Chapitre 2 : Bas Blancs et Talons Aiguilles
J'allais le tuer. Non seulement je n'avais pas prévu de revoir sa sale trogne, mais en plus il avait décidé de compliquer ma vie déjà chaotique. Le cuistre !
-Ne pense même pas à les faire fondre par électricité, fit Darius. Elles ne conduisent pas l'influx.
Mince.
-Dans ce cas, plan B : je t'arrache le bras, fis-je en agrippant son avant-bras de ma main libre.
-Espèce de sale petite...
J'aurais certainement mis ma menace à exécution, si la porte de l'unité de transfert n'avait pas sauter, pour aller s'encastrer dans le mur d'en face. Bouche bée, nous nous tournâmes vers les trois méchas, occupés à nous viser de leurs lasers.
-Cours ! S'exclama Darius, en me tirant en avant.
Les tirs crépitèrent dans l'air, nous frôlant par miracle. Trivari m’entraîna à nouveau à sa suite, connaissant très bien les lieux dans lesquels il nous avait emmené. Un appartement, selon toute vraisemblance. Richement meublé, avec des œuvres d'arts qui sautèrent comme du pop corne dans notre sillage, lasers obligent.
-Qu'est-ce qu'ils te veulent, ces cinglés !?
-A ton avis !?
-Te tuer !
La porte d'entrée s'ouvrit automatiquement devant nous, ce qui nous évita de ralentir. Darius tourna à gauche en sortant, si vite qu'il manqua m'arracher le poignet menotté. Pourtant, je ne me plaignis pas. Nous n'en avions vraiment pas le temps !
Nous remontâmes un couloir d'un rouge sombre, au sol recouvert d'une moquette épaisse. Nous étions toujours dans l'appartement, ou quoi ? Ha non, réalisai-je à l'instant où un robot balayeur passa entre Trivari et moi, me faisant trébucher.
Mince, mince, mince ! Par chance, ou malchance, Darius me prit en poids, sans ralentir sa course. Un agent gouvernemental transportée par une mariée viril... On aura tout vu ! Pourtant, j'enroulais mes jambes autour de sa taille, tout en saisissant mon pistolet de ma main libre.
-Surtout, continue à courir ! Criai-je.
Il passa les bras autour de mes hanches pour me stabiliser, tandis que je visais les méchas. Ils n'étaient qu'à trois mètres de nous, leurs paumes tendues vers nous. Déjà, le cercle de lumière devenait plus intense, signe d'une prochaine salve. Je tirai dans la tête de l'un d'eux, en réalisant une chose : j'en avais déjà éliminé, tout à l'heure. Ils avaient un stock illimité, pour qu'ils se renouvellent à chaque fois !? Qui que soient les personnes responsables de l’enlèvement de Viktor, ils voulaient vraiment ma peau !
J'aurais éliminé un autre mécha, si Darius n'avait pas pris un virage serré, ouvert une porte à la volée... Et sauté.
Un cri de surprise m'écorcha la gorge, mes ongles se plantèrent dans son dos. Autour de nous, une cage d'escalier défilait à toute allure, les paliers devenant confus. L’atterrissage fut moins rude que prévu. Des lumières s'éclairèrent sur notre passage dans la cage d'escalier. Puis un filet aux mailles d'un bleu électrique se déploya, amortissant entièrement le choc.
- Ceci est un dispositif anti-suicide, fit une voix grésillante.
Un hologramme apparut devant nous, image d'une femme en tailleur, tout sourire.
- Nous vous invitons à consulter un psychiatre au plus tôt. Pour une plus grande efficacité du dispositif, un robot-guide vous attendra dans cinq minutes à la porte d'entrée, afin de vous conduire chez le professionnel de santé le plus proche.
-Tu étais au courant ? Lançai-je à Darius.
Nous nous extirpions tant bien que mal du filet, nos poignets toujours liés.
-Évidemment. Tu me vois vraiment sauter de trente étages sans sécurité ?
