11 | des secondes et des potes
EDGAR EST ASSIS EN TAILLEUR, avec Jul sur les cuisses. Son chat fait des siennes et Ina n'arrive pas à se concentrer. Ils ont besoin de se parler, de clarifier certaines choses et de s'expliquer.
— Tu commences, lance la brune en croisant son regard.
— Tu vas m'écouter ?
— Oui, affirme-t-elle sans savoir quoi ajouter.
Le fait est que s'ils se sont embrouillés, c'est plus la faute d'Ina qu'Edgar. Il n'a pas fait grand chose mais a tout de même agi de manière irritante. Ça a énervé la brune, trop à distance.
— Il s'est rien passé au festival du tout. OK sur les snaps de Julie on aurait dit que j'avais passé toute ma soirée seule avec Pénélope, mais le truc c'est qu'elle était bourrée et que personne voulait l'aider.
— Donc, toi, tu l'as aidée...
Le dire fait un peu mal à Ina. L'idée même qu'il puisse lui offrir encore de l'attention l'effraie.
— Je l'ai juste surveillée, Ina.
Elle hoche la tête, muette. Durant l'été, le soir du festival, Ina se souvient parfaitement des stories de Julie. On y voyait le groupe d'amis réunis puis, toujours à part, Edgar et Pénélope assis plus loin. La légende « on tient la chandelle » a fait beaucoup de mal à Ina. En silence, dans son lit, ce soir-là, elle a un peu perdu de sa confiance en soi.
— Et puis Julie est conne parfois putain, ajoute son petit-ami.
Ina l'examine, le contemple. Il a de terribles beaux yeux. Edgar l'attire tellement.
— Je te jure qu'il s'est rien passé. Et si tu veux savoir ce qu'on s'est dit pendant nos discussions, je peux tout te dire, assure-t-il.
Elle lui fait confiance, mais tout de même ça l'a faite souffrir.
— Est-ce que tu peux juste éviter de t'afficher avec elle devant moi. Ça m'éviterait beaucoup de peine pour rien, répond-elle finalement en essayant de calmer son cœur.
Il lui prend la main, chasse Jules César et se rapproche d'Ina.
— Désolé, j'ai pas été assez compréhensif sur ce coup-là.
— Désolée aussi, j'en ai fait des caisses, murmure-t-elle en fondant dans ses bras.
— T'es sûre que tu veux pas entendre mon histoire avec Pénélope ? On en a jamais parlé.
Pas aujourd'hui. Ina n'est toujours pas prête. Elle n'a vraiment pas envie d'imaginer Edgar en train de concrètement embrasser, partager des moments avec cette fille. Ça l'écœure presque.
— Non, ça ira.
Pour montrer qu'elle arrête de lui faire la gueule, elle l'embrasse. Ce sont leurs retrouvailles après tout. Il joue avec ses cheveux, pendant qu'elle passe ses mains sous son t-shirt. Il lui a trop manqué.
— On a survécu l'été, remarque-t-il avant de la rembrasser.
— Ouais, murmure-t-elle avant de répondre à son baiser.
***
EN RENTRANT CHEZ ELLE, ce soir-là, Ina salue à peine son père. Ils sont désormais seuls tous les deux dans ce grand appartement.
Elle est toujours sur son téléphone quand ils mangent et parfois, il lui donne quelques nouvelles d'Ingrid.
— Tu vas prendre la chambre de ta sœur ? demande-t-il en débarrassant la table.
Elle acquiesce.
— Ne pars pas tout de suite Ina, j'ai quelque chose à t'annoncer.
La dernière fois qu'il lui a annoncé quelque chose, c'était pour lui dire qu'il allait quitter sa femme en hiver.
— J'ai des devoirs, répond-elle sèchement.
— C'est important.
La table nettoyée, il revient et lui tend une photo. Elle y voit une jeune femme à la peau laiteuse, aux taches de rousseur magnifiques. Elle est sublime.
