TROIS : "Oups"

Je me réveillai en sursaut, haletante et des sueurs froides perlant sur mon front.

C'était quoi ce rêve ? pensai-je, incrédule.

Au-delà d'un sentiment d'incompréhension, une sensation d'immense tristesse et de trahison s'éprit de moi, sans même que j'en comprenne l'origine. C'était frustrant...

Je n'en revenais toujours pas du rêve que je venais de faire...ou devrais-je dire cauchemar ! pensai-je avec sarcasme. Pourtant il n'y avait clairement pas de quoi en rire d'une quelque manière que ce soit. Jamais je ne m'étais sentie aussi déchirée intérieurement qu'à ce moment même, suite à ce rêve. Ce que j'avais vu était tellement insensé...et pourtant était paru si réel ! Tel un souvenir... On aurait dit une autre époque, un autre siècle et pourtant j'y étais bel est bien présente plus jeune, entourée des mêmes personnages que j'avais déjà rencontré à ce jour et dont j'avais la certitude d'avoir fait la connaissance depuis peu, tel que : Marcus, Caï...

– Attendez...

Je n'en étais même plus sûre. Au fur et à mesure que je tentais de me rappeler de ce rêve, les éléments m'échappaient...comme s'ils se mettaient en miette, se réduisaient en poussière. Toutes les images s'effaçaient petit à petit...de celle de mon père m'intimidant de me taire, en passant par celle de ma frustration déchargée contre ma robe trop longue, sans oublier celle du mon corps ensanglantée écroulé dans la neige...toutes les images. Seul le dernier regard que mon géniteur m'avait jeté me resta en tête... Mais pour le reste...rien. Il n'y avait rien.

– Non ! m'écriai-je en me jetant en avant, dans une tentative désespérée de rattraper ce souvenir évaporé.

Je retins un juron. Je détestais quand des éléments de mon passé m'échappaient de la sorte !

– Hé ben tu n'es pas du matin, toi ! s'amusa une voix qui m'était familière.

Je redressai vivement mon visage vers la source du bruit et fus surprise de constater que, quasiment en face de moi se trouvait...Matt. Assis sur un lit tout comme moi, il me jetait un regard empreint de tellement de tendresse et reconnaissance que ma sombre humeur s'évapora presqu'aussitôt.

– Matt ! me réjouis-je.

Je m'apprêtais à me jeter dans ses bras quand je m'arrêtai au dernier moment dans mon élan, soudain indécises. Je n'étais pas sûre que cela était le meilleur comportement à adopter.

Matt parut remarquer cette hésitation mais il se contenta de déclarer d'un ton toujours aussi rieur, comme pour détendre l'atmosphère :

– Si veux mon avis, je n'aimerais pas être à la place de ce pauvre bord de lit.

Je suivis alors son regard et me rendit compte que ma poigne avait complètement déformé le bord de lit en ferraille sur lequel j'étais.

Mince. Qu'est-ce qui m'avait pris ? Si je me m'étais déjà à détruire des choses sans m'en rendre compte...

– Ah...ça doit être à cause de...

– Tu n'as pas à te justifier, tu sais, me coupa-t-il.

Cette dernière remarque eut raison de toutes mes hésitations.

– Oh et puis merde ! maugréai-je pour moi-même avant de céder complètement et me jeter dans ses bras.

Je regrettai aussitôt mon geste et voulus me détacher de la carrure étrangement rigide du Matt assis sur le lit...quand il me retint. Alors, seulement à ce moment-là, nous nous détendirent tous les deux. Enlacés l'un contre l'autre, nous profitâmes de cette accolade émotive, savourant chaque seconde comme si c'était la dernière, comme si du jour au lendemain on allait se retrouver séparés pour de bon... Après tout, on ne savait jamais.

Je soufflai un bon coup, soulagée de l'avoir encore, lui. J'avais besoin de sa présence. C'était le seul véritable ami qui me restait...et le seul que j'aurais jamais..., pensai-je en me rappelant la promesse que je m'étais faîtes compte aux relations depuis la mort d'Evan. Je profitais une dernière fois de cette proximité, sachant très bien que sa nouvelle condition de Chasseur de Vampires risquait de nous éloigner plus que jamais, ne serait-ce qu'involontairement.

