Chapitre 6 : L'Orc du Comptoir
Hell Ferguson.
En l’apercevant, la pression artérielle de Barbatos grimpa en flèche. Cette sale garce ! De retour en Exil, alors qu’elle lui avait gâché son avant dernière mission ! Accompagnée de son frère, le colossal Fergus, elle discutait joyeusement avec Blanche, sa sœur.
Les Fergusons formaient un clan unique dans son genre : métamorphes de créatures mythiques, ils s’adonnaient à la chasse au démon, depuis la mort de la susmentionnée sœur des mains de Lucifer. Sans même savoir qu’elle avait été asservie des siècles durant. Opiniâtres, caractériels et combatifs, telles étaient les caractéristiques de ce clan de guerriers.
Pourtant, l’ange devait l’avouer, son attention fut totalement détournée de Hell par l'entrée en matière d'Alastor. Une chose sauta aux yeux de tous : les traces de doigts imprimées sur la joue du démon, et l’air furieux de Cassandra à ses cotés. Cette dernière salua les métamorphes d’un signe de tête, sans s’arrêter, ses talons foulant violemment les pavés.
-Laisse-moi deviner, fit-il en observant le Bourreau. Vous vous êtes disputés ?
-Effectivement. Et je n’ai pas eu le dessus.
-Rien d’étonnant à cela. Tu es un mou du genou, ça se voit, railla Hell.
-Je ne t’ai pas sonné, la foldingue, cingla le démon. Fergus, bonjour.
-Bonjour, mon ami. En quoi puis-je t’aider ?
-En épaulant Nergal dans la protection d’Exil. Il t’expliquera tout en détails.
-Tu t’en vas déjà ? s’étonna Barbatos.
A la surprise générale, le démon grimaça en perdant deux tons.
-Je dois rendre visite à la famille de Cassandra.
Intérieurement, le sang de l’ange ne fit qu’un tour. Les Hespérides ? Pourquoi les avaient-ils convié maintenant ? Enfin, non, il n’avait pas besoin d’un dessin. Il savait parfaitement pourquoi les choses tournaient ainsi. Néanmoins, le teint terreux du Bourreau était surprenant.
-Des alliés ? s’enquit Fergus.
-Ça, et des enquiquineurs de première. Ces dryades sont encore plus bêtes et collantes qu'une sangsue sur les fesses d'un troll… Enfin, bref. Je vous souhaite un bon séjour, une bonne journée. Si je ne meurs pas assommé par la stupidité de mes hôtes, je reviendrais demain soir. Entre-temps… Débrouillez-vous.
Il suivit le chemin de Cassandra, ses enjambées rageuses annonçant une réunion mouvementée avec les nymphes.
-Évite de croiser mon chemin, murmura doucement Hell. Cette fois-ci, je ne me contenterai pas du fond de l’océan.
Fergus darda un regard noir sur sa sœur, dont le grand sourire innocent ne trompa personne. Barbatos lui adressa un coup d’œil en coin.
-Ne me cherche pas trop, répondit-il sur le même ton. Tu risquerais de finir embrochée par accident.
Un « Hmpff » moqueur fut tout ce qu’elle lui accorda.
*
Svenn, son sac sur le dos, rentra telle une ombre dans la maison d’Alastor. Trop occupés à préparer la défense d’Exil, les Gardiens s’étaient rassemblés dans le Hall de la Souffrance, sur le pied de guerre. Lui permettant, avec Silke, de s’introduire chez le chef du village, ni vu ni connu. Exactement selon les instructions du Bourreau.
-C’est bizarre, murmura la Némésis. Pourquoi nous éloigner dans un moment pareil ?
Prenant garde à ne pas faire grincer les marches, Svenn lui jeta un coup d’œil, par-dessus son épaule. Avec ses cheveux coupés courts et ses yeux noirs, elle était un mélange de diablotin et d’angelot. Surtout quand elle fronçait les sourcils.
-Je sais. Mais d’un autre côté, il doit avoir de bonnes raisons pour devoir s’inscrire au Tournoi. Il n'est pas du genre à le faire à la légère.
-Tu y es déjà allé ?
-Non. Mais j'en ai entendu parlé.
-Ça aussi, c’est bizarre. Je croyais que c’était dangereux pour toi de sortir d’Exil.
-Rien ne peut m’arriver dans l’Arène, railla le jeune loup en poussant la porte de la chambre. Tous les guerriers présents se feraient un plaisir de se jeter dans une bataille, pour le simple plaisir du combat.
