14 | des sourires et une dispute
CE MATIN, EN SE RÉVEILLANT tout près d'Edgar, Ina sent son cœur fondre. Il a les cheveux ébouriffés et elle le regarde dormir. Les volets sont encore fermés et elle aimerait bien les ouvrir pour admirer son visage endormi au soleil.
Elle a dormi chez lui cette nuit. Et ils ont fait l'amour, mais ce n'est qu'un autre détail. Ina est épanouie dans ses bras et elle l'aime tellement que ça lui bouffera peut-être son cœur de l'aimer à ce point.
C'est le réveil d'Edgar qui gâche le moment. Le jeune homme se lève presque sur-le-champ, met le réveil en pause avant de se mettre à contempler silencieusement Ina. La brune fait alors semblant de dormir, tout en essayant de contenir son sourire.
La main d'Edgar vient jouer avec une de ses mèches pendant que leurs deux corps nus se rapprochent. Ina ouvre un œil, puis deux et croise son regard bleuté.
— Foutu réveil, grommelle Edgar en enfouissant son visage dans les cheveux d'Ina.
Il la prend dans ses bras et elle sourit mielleusement.
— Pourquoi tu te caches les yeux ? demande-t-elle en le voyant se comporter bizarrement.
Edgar sourit avec son sourire qui montre ses dents.
— T'es trop lumineuse, ça m'aveugle, réplique-t-il.
Il flirte dès le matin et même si elle trouve ça drôle, son ventre s'emplit de papillons. Tout palpite et tout paraît doux et savoureux.
— Ton père a bien voulu te laisser dormir chez moi ? demande-t-il curieusement.
Une main chaude lui caresse le dos sous les couvertures. Ina trouve ça trop agréable pour l'arrêter.
— J'ai dit que je dormais chez Flo', répond-elle avec évidence.
Leurs nez se frôlent et Ina sourit quand elle pose une main sur son torse. Ça le chatouille un peu. Leurs deux portables vibrent en même temps et Ina défie Edgar du regard. Le premier qui regarde ce qu'il a reçu aura froid en premier. Finalement Ina cède à la tentation.
— Issa vient d'envoyer le montage !
Les deux se calent confortablement dans le lit, après qu'elle se soit rhabillée un minimum. Le montage est excellent.
La bande a réalisé un clip et chanté une chanson le week-end dernier, juste après leur soirée au canal. Le dimanche, ils avaient eu tellement la déter' qu'ils avaient passé toute l'après-midi à bosser leurs devoirs et composer leurs chansons d'amateurs. Théodore a vraiment fait du triangle.
— Il est doué ton pote.
C'est vrai qu'Issa est doué. Peut-être qu'il devrait réellement considérer la musique comme une option. Dans la chanson, qui ressemble plus à une parodie ou un projet de classe, la bande de huit fait des mauvaises roues. Mathilde twerke à la moitié de la vidéo et il y a un énorme plan sur Edgar sans explication.
— On va pas poster ça non ? demande Ina inquiète.
— Non, mais c'est marrant en souvenir.
Leur groupe se termine là, après une semaine d'existence, tout simplement parce qu'ils n'ont rien voulu de sérieux et que c'était un petit délire de soirée. Peut-être qu'Issa, lui, continuera, il est doué pour ça.
— Si ton pote se met au rap, je le soutiens, informe Edgar.
Elle attrape le portable de son petit-ami qui vient de recevoir une notification. Elle fronce les sourcils en voyant que c'est la seconde nommée Adèle qui lui a envoyé un direct sur instagram.
— Tu vas répondre ? questionne la brune.
— Tu veux répondre ? réplique Edgar en s'allongeant un peu sur elle.
Ina sourit. Elle lit le message de la blonde : « salut, ça va ? on m'a dit que t'étais en S et j'avais quelques questions sur la filière à te poser si ça ne te dérange pas :) ». La brune hausse un sourcil et tape une réponse.
— T'as répondu quoi ? demande-t-il curieusement.
« Ma petite-amie a des potes en S aussi qui peuvent t'aider si tu les croises ;) Sinon... quelles sont tes questions ? »
— T'es vilaine.
— Y a rien de méchant.
— C'est comme si t'avais écrit « ma petite-amie » en majuscules.
Ina rit.
— Bah quoi c'est vrai, Mél' et Math' sont en S aussi.
