19ème Chapitre (1/2)

Ne pourront venir à bout de toi, potentat

La première partie du plan se déroulait bien. Vay était arrivée près de la porte de service menant à la réserve, elle se trouvait dans un bâtiment à une rue de l'entrée. Il lui fallait encore traverser en passant par l'extérieur à l'air vicié. Le problème n'était pas tant le manque d'oxygène, elle pouvait rester en apnée plusieurs minutes. Non, c'était la visibilité. Autant le nuage stagnant de pollution la cachait à la vue des gardes et des éventuelles caméras qui surveilleraient l'endroit, autant elle ne verrait pas où elle se dirigerait ni la manière d'ouvrir le battant.

Maintenant.

La voix lui donna le signal du départ, elle prit une grande inspiration, bloqua l'air dans ses poumons, abaissa la poignée et sortit dans la rue. Presque instantanément, sa peau se mit à la démanger et ses yeux à se remplir de larmes. Elle les ferma, de toute manière sa vue ne lui était d'aucune utilité. Avançant à grands pas pour quitter au plus vite ce lieu empoisonné, elle tendit les bras devant elle. L'envie de se gratter se faisait peu à peu virulente, Vay résista de toutes ses forces. Se souvenant d'une astuce qu'elle avait quand elle devait rester immobile lors d'un exercice au centre, elle baissa sa température charnelle. Son corps se fit de plus en plus froid, ses sens s'émoussaient. Ce processus lui permettait de se camoufler davantage, d'économiser son énergie et de réduire sa sensibilité. En effet, ses nerfs étaient plus réceptifs avec de la chaleur, les en priver diminuait les démangeaisons. En contrepartie, Vay se sentait plus fatiguée, ses réflexes s'amenuisaient et sa capacité de réflexion fonctionnait au ralenti. Dans la situation présente, refroidir son corps présentait plus d'avantages que d'inconvénients. Elle continua de chercher l'ouverture à tâtons tout en faisait abstraction de sa peau qui la faisait atrocement souffrir, comme si quelqu'un frottait du papier abrasif contre elle.

Sur ta gauche.

Vay reprit son avancée en se déplaçant latéralement. Ses doigts tendus finirent par rencontrer un mur, elle tâtonna aux alentours à la recherche de la porte. La jeune femme sentit un battant en métal, elle trouva la poignée. Elle pénétra à l'intérieur dès qu'elle entendit un clic synonyme de déverrouillage. Son dos s'appuya au béton et elle se laissa glisser sur le sol, revenant à une température corporelle correcte pour un humain. Ouvrant les yeux, elle vit flou durant plusieurs secondes avant de retrouver une vision normale. Sa peau était couverte de plaques rouges causées par les polluants, si elle écoutait ses envies, elle se gratterait jusqu'au sang.

— Et maintenant, quelle direction ? chuchota-t-elle en espérant que la voix qui la guidait réponde rapidement, autant pour lui changer les idées que pour ne pas rester trop longtemps au même endroit.

À droite sur une dizaine de mètres. Prends ensuite le couloir à ta gauche, puis...

— Attends, laisse-moi déjà aller là-bas, réclama Vay en faisant le moins de bruit possible.

Elle se leva d'un bond et se mit en mouvement, attentive au moindre signe qui trahirait la présence d'un travailleur à proximité. En plus de la lumière vacillante des néons, les parois couvertes de tuyaux répercutaient même les sons les plus faibles, elle devait faire preuve de prudence.

Se penchant au croisement, elle s'assura qu'il n'y avait personne en vue avant de s'avancer. Une sorte de gargouillement la plaça en alerte, elle se calma en comprenant qu'il s'agissait d'un liquide dans un conduit.

Lentement, précautionneusement, Vay traça son chemin à travers le mur d'environ deux cents mètres de haut et une vingtaine d'épaisseur.

Il y a une porte devant toi, légèrement sur ta droite. Tu la vois ? Deux secondes, je la débloque... c'est bon. Dès que tu es sortie, file jusqu'à la forêt avant que quelqu'un ne te remarque.