Nous n'avions besoin d'aucun mot. Chacun comprenait le message qu'il passait à l'autre. Une dernière fois... Cette pensée fit resurgir en moi un sentiment similaire à celui que j'avais eu dans ce rêve...ce sentiment de retour impossible, d'enchaînement d'événements impossibles à échapper et de la souffrance qui allait en suivre, cette souffrance qui...je m'écartai brusquement de Matt.

– Désolé, m'excusai-je en bégayant.

Matt me regarda avec intérêt, soudain soucieux de mon comportement. Il devait bien voir que je n'allais pas bien depuis mon réveil.

– C'est juste...

– ...un cauchemar.

– Oui.

Ce fut la seule réponse que je me sentis capable de donner.

– Manifestement t'as dû y voir quelque chose qui t'as marqué pour être dans cet état...

– Oui, mais rien de bien grave, assurai-je, pressée de changer de sujet.

Je voyais bien que Matt me tendait une perche mais je ne me sentais pas d'humeur à m'engager vers cette voie. Et je ne tenais absolument pas à ce qu'on s'attarde sur mon état de santé alors que lui-même devait tout autant souffrir mentalement et devrait sûrement bénéficier d'un examen médical si...attendez...

Ce n'est qu'à cet instant-là que je pris le temps d'observer minutieusement la pièce dans laquelle nous étions. Mes yeux passèrent des simples murs beiges aux lits en ferraille blancs qui occupaient la pièce, avant de s'attarder sur l'étrange sorte de fil qui reliait le bras de Matt à...une poche remplie d'un liquide étrangement transparent... C'était quoi ce bordel ?

– Attend...comment j'ai atterri ici ? m'ahuris-je.

Je fus sidérée de ne l'avoir remarqué que maintenant mais je semblais bel et bien me trouver dans une sorte d'hôpital. Pourtant, je ne voyais vraiment pas comment j'avais pu finir ici... Je fouillai dans ma mémoire, presque en vain. Le dernier souvenir que j'avais en tête, c'était celui de moi et Matt dans cet hélicoptère, après avoir miraculeusement échappée à Victor Le Hunter et...

– Aucune idée, m'avoua Matt et m'interrompant dans l'enchaînement de mes pensées.

Mais je n'avais pourtant pas pu atterrir ici toute seule ?! pensai-je, encore plus frustrée qu'avant, tandis que mon interlocuteur continuait :

– Je me souviens juste de l'homme qui est venu me chercher alors que ce psychopathe de Vampire s'apprêtait à m'emprisonner... « Marcus », il me semble... Oui, eh bien, une fois arrivée sur les lieux, « Marcus » a ordonné qu'on nous sépare et...il me semble que tu as réagis violemment...et la suite je n'en ai aucune idée. Tout ce que je sais c'est que ça fait un moment déjà que j'occupe cette pièce, alternant phases de demi-conscience d'autre consciente. Et voilà que, pour une fois, à mon réveil je trouve ton lit situé quasiment en face de moi. En même temps, je me demandais combien de temps ils allaient encore continuer à nous mettre à l'écart...

– Quoi ? m'offusquai-je, outré. Moi je me rappelle simplement être montée dans cet hélicoptère, mais après... Tout ce que tu évoques, tout ça...ça ne me dis absolument rien...

Je retins un juron tandis qu'une colère naissante commençait petit à petit à me consumer intérieurement pendant qu'une évidence me venait en tête :

– Ils n'ont quand même pas osé m'effacer la mémoire ?!

Rien qu'en pensant à toutes les pièces manquantes de mon passé qu'on prenait soin de me cacher, ça me restait en travers de la gorge...alors si on se mettait même à me retirer des souvenirs récents...il y avait de quoi me rendre folle de rage !

Ils n'ont pas même pas eu besoin, intervint une voix sur le côté en attirant aussitôt notre attention. Les calmants ont suffi à vous mettre hors d'état de nuire.

C'était une jeune femme blonde vêtue d'une simple blouse blanche et tenant un calepin dans les mains.

– Et vous êtes ? interrogeai-je aussitôt d'un ton venimeux, trop tendue pour faire autrement.

– Pas une menace, tu peux en être sûre.

– Votre visage me dit quelque chose..., commença Matt, songeur.

– Normal, je suis Lana, l'infirmière qui s'occupe de toi, dit-elle à l'intention de celui-ci.

Elle arborait une voix tellement douce que j'en vins à me demander si c'était sincère ou de la simple hypocrisie... J'avais tellement peu l'habitude d'une telle gentillesse dans la voix que ça en devenait déstabilisant.

Vous ? arguai-je, incrédule.

Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais plutôt l'impression que cette femme aurait été utile n'importe où d'autre sauf ici. Tout dans son physique – que ce soit par sa démarche ou même sa taille fine comme une guêpe, voire même ses gestes lents et travaillés – laissait penser qu'elle aurait été dix fois plus dans son élément dans un défilé de mode que dans un hôpital.

Cependant, la jeune femme fit mine de ne pas avoir discerné mon ton légèrement dédaigneux et répondit simplement :

– Oui. Ils ont apparemment jugé que j'étais la plus adepte à m'occuper de cet être qu'ils jugent comme une « menace », dit-elle jetant un regard à la 'menace' en question : Matt.

– Et, vous, non ?

Cette réplique presque provocatrice m'avait échappé mais ça avait été plus fort que moi. Personne ne pouvait passer à côté de la véritable interrogation sous-entendue : « Le considérez-vous comme une menace ? ». Audacieux voire maladroit mais j'étais comme ça. Je tiens toujours à savoir à qui j'ai affaire.

– Est-ce que j'en ai l'air ? répondit l'infirmière avec nonchalance avant de se mettre à faire ce pourquoi elle s'était sans doute rendue dans cette pièce : s'occuper de son patient.

Bonne réponse. Elle savait s'y prendre en tout cas. Cependant, je fus surprise de constater que rien dans son visage ne laissait penser qu'elle mentait. Elle était sincère. Surprenant, pensai-je en l'observant faire son boulot. Elle interrogea doucement Matt sur son état actuel, comme il se sentait...et le dévisageait comme elle aurait regardé n'importe quel humain normal... Eh ben ! Elle n'avait vraiment pas peur de ce Chasseur de Vampires ! Je l'étudiai longuement...jusqu'à ce que la réponse s'impose à moi : il n'y avait qu'une raison possible...

– Ah, vous êtes humaine, c'est pour ça.

Elle arbora un fin sourire en coin.

– Si vous le dîtes.

Dans le mille ! me réjouis-je. Puis je me souvins de la conversation qu'elle avait interrompue, celle qui avait marqué son arrivée dans la pièce.

Munit d'une mini-lampe, elle entreprit d'observer la réaction de l'iris gauche de Matt tandis que j'avançais :

– Vous avez parlé de calmants...mais vous ne nous avez pas plus que ça expliqué la raison notre présence ici... D'ailleurs, où sommes-nous ?

– C'est une très bonne question...parce que si je me souviens bien, aucun Vampire ne devrait se trouver dans cette partie de ce bâtiment..., déclara-t-elle en me jetant un regard qui se voulait à la fois inquisiteur et légèrement amusée par l'ironie de la chose, avant de continuer : ...Mais je suppose que vous êtes une exception puisque votre présence dans cette demeure devait à la base être tenue secrète...et elle l'aurait sans doute été si vous n'aviez pas fait autant de bruits pour attirer l'attention le soir de votre arrivée....

– Vous n'avez pas répondu à ma question, m'impatientai-je.

– Attends, j'y viens ma puce. Je ne peux pas faire trop de choses en même temps voyons.

Je grimaçai à l'entente du surnom qu'elle m'avait donné mais la douceur et naïveté dont était emprunte sa voix me déstabilisai et m'empêchai d'exprimer à haute voix la réprimande que j'allais lui faire à ce sujet. Cela m'empêcha surtout de lui balancer à la figure la pensée qui m'était venue suite à sa dernière phrase : « alors vous servez à quoi dans ce cas ? ». Et heureusement que je me tus. Il n'était pas question que ma mauvaise humeur due à ma nuit agitée gêne notre conversation...pas à ce moment-là, du moins.

Et puis, je devais admettre qu'elle n'avait pas tort. Elle examinait scrupuleusement Matt, réglait les appareils médicaux autour de lui, et ne cessait de gratter le papier du calepin qu'elle avait dans les mains...à croire qu'elle en avant des choses à dire ! Elle semblait manifestement bien occupée. Et, en plus de tout ça, j'attendais d'elle qu'elle réponde à mes questions.

– Vous êtes dans une des demeures du Chef des lieux, Marcus Blackwood, un bâtiment riche en histoire... Je suis contente qu'Il l'ait rénové. Et je peux vous assurer que vous ne risquez rien ici, nous sourit-elle doucement.