-Ben... Oui.
Il prit une porte dérobée. Ces dispositifs anti-suicides ne s'enclenchaient qu'à la chaleur humaine. Les méchas, s'ils sautaient des trente étages, exploseraient à l'atterrissage. Ou, si ils étaient bien programmés, ils prendraient les escaliers, nous faisant dans tous les cas gagner du temps. Voir même plus, songeai-je en apercevant les unités de transfert, plongées dans le noir. Accessibles par une porte dérobée ? Ils n'étaient pas ouvert au grand public, normalement !
-Comment...
-J'ai fait construire cet immeuble, râla Darius, en tapant une série de chiffres sur le clavier virtuel. Il serait navrant de ne pas en connaître les secrets.
Sur quoi il me poussa dans l'unité. Toujours individuelle, mais cela ne l’empêcha pas de se coller à moi. Cette fois-ci, je ne protestai pas, malgré mon peu d'envie de le sentir si proche. Un instant avant la dématérialisation, je sentis quelque chose d'humide contre mon flanc. Qu'est-ce que...
… C'est ? Me demandai-je, à l'instant où nous réapparaissions dans un autre caisson, à un autre endroit de la planète. Trivari entra une nouvelle série de codes sur le clavier, certainement pour berner les méchas une fois qu'ils auraient localisé les unités de l'immeuble.
-Darius ! Tu es blessé ! M'exclamai-je, en effleurant le tissu rougie de son bustier.
Peu intéressé, il baissa les yeux sur sa robe de mariée.
-Ça ne doit pas être bien grave, fit-il en quittant la salle de transfert.
De fait, je le suivis, peu désireuse de me faire une nouvelle fois entamer le poignet par la menotte. Oh... En fait, nous n'avions pas quitté Toulon-Sur-Air. Nous étions dans un autre appartement, à la bordure de la ville. En contrebas, je pouvais voir la mer Méditerranée d'un côté, les plaines verdoyantes de l'autre. Cela devait être l'un des plus beau point de vue de la ville.
-Bon, raconte-moi ce qui t'arrive, fit Trivari, en commençant à ôter son corsage.
Un zip était dissimulé sur le coté, lui permettant de l'enlever sans problème. Il se retrouva en jupon sous mes yeux, ce qui me fit ricaner pour un court laps de temps. La blessure à son flanc saignait abondamment.
-Hé, fis-je. Tu as besoin de soins.
-Effectivement, approuva-t-il en finissant de se déshabiller.
Il se retrouva en bas blancs et talons aiguilles, ce qui me fit éclater de rire. Mon Dieu ! Comment un homme aussi viril pouvait-il assumer une telle tenue !?
-C'est ça, ricane, petite peste ! Fit-il en retirant chaussures et bas pour garder son simple boxer. Je ne fais pas ça que pour le plaisir !
-Ha bon ? Gloussai-je, une main autour de mes côtes.
-Non !
Il était vexé ! Contrarié, il m’entraîna sur le canapé du salon, le sang coulant toujours le long de son flanc.
-Si tu m’enlèves ces menottes, je pourrais te soigner.
-Je n'ai pas besoin de ton aide, Alix.
Je restais coite lorsqu'il ôta la peau de son avant-bras, comme s'il s'agissait d'un gant. Pour cause. Il posa le revêtement synthétique sur la table basse, mettant à nu une prothèse biomécanique de dernier cri. Du coude au bout des doigts, tout n'était qu'alliage de métal finement articulé. Une œuvre d'art de la Méchas Entreprise.
-Depuis combien de temps ? Demandai-je.
Il m'adressa un bref coup d’œil.
-Peu de temps après ta disparition. Une bête erreur.
Une bête erreur... C'est cela, oui. Depuis quand une bête erreur faisait perdre son avant-bras à un homme ? Quoique... Je baissais les yeux sur mes mains. Moi-même je n'avais rien à redire sur ses prothèses. Mes pouvoirs de Spirit avaient rendu quelques modifications nécessaires.
