10ème Chapitre (1/2)
Tu luttes toujours, mais malgré tous tes efforts
Elle voulait voir un commerçant en lien avec le marché noir. Elle était contrainte d'avoir un badge, et s'il fallait qu'elle passe par des moyens illégaux pour l'obtenir, elle ne se gênerait pas.
– Emmène-moi avec toi.
Sa demande créa un blanc, surprenant autant Denunsi qui s'attendait à tout sauf à ça que Rinual qui ne pensait pas qu'elle serait aussi directe. Ni qu'elle comptait y aller elle-même.
– Impossible.
– C'est de la folie, lui répondirent-ils en même temps.
– Et alors ? rétorqua-t-elle du tac au tac. Je dois avoir un badge et je ne peux pas en obtenir légalement. La meilleure solution est d'aller m'en chercher un moi-même.
– Faux, je peux très bien m'en charger seul, réagit Rinual.
Ils s'affrontèrent tous les deux du regard, bien décidés à ne pas céder de terrain.
– De toute façon, vous avez besoin de moi pour y aller, et j'compte pas vous aider. Rends-moi ma feuille.
Vay sortit le papier, le prit entre ses deux mains et le déchira une fois, puis une autre. Elle continua jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Denunsi, abasourdi, regarda les déchets blancs parsemant le sol. Les conséquences s'imposèrent à son esprit, un air terrifié apparut sur ses traits. Il se précipita et saisit la jeune femme au cou, approcha son visage à quelques centimètres d'elle et lui hurla dessus.
– Non mais tu te fous de moi ! Tu sais pas c'que tu viens d'faire ! J'suis mort, là, j'suis mort, et toi avec ! Y avait des trucs ultra-importants et toi tu le détruis comme ça ! Mais quelle...
Avant qu'il n'aille plus loin que des insultes, Rinual le ceintura par-derrière et l'écarta de Vay. Il garda son emprise sur son frère qui gesticulait dans tous les sens pour lui échapper.
– Toutes les informations sont là-dedans, signala-t-elle doucement en tapotant sa tête. Y compris les symboles étranges que tu as griffonnés. Si tu veux que je les redessine, il va falloir que tu nous aides.
Ses propos apaisèrent autant qu'ils irritèrent Denunsi, qui se calma néanmoins. Grognant une phrase incompréhensible, il chut lourdement sur son lit. Elle se tourna ensuite vers Rinual.
– Je ne compte pas te laisser prendre tous les risques pour moi, déjà que tu m'accueilles ici et que tu me viens en aide. Si je reste dans cet appartement, on finira par me découvrir et vous aurez tous les trois des problèmes, c'est plus sûr si je me déplace. En plus, pour me faire un badge, il faudra sans doute des informations que je suis la seule à posséder, je suis indispensable.
Un soupir vaincu s'échappa de ses lèvres, il ne pouvait contester sa logique malgré toutes ses réticences.
– Bon, y vous faut quoi exactement ? Y a de tout en ville-basse, juste un badge c'est pas assez précis. Au fait, pourquoi t'as b'soin d'un badge ? demanda Denunsi en se tournant vers Vay.
– Parce que je n'en ai pas.
– Ça, j'avais compris, mais pourquoi t'en as pas ? Tout le monde en a un, même les enfants. C'est bizarre...
– Et ça ne te regarde pas. On part dès que possible, il te faut combien de temps pour te préparer, Denunsi ?
– Ben moi j'suis prêt, par contre pas... Vay, ajouta-t-il après un instant de réflexion. Sauf si tu veux sortir comme ça.
Rinual jeta un coup d'œil à la jeune femme, elle ne pouvait décemment pas quitter l'appartement ainsi. Son frère était plus petit que lui, il lui demanda des habits. Elle retourna dans la chambre du scientifique en prenant garde à ce que le père reste hors de vue. Elle se changea, revêtant un simple jean, un t-shirt presque à sa taille et un sweat-shirt noir. Se rendant ensuite dans l'entrée, elle prit la paire de baskets qu'on lui tendait et la mit. Ne sachant pas comment faire des lacets, elle accepta l'aide de Rinual qui fit un nœud en quelques mouvements expérimentés. Ils quittèrent le lotissement le plus discrètement possible une fois qu'ils furent tous les trois parés. Denunsi s'avança en tête, il ne se dirigea pas vers la station mais de l'autre côté, vers les ascenseurs.
– Au fait, on est à quel étage ?
– Douzième.
– Seulement ? Je croyais qu'on était bien plus haut.
Sa remarque fit sourire Rinual, qui précisa :
– Douzième depuis le haut. Les gens n'habitent plus près du sol à cause de la pollution. Si tu regardes vers le bas, tu ne verras qu'un nuage noir, formé par des industries tournant sans arrêt et des murs d'enceinte retenant la pollution. Tout le monde se trouve en hauteur, alors on numérote les étages à partir du sommet.
– Donc il n'y a personne en bas des gratte-ciel ?
– Pas à ma connaissance.
– Ouais, ben faudrait mieux te renseigner, ricana Denunsi.
Il appuya sur un bouton. Quelques secondes plus tard, les portes en métal s'ouvrirent. Tous les trois entrèrent. Vay n'était pas sereine, c'était la première fois qu'elle montait dans une telle structure. Quand la cabine se mit en branle, elle s'agrippa instinctivement au bras de Rinual, qui la regarda, quelque peu amusé. Il la rassura sur la fiabilité de l'appareil avant de demander à son frère à quel niveau ils allaient. Ce dernier l'ignora, se contentant de fixer l'affichage des paliers. L'ascenseur bougeait rapidement, les chiffres défilaient, devenant toujours plus grands.
