28 | de la communication


POUR LES DIX-HUIT ANS DE MATHILDE, toute la bande s'est invitée chez elle pour un week-end dans le sud. Sa maison de vacances... Ina la connaît bien. Elles y vont chaque été, et y poser les pieds un jour de printemps, la revigore d'énergie.

À part Mélissa, tout le monde a un sac à dos. Issa est même de la partie. Mathilde ne sourit pas énormément plus que d'habitude, fatiguée par l'avion. Les autres s'activent dans la maison pour se trouver des chambres.

— Les filles et les mecs doivent faire chambre à part ? demande Mélissa en entrant dans la plus grande chambre.

Mathilde acquiesce. Et Ina ne se plaint pas. Florence dépose toutes ses affaires dans un coin, et sort aussitôt son portable pour prévenir ses parents. Tout le monde l'imite, à part Ina, qui enverra un message à son père peut-être plus tard dans la soirée.

— AH !

Toute la maisonnée entend le cri suraigu de Théodore. Les quatre filles sortent d'un seul coup, et entrent dans la pièce réservée aux trois garçons. Ina éclate de rire en voyant Théo' en PLS dans son lit.

— Y a une putain d'araignée ! s'écrie-t-il.

Edgar veut la sauver en utilisant un verre. Issa, sans scrupule, veut l'écraser avec sa chaussure. Quand Ina s'approche du petit être vivant à huit pattes, elle aide Edgar à faire sortir la pauvre bête par la fenêtre.

— Faut pas avoir peur, elle mord pas, rassure Edgar.

Mathilde ordonne à Théodore de se ressaisir et le garçon, lui jette à la face son oreiller. S'en suit une bataille de polochon générale, où Ina éclate trop de fois de rires, étouffée par Mélissa et se cachant derrière Edgar.

Il se retourne, affiche un sourire espiègle avant de lui donner un coup d'oreiller.

— Oh le traître.

Elle se défend, avant d'être écrasée par le jeune homme contre le mur. Elle le regarde dans les yeux, sans savoir quoi faire mais sent son cœur battre quand il décide de jouer avec ses cheveux. C'est là que Florence et Math' interviennent pour la « sauver ». Ina respire de nouveau, éclate de rire en voyant Edgar à terre en train de supplier les filles d'arrêter de l'anéantir.

Ina n'a même pas le temps de souffler. Elle voit Mélissa courir vers elle avec un autre oreiller prêt à l'étouffer.

***

VOUS ÊTES ENSEMBLE ? demande Florence en épluchant une clémentine.

Dans la cuisine, les gens papotent. Les garçons sont allés faire les courses et les filles restent ensemble pour discuter. Elles avaient besoin de ce petit temps seul pour s'échanger les dernières nouvelles.

— On sait pas trop, avoue Ina.

On pourrait croire que oui, étant donné leur dernière discussion sérieuse remontant maintenant à deux semaines. Ils se sont revus de temps en temps pour déjeuner ensemble, au cinéma aussi et à la bibli', pour qu'il l'aide à réviser. Edgar se refaufile dans sa vie.

— Mais tu l'as pardonné, donc un peu quand même non ? rajoute Mél'.

— On se revoit juste, affirme-t-elle.

Edgar. Edgar. Edgar. Il est différent depuis qu'il est rentré. Il n'est pas la même personne qui l'a quittée. C'est étrange, parce qu'Ina a l'impression de découvrir une toute autre personnalité chaque fois qu'ils passent du temps ensemble. Le Edgar qu'elle connaissait, souriait plus, rigolait plus, était moins calme avec elle. Il a mûri. Ina a dû changer aussi.

— Et toi, avec Issa ? interroge Ina.

— Super. On se colle trop de temps en temps, mais sinon c'est vraiment super.

La remarque fait rire Mathilde, qui échange un regard complice avec Florence. Les filles sortent ensemble depuis plus de six mois, tandis que Mélissa va bientôt fêter ses un an avec son ami d'enfance.

— Et vous avez... lance Mathilde.

