14ème Chapitre

Tous les chemins mènent à la même destinée

Rinual dormit comme un bébé. Il s'attendait à passer une nuit blanche, incapable de fermer l'œil avec Vay à ses côtés, cependant la fatigue l'avait rattrapé et il n'avait pas tardé à sombrer dans les bras de Morphée.

De son côté, la jeune femme n'arrêtait pas de penser au professeur. Elle s'en faisait énormément pour lui, son inaptitude à l'aider lui pesait. La part rationnelle de son esprit comprenait, elle souhaitait du plus profond de son cœur qu'il n'ait pas à souffrir, quelle que soit sa sentence.

Denunsi, seul dans une chambre, était assis sur son lit. Il tentait de s'infiltrer dans le système en cachant sa trace informatique, la tâche se révélait ardue. Il avait conscience qu'au moindre faux pas, l'adresse où ils logeaient serait découverte et ils devraient à nouveau prendre la fuite alors qu'ils venaient enfin de dénicher un lieu sûr. Le garder quelques jours de plus serait parfait, tout du moins jusqu'à décider de la suite des événements.

Il fit une pause, s'étirant. Aucun bruit ne lui parvenait, il se demanda quelle était vraiment la relation entre son frère et Vay. Cette dernière lui était sympathique, il la trouvait jolie, spontanée, naïve et pourtant réfléchie.

Ouvrant une boîte de dialogue, il pianota sur son clavier. Message envoyé, ami en ligne, réponse reçue.*

Denunsi ferma la discussion avant de se laisser choir sur le lit, un bras en travers du visage. Il était dans les ennuis jusqu'au cou, Shlekht contrôlait tout le secteur. S'il persistait à ne pas se présenter devant lui pour lui rembourser l'argent qu'il lui devait, les hommes de main de l'individu redoutable se lanceraient à sa poursuite. Il n'avait pas besoin de ça en plus de la sécurité. Que pouvait-il faire, alors ? En parler à Rinual et Vay ne ferait que les inquiéter inutilement, cependant il ne pouvait pas simplement ignorer la mise en garde de son « ami ».

Un soupir lui échappa, il ne savait que faire.

Le soleil se leva sur la ville, perçant de ses doux rayons les nuages matinaux. Sa clarté passa à travers les baies vitrées des gratte-ciel, éclairant l'intérieur des espaces de vie, réveillant délicatement les habitants.

Avec paresse, les paupières de Rinual papillonnèrent, permettant à ses yeux bleus de s'accoutumer de la luminosité. Il tourna la tête, observant la jeune femme à ses côtés qui dormait cette fois encore dans une position incongrue. Souriant face à son visage assoupi aux traits si détendus, il tendit la main pour effleurer du bout des doigts sa douce joue. Elle grommela des mots incompréhensibles avant de lentement se réveiller. Son regard brumeux s'éclaircit tandis qu'elle prenait pleinement conscience d'où elle se trouvait.

— Bonjour.

— Bon'our, lui répondit-elle dans un bâillement. Il y a du café ?

— Il me semble, oui. Je t'en prépare un ?

— Volontiers.

Il se leva et quitta la pièce tandis que Vay s'étirait longuement. Elle s'assit sur le matelas tout en songeant à la chance qu'elle avait. Bien qu'elle ait vécu toute sa vie comme une cobaye, elle avait réussi à s'échapper du centre de recherche et était tombée sur Rinual qui lui était venu en aide. Si ça avait été n'importe qui d'autre, elle ne pensait pas qu'elle s'en serait autant bien tirée. Peu de gens étaient prêts à faire face au danger pour secourir autrui, d'autant plus lorsqu'il s'agissait d'une parfaite inconnue surgie de nulle part.

Elle se mit debout et rejoignit la cuisine, où de l'eau chauffait dans une bouilloire. Du café en poudre était sorti ainsi que trois tasses.

— Den est déjà réveillé ?

— Je n'en sais rien, sa porte est encore fermée et personne n'est à la salle de bain.

La jeune femme se dirigea vers le battant clos, elle frappa deux coups. Tendant l'oreille, elle n'entendit aucun bruit. C'était calme. Trop calme, même, comme si l'adolescent n'était pas dans la pièce.

Prise d'un mauvais pressentiment, elle abaissa la poignée et pénétra à l'intérieur de la chambre. Elle était vide.

— Rin, il n'est pas là.

— Peut-être qu'il est allé faire un tour.

— Je ne sais pas, je ne pense pas. Il nous aurait laissé un mot, tu ne crois pas ?

— Non, ce n'est pas son genre. Il n'est vraiment pas doué pour communiquer.

— Dixit le scientifique qui se renferme sur lui-même dès que quelqu'un lui pose des questions un peu trop personnelles.

— J'ai répondu aux tiennes.

— Ça, c'est parce que c'est moi. Je suis sensationnelle, sache-le, affirma-t-elle d'un ton taquin en s'approchant de lui.

Leurs bras se frôlèrent, aucun des deux ne s'écarta.

