Chapitre 3 : Le Boulet

Le temps de permettre à Darius de se rhabiller -si je n'avais pas insisté, il serait parti en serviette, le bougre-, je lui résumais la situation.

J'avais été appelé par le père de Viktor Velvet, fou d'inquiétude pour son fils, mais aussi pour sa femme. Il m'avait demandé de prendre la place de son épouse pour donner la rançon, à l'insu de tous, même des policiers en charge de l'affaire. Comme je devais une faveur à Velvet, j'avais accepté, en en faisant une mission personnelle et non professionnelle. Résultat des courses ? La situation avait empiré.

-Aucune idée de qui peut être derrière tout cela ? Demanda Trivari en remontant la braguette de son pantalon.

-Aucune. Dis-moi, tu as l'intention de mettre un t-shirt, n'est-ce pas ?

-Et comment je ferai avec ça ? Fit-il en lui désignant les menottes. Non, je resterai torse nu. Ce sera une excentricité des plus discrètes pour Constance Trivari, ne t'en fais pas.

-J'espère que personne ne me regardera, dans ce cas, soupirai-je. Je n'ai aucune envie d’être cataloguée comme ta nouvelle conquête.

-Ancienne conquête. Mais ça, ils n'ont pas à le savoir...

Il consulta la montre rouge à son poignet libre, avant de hocher la tête.

-Parfait ! Nous pouvons y aller.

Grâce à l'unité de transfert, nous nous retrouvâmes en un clin d’œil dans le hall d'entrée de l'immeuble, celui-là même où se tenait toujours la fête de Trivari. La nuit était à peine avancée, et nous pouvions entendre le charivari des invités jusqu'ici. D'ailleurs, en prenant un ascenseur d'un doré aveuglant, nous croisâmes trois d'entre eux. Toujours en mariées, ils et elles chancelaient sur les talons hauts. Ils poussèrent des cris en reconnaissant leur hôte, dont le sourire se fit éclatant. Ils échangèrent quelques mots brefs en raison de l'état d’ébriété des invités, tout à fait inintéressants.

Louer un appartement dans cet immeuble devait coûter une petite fortune. Or, celui où j'avais été emmené ne portait aucune marque d'effraction. Soit les kidnappeurs connaissaient les codes, soit ils avaient signé le contrat de location.

En arrivant sur place, il n'y avait plus personne. Pas même les deux hommes que j'avais laissé inconscients. Il y avait une légère trace de sang, la chaise et le trou dans le sol. C'était là les seules traces de vie. Même les bouteilles de bière avaient disparu.

-Ce sont des professionnels, lança Darius.

-Perspicace, Constance.

-Oh, ça va ! Ne me m'appelles pas ainsi !

-Bon sang ! On a pas le temps pour ça ! Criai-je en donnant un coup de pied dans la chaise. Viktor doit être terrifié, quelque part sur cette maudite planète ! Si je retrouve ces soiffards, je leur ferai regretter leur naissance !

L’électricité crépitait sur mes paumes, signal alarmant d'une perte de contrôle. Déjà, les lumières autour de nous flanchaient, l'hologramme télévisé crépitait, menaçant d'exploser. Je devais me calmer. Me calmer... J'avais déjà eu des problèmes à cause de mon nouveau don. Cela c'était soldé par un implant dans la cuisse pour gérer les influx, et une peau insensible aux décharges électriques de haute intensité. En réalité, elle était aussi synthétique que celle de l'avant-bras de Trivari. Me calmer... Je devais me...

Une main me percuta les fesses, me faisant écarquiller les yeux de stupeurs. Darius haussa un sourcil, l'air tout à fait sérieux.

-Ça y est ? C'est fini ?

-Espèce de...

Je lui aurai mis ma main dans figure, si une fléchette ne s'était pas plantée dans mon bras. Aussitôt, une violente douleur se propagea le long de mes nerfs, explosa en une souffrance qui me mit à genoux. Haletante, des étoiles dansant devant mes yeux, je découvris trois hommes. Dont l'un avait un pistolet à la main, avec l'air fort satisfait.

-Alix Arsor... Avec Constance Trivari ! Joli costume, mon beau... Tu as mis combien de temps, pour te faire de fausses cicatrices ?

-Et toi ? Oh désolé... Ta tête est de naissance.

Le boulet... Songeai-je en plissant les paupières, cherchant à focaliser mon regard. Toutefois j'entendis nettement le bruit du pistolet, celui de la fléchette se plantant dans le corps de Trivari. Aussitôt, il poussa un couinement de douleur et... et l'arracha avec un ricanement.

-Ce n'est pas une arme, ça. Ça, c'est une arme.

Vif, il sortit de derrière son dos un laser, prenant par surprise l'ennemi. Il atteignit le premier à la rotule, le deuxième dans le crane. Le dernier eut le temps de s'enfuir, néanmoins Darius ne le prit pas en chasse. Moi, en attendant, je le regardais avec des yeux ronds. Il ôta la fléchette de mon avant-bras, me libérant de la douleur. Mes forces revenues, je bondis sur mes pieds... et électrocutais l'homme toujours conscient. Aussitôt, je vis la chaise bouger non loin de moi.

-Utilise la télékinésie et je t'ouvre la gorge, cinglai-je, en tirant un couteau de ma ceinture.

-Ouuuh... Un autre Spirit ? Demanda Trivari, à moitié penché sur nous.

-Un rebelle, sifflai-je.

-C'est toi, la garce ! Tu es une...

Une fléchette se planta dans le bras de l'homme, qui hurla de douleur. Surprise, je levais les yeux sur mon boulet. Il retirait calmement les projectiles plantés dans son bras, sans paraître ressentir la moindre gène.

-Quoi ?

-Tu... Enfin... Bref. Toi ! Dis nous où est Viktor Velvet !