Et puis, lui même n'était pas certain d’être réellement en danger. Ses parents avaient été admis en Exil pour leur propre cas, mais lui ne risquait rien. Après tout, il était bébé, à l'époque. Personne ne serait capable de le reconnaître aujourd'hui.
-On risque de t’enlever ?
-De me tuer, plutôt. Une vieille histoire de famille.
-Ha oui ? Mais qu’est-ce que…
Il fit signe à la Némésis de se taire, sur le qui-vive. La chambre était vide. Pourtant, il était censé y trouver un énorme miroir, en écailles de dragons. Une telle chose devait tout même être facile à… Reconnaître…
-On marche dessus ! s’exclama-t-il en sautant sur le lit, le cœur battant à toute allure.
Silke le regarda faire, hésitant à éclater de rire. Tapissant le sol, le miroir d’Alastor faisait office de parquet. Non de… Mais pourquoi avoir fichu un truc en écailles de dragon par terre ? C’était…
-Le plus pratique pour dissimuler un portail dimensionnel, approuva la Némésis. Personne ne pensera à le chercher là.
Svenn lui adressa un coup d’œil dubitatif.
-Ouais, et maintenant, on fait comment pour l’activer ?
-Al a dû le programmer pour nous permettre de passer. Vu son âge, il doit avoir un total contrôle dessus. Tu peux sauter vers moi, pour voir ?
Sans réfléchir, il s’exécuta… Et se perdit en jurons à l’adresse de la Némésis lorsqu'il disparu dans le portail. En un clin d’œil, l’ambiance feutrée dans la chambre fut remplacée par… par… Une impression de faille temporelle.
Des torches éclairaient la voûte d’une grotte creusée dans la terre, aussi haute qu’un immeuble. Une forte odeur de fumée, de sang et d’acier planait dans l’air. Étalé sur le sol brut, Svenn se redressa sur les coudes, un peu sonné. Tout autour, des guerriers de toutes les espèces, orcs, elfes, nains, démons, et autres, déambulaient, harnachés pour le combat. Les flammes se reflétaient sur les plaques d’aciers de leur armure, leurs regards implacables l’effleuraient à peine. Et le brouhaha avait de quoi assommer un sourd.
Il n'eut pas occasion de se sentir déplacé dans le décors, car Silke jaillit du portail dimensionnel. Juste devant lui, pour trébucher sur ses pieds et s’étaler de tout son long sur le loup. Ce dernier poussa une exclamation étouffée, immédiatement suivit d’une vague de chaleur qui lui monta à la tête. Il écarquilla les yeux en inhalant l’odeur de la Némésis... Et se redressa d’un bond, la faisant tomber une nouvelle fois.
-Hé ! Qu’est-ce qui t’arrive !?
Un problème d’érection. Enfin, ça en serait devenu un, s’il ne s’était pas immédiatement débarrassé de sa chaleur contre lui, de la sensation de ses seins écrasés contre son torse, de…
-Dis, le morpion, tu t’es pas un peu perdu ?railla-t-on de façon sonore.
Svenn pivota, pour tomber nez à nez avec un orc de deux mètres, dont le tour de taille devait approcher les mêmes mensurations. Bloqué derrière un comptoir aux allures de fêtes foraines du Moyen Age, il était assez impressionnant.
-Quoi ? râla-t-il, ses yeux aussi verts que sa peau. Tu veux me faire pousser un troisième œil ?
Bordel, mais où avaient-ils atterri !?
-Je viens pour une inscription, fit-il, lui-même surpris par le timbre menaçant de sa voix.
Derrière lui, Silke se remettait sur pieds en grommelant, les chaînes de son pantalon cliquetant en rythme. L’orc, lui, éclata d’un rire sonore.
-Une inscription !? Aux Arènes !? Tu t’es perdu en chemin, mon petit louveteau !
-Ce n'est pas pour moi.
-Ha ouais ? Et tu viens pour qui ? Papa ours ?
-Non. Je viens au nom d’Alastor d'Exil.
Un phénomène inexplicable se produisit alors. Tel un rond dans l’eau, un silence de mort se propagea tout autour d’eux, jusqu’aux confins des Arènes. Alors que personne n'avait fait mine de l'écouter. Comme si le simple nom d'Alastor, ou d'Exil, avait suffit à attirer l'attention de tous.
-Al… Alastor est de retour, mes amis ! rugit-il en se redressant d’un coup. Ouvrez grands vos esgourdes, parlez-en, colportez la nouvelle ! LE BOURREAU ARRIVE PARMIS NOUS !
Des vivats assourdissant se répandirent dans la caverne, faisant trembler la voûte. Silke et lui se regardèrent, médusés. Ça, c'était un accueil inattendu.
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