Il n'y avait pas de station pour prendre des navettes à chaque étage, les habitants utilisaient encore régulièrement les élévateurs. Chaque building en était pourvu de plusieurs, permettant la fluidité des déplacements et un temps d'attente réduit. Nonobstant, Rinual ne s'était jamais demandé jusqu'où ils descendaient.
L'écran s'arrêta, la cabine continua à bouger.
– Denunsi, où est-ce qu'on va ?
Il n'obtint pas de réponse. L'appareil finit par ralentir, il s'immobilisa complètement. Les portes s'ouvrirent.
Devant eux, un long couloir étriqué, sale et mal éclairé se déroulait. Le plus jeune n'hésita pas une seconde, il l'emprunta vivement, les mains dans les poches, la tête rentrée dans les épaules. Vay lui emboîta le pas à souples enjambées, Rinual laissa planer un instant de flottement avant de les suivre. La partie habitable comptait en son centre de grands espaces ouverts servant de lieux de rencontre. Ici, il n'apercevait que d'étroits couloirs bordés de portes fermées et couvertes de rouille. Le passage du temps n'avait rien épargné, tout était vieux. Le scientifique se demanda comment les sociétés d'entretien des buildings travaillaient, elles n'avaient l'air de se soucier que des apparences.
Denunsi arriva devant un battant clos, il leur fit signe de s'arrêter. Il attendit après avoir frappé selon un rythme bien précis. Un bruit de pas leur parvint, la porte s'entrebâilla.
– Ah, c'est qu'toi. Et eux ? ajouta un homme barbu avec un bonnet miteux en désignant du menton Vay et Rinual.
– Ils m'accompagnent.
– Ce s'ra plus cher, mon p'tit.
– Combien ?
– Quatre.
– Quatre ? Non mais là c'est trop, c'est de l'arnaque !
– T'veux passer ou pas ?
L'adolescent jura entre ses deux, il fouilla dans sa poche et sortit quatre jetons. Les tendant à l'inconnu sans cesser de se plaindre entre ses dents, il attendit que l'homme perçoive la monnaie avant de leur ouvrir. Ils pénétrèrent dans une petite pièce illuminée par un néon défaillant. Une table entourée de chaises accueillait une partie de cartes, trois autres types étaient assis, des cigares en main et des verres non loin. Au fond, une seconde porte se tenait dans l'ombre. Denunsi s'y dirigea sans hésitation et actionna la poignée, dévoilant des escaliers. Il se mit à les descendre, ne vérifiant pas que son frère et la jeune femme le suivent. Derrière eux, le barbu referma le battant, plongeant les marches dans le noir.
– Et merde.
– Un problème ?
– J'ai pas pris ma lampe.
Rinual alluma sa montre reliée à l'interface, il comptait utiliser une application afin d'éclairer leur chemin. Aucune connexion n'était possible. Écarquillant les yeux face au message qui s'affichait devant lui, il réalisa pour la première fois à quel point ils étaient dans l'illégalité.
– Et alors ?
La réaction de Vay les surprit tous les deux, elle avança sans patienter plus longtemps, parfaitement à l'aise dans l'obscurité.
– Je vais voir si je trouve un truc en bas.
N'attendant pas leur réponse, elle poursuivit sa course dans les escaliers, laissant les deux hommes dans son dos.
– On fait quoi ?
– Fais comme tu veux, moi j'continue, déclara Denunsi qui tendit lentement la jambe devant lui, cherchant la marche suivante.
Il la trouva, déposa son pied et recommença, bientôt imité par Rinual. Ils descendaient en persévérant doucement quand une lumière apparut devant eux. Quelques instants plus tard, Vay surgit avec une lampe de poche.
– Ça existe encore ? ne put s'empêcher de lâcher Rinual, ce qui fit sourire son petit frère.
Il se ressaisit très vite et répondit avec un air renfrogné, bien décidé à faire la tête tout au long de leur escapade :
– Ben oui. Donne-la-moi, ordonna-t-il en tendant la main à la jeune femme.
Cette dernière l'ignora et passa la source de lumière au scientifique. Le visage contrarié de l'adolescent les amusa tous les deux, ils reprirent leur descente.
Quelques minutes plus tard, une porte en métal se dévoila à leurs yeux, tout au bas des marches. Poussant le battant qui s'ouvrit dans un long grincement, ils sortirent dans une sorte d'ancien skate park utilisé comme lieu de vie. Des stands bancals se dressaient de part et d'autre de la salle tout en béton, des marchandises diverses et variées étaient présentées et échangées. Une foule de personnes en tout genre vêtues de tenues décolorées et raccommodées plusieurs fois se pressait autour des vendeurs, cherchant à négocier les produits dont ils avaient besoin à bon prix. Rinual vit des enfants parmi eux, maigres avec la peau pâle dû au manque de soleil. Tout ce monde devait vivre là, dans les bas étages.
– Et maintenant ? questionna Vay en se tournant vers Denunsi, interrogative.
Elle n'avait pas l'air choquée par la scène qui se déroulait sous ses yeux, ce qui irrita le scientifique. Ne devrait-elle pas avoir de la compassion pour tous ces pauvres gens ? Les expériences lui avaient-elles retiré tous sentiments ?
Au moment même où cette pensée l'effleura, il s'en voulut. Il ne pouvait décemment pas juger son attitude, il la connaissait à peine.
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