Chapitre 3 : Un Probléme Nauséabond

Le campement des réfugiés n'était pas bien grand. Les maisons, petites et rustiques, permettaient aux habitants de s'entasser, sans pouvoir vivre confortablement. La plupart erraient dans les rues, apparemment biens contents d'avoir un refuge. D'autres grommelaient contre les gens « d'en haut », d'Exil.

En parcourant les rues, Svenn avait une impression de détachement. Fatigué, il contemplait ces hommes et ces femmes, sans vraiment comprendre ce qu'ils fichaient là. Exil n'était pas pour les honnêtes gens. Cela n'avait jamais été le cas, ce depuis sa création. Alors pourquoi venir chercher de l'aide ici, où le chef était le Bourreau ?

Il avait ordonné l'exécution d'innombrables « exilés » venus pleurer à leur porte, car ils représentaient un danger pour les citoyens du village. Alors eux ? Tous ces gens, dont on ne pouvait vérifier les intentions ? Dans ce contexte de guerre et de querelle avec Lucifer ?

Avant même la chute des pierres, il savait que cela leur apporterait des ennuis.

Ces civils s'affolèrent instantanément, courant dans tous les sens, terrifiés par ces rocs lancés en pleins milieu de leur camp. Svenn et Silke évitèrent de justesse l'un d'eux. Dans un nuage de poussière acre, ils reculèrent précipitamment. L'odorat du loup, piqué par les particules, n'en repéra pas moins un problème.

Un gros, gros problème nauséabond.

-Cours ! hurla-t-il à la Némésis.

Le rocher s'ébranla. Il se fissura selon des arabesques étranges, dans un bruit de craquement et de succion écœurant. Des bras d'insectes s'en détachèrent, recouverts de la carapace de pierre, aussitôt suivit d'une tête, d'un corps et des pattes bleuâtres.

Un gigantesque parasite des Enfers agita ses antennes, ses yeux globuleux bougeant dans tous les sens, à la recherche de proies. Ces dernières se faisaient d'ailleurs un malin plaisir de courir de partout en hurlant, histoire d'attirer son attention.

-Qu'est-ce que c'est !? cria Silke, en courant à côté de lui.

-Si tu étais allée aux cours de madame Damon tu le saurais !

-Svenn, ce n'est pas le moment !

Une maison s'écroula sur leur chemin, détruite par l'un des parasites. Deux autres dominèrent les masures, dans un nuage de poussière. Svenn freina brutalement, le cœur battant à cent à l'heure. Ils étaient cernés.

A défaut d'une épée, il attrapa une barre de fer sur le sol. Silke suivit son exemple, marmonnant des imprécations contre « les interdits sur les pouvoirs Némésis ». Apparemment, elle n'avait toujours pas l'autorisation d'user de ses dons si dangereux.

-Viens par ici, si tu l'oses ! rugit le loup.

L'un des insectes agita ses antennes dans sa direction. Dotés d'une intelligence, ces choses étaient un véritable fléau en Enfer. En temps normal, on ne les voyait pas sur ce plan ci. Sauf en temps de guerre.

Il se jeta de côté, une pince frôla sa cuisse. Silke poussa un cri de guerre, dévia une patte d'un grand coup de barre de fer. Svenn se rendit rapidement à l'évidence : ils n'étaient pas de taille à les affronter. Grands comme des immeubles de deux étages, ils piétinaient tout sur leur passage. Flèches et épées ricochaient sur leur carapace, ne faisant pas avancer la situation.

-Nous devons partir ! cria-t-il à la Némésis.

-Nous sommes encerclés ! Svenn !

Il n'eut pas besoin de baisser les yeux pour voir une brume grisâtre se répandre sur le sol autour d'eux : Les parasites braquèrent instantanément leurs yeux sur elle, comme s'ils avaient reconnu leur cible.

Oh oh... Une nuée de pinces fusa dans sa direction, autant pour la broyer que pour l'enlever. Svenn se précipita en avant, son impression de déjà-vu lui brûlant la poitrine. Il n'allait pas la laisser disparaître une nouvelle fois, pour rejoindre le giron de Lucifer ! Il en était hors de...

Cassandra surgit de nulle part. Elle plaqua Silke au sol, fit un croche-patte au loup, qui tomba lourdement sur le dos. Il eut alors une vue imprenable sur ce qui leur arrivait dessus, prêt à les déchiqueter.

*

Sa hache trancha la pince la plus proche. Le parasite émit un cri près de l'ultra son, stoppé presque aussitôt : trois Nergal lui avaient sauté dessus, le tailladant de leurs épées. Alastor pivota sur lui-même, arrachant le membre d'une autre créature, ravi de toucher le point faible de ces bestioles. Cassandra, elle, se redressa d'un bond. Avec la souplesse d'une gymnaste, elle prit appui sur les pattes de l'insecte pour sauter... Et planter sa lame dans le cou de son adversaire. Le Bourreau n'eut pas le temps de se réjouir : le troisième et dernier « roc » cherchait à couper en deux leur tout jeune ressuscité.

