Chapitre 1 : La Mariée Virile
Mon poings fracassa la mâchoire du kidnappeur, tandis que les menottes électroniques finissaient leur parcours dans l'entre-jambe du second. Un bon uppercut envoya le premier sur les roses, me permettant de souffler un peu. L'autre poussait des gémissements aiguës, les mains sur ses parties, roulé en boule sur le sol.
-Alors comme ça, on aime s'en prendre aux petits garçons ? fis-je en posant mon pied sur son torse.
Le visage crispé par la souffrance, il secoua la tête à ma question purement rhétorique. Il me fixait d'un air terrifié, cherchant à comprendre. A comprendre comment Luisa Velvet pouvait être à la fois en direct aux informations, et en même temps en train de lui flanquer une raclée.
Pour lui donner la réponse, j'appuyai sur le bouton à mon poignet. Aussitôt, le bourdonnement du costume holographique disparut, soulageant mon crâne. Bon sang, la Mécha Entreprise avait encore des progrès à faire sur ce joujou. Néanmoins, il était vraiment efficace : ils n'avaient pas vu la différence de physique, de taille ou d'équipement entre moi et la projection. D'une petite mère de famille milliardaire, je passais l'agent de terrain en tenue noire. Collante, d'accord, mais noire, avec le logo de la section d'intervention dans le dos. A ma cuisse était attaché un pistolet laser, à ma taille tout un attirail miniaturisé. Oh, ça, ça ne venait pas de la Mécha Entreprise. Ils développaient plutôt les technologies pacifistes, en dehors des robots de combats. Surtout depuis l'arrivée de Lucie Fram à sa tête.
-Bon, fis-je en pointant mon arme sur lui. Où se trouve Viktor ?
-T'es qui, toi !? S'exclama-t-il, en se dandinant.
-Mmh, ne joue pas à ça, mon gars. Réponds-moi, plutôt.
-Je... J'en sais rien ! On devait juste ramener la mère Velvet, nous !
Sourcils froncés, j'observai la pièce. Vide, hormis les informations holographiques et la chaise sur laquelle on m'avait attaché. La porte, en revanche, était verrouillée par une serrure de haute sécurité, avec reconnaissance rétinienne. Faite pour garder les choses à l’intérieur.
-Dommage pour toi, mon gars.
Mon coup de pied l'atteignit à la tempe, le faisant rejoindre son ami au royaume des inconscients. Sans un regard pour eux, je positionnai mes lunettes de soudeur sur mon nez. Oui, je sais. Pourquoi, au milieu du bijou de technologie qu'était Toulon-Sur-Air, je me retrouvais avec ce truc archaïque ? Simple : afin de protéger mes yeux.
Car le meilleur moyen pour s'évader d'une prison fermée par ce type de serrure, c'était l’électricité. La main posée sur la porte, je savourais l'effet de l'adrénaline courant dans mes veines. Des arcs électriques jaillirent du bout de mes doigts, à un tel voltage que l'acier fondit, grillant au passage le système de fermeture. Le battant s'entrouvrit dans un claquement.
Oui. Être une Spirit avait des avantages, parfois.
L'oreille tendue, je guettai le moindre bruit à l’extérieur. Rien. Pourtant, le combat avait généré beaucoup de bruit. Pour une fois, je regrettais de ne pas porter de lunettes infrarouges. Malheureusement, avec la prolifération de méchas dans les milieux criminels, elles ne me permettraient pas de les repérer.
Sur le pointe des pieds, je me glissai dans le couloir. Ces hommes n'étaient pas seuls. Pour pouvoir atteindre le petit Viktor, ils avaient dû avoir accès à des informations de première main. De plus, ils avaient clairement dit qu'ils devaient juste ramener « la mère Velvet ». Donc...
Un hall d'entrée. Je devais me trouver dans une sorte d'appartement, équipé d'une salle de survie pour paranoïaque milliardaire. Toujours le plus discrètement possible, en dépit de mes rangers de combat, j'atteignis la cuisine. Personne. Le seul signe d'occupation était une bière à moitié vide. Pas de bouteille d'eau dans le frigidaire, par d'alimentation susceptible de sustenter un enfant. Toutes les autres pièces étaient vides. En ressortant du salon, j'eus une très mauvaise impression. Pourquoi ne pas m'avoir conduite directement à Viktor ?
La réponse vint de façon aussi violente qu'inattendue.
Un poings se fracassa contre ma mâchoire, m'envoyant rebondir le mur. A moitié sonnée, la douleur explosant jusque dans mes os, j'eus tout juste la présence d'esprit de me baisser. En entendant le plâtre céder sous la force de l'impact, je me rendis à l'évidence : un robot humanoïde. Je roulai sur le coté, mon pistolet à la main. J'aurais tiré dans le crane du robot, si on ne m'avait pas arraché mon pistolet. Un coup de pied m'atteignit aux cotes, me faisant faire un nouveau roulé-boulé. Un troisième mécha m'attrapa à bras le corps, l'autre pointant sa paume dans ma direction. Au centre, je découvris le cercle iridescent des lasers intégrés.