Ils lâchent leurs portables et Ina embrasse le visage de son copain. Partout sauf sur la bouche, pour éviter que leurs haleines matinales se mêlent.
— On va petit-déjeuner ? propose Edgar dont le ventre ronronne.
Ina n'a jamais faim le matin. Mais une petite exception s'impose avec Edgar. Elle le regarde se lever, le cul à l'air et la brune reste bloquée sur cette vision une dizaine de secondes. Elle lui jette alors un oreiller sur les fesses.
— Hé !
— Dépêche-toi, j'ai faim, ment-elle toute rouge.
Elle se rince toujours un peu l'œil quand elle est avec lui.
***
INGRID EST DE RETOUR pour jouer de mauvais tours. Dans la maison, le blonde apparaît comme une petite perle rare. Ina hésite à sauter dans ses bras mais se contente de lui tirer un peu les cheveux. C'est tout aussi affectif.
— Héhéhé, voilà Ina la reloue ! dit la blonde en tirant les cheveux de la brune également.
Ina a envie de l'étriper rien qu'en la voyant mais ça lui fait tellement du bien de la voir qu'elle se retient.
— La soirée des anciens, c'est demain soir, tu rates des cours non ? demande Ina.
Ingrid acquiesce.
— Bah je rate mes journées les moins chargées et je bosserai de ouf plus tard, essaye de se rassurer la blonde.
Leur père emporte la petite valise dans la chambre d'Ingrid qu'Ina utilise pas vraiment. Même si elle pensait vouloir s'installer dedans, voler la chambre de sa sœur ne lui paraît pas aussi top qu'elle le croyait.
— T'as pas de devoirs toi ?
— Oh non, juste un commentaire et un corpus à corriger, tranquille, mais des livres à lire, explique Ina.
Ingrid lève les yeux au ciel.
— Putain et dire qu'en première je m'enfermais les dimanches pour bosser à mort.
Ina montre le clip à Ingrid. La blonde surprise, la remet en boucle.
— Pour un truc parodique, c'est vachement cool. Le mec avec le triangle, pff, un gag. Sinon il a grave du flow Issa. C'est le seul sérieux de votre clip.
— C'est ce qu'on lui répète tout le temps.
— Il devrait se mettre au rap. Il a grave du potentiel. Octavia peut peut-être l'aider, tu veux que je les mette en contact ?
Octavia, l'autre meilleure amie d'Ingrid s'est lancée dans le montage vidéo et a des contacts dans le milieu de la musique. Ina est motivée.
— Je vais lui demander.
Après un appel interminable avec Issa qui lui répond toujours qu'on le surestime un peu, elle parvient à glisser les coordonnées d'Octavia en douce. Ina est fière d'elle et sa sœur. Pendant qu'Ingrid s'installe, les deux papotent.
— Hugo et Samuel seront là demain ? demande Ina.
— Oui, normalement, s'ils ne ratent pas leurs trains.
L'idée de revoir les anciens Terminales au lycée lors de cette soirée de retrouvailles et d'aide à l'orientation la perturbe. Nous sommes fin novembre et Ina s'habitue déjà peu à peu à oublier son année de seconde.
***
SAMUEL EST ASSIS sur une table, dans la salle orientation « CPGE ». Ina est avec Mélissa. Les deux jeunes filles s'aventurent par hasard au quatrième étage. Si Ina se dirige vers les anciens en prépas littéraires, Mél' va voir, elle, les élèves en médecine.
Sur le chemin, on lui tapote l'épaule. La brune se retourne.
— Tu ne me dis pas bonjour ? demande Samuel avec un sourire en coin.
— Bonsoir, répond Ina en levant les yeux au ciel.
Le brun a des cheveux plus longs et légèrement bouclés. On dirait Harry Styles des 1D.
— Tu veux des chips ?
— De l'oasis s'te plaît, répond-elle tranquillement.
Le revoir après cinq mois reste étrange. Elle a l'impression qu'il a grandi, mûri et qu'il n'est pas le même Samuel qu'elle a connu. Et dire qu'il y a un an, elle aurait été rouge de bonheur en vivant cet instant.
— T'as revu ma sœur ?
— Oui et je la fuis à tout prix, cette folle, réplique-t-il en riant.
Ina rit aussi. Samuel a quand même cet effet sur les gens. Être à l'aise paraît simple avec lui. En même temps, elle se souvient de l'ambiguïté d'avant. Elle est silencieuse aujourd'hui. Peut-être parce qu'il l'intimide encore un peu, juste parce qu'il est Samuel et elle, Ina. Et que le passé est enterré mais pas oublié.