Je la scrutai un instant du regard, encore légèrement méfiante et tellement concentrée que je fis à peine attention à sa réponse...puis son expression finit par me convaincre : ce n'était clairement pas une menace. Qui que soit cette femme, qu'elle soit réellement infirmière ou pas, elle ne ferait pas de mal à une mouche. Alors je compris une chose :

– Matt est en sécurité avec vous, murmurai-je si bas que la jeune humaine se sentit obligée de me demander de répéter :

– Pardon ? Je n'ai pas entendu ce que...

– C'est sans importance, la coupai-je en croisant le regard insistant de Matt.

Apparemment il avait tout saisi, lui.

Il entreprit alors de prendre la parole, sans pour autant me quitter des yeux :

– Dites...Lana, c'est ça ? Vous travaillez ici depuis quand ?

...avant me murmurer à mon intention en articulant de manière exagérée pour mieux se faire comprendre : « En es-tu sûre ? ».

– Crois-moi, il vaut sûrement mieux pour toi que tu restes là, lui-répondis-je sans même faire attention à la réponse que donnait la chère infirmière, une réponse assez évasive, comme elle en avait toujours donné.

Perdue, elle se tourna vers moi :

– Quoi ?

– Non, rien, faîtes comme si je n'étais pas là.

Elle allait répliquer quelque chose quand, fatiguée, j'entrepris d'user de la capacité dont j'avais toujours pu faire preuve, aussi loin que je me souvienne : la suggestion. En une fraction de seconde, je me plaçai alors devant elle et fixai son regard de façon à ce qu'elle ne puisse se concentrer sur autre chose que cet échange visuel. Il n'y avait ensuite qu'à jouer de mon charme hypnotique. Il parait que les Vampires en sont naturellement dotés, en plus ! pensai-je avec amusement avant de commencer avec plus de sérieux :

– Madame, vous êtes une jeune femme formidable, vous savez ? ...et si vous nous renseignez immédiatement sur le but précis de notre présence ici ? Je suis sûre que cela jouera forcément en votre faveur...

– Je...

Elle ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois sans qu'un seul mot ne réussisse à franchir sa bouche, et ce, pendant plusieurs secondes durant lesquels je ne la quittai pas une seule fois du regard. Je patientai – non sans efforts – et commençais justement à perdre patience quand elle se décida enfin à articuler :

– ...Je ne peux pas...

Ok. Laisse tomber.

Je me retins de lever les yeux au ciel et entrepris plutôt de lâcher prise. Il n'y avait pas moyen de l'hypnotiser apparemment. Résistante à ma suggestion. Bien sûr ! Exactement ce qu'il me fallait ! ironisai-je intérieurement. Quoi qu'ils lui aient fait pour qu'elle soit aussi docile, ça devait être sacrément efficace compte de tenu de son refus d'obtempérer face à moi. Normalement, je pouvais me montrer extrêmement persuasive en un simple regard appuyé quand j'étais véritablement déterminée, surtout lorsque j'avais affaire à un humain. Et ce, bien avant que j'acquière un statut de Vampire. Donc qu'elle puisse me résister de la sorte !...C'était surprenant ! Un constat s'imposa alors à moi : je ne pourrais rien tirer de cette infirmière. C'est d'ailleurs sans doute justement pour cette raison qu'on l'avait placé là. Docile, douce et obéissante et en plus naïve avec ça !...une femme qui ne ferait rien d'autre que ce à quoi on l'avait formé...et ne pourrait donc rien révéler de compromettant à Matt, celui « qu'ils jugent comme une menace » selon ses dires.

Irritée, je serai des poings et, cette fois, ne me retins pas pour manifester mon exaspération en soufflant. Je perdais juste mon temps ici. Fatiguée, j'allais me retourner, quand...

– Tout ce que je suis en mesure de dire c'est que je devais évaluer la situation de votre ami.

Je m'arrêtai dans ma lancée, prête à lui accorder plus d'attention si elle se révélait plus bavarde.

Mais c'est sans surprise que la suite de sa réplique vint briser tout espoir :

– Mais en ce qui vous concerne...vous n'êtes pas ma patiente alors je n'ai pas plus d'infos...

– Bien sûr ! lâchai-je en levant les yeux au ciel.

Comme si je ne pouvais pas m'y attendre ! Que c'était agaçant ! A peine venais-je de me réveiller que l'on commençait déjà à me mettre à l'écart !

Je commençais vraiment à perdre patience.

– A mon avis vous devriez demander ça à mon supérieur...mais pas tout de suite, se reprit-elle. Monsieur Blackwood est occupé.