Des modèles militaires.
Bon sang, ils allaient me tuer !
Mes réflexes prirent le dessus. Je saisis la tête de celui qui me retenait, faisant appel à une grosse partie de mes pouvoirs de Spirit. La peau synthétique fondit sous mes doigts, tandis qu'une lumière aveuglante éclatait dans le couloir. Je retombai avec la souplesse d'un chat, me félicitant d'avoir gardé mes lunettes. Le tir du robot grésilla contre le mur au-dessus moi. Le troisième me fonça dessus, à la vitesse d'un taureau.
Il allait me couper en deux !
Sans avoir le temps de tergiverser, je mis en place la manœuvre d'échappement numéro trois. Ma main plaquée au sol, je fis jaillir des mes doigts un voltage létal pour tout humain. Le plancher trembla sous mes pieds, avant de céder sous la décharge électrique. Le bois, le béton, tout se consuma de manière irréelle, me faisant chuter à l'étage du dessous.
Du dessous... Bon sang, je tombais dans une salle de bal !? Il y avait trois mètres de hauteur de plafond dans ce maudit...
J'atterris sur mes deux pieds, les genoux pliés pour amortir le choc. Une pluie de cendres retomba autour de moi, dans un brusque silence. Tout autour, des gens apprêtés me fixèrent. Une soirée, songeai-je en jetant un coup d’œil en hauteur. C'était bien ma veine.
Par la lucarne pratiquée dans le plafond, je vis les méchas pointer leur laser dans ma direction. Mince ! Je n'avais pas intérêt à traîner par ici !
Je partis en courant, me moquant bien de bousculer hommes et femmes en... En tenue de mariée ? Hommes et femmes ? En longues robes blanches à froufrous et bustiers pour la majorité, avec un maquillage sophistiqué. Qu'est-ce que... Bref.
Les lumières se coupèrent d'un coup, m'obligeant à freiner. Des vivats éclatèrent dans la foule, comme si mon entrée était des plus naturelle.
-Ha ha ! Mesdames et messieurs ! Tonna-t-on, d'une voix indubitablement virile. Je vous souhaite la bienvenue à la Fête des Mariés de Constance Trivari !
Des hurlements enjoués, un brin éméchés, retentirent tout autour de moi. Mon cœur, lui, battit plus vite. Constance Trivari ? Le Constance Trivari !? Oh bon sang, je devais partir de toute urgence ! Ses fêtes étaient un véritable nid à ennuis, si elles ne tournaient pas à l'orgie !
Les lumières revinrent d'un coup, sur un bruit de guitare maltraitée. Derrière moi, un fracas retentit. Les méchas venaient de tomber dans la salle, prêts à me faire la peau.
-Poussez-vous ! Tonnai-je, abandonnant l'idée d’être discrète.
Comme personne ne bougeait, trop occupé à danser sur place ou à courir après le robot serveur, je sortis mon pistolet de mon holster de cuisse... Mais une main se posa sur la mienne, m’empêchant de le faire. Une main d'homme, avec des poils, un avant-bras musclé, et... C'était une mariée sacrément masculine, dont le visage ne m'était pas inconnu.
-Pas ici, fit Constance Trivari, en empoignant mon bras.
-Hé ! M'exclamai-je, ce qui ne l’empêcha pas de m’entraîner à sa suite.
Il fendit la foule, les convives le saluant avec de grands sourires, tandis que les méchas luttaient pour remonter le courant. Pourtant, ils gagnaient du terrain, à tel point que je me mis à courir à la suite du multimilliardaire.
-Pourquoi tu es en mariée !? Criai-je, en sprintant à ses cotés.
Il était étonnant de voir un homme courir aussi vite avec une telle robe à froufrous. Ses talons claquaient sur le sol, signe d'une paire d’escarpins. Pas possible... Même moi je ne pouvais pas faire ça !
-Pourquoi je ne serais pas en mariée ? Rétorqua-t-il, sans même me regarder.
-C'est quoi cette réponse stupide !?
-On a pas le temps !
Le martèlement des chaussures des méchas se fit plus proche. Nous étions presque à la fin de la salle de bal. Une estrade permettait à un groupe en vogue de se mettre en scène, sous le regard esbaudit ou indifférent des divers invités. Je pouvais voir tous les plus grands pontes de l'agroalimentaire, avec leur femmes, leurs enfants les plus âgés. Leurs maîtresses, aussi. Certains étaient prêts à tuer pour pouvoir assister à une fête de Constance Trivari.
-Lâche-moi ! C'est moi la cible !
-J'en ai rien à faire ! Cingla-t-il en me tirant derrière l'estrade.
Là, tout un staff nous regarda passer, l'air amusé. Ils devaient croire à une mise en scène. Une fois, j'avais entendu dire qu'il avait reconstitué une attaque de western. Une mariée face à un agent gouvernemental n'avait rien d'étrange, dans ces circonstances.