Le parasite fut débité en morceaux, à tel point qu'Al eut du sang jusqu'aux coudes. Sa hache profondément enfoncée dans le thorax de la créature, il vérifia les alentours. Nergal et Cass avaient achevé leurs cibles. Un silence lourd retombait sur le campement, suivit des cris hystériques de civils. Au milieu des ruines de leurs « nouvelles » maisons, ils semblaient terrorisés. Perdus.

Silencieux, Alastor tira un cigare de la poche intérieur de sa veste. Mince. Il avait taché son costume. Il n'avait même plus les moyens de s'en racheter un autre ! Bon. Barbatos se posa à côté de lui, ange arrivé après la bataille.

-Va voir si les responsables sont toujours là, ordonna-t-il, sans même le regarder.

Il s'exécuta, repartant haut dans les cieux pour un repérage d'urgence.

Des parasites des Enfers, hein ? Quel message cherchait donc à leur envoyer Lucifer, pour faire un coup aussi bas ? Alastor exhala une bouffée de fumée. Perché sur le cadavre de l'insecte, il n'entendait pas vraiment le remue-ménage autour de lui.

Il finit par en descendre, songeur. Il savait très bien pourquoi Luci avait commis un tel acte. Après la perte de son aile, il leur en voulait tout particulièrement. Pour autant, cela n'excusait rien, surtout venant de ce monstre de cruauté. Ces réfugiés n'avaient fait de mal à personne.

-Vous !

Le cri, suivit d'un silence de plomb, le tira brièvement de ses réflexions. Ha. Un de ces gracieux elfes blonds lui arrivait dessus, livide de peur et de fureur. Il ferma de nouveau ses oreilles. Pendant un moment, sous l'œil tendu de Cass, Nergal et les deux jeunes, il observa l'elfe s'agiter comme un jack russel, sa colère rougissant ses joues.

-... Incapables ! Lâches ! Espèce de... Gargl...

La main du Bourreau, autour de la gorge de l'elfe, était responsable de ce gargouillement. Son interlocuteur perdit trois tons alors qu'il soufflait un nuage de fumée, terriblement calme.

-Tu es en vie, non ?

-Gnh... Oui...

-Alors je ne vois pas de quoi tu te plains, fit-il en tirant de nouveau sur son cigare. Moi par contre, j'ai de quoi redire.

-Gnhein ?

Alastor promena son regard de vipère sur l'assemblée. Les réfugiés semblaient sacrément secoués. Parfait. Cela rendait les gens plus réceptifs.

-Pas l'un d'entre vous ne s'est bougé pour sauver ses miches. Ouais. Nergal, Cassandra et moi avons réglé le problème.

Il reporta son attention sur l'elfe au bout de sa poigne. Il était au bord de l'asphyxie.

-Vous voulez faire partie d'Exil ? Ok. Mais à partir de maintenant, ça va ce faire selon mes règles.

Lorsqu'il le lâcha, le réfugié s'effondra, démonstration vivante de son inutilité.

-Vous allez devoir participer à votre propre protection, ajouta-t-il à l'adressa des autres. Quiconque est contre l'idée de se battre peut partir. Car à partir de maintenant, vous allez tous vous entraîner, afin d'être capables de vous défendre seuls. Pour défendre vos fesses et le campement. Fini le camp de vacances, mes beaux.

Il leur fit un grand sourire cruel, qui eut son petit effet.

-Bienvenu en Exil.

*

Accroupit le long de la rivière, Alastor prit l'eau claire en coupe dans ses mains, pour s'en asperger le visage. Le roi des nymphes lui avait donné l'autorisation de séjourner sur ses terres, le temps de se préparer à son départ. Il soupira en regardant la tournure noire prise par l'eau. Les démons l'avaient aspergé de leur sang en mourant. Encore une fois.

Il aurait, quoi ? Trois, quatre heures ? C'était en général le temps qu'on lui accordait, avant de gentiment le prier de retourner en Enfer. Sauf que désormais, cette option n'était plus envisageable.

Avec Nergal, son meilleur et unique ami, ils s'étaient rebellés contre l'ordre établit. Donc contre Satan, leur Souverain Démoniaque. Ils étaient désormais des fugitifs, que Lucifer prenait un malin plaisir à poursuivre, jusqu'aux confins de la Terre. Par chance, il envoyait des minables pour le rattraper, à l'instar de ces démons scarabées. Des lâches, qui avaient préféré s'en prendre à des innocents plutôt que de lui faire face. Il ne regrettait vraiment pas de les avoir tué.