Darius appuya sur un minuscule cercle de métal, qui fit sortir un cylindre de son avant bras. Les yeux écarquillés, j'y découvris une araignée bionique, de celles programmées pour soigner les agents de terrain.
-Ça se sent que tu es en accointance avec Aaron Cadwall. Normalement, seul l’État est fourni en ce type de matériel.
-Il est bon d'avoir des relations, approuva-t-il, en déposant le minuscule robot près de sa blessure.
Aussitôt, il fut anesthésié par la piqûre de l'araignée, les bords de la plaies furent rapprochés par ses petites pattes, afin de faciliter la cicatrisation et de stopper le saignement. D'habitude fascinée par le processus, je le perdis de vue en inspectant Trivari.
Des cicatrices, qui n'y étaient pas sept ans plus tôt, recouvraient la jonction entre sa prothèse et sa peau. Des blessures partaient sur ses épaules, son autre flanc était brûlé, ses cuisses portaient des marques de coupures anciennes.
Qu'avait-il donc fait ? Darius, alias Constance Trivari, était un multimilliardaire. Travaillant dans l'agroalimentaire, il avait pris la succession de son père il y avait de cela des années, pour faire devenir son entreprise le monstre économique qu'elle était aujourd'hui. Mais aucune de ses activités ne justifiaient de telles cicatrices.
-Tu es tombé dans le sado-masochisme ?
-Pardon ?
Dans l'intervalle, il avait allumé la télévision murale. Les informations défilaient, alternant entre les images du couple Velvet, livide, et les photos du petit Viktor. Bon sang, où était donc le petit ? Je devais tout reprendre depuis le début.
-Je n'affectionne pas particulièrement ce genre de pratique, rétorqua Darius. Tu veux prendre une douche ?
-Heu...
-Parce que je vais en prendre une.
-De toute façon, avec les menottes, je ne peux pas enlever ma tenue.
Il baissa les yeux sur mon uniforme d'agent gouvernemental, sourcils froncés. Entièrement noir, il était un peut trop moulant à mon goût, mais bon. C'était vraiment pratique pour le combat.
-Tu as perdu des seins.
-La ferme.
*
La main hors de la cabine de douche, pour qu'Alix ne se mouille pas, Darius eut bien du mal à se laver. Tout faire d'une seule main n'était vraiment pas pratique. Néanmoins, il parvint à tout faire sans trop de peine. Il ne se soucia pas même du fait de se retrouver nu, avec elle de l'autre coté du verre.
La main sur son oreille, elle venait d'enclencher un appel grâce à son téléphone-oreillette. Un numéro pré-enregistré, visiblement. Elle était tendue. Sombre, même, en dépit de son rire sur sa tenue de tantôt.
Darius se savonna maladroitement, à l'écoute.
-Oui, je suis en vie. Non, non... C'était bizarre. Ils ont des méchas militaires avec eux. Oui, j'ai pu m'en sortir grâce à... Heu... Un civil.
Pourquoi ne disait-elle pas son nom ?
-Constance Trivari ! Cria-t-il, pour se faire entendre de l'interlocuteur.
Il se fichait bien d’être connu par les supérieurs d'Alix. Bien au contraire. Cela pouvait tourner à son avantage.
-La ferme! Cria-t-elle. Oui, non... Oui, Constance Trivari ! Oui... Oui, il était en robe de mariée. Ce qu'il... Bon sang, tu n'as que ça à penser !?
Un éclat de rire retentissant parvint jusqu'aux oreilles de Darius, déformé par la communication. Qui que ce soit à l'autre bout du fil, il semblait apprécier la situation d'Alix.
-Cherche-moi des informations sur le propriétaire de cet appartement, au lieu de te gausser bêtement. Nous devons retrouver Viktor au plus vite ! Maintenant qu'ils me savent à sa recherche, nous manquons de temps !