Mélissa s'étouffe mais acquiesce. La discussion vire sur le sujet des rapports sexuels. Les quatre filles ont l'habitude bizarrement d'en parler, traînant sur la pilule ou le fait que la mère de Mél' lui parle un peu chaque soir de stérilets. Mélissa parle d'une expérience dans la douche et Florence éclate de rire quand ils apprennent qu'Issa a glissé et s'est ramassé par terre.

— Et vous l'avez fait vous ?

Ina fait « non » rigoureusement de la tête. Rien. Ils ne se sont même pas embrassés. Nada. Peut-être parce qu'ils ne font que se parler, se retrouver ou s'apprivoiser. Aucun contact, c'est comme si l'un redoutait l'autre.

— Mais... tu retombes amoureuse ?

Les garçons sonnent à la porte et la discussion s'interrompt immédiatement. Ina réfléchit à la réponse. Au fond, elle a envie de dire : « oui » mais elle n'en sait rien. Parce qu'à chaque fois qu'elle passe du temps avec lui, elle arrête de réfléchir.

— On a pris des tonnes de raviolis, prévient Issa.

— Sans viande ?

— Oui, Mél', sans viande, rien que pour toi.

Elle lui fait un clin d'œil. Et Ina imagine tout ce qu'ils ont dû traverser pour être heureux ensemble à ce point. Elle est contente de voir Mél' épanouie avec lui, même si elle n'oublie pas qu'ils ont beaucoup merdé, eux aussi.

***

MATHILDE SOUFFLE SES BOUGIES. Tout le monde transpire la joie, à part Théodore qui a un peu trop bu. Ils se sourient tous lorsqu'elle fait son vœu.

— Prends-la discrètement en photo ! ordonne Mél'.

Florence sort son polaroïd et le flash illumine la pièce. Ina éclate de rire quand Mathilde relève la tête. La blonde déteste qu'on la prenne en photo.

— Oups.

Ina agite le cliché, en attendant que la bouille de Mathilde apparaisse. Flo' essaie de faire un câlin à se petite-amie pour se faire pardonner. Théodore, vautré sur le canapé joue à Subway surfers. Edgar se dispute une partie avec lui.

Une vingtaine de secondes plus tard, Mathilde apparaît sur la photo, en train de souffler ses bougies. Ina sent son cœur ramollir. Elle regarde autour d'elle, et malgré le fait qu'elle tient un peu la chandelle, elle se sent bien auprès de ses amis. Malgré tous les hauts et les bas de la bande, ils ont réussi à se retrouver aujourd'hui.

— Théodore, bouge ton cul, laisse-moi une place.

Edgar décale vers la gauche et Théo' laisse Ina s'installer sur sa droite. La brune sirote son cocktail.

— Bois pas trop, fais pas comme moi hein.

— Sans blague, quelle idée aussi de boire sans manger, rappelle Ina.

— Je te jure, c'est l'araignée, elle m'a dégoûtée de la vie.

— T'es con, remarque Edgar.

Les deux éclatent de rire, complètement sur la même longueur d'onde, tandis que Théodore boude. Un petit silence confortable s'installe et Ina pose sa tête sur l'épaule de son meilleur ami.

— Vous savez que vous êtes mes meilleurs potes. Genre vous deux. Reybaud et Ina dont j'ai oublié le nom de famille.

— Développe, encourage la jeune fille, touchée par ces paroles alcoolisées.

— Je vous aime. Et vous avez toujours été là. Même toi petit con quand t'as changé de continent.

Edgar aimerait répliquer quelque chose mais Théodore, blasé de nouveau, ajoute :

— Quand Mathilde m'a lâché à cause des embrouilles entre Flo' et moi. J'ai cru que j'allais devenir dingue. Puis t'étais là, et toi aussi avec tous tes appels qui ont dû te coûter un bras.

— Tu peux pas lui en vouloir... Elle défendait juste...

— Si Ina... Dans cette bande de potes, on a tous grandi et l'année prochaine, je sais pas si je resterai en contact avec tout le monde. Au fond, si je suis là, c'est que pour vous. Là, on a tous l'air soudés, mais je connais pas Issa... Mél', bah, on est sorti ensemble, c'était nul mais ça valait le coup vu que je vous ai rencontrés. Math', je fais ce que je peux pour pas trop lui en vouloir... Et Flo'... Ça reste correct. Y a que vous deux au fond.