– Donc Marcus n'est pas loin ? Ou se trouve-t-il ?

– Aucune idée. Sûrement...

Trop tard. J'avais déjà quitté les lieux. Ok, cette femme ne pouvait rien m'apprendre de plus. Et Matt était en sécurité, alors je pouvais m'éloigner sans problème. Il était temps d'arrêter de vouloir prendre des précautions et de quitter cette pièce. Parce que si j'ai bien compris une chose en échangeant avec cette pauvre innocente, c'est bien celle-là : ici, il fallait que j'aille à la pêche aux infos de moi-même.

~

~

Dès lors que j'eus franchi la porte de la pièce dans laquelle je me trouvais, je fus prise de court par le contraste que le décor des lieux avait avec celui de la pièce que j'occupais. Le bâtiment paraissait si...ancien...et luxueux à la fois. Ça s'opposait complètement à la simplicité de la chambre où je m'étais réveillée. Ici, les murs du couloir arboraient des couleurs brunâtres et étaient supplantés de plusieurs planches de bois qui semblaient parsemés de détails sculptés à la main...Le sol, quant à lui, était un parquet dont l'aspect non-uniforme rappelait son ancienneté, mais dont les reflets scintillants donnaient l'impression qu'il venait tout juste d'être nettoyés. A la fois moderne et ancien. Fascinée, mes yeux suivirent leur chemin tandis que je continuais d'avancer doucement...puis ils se mirent à parcourir le plafond. Ils croisèrent des lustres tout aussi travaillés que le reste des éléments de ce couloir...de véritables chandeliers rappelant tout autant sur l'ancienneté de ces lieux...sauf qu'à la place des bougies se trouvaient des ampoules. Ces dernières renvoyaient étrangement une luminosité exactement similaire à celle qu'elle aurait eue si ça avait bien été des bougies à leurs places. Ils ont le souci du détail ! songeai-je, captivée. Bientôt je croiserais sans surprise de magnifiques meubles sculptés sur mesure en ébène ou même en marbre...

Ce décor... Ce changement radical m'avait réellement marqué. C'était tout un autre monde, une autre atmosphère. Jamais en me réveillant dans cette simple pièce je ne pensais me trouver dans un monument pareil... « Une demeure riche en histoire », avait-elle dit. Je comprenais mieux les termes de cette infirmière, à présent.

Je préférais largement ce décor. Il avait quelque chose de rassurant, apaisant...familier, en fait. Je me sentais dans mon élément.

Pourtant, les conditions dans lesquels je m'étais réveillée ce matin avaient de quoi me rendre plus que méfiante. Apparemment, on avait veillé à ce que je n'ai pas accès à certaines informations, alors même que je détestais ça. Il y avait de quoi éveiller mes soupçons.

Un bruit me tira brusquement de mes pensées. Quelqu'un approchait...beaucoup trop vite. Prise de court, je cherchai vivement du regard une cachette...en vain. Il faut que tu te caches, vite ! m'intima une voix dans ma tête qui me poussa à avancer en pressant le pas, au risque de croiser une autre personne indésirable en face de moi. Ils approchent ! Les pas approchent !

Heureusement, j'arrivai à me dissimuler juste à temps à l'angle d'une intersection mais ça s'était joué de peu. C'est rassurée que j'observai l'individu que je fuyais passer devant moi. C'était un homme aux cheveux brun sombre portant un long manteau en cuir, tellement long qu'il menaçait de traîner par terre et ainsi faire office de serpillière mobile. Ce fut la seule chose que je retins de lui, la seule qui m'eut assez marquée pour que j'en tienne compte malgré sa vitesse de déplacement qui manquait de peu de dépasser celle d'un être un humain normal. Ça, et le fait qu'il soit entrée dans la seule pièce dont la porte de marbre sculpté était légèrement plus petite que les autres. Un Vampire...à voir sa vitesse de déplacement il n'y avait aucun doute... Mais que pouvait-il bien y avoir de si urgent ?! Et que pouvait comporter cette pièce qu'il venait de pénétrer ?

Mais je n'eus pas le temps de m'attarder sur cet élément car des voix attirèrent mon attention...et pas n'importe laquelle...

Marcus...