Elle coupa sa transmission, avec un soupir énervé. Les dernières traces de sang disparues, Darius sortit de la douche, les sourcils froncés.
-Viktor ? Tu veux dire, Velvet ?
-Oui.... Bon sang, mets un boxer !
-Oh, ça va. Tu as l'habitude de me voir nu.
-C'était il y a sept ans. Les choses ont changés.
-Oh ? Comme le fait que tu sois vivante, peut être ?
Elle le fusilla de ses yeux vairons. Elle n'avait pas changé, elle. Toujours aussi caractérielle, toujours aussi belle. Même avec moins de seins. Ses seins... Leur diminution était un véritable drame. Ils remplissaient jadis si bien ses mains, pourtant...
-Je dois retrouver un petit garçon, Darius. Tu ferais mieux de m’ôter ces stupides menottes.
Il noua une serviette autour de ses hanches, avec un ricanement.
-Tu vas avoir un boulet à tes cotés, ma belle. Je n'ai pas l'intention de te lâcher d'une semelle.
-Enfin ! Je dois absolument retrouver Viktor ! Personne ne sait ce qu'ils sont capables de lui faire ! Relâche-moi, et je reviendrais une fois la mission achevée !
Cette fois-ci, son sourire disparut. Il se tint devant elle, les bras croisés sur son torse musclé. Il n'avait jamais été bodybuildé comme certains acteurs, mais il possédait un corps athlétique. Sinon, comment aurait-il pu enfiler toutes ces tenues ridicules, hein ? Il avait dû assumer un costume de sirène, il y avait deux semaines de cela.
-Chacune de tes missions peuvent te conduire à ta mort, Alix. Tu le sais tout aussi bien que moi.
-Tu ne m'as pas vu depuis sept ans, cingla-t-elle. Tu peux attendre encore un peu, non ?
-Et si je te disais, fit-il en se penchant vers elle avec un sourire machiavélique, que je peux t'aider sur cette enquête ?
Elle plissa les paupières. Son petit nez se fronçait en même temps, signe d'un énervement croissant. Il adorait la voir ainsi. Mais il ne tarderait pas à entendre crépiter l’électricité dans les paumes d'Alix.
-Comment ? Tu ne sais rien de ce qui se passe.
-Vraiment ? Pourtant, tu es un agent gouvernemental, Alix. Tu fais partie de la section d'intervention des Spirits, d'une équipe soudée. Néanmoins, il n'y avait personne pour t'épauler toute à l'heure, en dépit des protocoles d'engagements sur le terrain. Pas de méchas pour une manœuvre d'extraction, pas de Spirit doué de télékinésie pour te tirer de là de toute urgence. Tu n'es pas mandatée par le gouvernement pour retrouver Viktor Velvet.
Son expression devint franchement hostile. Il aurait été judicieux de reculer, mais il se réjouissait trop pour ça. En plus, des arcs électriques passaient d'un doigt à l'autre d'Alix, venant chatouiller les siens.
-Quoi ? Tu me prends toi aussi pour ce crétin fêtard qui collectionne les filles sans cervelles ?
-Comment connais-tu les protocoles de mon unité d'intervention ?
-Je suis un ami d'Aaron Cadwall, je te rappelles. On parle souvent de son passé d'agent, aussi les choses ne doivent-elles pas être différentes pour toi.
-Dans aucun cas tu ne pourras m'aider.
-J'ai risqué ma vie pour t'aider, aujourd'hui. Me faire confiance serais la moindre des choses, non ?
Cette fois-ci, elle détourna le regard, en se mordillant la lèvre. Elle devait savoir. Sans les avantages du gouvernement derrière elle, elle aurait du mal à obtenir les informations nécessaires pour sauver ce petit Viktor. Or, si il y avait une choses qu'un homme riche et influent obtenait facilement, c'était les informations.
-Si tu me trahis, je t'arrache le cœur.
-Rassure-toi, tu l'as fait il y a sept ans.
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