Sa voix se brise. Théodore a l'air profondément triste.

— Je me sens plus à ma place ici.

Cette phrase lui fait l'effet d'un électrochoc. Le brun se relève et informe les autres de son envie imminente de se coucher.

— Je vais aller le voir, rassure Edgar.

Il l'accompagne dans la chambre et Ina observe autour d'elle. Au fond, il n'y a qu'elle qui fait le lien entre Théodore et les autres. Elle le comprend. Chaque groupe d'amis a ses défauts et même si Ina était si fière d'avoir recollé les morceaux avec tout le monde, elle sent que leur cohésion de groupe ne repose plus que sur certaines amitiés individuelles.

— Il avait quoi Théo' ? s'inquiète Mélissa.

— Il se sentait pas bien, avoue Ina.

— Ah merde.

Mathilde, qui fête toujours son anniversaire, fronce les sourcils en découvrant l'atmosphère tendue du salon.

Edgar sort de la chambre, croise les regards inquiets des autres.

— Il dessoûlera, et après je pense qu'on devrait tous discuter un peu avec lui.

— OK, comprend Florence.

La fête continue et les gens retrouvent leurs sourires. Vers une heure du matin, Ina entre dans la cuisine, quand Edgar met en marche le lave-vaisselle.

— Je savais pas que t'appelais Théodore à ce point quand t'étais pas là, lance-t-elle tranquillement.

— Ah. C'est rien, on se mettait juste nos vies à jour.

— Ah oui ?

— Et il me parlait de toi aussi. Donc je prenais de tes nouvelles, grâce à lui.

Ina l'écoute attentivement. Puis Edgar se relève, se tourne vers elle, s'essuie les mains dans un torchon.

— Mathilde est contente.

— Oui, ça fait longtemps qu'on l'a pas vue sourire comme ça.

— Y a Florence aussi, ça aide.

Elle le regarde dans les yeux, défiant l'océan de son regard. Là tout de suite, elle n'a plus l'impression de vivre avec le souvenir de leur passé. Non, elle pense juste à ce qui pourrait les attendre.

— Viens.

Elle le suit. Dans le jardin, elle sent ses doigts frôler sa main. Tout doucement, il lui prend la main, et Ina a l'impression d'être une adolescente de quinze ans, en train de tout analyser. Elle essaye de calmer son esprit, pour juste profiter de l'instant.

— Tu veux aller voir la mer ? Il fait un peu noir mais bon, questionne-t-elle.

— Pourquoi pas.

— OK.

Ils y vont, le flash de leurs téléphones allumé. Ina rigole quand Edgar se gamelle dans une pente. Elle a l'impression d'être en vacances avec lui, alors qu'ils rentrent le lendemain soir.

Après avoir galéré pour trouver le chemin vers la plage, ils s'installent sur le sable froid. Elle se pelotonne contre lui, sans trop réfléchir. Ina se sent bien.

— On est bizarres toi et moi, dit-elle sans savoir pourquoi.

— Ouais.

Le moment est assez indescriptible. Y a d'abord cette nostalgie, parce qu'un an auparavant, ils avaient l'impression de toucher les étoiles dans la nuit. Puis, il y a cette amertume, parce qu'ils n'ont pas su faire les choses bien, sans se briser le cœur. Et maintenant, il y a cette attente, cette question en suspens. Est-ce qu'ils ont un avenir ?

— T'as changé, je trouve, avoue la brune.

Leurs paumes sont encore collées l'une contre l'autre, et Ina sent son cœur battre plus fort quand il lui sourit.

— Toi aussi.

— Qu'est-ce que tu me trouves de changé ? chuchote-t-elle.

— T'es plus sûre de toi, confiante, forte aussi.

— Et toi ?

— Moi ?

Elle ne se concentre plus sur le bruit des vagues, mais juste sur son souffle saccadé.