— Voici Daphné.
— C'est celle avec qui tu couches, marmonne-t-elle avec un ton acerbe.
Ezéchiel déglutit.
— Oui, c'est la femme de ma vie.
Ses mots la blessent. Son père ressemble à un gamin. Elle le hait tellement que ça lui fait mal maintenant. Elle anticipe rapidement ce qui va arriver.
— Tu veux que je la rencontre c'est ça ? Et après que tu te maries avec elle ? Puis que j'accepte qu'elle devienne ma belle-mère ? Non, papa.
Elle regrette immédiatement de l'avoir appelé « papa ». Ça la bouffe.
— Daphné veut vraiment te rencontrer. Elle a vu Ingrid un peu avant que ta sœur déménage et...
Cette nouvelle choque Ina. Sa grande sœur l'a vue ?
— Tu peux continuer à faire tes erreurs. Ça ne m'affecte plus, le coupe-t-elle en sortant de table.
Et elle le trucide du regard.
Ina sait très bien qu'elle se comporte comme une adolescente malpolie et mal élevée. Mais c'est la goutte de trop. L'ultime trahison.
De retour dans sa chambre, elle est éprise d'une colère monstre. Ça fait quoi ? Moins d'un an qu'ils ont divorcé ? Et déjà, il compte rendre son idylle grotesque officiel ? Elle en veut à cette femme également. Cette Daphné. De quel droit peut-elle briser une famille mariée avec des enfants pour finalement essayer d'en rencontrer après avoir tout détruit ? Bien sûr que son père est le plus gros connard de l'histoire. Mais tout de même, elle les déteste affreusement.
Dans son lit, elle appelle Ingrid.
— T'as vu la pute de papa ? crie Ina au téléphone lorsque celle-ci se décroche.
Ina n'aime pas utiliser les termes de ce genre. C'est péjoratif alors que les prostitués ne méritent pas ça. Mais sur le coup de la colère, elle a besoin d'injures.
— Bonsoir Ina, moi aussi je suis contente de prendre de tes nouvelles, répond sa sœur sarcastiquement.
— Ingrid, réponds-moi.
C'est trop dramatique pour son cœur.
— Oui, j'ai rencontré Daphné, pourquoi ?
— T'aurais pu m'en parler.
— Je sais.
Silence, les deux sœurs sont trop loin l'une de l'autre à présent.
— Je voulais juste voir si c'était quelqu'un de bien ou pas, pour papa, vu que je suis loin maintenant.
— Et maman ? lance Ina, la voix tremblotante.
— Et quoi maman ?
— Tu penses que ça lui ferait plaisir de savoir que sa fille aînée est allée passer du temps avec cette poufiasse qui a ruiné notre famille ?
— Ina...
Super, elle pleure de rage maintenant.
— Ce sont leurs problèmes, leur histoire d'amour ratée. On est juste spectateurs nous, OK ?
Ina raccroche après quelques minutes de silence. Elle sait que sa sœur a raison, mais parfois, elle ne comprend pas comment son père a pu être aussi égoïste. L'atmosphère à la maison l'étouffe. Avant, quand Ingrid était encore là, elle pouvait se confier et faire sa vie. Désormais, il ne reste plus qu'elle et lui.
***
MÉLISSA ET INA SE RACONTENT leurs étés dans la cour. Toutes les deux en couple, elles n'ont pas pécho mais Ina a partagé ses expériences de colo.
— T'es un peu pâle, remarque Mél' en lui tapotant le front.
— C'est rien, rassure-t-elle simplement.
Elle n'a pas trop envie de parler de ses problèmes familiaux avec Mélissa. Elle veut à tout prix se changer les idées maintenant.
— Alors la S ? interroge la brune.
— M'en parle pas.
Ina grimace, Mélissa a l'air déjà exténuée.
— T'as vu les nouveaux secondes ? demande cette fois Mél'.
— Non, répond Ina.
— Elles sont hyper fraîches.