— Tu fais un truc ce soir ?
— Euh, j'ai cours demain, avoue Ina, légèrement gênée.
— T'as fait tes devoirs ?
— Oui ?
— Avec ta sœur et nos autres potes on va prendre un verre, tu peux venir.
Ina n'est pas très partante. Au fond, elle aimerait bien passer du temps avec eux, parce qu'elle en a déjà passé pas mal l'année passée. Mais cet échange avec Samuel, dans cette classe, ça la rend un peu mal à l'aise aujourd'hui. Non pas parce qu'elle est terriblement troublée, mais juste parce qu'elle a encore le souvenir de ce que ça fait d'être troublée près de lui. Et se le remémorer la fait culpabiliser.
— Ina, je te cherchais ! Mél' m'a dit que t'étais à cet étage.
Edgar apparaît comme par magie, suivi de Julie qui se dirige déjà vers un autre ancien lycéen.
— Quelque chose ne va pas ? demande-t-elle en oubliant instinctivement la présence de Samuel.
Son petit-ami est essoufflé. Elle se souvient alors qu'ils sont au quatrième étage et qu'il a sûrement dû tout monter à pied d'un coup. Edgar s'approche d'elle et Sam'.
— Je te raccompagne chez toi ce soir ? interroge Edgar.
— T'es pas obligé hein, répond-elle.
— Non non, j'ai pas trop envie que tu rentres seule.
Samuel toussote et Edgar croise son regard. Ina sent une tension silencieuse se creuser, alors elle prend la main de son petit-ami pour éviter qu'ils se mettent à discuter.
— Je peux la raccompagner, je prendrai le chargeur de ta sœur, propose Sam', d'une voix un peu provocatrice.
Il attrape son bras, comme par défi.
— Oh non, ça ira t'inquiète pas Samsam'.
Le surnom est sorti de sa bouche sans s'en rendre compte et la mine confuse d'Edgar en dit long sur la tempête qui va peut-être arriver si Ina ne rentre pas avec lui.
— Je vais rentrer avec Edgar t'inquiète pas Samuel, j'suis contente de te recroiser en tout cas.
Et le couple s'éloigne.
***
DEHORS, DANS LA COUR, Ina soupire. Edgar marche un peu trop vite.
— C'était qui lui ? demande finalement le garçon aux cheveux de jais.
Parfois elle ne sait pas s'il est brun très foncé ou s'il a juste des cheveux noirs trop profonds pour avoir des reflets acajou.
— Samuel, le meilleur ami de ma sœur, répond Ina.
Elle sent qu'Edgar n'a pas l'air de bonne humeur mais elle ne sait pas trop quoi lui dire étant donné qu'il n'y a rien à dire.
— Vous êtes sortis ensemble ?
Ina fronce les sourcils et fait non de la tête. Sa question la préoccupe. Comment a-t-il pu tirer ces conclusions ?
— Non, c'est juste que vous aviez l'air proches. Et pas genre en mode potes, explique le brun en fourrant ses mains dans ses poches.
— Tu me reproches quelque chose ? demande-t-elle légèrement à cran.
La brune trouve le ton d'Edgar un peu sec là tout de suite.
— Non, mais c'est juste que... t'avais l'air gênée que je le rencontre.
Et c'est vrai qu'elle est gênée qu'il le rencontre. Parfois, elle a les flashbacks de Samuel de l'an passé, qui lui dit qu'elle sourit beaucoup avec Edgar. Et puis, elle se souvient de tous les mois passés à aimer les deux en même temps, puis à moins aimer Sam' et plus aimer Edgar.
— Il s'est passé quelque chose entre vous avant ? poursuit le brun en s'asseyant à leur spot habituel dans la cour.
Certains élèves passent et les regardent. Ina baisse les yeux, silencieuse. Ça la rend mal à l'aise de parler de Samuel. Parce qu'elle en a jamais parlé à personne, à part Mél'. Le silence en dit long et Ina sait qu'elle doit juste répondre quelque chose.
— Je trouve pas les bons mots, bredouille-t-elle.
— Tu peux me le dire Ina. C'est comme pour Pénélope. On se dit ce qui s'est passé et c'est tout. Et on passe à autre chose.
— Mais c'est ridicule mon histoire de merde, avoue la brune la voix brisée.
