Chapitre 21 : Supplie-moi
-La lame était certainement empoisonnée ! S'exclama Nergal en soutenant son ami.
-Bathin devait avoir pour mission de me tuer si les choses tournaient mal, fit Cassandra en serrant la main de son mari. Nous devons le soigner au plus vite !
-Il faut déjà le mettre su le dos de Fergus ! La porte démoniaque est trop loin pour partir à pied !
Trois autres Nergal furent nécessaires pour hisser Alastor sur le dos du dragon. Cassandra s'agrippa aussitôt à lui, morte d'angoisse. Elle se rendit à peine compte de la bataille livrée par les doubles afin de permettre à Fergus de décoller.
Quand, enfin, la masse de muscles qu'était le métamorphe se mit en mouvement, elle eut l'impression qu'un siècle c'était écoulé. Elle n'arrêtait pas de parler à Al, de lui dire de la regarder, de ne pas s'endormir. Tout ce qui était nécessaire, mais il ne lui répondait pas. Les yeux rendus brumeux par la douleur, il tenait fermement sa cuisse entre ses mains, en dépit de la blessure à son torse.
Tout... Tout mais pas ça ! Ça ne pouvait pas arriver ! Il ne pouvait pas... Il était le Bourreau. Un être indestructible. Indestructible...
-Nous sommes arrivés ! S'exclama Nergal en sautant au bas du dragon. Fais passer le portail à Alastor ! On vous couvre.
Pour cause. Une nuée de démons ailés fondaient sur eux, prêts à les dépecer. Aidée d'un double, Cassandra soutint son mari, qui parvenait toujours à marcher en dépit de sa souffrance. Juste avant de franchir le portail, Nergal disparut. Derrière eux, les affrontements faisaient rage, mais elle n'en avait cure.
Une seule chose importait : Alastor.
Aussi, lorsqu'elle franchit le portail avec lui, elle ne se retrouva pas aux portes d'Exil. Pas plus qu'aux Arènes. Non, elle mit le pied dans l'herbe fraîche du Royaume des Hespérides, avec l'impression d'avoir le cœur ouvert en deux.
Incapable de soutenir plus longtemps le poids du guerrier, elle fit de son mieux pour l'accompagner au sol. Là, les larmes roulant le long de ses joues, elle regarda la forêt autour d'elle, en proie à la panique.
-Mère ! Mère, je t'en prie ! Hurla-t-elle. Je sais que tu m'entends ! J'ai besoin de toi !
Le silence lui répondit. Désespérée, elle prit le visage d'Alastor entre ses doigts glacés. Il était hors de question que ça finisse ainsi. Il en était... Absolument... Hors de question !
-Cassandra... Que ce passe-t-il ?
Son père Bacchus se tenait devant elle, horrifié. Autour d'eux, les autres nymphes arrivaient, ameutés par ses cris. Une boule se forma dans sa gorge, sa main se crispa sur le torse de son époux. Pour la première fois depuis des années, elle vit dans les yeux de son père un véritable affolement.
-Est-il mourant !? Par tous les dieux ! Comment le Bourreau a-t-il pu en arriver là !?
-C'est l'unique question que tu te poses, dans un moment pareil ?
Le timbre sec de la Mère redonna espoir à Cassandra. L'hamadryade s'avançait vers elle, jaillit du sol par la simple force de ses pouvoirs. Elle avait répondu à l'appel de la nymphe, en dépit du fait qu'elle n'était plus sa prêtresse. Et ce depuis bien longtemps.
-Marilu doit le sauver, l'implora-t-elle. Je suis prête à tout, même à la laisser prendre ma place d'épouse, mais je vous en supplie : ne le laissez pas mourir !
-C... Cass...
Le démon serra sa main au prix d'un effort immense, les traits crispés. Il ne semblait pas la voir, pourtant, elle lui sourit.
-Marilu a eu un changement d'affectation, déclara la Mère. Elle n'a donc aucun pouvoir en ce qui concerne ton époux, et donc ne deviendra pas sa femme. Moi, en revanche, je peux vous venir en aide.
Sa peau d'écorce luisant légèrement, l'hamadryade élue des dieux s'agenouilla de l'autre coté d'Alastor. Ses yeux grands ouverts semblaient étinceler alors qu'elle observait le démon, dont la sueur perlait le front.
