général le savait, il avait tout à gagner à la suivre.
Se levant, il rangea rapidement ses affaires, se saisit de son arme qu'il accrocha à sa taille et sortit. Plusieurs personnes vinrent le voir avec des questions ou des demandes alors qu'il traversait la base, il leur dit de recourir à son second.
Descendant sous terre, le grand homme emprunta une moto électrique. Il fit signe à Vay de monter derrière lui, elle s'exécuta. Ils parvinrent au puits en quelques minutes.
Tu es arrivée.
Enfin.
Nous t'avons attendue.
Tu as pris ton temps.
— Elles sont là. Si j'ai bien compris, elles vont s'adresser à vous grâce au talkie, expliqua la jeune femme en ignorant volontairement les sarcasmes des voix.
Il alluma l'appareil, des grésillements retentirent. De l'autre côté, les chefs d'équipe discutaient entre eux. Ils n'avaient pas remarqué le commandant grâce aux travailleurs qui s'occupaient des finitions et faisaient des allers-retours, créant ainsi du mouvement qui les dissimulait.
— Vous nous recevez ? crépita une voix provenant du talkie-walkie.
— Oui, confirma Vay.
— Général, vous êtes là ?
— Qui êtes-vous ?
— Oh, ce n'est pas très important.
— Je ne conclus pas d'accord avec une inconnue.
— Une ?
— Nous sommes deux.
— Comment sommes-nous censées nous présenter ?
— Disons que nous sommes A.R.B.R.E.
— Il ne va pas comprendre.
— Je vous entends.
— C'est bien le but.
— Sinon nous n'utiliserions pas le talkie-walkie.
Il passa sa main sur son visage, un air fatigué traversa fugacement ses traits. Dans quelle galère s'était-il embarqué ?
— Il semblerait que vous ayez quelque chose à me proposer.
— Oui, c'est exact.
— Qui le lui annonce ?
— À toi l'honneur.
— Bien. Un certain groupe s'applique depuis plusieurs semaines...
— Plusieurs mois, même.
— ... à fragiliser le système pour en prendre le contrôle. Bien entendu, ils ne sont pas encore assez puissants pour mener à bien leur coup d'État, sinon ce serait fait depuis longtemps.
— Longtemps, longtemps, tout est relatif.
— Pourrions-nous entrer en contact avec eux ?
— C'est bien pour cette raison que nous voulions traiter avec vous.
— Quel numéro lui donne-t-on ?
— Le premier, c'est le plus pratique.
— De quoi parlez-vous ?
Vay faillit sourire, elle se l'était souvent demandé. Les voix étaient si mystérieuses.
— Il vous faut un appareil de communication.
— Trop risqué.
— On peut faire les intermédiaires ?
— C'est déjà mieux.
— Je vous dérange, peut-être ?
— Nous réfléchissions.
— Êtes-vous dans un endroit tranquille ?
— Sécurisé ?
— Avec du temps devant vous ?
— Ça peut s'arranger.
Montant les escaliers, il sollicita la jeune femme pour s'assurer que personne ne viendrait l'interrompre. Elle se plaça en bas des marches. Les négociations pouvaient commencer.
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Rinual était dans son bureau, celui du directeur général du centre de recherche. La nuit était tombée, il allait partir quand il reçut un appel de Shlekht. Fermant sa porte à clef, il répondit.
S'ensuivit une longue discussion durant laquelle l'homme aux yeux bleus apprit qu'une véritable armée s'apprêtait à prendre d'assaut Farshlisn. Un mélange de peur, de surprise, de joie et d'impatience l'envahit, ils ne pouvaient rêver meilleure occasion pour renverser l'État et en instaurer un nouveau plus équitable. S'ils s'alliaient, non seulement ils atteindraient leur but plus vite, mais ils auraient également un soutien non négligeable pour la suite.
Bien entendu, Shlekht s'était montré inflexible sur certains points. Ils devaient assurer, à lui et à ses hommes de confiance, un poste de choix dans la société post-révolutionaire. En plus d'obtenir l'appui et l'aide de Kamf pour mettre en place un nouveau système, Shlekht et Rinual seraient désignés comme les régents par intérim. Ils étaient ainsi garantis de jouer un rôle majeur dans la restructuration de Farshlisn et l'élection d'un gouvernement juste.
En échange, ils endosseraient la fonction de guides et indiqueraient l'emplacement des principaux membres de l'administration, les buildings d'affaires ainsi que tous les endroits clefs de la ville.
La nuit fut mouvementée. Il resta dans son bureau, les deux associés contactèrent les différents habitants qui travaillaient pour eux et les tinrent au courant. Il n'était plus temps de garder secret leur but, ils s'assurèrent simplement de ne prévenir personne susceptible de les dénoncer.
