Chapitre 5 : L'Éveil
Il y avait des choses auxquelles on ne s'attendait pas. Une chute, une cheville foulée, un baiser volé.
Mais prendre conscience d'une vie antérieure ? Prendre conscience que la Reine que l'on servait était en vérité notre ennemie trente ans plus tôt ? Prendre conscience que l'homme qui m'embrassait était l'amour de ma première vie ?
Me souvenir qu'il était mort, dans mes bras ? Me souvenir que le premier homme que j'ai jamais aimé l'avait tué ?
M'avait tué ?
D'une flèche. Entre les deux yeux.
Tout cela, je le revis au contact de ses lèvres sur les miennes. Je le vécus une seconde fois, à toute vitesse. Les trahisons, les souffrances, les joies, les peines, la perte. La mort.
Il y avait de quoi donner le tournis. De quoi s'évanouir. De quoi perdre l'esprit. Pourtant, toutes mes pensées, mes convictions profondes, tout ce qui m'avait façonnée trente ans plus tôt me revinrent brutalement.
Je n'étais plus seulement Flora d'Erell.
J'étais la Prophétesse Blanche.
La femme aux prédictions d'une justesse effrayante, la femme trahie, la femme qui avait pris les armes, pour elle, pour son amour. La femme qui avait perdu la vie. Mais également le soldat de la Reine Blanche, la militaire entrainée au combat, à la survie.
Dans le vague, je le fixai, tandis qu'il plongeait ses yeux d'or dans les miens. Un simple contact avait suffi à éveiller mes souvenirs. Juste ses lèvres...
— Je me nomme Hassane. Tel est mon nom, Flora.
Sous le choc, je le regardai. La bouche ouverte, je... je le giflai de toutes mes forces. Les yeux écarquillés, il porta la main à sa joue, tandis que je pointais un doigt sur lui.
— Toi... Toi... Hassane, comment as-tu osé mourir dans mes bras !?
J'avais hurlé cette dernière phrase. Je me moquais bien des Tehanis. De Khalil, Acheq... Oh bon sang Acheq ! C'était le même Acheq ! Non, attendez, je verrai ça plus tard.
— Ce n'était pas mon objectif premier ! s'insurgea-t-il.
— Ne te me... Tu... Oh ! Carsten ce misérable fils de... Hochea...
— Attends, du calme, du calme.
Il me prit par les épaules, me faisant me concentrer sur lui. J'étais soudain une pelote de nerfs. Morte ! On m'avait tué ! Pire !
Carsten m'avait tué !
D'une flèche entre les deux yeux !
Instinctivement, je portai la main à mon front. Oh ! Oh ! Le... Le fils de...
— Tu n'as pas l'habitude des réincarnations. Respire, respire.
— Parce que toi, oui !?
Hassane haussa un sourcil à mon intention. Aussitôt, je fermai la bouche. Oui. Évidemment. Il était mort des dizaines, des centaines de fois, sans jamais trouver le repos dans la mort. Toujours... Toujours il revenait, toujours il renaissait. Pour être à chaque fois pourchassé par les Disciples des Laminoirs.
— Hassane.
— Oui mon amour ?
— Tu te rends compte que je suis de nouveau vierge ?
Cette fois-ci, ce fut lui qui ouvrit la bouche, les yeux légèrement écarquillés.
— Effectivement, je m'étais posé la question. Ravi d'apprendre qu'aucun autre homme ne t'a touché. Vraiment.
Je l'empoignai par le devant de sa redingote, avec un sourire qui fit flamber ses iris.
— Parfait. Tu as intérêt à insonoriser cette pièce, Hassane. Car tu passes à la casserole.
*
En se faisant pousser sur le petit matelas de la chambre d'auberge, Hassane se souvint aussitôt de leur première fois, trente ans auparavant. Dans leur vie antérieure. À ce moment-là, elle avait été craintive. Là... Quand elle monta à quatre pattes sur lui, il fut surpris de la voir aussi décidée.