— Je sais pas.

Ina prend alors la parole :

— Je te trouve plus calme, plus simple et plus... je sais pas, c'est juste différent quand on est tous les deux.

— Je pense pas.

La brune relève aussitôt la tête.

— On est plus distant. T'es plus méfiante et moi paumé. On fait ce qu'on peut. Mais quand je suis avec toi, j'ai pas l'impression d'être si différent d'avant. Je me sens juste bien.

Se sentir bien.

C'est exactement ça.

Se sentir à sa place. Comme quelque chose d'assez fort pour avoir du sens.

Elle sait que les filles pensent qu'elle aurait dû finir avec Samuel. Qu'il était parfait pour elle. Qu'elle aurait pu vivre des tonnes d'aventures avec lui. Et peut-être qu'elles ont raison, dans une certaine mesure.

Mais y a des choses qui se sentent au plus profond de soi. Des émotions qui ne se nient pas.

— Tu sais, j'ai juste peur de faire une erreur si je retente quelque chose avec toi, assure-t-elle.

— Pourquoi ?

— Parce que ça a marché. Mais que ça a pas suffi. Et que... je sais pas, j'ai comme l'impression qu'on est tous les deux perdants quand on se voit.

Personne ne gagne de bataille en amour. Pas même ceux qui aiment manipuler les autres, ceux qui croient en d'éclatantes victoires. L'amour est truffé de défauts. Et Ina le sait, mais elle aimerait que tout soit parfait comme dans les romans.

— Tu sais Ina... Je préfère tout perdre plutôt qu'abandonner notre combat.

À cet instant précis, elle décide de l'embrasser. D'abord, il y a le souvenir d'un premier baiser, après la patinoire, quand elle avait quinze ans. Puis il y a cette impression familière et touchante qui la transperce de part en part. Tout ceci s'évanouit, parce qu'elle sent que quelque chose d'autre se forme. Plus fort, plus authentique et plus vibrant. Une braise. Un nouvel amour qu'elle voudrait chérir. Sa victoire.

Ils s'arrêtent, se regardent. Avant, elle a toujours cru se noyer dans ses yeux, de manière clichée. Aujourd'hui, elle a l'impression qu'elle a la force de remonter à la surface.

— Tu as les plus beaux yeux au monde Edgar.

Elle a toujours voulu lui dire, en faisant gaffe à ce qu'il ne prenne pas la grosse tête. Il l'embrasse de nouveau, sur le bout des lèvres.

— Je pense pas qu'on soit une erreur.

— Moi non plus.

Edgar et Ina. C'est une histoire d'amour de lycée. C'est ce qu'elle s'est fait croire à force de ruminer dans le noir. Aujourd'hui, sur la plage, elle a l'impression d'être sortie de ça, de cette étiquette d'« amour lycéen ». Le BAC approche, elle n'est plus si lycéenne que ça. Mais là, dans ses bras, quand elle regarde la mer, elle n'a plus peur de...

Grandir.

Aimer.

Et vivre.



***


nda: désolée pour le retard comme d'hab

alors oui, je sais que des gens sont déçus qu'ina choississe edgar, qu'ils ne shippent plus ou qu'ils n'ont pas shippé... mais même moi, j'étais censée avoir arrêté de shipper. dans ce chap j'aurais dû briser le couple en temps normal, mais j'ai décidé d'arrêter de planifier ce qui peut pas se planifier. 

parce que j'ai voulu rester honnête avec mes personnages. et que... bah... honnêtement, ina elle choisit edgar.

vous en pensez quoi vous?

peut-être qu'elle le choisit parce qu'elle n'a pas vécu autre chose d'autre que lui, mais j'ai pas cette impression personnellement parce qu'ils ne sont plus exactement pareils qu'avant et que, leur couple se refait basé sur un souvenir mais avec une toute autre dynamique.

je pense qu'ils ressemblent à un couple dans la vraie vie, qui s'aime juste vraiment.

je les aime bien. et j'veux juste les voir heureux <3

plus qu'un chap avant la fin fin, pfiouuu trop chelou

elo

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