— C'est prêt ?

— Presque.

L'homme versa l'eau chaude dans deux tasses, il ajouta le café en poudre, mélangea puis amena les récipients à table. Ils prirent place l'un en face de l'autre.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

— Qu'est-ce que tu veux faire ? Si tu veux rester ici jusqu'à ce que la sécurité diminue, ça devrait être possible. Il faut juste faire attention lorsque tu sors faire des courses. Tu peux changer d'apparence et ton badge est normal, tu peux utiliser les navettes, payer ce que tu veux... On devrait ajouter de l'argent sur ton compte. Tu en...

— C'est déjà fait, le directeur a eu la gentillesse de s'en occuper. En échange, je l'ai payé avec les jetons. Pas tous, seulement une partie.

— Tu as de quoi tenir longtemps ?

— Quelques semaines, peut-être plus.

— En te trouvant un travail, tu auras un salaire. Tu peux désormais mener ta vie comme tu le souhaites, tu n'as plus besoin de moi. Bien que je reste là pour t'aider et répondre à tes questions, ajouta-t-il après un court silence.

Tous les deux se turent, si Vay décidait de se débrouiller par ses propres moyens, ce pourrait être la dernière fois qu'ils se voyaient.

— Je...

— Tu... commencèrent-ils en même temps.

Le scientifique fit un geste à Vay, l'invitant à prendre la parole en premier.

— Je me demandais si tout allait bien se passer pour toi. Tu m'as aidée à m'échapper du centre, ce n'est pas rien. Ils n'ont peut-être pas de preuve irréfutable, il n'empêche que tu risques beaucoup en retournant chez toi et à ton travail.

— Je trouverai bien une explication. De toute manière, ils ont besoin de moi et la réputation de mon père devrait entraver des recherches approfondies. Avec un peu de chance, on ne me reprochera rien.

— Tout est de ma faute...

— Ne dis pas ça.

— C'est la vérité.

— Non, c'est la faute de la section expérimentation. Du centre de recherche qui laisse faire. Du gouvernement qui ferme les yeux. Pas la tienne, tu n'as rien fait de mal.

— Il faut croire que si, sinon la sécurité ne tenterait pas de m'enfermer à nouveau et tu serais hors de danger. Je me sens si égoïste de t'entraîner là-dedans, annonça-t-elle en baissant la tête, ses dents mordillant sa lèvre inférieure.

Rinual se leva, il fit le tour de la table pour aller entourer ses épaules de ses bras. L'attirant contre lui, il la rassura sans prononcer un mot, par sa simple présence. Elle finit par s'écarter et plonger son regard dans le sien.

— À ton tour.

— Mon tour ? répéta-t-il, surpris.

— Tu voulais aussi dire quelque chose, non ?

— Ah, ça. Ce n'est pas très important.

Elle n'insista pas. Ils buvaient lentement leur café quand soudain, la jeune femme redressa la tête et pivota vers l'entrée.

— Vay ? Qu'est...

Elle posa un doigt sur ses lèvres, lui faisant signe de se taire. Tendant l'oreille, elle entendit à nouveau un son suspect, comme le piétinement de nombreux souliers.

— Ils sont là.

— Quoi ? lui demanda-t-il, incrédule. Attends, tu parles de la sécurité ? Comment ont-ils pu nous retrouver si vite ?

— Je n'en sais rien, mais il faut qu'on bouge.

— La porte d'entrée est notre seule sortie possible, s'ils sont déjà devant c'est trop tard.

— Le placard. Le directeur m'a parlé d'un passage dans le placard.

En quelques secondes, ils rassemblèrent toutes leurs affaires qu'ils firent tenir dans un sac. De lourds coups ébranlèrent le battant, ils reçurent une sommation. Ignorant l'ordre, Vay et Rinual atteignirent le placard à balai vide, semblable à une simple armoire. Le faux mur était facile à enlever, ils se glissèrent par l'ouverture ainsi créée avant de tout remettre en place. Ils observèrent rapidement les environs en reculant. Ils se trouvaient dans l'appartement d'à côté, les meubles étaient recouverts de housses blanches. Personne ne l'habitait.

— Il faut qu'on parte, chuchota l'homme.

— Je veux bien, mais par où ? On ne peut pas non plus utiliser la porte d'entrée.

— Le conduit d'aération, alors.

— Il est où ?

Levant la tête, Rinual repéra ce qui ressemblait à une grille en métal. Il finit par l'apercevoir dans un coin de la pièce. Tout en l'indiquant à Vay et en faisant le moins de bruit possible, il approcha une chaise et se percha dessus, cherchant à débloquer le passage. Le grillage se détacha dans un cliquetis retentissant, faisant grimacer le scientifique. Il espéra que personne ne l'ait entendu.

— Vas-y d'abord, je te suis, murmura Vay.

Il se faufila tant bien que mal dans le conduit, il avait tout juste assez d'espace pour ramper. Avançant suffisamment pour que la jeune femme puisse le rejoindre, Rinual jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Les yeux orange croisèrent les siens tandis que deux mains remettaient en place la grille.