Mais aussi diablement ravi.
Car si elle venait à peine de se souvenir de tout, lui avait passé des années à la savoir quelque part, en ce monde. Vivante. Étrangère à leur histoire.
L'attrapant par la nuque, il la fit remonter jusqu'à lui, afin de l'embrasser. Aucune résistance ne vint contrecarrer leur étreinte. Il alla à la rencontre de sa langue, savoura son gout perdu depuis si longtemps. Les doigts dans sa chevelure brune, il posa son autre main sur ses fesses, de façon à la plaquer contre lui. Il la voulait tout entière. Il la voulait nue contre lui.
Glissant les doigts entre eux, il lui arracha presque ses frusques. Flora n'émit aucune objection, bien au contraire. Elle s'était déjà attaquée à sa ceinture, enroulée autour de sa taille. Mince. Il aurait dû mettre quelque chose de plus simple à ôter.
Néanmoins, dans l'urgence, ils trouvèrent le moyen de se dénuder. Nul n'était plus efficace que deux amants se retrouvant après de longues années. Après la mort.
Il ne se lassait pas de l'embrasser. Pourtant, il prit le temps de la contempler, entièrement nue. Comme dans la rivière. Belle... Belle à en crever.
Mutine, assise sur ses cuisses tandis qu'il était adossé aux coussins, elle fit glisser son doigt entre ses pectoraux. Lentement... Pour descendre entre ses abdominaux. Le contraste entre sa peau pâle et la sienne le rendait fou. Surtout quand elle atteignit sa verge turgescente. Elle allait vraiment... ?
Sa langue se posa sur son gland, ses yeux verts restèrent rivés aux siens. Nom de... Plongeant la main dans ses cheveux, il se fit violence pour ne plus bouger. Par les dieux...elle le lécha sur toute la longueur, en un spectacle si érotique qu'il aurait pu perdre toute contenance. Nom de...
— Ça suffit !
— Ha !
Elle gloussa lorsqu'il la fit rouler sur le lit, avant de la prendre en poids. Ils quittèrent le matelas, de telle sorte qu'il la plaqua contre le mur. Les jambes nouées autour de sa taille, les bras autour de son cou, elle lui offrit un sourire d'une sensualité à rendre fou.
— Comme ça, tu es à ma merci, déclara-t-il d'une voix rauque.
— Vraiment ? ronronna Flora.
— Vraiment.
Reprenant ses lèvres, il parcourut son corps de ses mains. Il redécouvrit la courbe si affolante de ses seins, la douceur de ses tétons, la légère rondeur de son ventre. Quand ses doigts rencontrèrent la moiteur accueillante de son intimité, il émit un grondement satisfait. Elle lui répondit en gémissant sous ses caresses. Ses halètements se firent de plus en plus saccadés. Enfouissant la tête dans son cou, elle planta ses ongles dans ses omoplates. Ses hanches ondulaient d'elles-mêmes, à la recherche d'un plaisir plus intense encore.
— Hassane... Je t'en prie ! souffla-t-elle à son oreille.
— Tes désirs sont mes ordres, gronda-t-il.
Le dos toujours au mur, elle se cambra lorsque son gland commença à la pénétrer. Il se souvint à temps que dans cette vie-ci, elle était toujours vierge. Alors, il prit le temps qu'elle s'accommode à sa présence. Il avançait doucement, mais elle était trop excitée pour attendre. Ce fut elle qui mit un terme à sa douceur, d'un coup de reins. Ses dents s'enfoncèrent dans son trapèze, tandis que l'esprit de Hassane semblait devenir blanc.
Dieux, qu'elle était chaude... Elle l'enserrait complètement, son vagin se contractant autour de lui manquant lui faire perdre le peu de raison encore en sa possession.
— Tu... Tu vas bien ? parvint-il à dire.
Il ne pouvait plus bouger. Il avait peur de lui faire mal, mais il était aussi tellement excité qu'il eût un mal de chien à ne pas onduler des hanches. Contre toute attente, elle l'embrassa. Son baiser avait le léger gout salé des larmes. Que...