Ina regarde dans la cour, cherche des têtes inconnues du regard. Elle repère ces filles « hyper fraîches ».
— Elles font un peu douze ans.
— C'est parce qu'elles sont petites.
Elle jette ensuite un coup d'œil aux Terminales qui les regardent comme si c'était des perles rares.
— Je parie cinq euros que Louis Vidal va pécho la blonde, lance Mélissa.
— Cinq balles qu'elle va le recale net. Il est beau mais qu'est-ce qu'il est beauf.
— Arrête c'est le bad boy du lycée, se moque Mél'.
— On parle de Louis ? s'ajoute Mathilde.
Ina acquiesce.
— Mais tu l'as pécho toi non ? se rappelle soudainement Mélissa.
— Une erreur de ma part. Les Terminales de l'année dernière étaient beaucoup plus beaux, je me suis trompée de cible, et de toute façon, maintenant j'aime aussi les meufs, soupire la blonde.
Ina approuve. Sur le coup, à part Edgar, elle trouve les 99 un peu fades après avoir vu les 98 au lycée. Sinon, pour la sexualité de Mathilde, Ina a beaucoup échangé avec elle l'été par messages et l'a conseillée de pécho la fille qu'elle trouvait jolie sur la plage en Bretagne. Ça a marché deux semaines avant que Mathilde ne se lasse.
— Ils restent mignons quand même les mecs en seconde. Genre lui, regarde, il a archi du potentiel. Dès qu'il grandit, je le pécho, remarques-en plus Mathilde.
Cette discussion amuse Ina. Ça la divertit. C'est vrai que voir plus petits que soi au lycée donne un goût particulier à l'expérience. Ressemblait-elle à ça l'année dernière, sortie tout droit du collège ? Le brevet ressemble à une sacrée blague maintenant.
— N'empêche, t'as pécho le gros lot toi, ajoute Mathilde en direction d'Ina.
— Hein ?
— Bah, Edgar, c'est vraiment le plus beau des 99 du lycée. Il va avoir du succès. C'est un peu le Samuel de cette année.
Ina a envie de s'étouffer de rire. Dans une phrase, Mathilde a placé innocemment les noms des deux mecs qui ont marqué son cœur.
— T'es toujours là pour la faire douter toi, se plaint Mél' en donnant une bourrade à la blonde.
— Non non t'inquiète, rassure Ina.
Ça fait neuf mois qu'ils sont ensemble. Il est temps d'arrêter de douter, surtout après cet été, et de prendre confiance en elle.
***
THÉODORE, INA ET UNE FILLE NOMMÉE FLORENCE sont ensemble pour le TPE. Florence a l'air studieuse et n'a fait que donner des idées pertinentes. En matières, la classe de L a Histoire et Anglais.
Ils se sont mis d'accord sur leur sujet : la lutte des Afro-Américains. Leur professeur d'histoire en charge de les guider trouve le sujet vu et revu, mais avec une bonne problématique, ils peuvent faire la différence.
— Chacun essaye de trouver une problématique pour la semaine pro. Je vise 20 au TPE, annonce Florence.
Ina observe la grande rousse prendre tout en note. Elle doit être super forte en cours. Théodore et elle ont trouvé la bonne personne. Les trois sortent du cours de TPE un peu plus légers et moins stressés.
— Tu le trouves comment le lycée pour l'instant ? demande Théodore.
Florence est l'une des deux jumelles. L'autre s'appelle Cassiopée et s'est mise avec deux filles qu'Ina ne connaît pas.
— Pas trop dégueu, affirme-t-elle.
— J'aime bien ta veste, avoue Ina en la trouvant originale avec toutes les taches de peinture.
Flo' lui décoche un sourire resplendissant.
— Oh, merci, je fais de la couture. Mon rêve, c'est le stylisme tout ça.
Ina acquiesce.
— Je peux te faire un bandana si tu veux, propose Florence.
La brune touchée, accepte son offre.