-Un démon avec un sens de l'honneur, lança-t-il à son reflet dans la rivière. T'es une vraie erreur de la nature, mon gars.

Avec Nergal, ils étaient au moins deux. Pour le moment, son ami était en lieu sûr. Mais ils avaient des projets, et ils avaient besoin de terres pour les mettre en œuvre. Or, un démon bannis des Enfers avait pour ainsi dire aucun allié dans les autres plans.

-Comment vais-je faire ? Murmura-t-il pour lui même. Je pourrais vendre mes services à différentes espèces. En priant pour qu'ils ne tentent pas de me tuer avant de m'écouter. Mouais. Ça me paraît mal barré.

-Seigneur Démon... Vous parlez tout seul ?

Il haussa un sourcil. Décidément, ces nymphes étaient bien discretes. Pieds nus dans la mousse, elles étaient silencieuses comme des ombres. Alastor se redressa, pour faire face à un tout petit bout de femme.

-Enchantée. Je m'appelle Cassandra. Je suis Princesse des Hespérides.

Heu... Il regarda autour de lui. Aucun garde. Aucune escorte, pas de suivante, rien. Hum. Petite, blonde, avec une jupe verte parée de pâquerettes, et un haut croisé sur ses seins voluptueux, elle ne lui faisait pas vraiment penser à une princesse.

-Qu'est-ce que vous fichez ici ? Il n'est guère recommandable de se trouver seule avec un démon.

-Oh, ne vous en faites pas. Je suis venue vous remercier, au nom de tous les miens.

Elle lui fit un grand sourire, qui le déconcerta. Un sourire ? A lui ? C'était certainement hypocrite. Oui, ce devait être ça, se dit-il en essuyant ses mains sur un chiffon.

-Votre père l'a fait tantôt.

-Je le sais bien, mais notre tradition requiert un autre cérémonial.

Hein ? Il jeta un coup d'œil à son haut de cuir. Il l'avait enlevé pour le nettoyer un peu, aussi était-il torse nu sous sa cape. Elle était certes garnis de laine de mouton, cela ne changeait rien au fait que cette Princesse était en train de se mettre dans une situation compromettante.

-Pouvez vous vous asseoir ?

-M'asseoir ?

-Oui. Vous asseoir, Seigneur Démon.

Intrigué, il s'installa. Allait-elle tenter de lui trancher la gorge ?Mmh, c'était une possibilité. Néanmoins, il prit position sur une souche. Même assit, il faisait la taille de la jeune femme. Elle se rapprocha de lui, au point que l'une de ses longues mèches blondes effleura son genou.

-Vous permettez ?

-Heu... Oui.

Il fut inexplicablement perturbé lorsqu'elle se pencha vers lui. Mais qu'est-ce que... Ses lèvres effleurèrent les siennes. Il écarquilla les yeux, totalement stupéfait. Même si le contact ne dura qu'une seconde, il était incapable de respirer quand elle se redressa.

-Merci, Seigneur Démon.

Il la considéra. Puis eut un sourire narquois, qui la fit hausser un sourcil.

-Mieux que ça.

-Pardon ?

-Je suis un démon, ma belle. Tu veux me remercier ? Il va falloir faire mieux que ça.

S'il crut l'effrayer, il en prit pour son grade. Les poings sur les hanches, elle le considéra d'un air particulièrement irrité.Ce n'était plus tout à fait le rôle de la gentille Princesse. Et bizarrement, cela lui plut.

-Ha ouais ? Fit-elle.

-Ouais. Je n'ai rien de chaste, alors je veux plus.

Elle l'empoigna par l'attache de sa cape, nullement gênée, nullement impressionnée.

-Reprends ton souffle, démon.Il va t'en falloir.

Il aurait éclaté de rire, si elle ne l'avait pas attiré brusquement à elle, pour un baiser sans commune mesure avec le précédent. Ses lèvres se pressèrent contre les siennes, entrouvertes en une invitation qu'il honora sans hésiter. Il l'attrapa par la taille en glissant sa langue le long de la sienne, oubliant son cerveau au fond de sa libido. Ils entamèrent un ballet excitant, leur souffle brûlant se mélangeant. Perdu dans un coin de la forêt, une Princesse embrassant un démon...

Alastor émit un grondement rauque en la sentant se presser contre lui, ses seins ronds et fermes aussi alléchant que les fesses dans ses mains. Par tous les dieux... Elle embrassait divinement bien ! Elle était absolument... Parfaite. Faites pour l'amour. Pour...

-Princesse ! Où êtes vous !?

Ils se séparèrent, haletants, les joues rougis. Les cheveux en désordre, Cassandra était l'image de la luxure. Pour lui, Bourreau craint de tous, c'était une vision plutôt rare.

-Un-zéro, lança-t-elle en tournant les talons.

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