— Fais-moi jouir, Hassane... gémit-elle.
Son corps l'enserrant plus fort, emportant sa raison aussi surement que ses paroles. Il se mit à bouger les hanches. La douceur céda rapidement le pas sur le besoin, sur un plaisir partagé qui le fit aller plus vite. Plus fort. Incapable de se retenir, Flora cria son nom dans son oreille. Sans trop savoir comment, ils atterrirent de nouveau dans le lit, où les choses se firent plus intenses encore.
Dans les draps, ils atteignirent enfin l'assouvissement.
*
Les yeux grands ouverts, je détaillai le visage de Hassane. Tout me semblait si étrange... Et pourtant, il était toujours le même. Les mêmes iris d'or qui semblaient perçaient jusqu'à mon cœur. Le même regard qui semblait tout savoir. Le même sourire de l'homme qui avait toujours un coup d'avance, toujours une carte dans sa manche.
— Tu vas finir par me faire rougir, à me détailler ainsi, rit-il.
— Tu ne l'avais pas, cette cicatrice sous l'œil, murmurai-je en passant mon pouce sur la ligne plus claire sur sa peau mate.
Prenant ma main, il arrêta mon geste pour embrasser ma paume.
— Mon âme est la même, mais pas mon corps. C'est ainsi. Un assassin des Disciples me l'a faite dans cette enfance-ci.
Je fronçai les sourcils.
— Les Disciples ?
Il hocha la tête, tout en s'asseyant dans le lit. Ainsi, je pus voir son dos nu. D'autres cicatrices, anciennes ou plus récentes, se rajoutaient. Toutes m'étaient inconnues. Moi qui connaissais si bien son corps, trente ans plus tôt, je me retrouvais avec le même homme... Mais avec une nouvelle histoire sur sa peau. Cela me fit un pincement au coeur.
— Oui. Les Laminoirs savent pour mes réincarnations. De fait, à chaque fois ils me cherchent jusqu'en Tehani, pour tenter de me tuer le plus tôt possible.
Hassane posa les yeux sur moi, un léger sourire aux lèvres.
— Avant mon Éveil, si possible.
Je clignai des paupières.
— L'Éveil ? Tu veux dire, avant d'avoir retrouvé tes souvenirs ?
— Effectivement, ma douce ! s'exclama-t-il en sautant au bas du lit. Ça m'est arrivé tellement de fois que je n'y fais plus attention. Bref, dans tous les cas...
Il me regarda par-dessus son épaule. Entièrement nu, la lueur de la chandelle donnant des reflets dorés à sa peau sombre, il était à tomber. Surtout avec ce petit sourire.
— Je suis heureux que tu sois revenue. Je n'étais sûr de rien, mais... Nous étions si proches de mon corps d'origine...
Instinctivement, je portai la main à mon front. À l'endroit où, jadis, une flèche s'était plantée dans mon crâne.
— Hassane...
À la façon dont je prononçai son nom, il revint vers moi, pour me prendre dans ses bras. Son baiser fut ardent, comme si nous ne venions pas de nous aimer. Les bras autour de son cou, je frissonnai de nouveau, avant d'enfouir mon visage dans le creux de sa nuque.
— Comme tu as dû te sentir seul... Toutes ces années, toutes ces fois, à savoir tout cela...
— Cette réincarnation fut une malédiction... et une bénédiction, murmura-t-il contre ma tempe. Je croyais t'avoir perdu. Je me croyais seul. Mais finalement, tu es revenue, toi aussi. Mon amour.
Nous nous embrassâmes de nouveau, avec plus de douceur. Un long moment, nous restâmes ainsi enlacés, savourant simplement la présence de l'autre. Finalement, la curiosité l'emporta.
— Et maintenant ? Que faisons-nous, Hassane ?
Je plongeai mes yeux dans les siens, d'or fondu.
— Sais-tu où se trouve ton vraicorps, actuellement ?
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