— Il t'ira comme un gant.
— Et moi ? boude Théodore.
Les deux filles se tournent vers lui.
Ina trouve ce trio attachant.
— Si tu veux je t'offrirai une part de gâteau.
Florence lui rappelle un peu Élise, dans sa façon excentrique de parler. Mais elle l'aime bien au premier abord, elle a l'air chouette. Ina n'a pas envie de se braquer quand elle lui parle.
— J'aime bien nos profs sinon, à part le prof d'histoire, raconte Florence.
— Ah sheitan ! Comment peux-tu dire ça devant Ina, l'élève de ses rêves ! se moque Théo'.
Ina lève les yeux au ciel.
— On mange ensemble ce midi ? propose cette fois la brune.
Mélissa mange une demi-heure plus tard.
— Grave, acceptent les deux en souriant.
***
INA EST SURPRISE quand Edgar s'assoit à leur table.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle après qu'il ait déposé un smack sur la joue de sa petite amie.
— Je mange avec toi. Avec vous, plutôt. Moi, c'est Edgar.
Les nouveaux amis d'Ina se présentent. Au lycée, on sait très bien qui est Edgar, mais discuter avec lui paraît moins évident.
— Y a des secondes qui vous fixent, remarque Florence.
Ina boit son verre d'eau tranquillement. Elle s'en contrefiche.
— Ils ont besoin de savoir qui est en couple avec qui, pour avoir des repères, se convainc Théodore.
— Y a des secondes qui ont demandé mon snap à des potes, raconte alors Edgar.
Ina, cette fois-ci arrête de boire son verre d'eau et se tourne vers son petit ami.
— Ah oui ?
Il a son rictus amusé qu'il montre que quand elle hausse un sourcil sur deux.
— Et oui...
Elle lui sourit. Ils se taquinent.
— Ah les gens en couple, vous me donnez envie de vomir, crache Florence.
Ina et Edgar rient pendant que Théodore attend sûrement l'arrivée de sa bien-aimée. Ses amis lui font oublier tous ses soucis.
— Salut les tchoins, lance Mathilde en s'asseyant à leur table.
Elle-même en S et dans la classe de Mélissa, sa présence indique que la brune va vite arriver.
— T'es qui toi ? demande Florence.
— Mathilde, tu peux m'appeler Math'. Et toi ?
— Florence, tu peux m'appeler Flo'.
Sans attendre, Ina voit l'atmosphère devenir plus électrique. Pas dans le sens conflictuel, mais « hot ». Les deux filles se bouffent littéralement du regard.
— OK, j'ai cours moi, annonce Edgar en vérifiant l'heure.
— Tu m'attends ce soir ? demande Ina.
— Comme d'hab, assure le brun en lui déposant un baiser sur le front.
— Oublie pas d'envoyer tes snaps flammes aux secondes hein, le taquine-t-elle.
— J'ai déjà le cœur jaune, réplique-t-il en se relevant pour déposer son plateau.
Elle aimerait lui faire un croche-patte mais Mélissa arrive, à bout de souffle.
— Les gars, c'est énorme, Louis Vidal a essayé de tchacher une seconde qui s'appelle Adèle sur instagram hier soir. Elle l'a recale sale.
La table entière fixe la dénommée Adèle, blonde très jolie en seconde assise plus loin. Ina, fière d'elle, annonce :
— Bon bah Mél', tu me dois cinq balles.
nda: chapitre plus léger vers sa fin que son début, en tout cas, ina est bien en première et j'espère que l'histoire vous plaît!
que pensez-vous de cette nouvelle bande de potes, d'edgar? et d'ina! je vous avoue que j'ai énormément envie de parler de la psychologie de certains persos avec vous, en profondeur, et je pense qu'en commentaires, ça peut se faire, donc n'hésitez pas à me donner votre avis sur les personnages et l'histoire <3
merci de me lire & je vais vous avouer que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce chapitre aha
elo
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