L'aube arriva, tout le monde était prêt. Dès les premiers rayons du soleil, des incidents apparurent un peu partout dans la ville. Des générateurs tombèrent en panne, des stations eurent des difficultés techniques et durent fermer, les ascenseurs s'arrêtèrent. Les soldats envahirent les souterrains, couverts par les hommes de Shlekht. Les équipes armées se dispersèrent dans Farshlisn, chacune avec un objectif particulier et un guide connaissant les lieux comme sa poche.
Rinual ne voulait pas demeurer les bras croisés, il comptait bien participer activement à l'attaque. Envoyant un mail à tous les travailleurs de la réserve, il leur annonça qu'un problème concernant les navettes était survenu. Ils étaient tous invités à rester dans le bâtiment le temps que l'incident soit résolu.
Quittant l'édifice, il se dirigea ensuite vers une porte de service à environ dix minutes à pied du centre. Il attendit patiemment que plusieurs coups résonnent discrètement contre le battant avant de déverrouiller l'accès et d'introduire un groupe de six personnes. L'une d'entre elles portait un sac, Rinual comprit qu'il s'agissait du technicien dont on lui avait parlé. Il leur montra la salle des machines, où un gigantesque générateur occupait presque toute la place. C'était le cœur du système, là où transitaient toutes les informations.
Les laissant travailler, il sortit à l'air libre et prit une grande inspiration. L'air frais lui fit du bien. Observant le ciel coloré par le soleil levant, l'homme se demanda ce qu'elle faisait. Avait-elle réussi à échapper à la sécurité ? Menait-elle la vie qu'elle voulait ?
Secouant la tête, il se concentra. Ce n'était pas le moment de s'égarer, d'autant plus qu'il ne pouvait plus rien pour elle. Peut-être même qu'elle l'avait déjà oublié. Ce serait normal, il ne l'avait côtoyée que pendant trois jours.
Un appel, c'était Shlekht. Il répondit.
— Tout se passe bien ?
— Aucun problème à signaler. Attends, il ne devrait pas tarder...
Une troisième personne s'ajouta à la conversation.
— Général Isvadavimas, le salua le cobaye affranchi. Je disais justement à Rinual que le système venait de s'arrêter.
— Il m'a semblé l'entendre. Mais nos communications fonctionnent parfaitement. Comment cela se fait-il ?
— C'est grâce à nous !
— Nous sommes gentilles, tu ne trouves pas ?
— Tout à fait.
Il eut un sursaut de surprise, il ne s'attendait pas à ce que deux voix féminines surgissent de nulle part. Shlekht lui avait parlé de ces alliées étonnantes, pourtant il avait encore de la peine à y croire.
— Les équipes sont déployées partout dans Farshlisn. Elles accomplissent leurs objectifs un à un, tout avance comme prévu, annonça l'étranger.
— Et la sécurité ? questionna Rinual.
— Aucune réaction, comme vous l'aviez prédit. Qu'avez-vous fait pour que les agents restent tranquilles ?
— Le directeur me devait quelques services.
— Vous êtes dangereux.
— Merci.
— Un contretemps, je dois vous laisser.
Le général raccrocha, Shlekht salua Rinual avant de faire de même. Alors qu'il allait contacter Denunsi, un message s'afficha sur son écran.
Nous avons une surprise pour toi.
Au pied du grand arbre tu la trouveras.
Dépêche-toi.
Signé : les voix
Ne comprenant pas de quoi il s'agissait, l'homme hésita à suivre leur indication. Son rôle commencerait véritablement à la fin des combats, quand il faudrait faire de l'ordre dans la ville. Il avait encore un peu de temps devant lui, alors il décida de leur faire confiance.
Avançant à un bon rythme, il marcha droit devant lui, espérant ainsi atteindre le centre de la forêt. Après plusieurs minutes, il reçut un message lui disant d'aller plus à droite. Il suivit le conseil et continua son chemin jusqu'à rejoindre l'immense arbre argenté. Des bruits de pas retentirent, il se dirigea vers eux et découvrit un groupe armé. Il s'approcha d'eux en se souvenant qu'une équipe devait effectivement venir inspecter la réserve et la mystérieuse plante qu'elle abritait. Ses connaissances scientifiques pourraient leur être utiles.
Alors qu'il s'apprêtait à les aborder, un éclat orange attira son attention. Avant qu'il ne comprenne de quoi il en retournait, quelqu'un lui sauta dans les bras et se blottit contre lui.
— Vay... tu m'as manqué, souffla Rinual dans un sourire apaisé en l'enlaçant tendrement.
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