Sa voix provenait de la pièce juste à ma gauche, celle contre laquelle je m'étais inconsciemment agrippée sous le feu de l'action. Je me retournai pour voir qu'en faîte, ma « cachette » ouvrait sur un autre couloir qui contenait deux portes à portée de vue...dont une seule – la plus proche – semblait donner sur une pièce occupée. Je m'approchai alors des deux gros battants de la porte concernée afin de mieux capter la conversation. La pièce était sacrément bien isolée, c'est à peine si j'arrivais à discerner autre chose que des sons camouflés, et pourtant en m'approchant de plus en plus de la commissure qui séparait les deux battants de celle-ci, je réussis à intercepter quelques mots...

« Vampires »...« votre fille »...« souvenirs »...« Victor ».

Ce dernier mot attisa mon intérêt pour ce qui semblait être une conversation mitigée. Soit ils étaient plusieurs à débattre dans cette pièce, soit Marcus discutait avec quelqu'un de vachement agité, voire insolent. Personnellement, connaissant l'aura intimidant que dégageait ce Blackwood, j'optais pour la première option. Je n'avais pas besoin de creuser dans ma mémoire pour savoir qu'il fallait être bien téméraire pour pouvoir oser tenir tête à Marcus en enchaînant les répliques de la sorte, sans pour autant prendre en compte les siennes. J'arrivai à discerner d'autres mots : « inapproprié » me parvient l'oreille, puis...« pacte ?! ». Celui-ci avait été prononcé d'un ton ahuri, apparemment l'individu n'en revenait pas de ce qu'on avait bien pu lui dire. Face au bruit de fond que j'entendis par la suite, je devinai que l'individu qui avait répété cela s'était levé de sa chaise, l'intérêt soudain à son comble.

Eh bien nous étions deux. J'étais curieuse de savoir ce que Le Grand Balckwood allait bien pouvoir répondre à cela. La vérité ? Ou allait-il rester vague ?

Avide d'informations, je collai littéralement mon oreille contre le point stratégique que j'avais réussi à dénicher. Cependant, le niveau de voix avait augmenté et ce ne fut qu'un tas de brouhaha qui parvint à mon oreille. Je ne compris rien des mots qui suivirent mais je finis par discerner clairement la voix intimidante de Marcus, qui intimait sûrement l'intervenant de se rasseoir de ce pas. Les voix s'apaisèrent et mon attention s'accrut. Désormais mieux placée, plus d'éléments me parvenaient. Plus je me concentrais et plus les phrases prenaient du sens...j'eus même droit à des fragments de phrases, cette fois, et non des simples mots isolés.

« ...concernant cette... de Rebecca et...comportement imprévu compte tenu de...non ? » déclara une voix qui m'était inconnu. Puis une autre questionna à son tour : « nouvelle condition...si...Chasseurs de Vampires...problématique, il me semble... ». J'attendais la fameuse intervention de Marcus, mais elle ne venait toujours pas. Alors je m'impatientais. Et je n'étais pas là seule si j'en crois les paroles d'une autre personne de la pièce : « Alors ?... », interrogea-t-elle.

Puis les voix s'éteignirent brusquement, presque toutes en même temps. Surprise, je me collai d'autant plus à la porte...avant qu'une sonnette d'alarme se mette en marche dans ma tête et mette mes sens en alerte. Danger, évoquait-elle. Et pour cause : ce n'était clairement pas normal ! A peine eus-je pensé ça que, la seconde d'après, je commençais à écarter mon oreille de la porte...et c'est à ce moment-là que celle-ci se décida à s'ouvrir brusquement devant moi.

– Alors comme ça, on a toujours autant l'habitude d'écouter aux portes, 'Becca ? fit une voix que je connaissais que trop bien, me figeant sur place.

Prise en flagrant délit, je fus incapable de prononcer un mot. J'eus simplement le cran de relever mes yeux vers mon interlocuteur...

Marcus.

Il se tenait là, droit et stoïque à une dizaine de mètres devant moi... C'est alors que je remarquai l'espèce « d'assemblée » qui se tenait en demi-cercle autour de lui dans cette pièce. Mais j'eus à peine le temps de m'attarder sur eux que mon interlocuteur se retrouva brusquement devant moi, à moins de deux mètres d'écart.

Oh-oh.

Je grimaçai. Pourquoi j'avais l'impression d'avoir fait la pire chose au monde ? Je voyais bien à l'expression du Grand Blackwood que ce comportement ne lui plaisait pas du tout. Et je n'avais pas besoin de jeter un œil autour de moi pour sentir les regards insistants et scrupuleux des personnes présentent dans la pièce.

Manifestement je venais d'interrompre une réunion qui était des plus confidentielles.

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