Je lui retirai la fléchette, ce qui lui permit de prendre une profonde inspiration.

-Je ne dirais rien !

-Darius.

Même si je n'étais pas certaine de ses capacités avec un couteau, je lui tendis ma lame. Calmement, je descendis mes lunettes de soudeur sur mon nez. A la vue des arcs électriques, il eut un mouvement de recule.

-Réponds. Où se trouve Viktor Velvet ?

-En lieu sûr !

Ma main sur sa peau, je lui envoyai une décharge suffisamment puissante pour égaler les effets de la fléchette.

-Alors ?

-Va te faire...

La lame de mon poignard, plantée en plein dans sa cuisse, lui coupa la parole. Il hurla de douleur, se roula en boule, la bouche ouverte telle celle d'une carpe.

-Viktor, articulai-je, en séparant chacune de mes syllabes.

-Nice ! Il est à Nice !

-Où ça !?

-Le Negresco ! Il est au Negresco !

-Alix !

Darius m'attrapa à bras le corps, pour me jeter hors de la pièce. La seconde suivante, une explosion ébranla l'immeuble, m'écorchant les tympans. Le poids de Darius sur moi me protégeait des flammes qui jaillirent par la porte. Soudain, je n'entendis plus qu'un sifflement, une épaisse poussière retombant tout autour de nous.

Sonnée, je vis des silhouettes se profiler dans la fumée, des fusils au poings. Je voulus me remettre sur pieds pour aider Darius, mais il fut le plus rapide. Il m'attrapa par le dos de ma combinaison, me mettant debout de force. Sans ralentir, je courus vers le trou dans le sol, grâce auquel nous pourrions nous enfuir. Je n'entendais pas les tirs autour de nous, mais les murs crépitèrent, du plâtre nous tomba dessus. Puis nous passâmes au travers du plancher.

Ma réception fut moins délicate que tout à l'heure. Dans un roulé boulé provoquant celui de Darius, je me retrouvais au milieu des convives en robe de mariée, désormais complètement éméchés. Ils éclatèrent de rire en nous voyant, ne reconnaissant pas leur hôte. Ha, j'avais récupéré mon ouïe.

Mon regard, à peine stable, accrocha des silhouettes qui n'avaient rien à faire ici. En reconnaissant les visages, le mien perdit toutes couleurs. Oh oh...

-Nous sommes cernés, fit Darius.

-Exact. Enlève ces menottes, que tu puisses avoir la vie sauve.

Il y en avait cinq devant, trois derrière. Maintenant que je les avais identifié, je comprenais un peu mieux la situation. Et les choses n'allaient pas, mais du tout être en notre faveur. Aussi levai-je la tête vers Trivari, dans l'attente d'une réponse. Mais... il était au téléphone !? La main sur son oreille, il avait actionné son téléphone, l'air parfaitement détendu.

-Ha ha... Oui... Bien entendu, tout va bien, mon chat. Juste un peu roussis sur les bords. Et toi ? Oh. Mmh... Très bien.

-Darius ! Explosai-je, faisant sursauter certains ou certaines des mariées. Nous devons...

Sans prévenir, il partit en courant, les doigts rivés aux miens. En alerte, je m'adaptais aussitôt à son rythme, sans pour autant comprendre ce qui ce passait. En le voyant se ruer vers la gigantesque baie vitrée, je tentai de freiner des quatre fers. Cela ne le ralentit pas. Derrière moi, je pouvais entendre les gens hurler, alors qu'une débauche de pouvoirs Spirits hanteraient leurs pires cauchemars. Mauvais, mauvais !

-Il n'y a pas de sortie pas là, Darius !

-Ha ouais ?

Il pointa un pistolet laser -mais c'était le mien!?- sur la vitre en face de nous. Quatre tirs en fragilisèrent la structure... Et il donna un coup magistrale de sa main mécanique. Je n'eus pas le loisir de tout voir s'écrouler dans un torrent de verre, car Darius ne freina pas. A aucun moment.

Incapable de m'échapper à cause des menottes, je me retrouvais à sauter dans le vide. Je hurlais son nom avec une promesse de vengeance, post mortem s'il le fallait !

Mais soudain, le vent ne siffla plus à mes oreilles, le froid ne me fouetta plus les joues. Au lieu de cela, je heurtai de plein fouet un véhicule, me retrouvant bras et jambes emmêlés avec Darius, dont le souffle était coupé par le choc de la réception. Sans prendre le temps de comprendre, je me retrouvai à califourchon sur mon amortisseur personnel. Mon coup de poings le surpris un peu.

-Toi, arrêtes ce véhicule ! Enchaînai-je, en posant ma paume sur l'épaule du conducteur, prête à faire usage de mes pouvoirs.

-Oh, si j'étais toi, j'éviterais d'électrocuter un type aux commandes d'un engin en plein vole.

Effectivement, nous étions au bords d'une des ces véhicules aériens. De part et d'autre d'un corps de voiture décapotable, pour ainsi dire, des hélices positionnées horizontalement tournaient dans un silence remarquable. L'inclinaison de ces pales permettait de le faire avancer plus ou moins vite. Le tout était peint dans un vert éclatant, avec le sceau de la Mécha Entreprise sur le capot.

-Vous êtes qui, pour connaître...

-Oh, chaton !? Tu ne lui as pas dit qui venait à la rescousse ?

-Pas eu le temps, fit l’intéressé, toujours entre mes cuisses.

-Hein ? C'est toi qui l'a fait venir ?

Le coup de fil... Il avait fait venir quelqu'un à ce moment là ? Mais qui ?

L'homme au volant se tourna vers moi, avec un sourire resplendissant, ses yeux bleus reconnaissables entre tous.

-Aaron Cadwall, pour vous servir.

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