4. Montreux
Coteaux d'herbe verte, montagnes chapeautées de blanc, étendue bleue de l'eau. Îlot de soleil dans de fraiches contrées. Lumières du Sud, reflétées par le lac, dans un pays de vallées profondes. Bulle de douceur, bordée de palmiers, sous les coupoles de glaciers miroitants.
Les palaces pullulent, comme les lunettes noires, les vitres teintées des limousines, les boutiques de luxe et les vieilles dames à chien chien.
Novembre. Le festival est retombé. L'ombre de Nabokov* demeure, avec ses Lolitas, qui font du jogging le long du lac, sous le regard satisfait de leurs employeurs repus. Difficile d'imaginer plus somptueux.
On se croise sur la jetée, le soir, au café, sans se connaître, mine de rien, tranquilles, aux aguets. La fête avant l'orage. L'arrivée de nos nababs est annoncée pour le lendemain. Seize : le club au complet. Avec leurs suites, une bonne centaine de personnes.
Tout est en place. Harold a pris l'hôpital en main. Pour prévenir des risques d'infections nosocomiales, il a fait mettre une aile en quarantaine, nettoyage accéléré. Dominique, nouveau webmaster de l'établissement, est au taquet, pour vérifier en direct les transactions à venir. Caroline et Nora ont pris leurs fonctions. Urgentistes cette fois, toutes deux d'astreinte pour la fin de la semaine.
Jeff et son équipe suent avec les pompiers montreusiens. Sauvetages en tous genres : suicidés, cramés, accidentés, crebards, dans un esprit de franche camaraderie américano-suisse.
Gerhart a pris ses nouvelles responsabilités de commissaire de police, et résolu en un coup de cuiller à pot une vieille affaire de cambriolages en série, ce qui lui a valu l'estime et la reconnaissance du maire et de ses administrés.
Ahmed, secondé par Jamal, s'est emparé de l'Eden Palace, accordant leurs congés annuels au personnel, épuisé par une longue saison, et recrutant en un tour de main une collection d'employés contractuels, barbus et baraqués.
Tomy fait courir ses rugbymen le jour, et réviser la nuit l'armement caché dans un double fond du bus de Carpentras.
Moi, moustache et favoris roux pétant, chapeau de paille et poncho noir, je suis en cuisine, auréolé de ma toute nouvelle troisième étoile au Michelin. Je suis tout spécialement fier de ma dernière invention, dont ils auront la primeur : sirops de dattes aromatisés. Fleur d'oranger, rose, safran, pistache, cannelle, vanille, cardamone, curcuma, badiane, etc. pour accompagner la dégustation de macarons de mes amis Hermé et Ladurée.
Hormis les macarons, tout ça vient de l'oasis de Tozeur, en Tunisie, par colis spécial. On a injecté la ricine à la seringue, fabrication Nora, dosage aussi.
Les nababs peuvent arriver. On les attend.
* Vladimir Nabokov, l'auteur entre autres de Lolita, a vécu les 18 dernières années de sa vie (1959-1977) au Montreux Palace, chambre 64, où il logeait avec sa femme au sixième et dernier étage de l'aile du Cygne.
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