Un tir de laser fit sauter une des enceintes de rechange. Mince, ils nous talonnaient !
-Les unités de transfert ! Rugit Trivari.
Il tourna sec, manquant me faire me prendre un mur. J'en profitai pour attraper mon pistolet de l'autre main. Sans cesser de me laisser entraîner, je visai le crane d'un des deux méchas. Il explosa dans un pluie de liquides artificiels et de morceaux de métaux, avant s'écrouler. Son comparse sauta par-dessus, dans une indifférence toute mécanique. La seconde suivante, j'étais jetée dans l'une des unités de transfert. Et fut choquée de voir Trivari s'y engouffrer à son tour, nous serrant comme des sardines. La porte se referma, aggravant les choses.
-C'est individuel !
-Je n'ai pas le temps d'en prendre un autre ! Rugit-il, nez à nez avec moi.
Un poing à l’extérieur s'abattit sur l'unité, en tentant d'arracher la porte. Oh oh... Je pouvais en voir l'empreinte.
-On va se faire griller !
-Le processus doit être ralentit par la surcharge.
-C'est toi la surcharge, espèce de...
Un picotement me parcourut de la tête aux pieds, à l'instant où nous fumes dématérialisés. Cela dura une fraction de seconde. La suivante, nous nous écroulâmes sur un plancher, peut être à des milliers de kilomètres des méchas militaires. Un court instant, seul nos respirations haletantes furent audibles. Puis la main de Trivari m'agrippa par la nuque, pour un baiser intense et totalement inacceptables.
-Ça va pas, la tête !? Criai-je en lui administrant une gifle magistrale. Darius Trivari, ne m'embrasses pas quand tu es travesti en mariée !
*
Les mains sur les fesses de la jeune femme, Trivari la fit basculer au dessous de lui. Il se moquait bien d’être en robe de mariée. Il se fichait d’être fardé comme une femme, de porter des talons hauts qui effaçaient toutes traces de l'homme qu'il avait été.
Pour le moment, une seule chose l'importait.
-Alix... Un baiser est la moindre des choses, non ? Gronda-t-il, en bloquant ses mains au dessus de sa tête rousse.
-Tais-toi, Darius !
Il lui arracha presque ses lunettes de soudeur. Derrière, il découvrit ces yeux vairons dont il avait cauchemardé des nuits durant. Alix Arsor. Moulée dans une tenue collante du plus bel effet.
-Heureux de te voir vivante, ma belle petite Spirit. Pas trop difficile, la résurrection ?
-Et toi ? Le changement de sexe te réussit ?
Ils se fusillèrent du regard. Elle avait un œil vert, un œil bleu. Cela n'était pas le résultat d'une fantaisie artificielle, ou de lentilles disparates. Alix n'était pas de ce style. Non, elle était ainsi de naissance. Une chose rare. Unique.
Mince, il se faisait penser à Cadwall, là. Ce maudit fétichiste des prothèses oculaires vintages...
-Les méchas auront tôt fait de craquer les codes de l'unité de transfert, fit-il en se redressant.
Alix haussa un sourcil face à son aisance avec des talons.
-Quoi, ça te pose en problème ?
-Je me disais juste que les rumeurs étaient sacrément bien fondées, ricana-t-elle.
-Je suis toujours aussi fêlé qu'au jour de notre rencontre, si c'est ce dont tu parles. Ramène tes fesses blanchâtres, la Spirit.
Elle se redressa, sa tenue noire la moulant de façon avantageuse. Du fait de son travail, elle a toujours eu un corps fantastique, songea-t-il en la lorgnant sans gène. Mais là, il la trouvait un poil trop maigre. Elle a perdu au moins un bonnet.
-Qu'est-ce que tu regardes ? Grinça-t-elle, l’électricité crépitant déjà sur le bout de ses doigts.
-Tu as perdu du poids.
-En sept ans, j'ai le droit d'avoir un peu changé, non ?
Il haussa les épaules, en repoussant son voile de mariée.
-Quoi qu'il en soit, je te remercie pour ton aide, Darius, mais cela s’arrête ici.
Darius... Comme il était étrange d'entendre de nouveau ce prénom. Surtout de la bouche d'une femme. De cette femme, songea-t-il en fixant Alix. Celle qui avait disparu sans laisser de traces, du jour au lendemain.
-Notre rencontre est une simple erreur. Passe une bonne....
Un « clic » l’arrêta. Stupéfaite, elle baissa les yeux, sur une paire de menottes, dont la chaîne allait de son poignet à celui de Trivari. Ce dernier lui adressa un large sourire, un brin moqueur.
-Mais tu les sors d'où, ces menottes !?
-De sous ma robe.
-Pervers.
-Évidemment.
-Darius ! Libère-moi !
-Alix ! Prépares toi à passer la pire journée de ta vie, ricana-t-il, une lueur de vengeance dans les yeux. Tu vas regretter de m'avoir plaqué il y a sept ans.
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