Suivant son conseil, l'ancienne cobaye courut sans un bruit jusqu'aux arbres. Dès qu'elle atteignit leur couvert, elle se dissimula derrière un tronc et prit le temps de se repérer. Gagner le centre ne devrait pas lui poser de problème, la végétation en lisière des bois et au milieu n'était pas la même. Il lui suffisait de guetter le changement de plantes pour s'assurer d'emprunter la bonne direction.

Il lui fallut près d'une heure à une allure soutenue pour rejoindre le grand arbre argenté.

Place-toi près du tronc.

Vay s'exécuta, des cliquetis retentirent. Cherchant à les localiser, la jeune femme se rendit compte qu'ils provenaient de l'intérieur de l'écorce claire. Un rectangle s'enfonça dans le bois, il glissa sur le côté pour laisser sortir une sorte de tiroir sur lequel se trouvaient deux objets.

Prends-les.

— Mais... attends, comment... tu es... enfin...

Il n'est pas encore temps. Un jour, tu sauras, pour le moment, contente-toi d'emporter le matériel avec toi.

— Qu'est-ce que c'est ?

Une clef USB et un talkie-walkie. Ces mots ne te disent sûrement rien, je vais t'expliquer leur fonctionnement pendant que tu marches.

Acquiesçant, Vay rangea délicatement les objets dans une poche qu'elle ferma bien. Faisant demi-tour, elle s'apprêtait à prendre le même chemin qu'à l'aller quand elle s'arrêta.

— Il me semble avoir vu sur une carte qu'une partie du mur de la réserve communique directement avec le monde extérieur.

C'est exact, cependant tu ne peux ni accéder au sommet ni en sauter. Ta seule possibilité, c'est d'emprunter une porte, et aucune n'est reliée à la forêt.

— Le gouvernement ne les a pas toutes condamnées ?

Elles sont tombées dans l'oubli au fil du temps.

— Combien y en a-t-il ?

Une dizaine en tout, trois sont encore utilisables. Tu vas prendre celle située dans le quartier un. Allez, mets-toi en route, nous n'avons pas de temps à perdre.

Suivant son conseil, l'ancienne cobaye repensa brièvement à sa première rencontre avec Rinual au pied de ce grand arbre avant de s'enfoncer à nouveau dans les sous-bois. En chemin, la voix lui expliqua comment utiliser le talkie-walkie.

Pénétrer une nouvelle fois dans l'enceinte ne fut pas un problème. Alors qu'elle s'apprêtait à tourner à une intersection, Vay marqua un temps d'arrêt. Une porte venait d'attirer son attention. Doucement, elle s'en approcha, se baissa et regarda à travers la serrure. La pièce était plongée dans la pénombre, il ne semblait y avoir personne. Elle entra sans un bruit, observa le matériel entreposé, se saisit d'un masque à gaz, sortit et referma délicatement le battant.

La traversée du nuage fut tout aussi difficile qu'à l'aller, malgré le fait qu'elle puisse respirer en toute liberté. Vay s'écrasa contre la porte de service du building plus qu'elle ne la trouva, ses gestes précipités pour l'ouvrir la forcèrent à recommencer plusieurs fois avant d'enfin parvenir à abaisser la poignée. S'affalant par terre, à l'intérieur, tandis que le battant se refermait automatiquement dans son dos et se verrouillait dans un bip retentissant, la jeune femme enleva tant bien que mal le masque. Elle prit plusieurs grandes inspirations d'air pur, couchée sur le sol, les bras écartés. La fraîcheur du béton contre sa peau en feu lui faisait du bien. Si seulement elle avait de la crème pour traiter les irritations et les plaques qui recouvraient son corps.

— Il va falloir que je me cache, sinon on va me poser des questions sur mon apparence.

Je vais te guider vers une salle de maintenance. Une fois changée, tu iras à la station.

— Et mon visage ? Je fais quoi, s'il est aussi rouge que mes bras ?

Porte un masque, tu n'auras qu'à dire que tu couves quelque chose pour qu'ils te laissent tranquille. Les gens évitent les malades à tout prix, on va s'en servir à notre avantage.

Quelques minutes plus tard, Vay se trouvait dans une navette. Elle avait donné une adresse dans le quartier sud pour ne pas avoir de problèmes avec la personne programmant la destination. Dès que la capsule décolla, la voix changea le lieu d'arrivée.

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