C'est ça qui est difficile à réaliser. Ina a idéalisé Samuel tellement longtemps que ça la ronge en prenant du recul. Elle l'idéalise peut-être encore aujourd'hui. Elle était tombée amoureuse d'une image ou d'une personne ? Elle n'en sait rien mais ça l'a fait mal.
— T'as pas à avoir peur d'être ridicule avec moi, remarque Edgar.
Il s'est calmé et a trouvé les bons mots pour lui donner envie de parler. Alors elle se lance :
— L'été de mes quinze ans, j'avais un crush sur lui. On s'est embrassé et pendant des mois j'étais à fond mais il m'a friendzone et c'est tout. Voilà, après je t'ai rencontré.
— OK.
Edgar la fixe du regard et elle ose à peine plonger dans le sien. Elle l'a dit, c'est tout con et c'est un peu humiliant. Le « OK » l'irrite.
— Est-ce que j'ai été ton tremplin, pansement un truc comme ça ? Parce que je t'avoue que ça me soûlerait.
Il l'a demandé comme si c'était une accusation grave. Elle n'a même pas envie de répondre à sa foutue question tant le ton qu'il a pris l'a écœurée. Il est en train de remettre en doute onze mois de relation, comme si de rien était.
— Et toi, est-ce que j'ai été un tremplin, pansement après tes deux ans et demi passés avec Pénélope ? C'est bas de me demander ça alors que je t'ai jamais demandé ça moi.
Elle l'a dit sur le même ton, parce qu'elle n'a pas envie de répondre à Edgar quand il est aussi de mauvaise humeur. Et puis elle se braque, par peur de souffrir.
— J'ai rien fait de mal Edgar.
Il le sait aussi. Mais Ina voit très bien qu'il est jaloux et que c'est dur de comprimer sa jalousie. Elle l'a vécu aussi, tout un été et encore quelques mois auparavant.
Mais là, dans la cour, à 21 heures à cette foutue soirée des anciens, elle sent son cœur brûler de douleur. C'est une vraie dispute qu'ils ont là tout de suite. Et elle a juste envie de retourner au matin précédent, où elle était dans son lit à lui sourire.
— Je pense que je vais rentrer seule ce soir, précise-t-elle sans rien ajouter de plus.
Ina part parce que ça lui permet de se calmer, de ne pas se détester, de ne pas le détester, de ne pas détester cette dispute.
— Il tient à toi, se chuchote-t-elle en marchant.
Au bout de la rue, elle se ravise, se retourne et décide d'aller de nouveau vers le lycée. Avec surprise, elle le voit à quelques pas d'elle. Il l'a rattrapée en courant.
— Écoute je suis désolé, j'ai juste, argh, détesté quand je vous ai vus et genre t'as dit que t'avais été à fond et je me suis dit que t'avais été sûrement amoureuse de lui et te voir sourire comme si de rien était avec lui tout à l'heure, ça m'a foutu les boules. Et genre, le timing qui fait que tu me rencontres peut-être après ou pendant que t'étais sur lui l'année dernière, ça m'a fait peur.
Ina comprend.
— Moi, j'ai eu l'impression que t'étais trop sur l'offensive et que tu me reprochais pleins de choses. Je sais que je fais pareil en te reprochant des choses avec ton ex mais tu dois comprendre que c'est parce que t'es encore proche d'elle. Et ça m'a tellement blessée de te voir douter de moi. Surtout que j'ai jamais douté du fait que j'étais amoureuse de toi sincèrement et... fin on s'est compris, ça m'a mise sur la défensive.
Peut-être qu'au fond, ils avaient besoin de ça. De se dire des mots crus, en vrac, bruts. De s'expliquer dans l'optique de réparer les choses qui ne vont pas.
— Je suis désolé Ina, lâche Edgar en s'approchant de sa petite-amie.
La brune lui prend la main. Elle ne lui en veut plus. Elle ne s'en veut plus. Elle est rassurée et en même temps tellement épuisée d'avoir été fâchée avec lui.
— On y va ?
Et il la raccompagne chez elle, main dans la main.
nda:
(elo re en PLS)
voilà deux chapitres pour vous aujourd'hui pfiouu
le moment du début djsjdhs vas-y je les aime trop; un peu de samuel pour les pro-samuel et hop, la dispute, vous en pensez quoi vous?
encore merci de me lire <3
elo
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