— Qu'est-ce que tu fais ? Viens !

— Je vais les retenir, va-t'en.

— C'est de la folie.

— Retourne chez toi, tu auras des nouvelles de moi. Je te le promets.

— C'est hors de question. Viens avec moi.

L'expression de Vay s'attrista tandis qu'elle l'observait avec son regard si doux et bienveillant.

— Je t'ai déjà attiré assez de problèmes comme ça. Il est temps que je répare mes erreurs.

— Ne dis pas n'importe quoi et viens, lui ordonna Rinual toujours en chuchotant.

Elle secoua la tête en signe de dénégation. Sur un dernier au revoir, elle s'écarta, se dérobant à sa vue. Jurant entre ses dents, l'homme voulut faire demi-tour pour aller la chercher. Il entendit une porte se refermer, il comprit qu'elle n'était plus là. Quelle inconsciente, elle n'avait aucune idée des dangers qu'elle courait. Non, ce n'était pas vrai. Elle avait vécu toute sa vie emprisonnée, elle savait parfaitement ce qui risquait de lui arriver et pourtant, elle n'avait pas hésité pour lui laisser une chance de s'en sortir. Alors que cette pensée le traversait, Rinual comprit que les enjeux étaient plus grands. En se rendant, ni le professeur, ni lui, ni son équipe ne seraient tenus pour responsables. Elle pourrait manipuler les faits comme il lui plaisait. De plus, ils ne pouvaient pas être châtiés pour un crime qui n'avait pas eu lieu, puisque les expérimentations humaines étaient théoriquement condamnées par la loi.

Il se mit en route. Rester dans le conduit d'aération à ruminer de sombres pensées ne l'amènerait à rien. S'il voulait agir, il devait d'abord quitter cet endroit.

Le trajet lui parut interminable, d'autant plus qu'il ne savait pas où il allait. Son objectif pour le moment était de s'éloigner le plus possible, il verrait ensuite comment gagner la station et prendre une navette pour rejoindre la ville-haute. Retourner dans son appartement lui permettrait de faire un point au calme sur la situation, il se devait toutefois d'avoir une bonne explication au cas où on viendrait à l'interroger, autant son père que des agents de la sécurité.

Rinual finit par se constituer un mobile crédible et simple. Il avait cependant besoin de l'aide d'une connaissance, il fallait qu'il entre en contact avec l'un de ses subordonnés. La personne qui lui semblait la plus encline à le soutenir était sans nul doute Sheyn. Elle avait été la plus dégoûtée concernant la section d'expérimentation lorsqu'il en avait parlé à son équipe dans la forêt. Ce moment lui paraissait si lointain.

Il devait avoir assez bougé maintenant, il s'arrêta. Il tendit ensuite l'oreille afin de s'assurer que personne ne se trouvait près de lui. Aucun bruit de poursuite. Le scientifique chercha une grille dans les environs. Il en vit une, s'en approcha et entreprit de l'enlever le plus silencieusement possible, avant de se glisser tant bien que mal par l'ouverture. Refermant le conduit d'aération, Rinual vérifia qu'il était seul dans la pièce bien entretenue puis se faufila jusqu'à la porte. Il n'y avait pas d'âme qui vivait aux alentours, il sortit avec discrétion. Il constata avec consternation qu'il n'y avait presque personne au parc artificiel situé au centre du gratte-ciel. Il atteignit l'étage commerçant en empruntant les ascenseurs et se mêla à la foule. Il ne pouvait pas se connecter à l'interface sans matériel pour demander de l'aide à l'analyste. Il décida donc de se rendre dans un café mettant des accès à disposition afin de pouvoir utiliser le système.

Après avoir échangé sa montre et sa lentille technologiques contre des jetons, Denunsi lui en avait laissé quelques-uns qu'il avait heureusement encore sur lui, dans une de ses poches. Il s'en servit pour payer sa place avant de s'installer et d'ouvrir une boîte de dialogue protégé avec Sheyn. Elle était en ligne, il commença à discuter avec elle. Rinual allait finalement requérir son secours après l'avoir mise au courant des derniers événements, en prenant soin de rester vague au cas où ils seraient épiés, quand elle prit les devants et lui proposa de venir chez elle. Il accepta.

Monter à la station, se faufiler entre les gens pour éviter la sécurité et le contrôle de son badge, patienter jusqu'à ce que la navette soit programmée pour enfin pouvoir délaisser le gratte-ciel. Tout au long de l'attente, le stress de se faire attraper ne l'avait pas quitté une seule seconde. Il souffla uniquement lorsque la capsule fut dans les airs, en direction de la ville-haute.

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*Conversation entre Batha (gauche) et Denunsi (droite) 

slt

t ou

oqp

t as oublie rdv

g perdu feuille

c kan me svns plu

t con 

il veu te voir

mtn

oqp peu vrmt pa

prblm famille

pa mon problm

vien

tu risk gro 

rpds

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