-Bourreau. Tu as volé mes Pommes d'Or, je le sais, fit la Mère, en faisant en sorte d'être entendue de tous. Mais je sais également pourquoi tu l'as fais. Pour tout cela, je te remercie. Et je m'excuse de t'avoir maudit.
Hein ? Cassandra fronça les sourcils, en observant le visage sans âge de l'hamadryade. Que veut-elle dire par là ? Que c'était-il passé dont elle n'avait pas connaissance ? Sans un mot de plus, la Mère posa la main sur le manche du couteau, toujours planté entre les cotes d'Alastor. Des bords de la peau tranchée jaillirent des minuscules racines, qui s'enroulèrent autour de la lame. Cette dernière sortit lentement de la plaie, alors qu'une fleur de sang s'épanouissait à sa pointe. Quand le poignard tomba au sol, la plante se fana, laissant la peau avec une fine cicatrice. Le démon prit une profonde inspiration en ouvrant grands les yeux, avant de pousser un grondement de douleur.
Sans hésitation, la Mère saisit son pantalon de cuir, au niveau de la cuisse. Il se déchira sans un effort, révélant... Cassandra écarquilla les yeux, serrant trop fort la main de son époux.
Un réseau dur de racines formait un plaque sur dans une plaie rouge, inflammatoire. Sous la peau, on pouvait voir ces racines s'étendre dans son organisme par les veines gonflées. La chose était implantée dans ses muscles, lui provoquant une souffrance évidente.
La nymphe tourna la tête vers Alastor. Il avait les paupières closes, crispées par la douleur. Par tous les dieux... Depuis combien de temps avait-il cette chose ?
-Lors des affrontements, j'ai blessé l'un des attaquants, expliqua la Mère. Malheureusement, c'est tombé sur le Bourreau.
-Depuis, ça...
-Le ronge. C'est un miracle qu'il soit toujours capable de marcher.
-Mais enlevez lui ça, bon sang !
Ses doigts d'écorces se posèrent sur son œuvre. Lors d'une terrible seconde, il ne se passa rien. Puis les racines frémirent, avant de s'enrouler autour de ses phalanges, quittant peu à peu l'organisme du Bourreau. Cassandra fixa, horrifiée, les longueurs qui s'échappèrent du corps de son mari. Il était venu la sauver avec ça ? Par tous les dieux, personne d'autre n'aurait été capable de marcher, ni même d'implorer les cieux de l'achever !
Quand il n'y eut plus rien, le corps d'Alastor se détendit enfin. En quelques minutes, sa respiration devint régulière, son teint pâle reprit quelques couleurs. Les larmes aux yeux, Cassandra caressa sa joue, le cœur battant la chamade tant elle était soulagée.
-Merci, Mère.
-Pas de quoi, bon bouchon en sucre. Bacchus ! Fais conduire le blessé dans la chambre de la Princesse. Il a besoin de repos.
Intimidées, les nymphes s'approchèrent, prêtent à aider son époux. Cassandra se remit sur pieds tant bien que mal, avec l'impression d'avoir couru des kilomètres. Aussi, lorsqu'elle sentit une main sur sa cheville, elle crut s'évanouir.
*
Alastor tira sur la cheville de sa femme, la faisant tomber dans ses bras. Ni une, ni deux, il la chargea sur son épaule, avant de se redresser d'un bond, avec l'impression d'avoir retrouvé toutes ses forces. La douleur envolée, il était tout autre !
-Pardonnez-moi, nous avons un truc à régler, lança-t-il à l'assemblée de nymphes.
Il fonça droit dans la forêt, se repérant sans problème pour entrer dans le village fondu dans le décors, et retrouver le tertre du roi. Une minute plus tard, il les enfermait dans la chambre de Cassandra. Là, il la posa enfin.
Les joues rouges, elle le considéra à son tour, ses grands yeux bleus écarquillés par la surprise. Incapable de résister, il l'attira à lui. Il ne l'embrassa pas. Il ne la renversa pas sur le sol pour lui faire l'amour. Rien de tout cela. Il se contenta de la tenir contre lui, savourant le simple fait de l'avoir retrouvé, après toutes ces heures d'angoisse.
Contre toute attente, elle lui rendit son étreinte. Elle le serra même fort contre elle, ses ongles lui griffant l'omoplate.
Il n'y avait pas de mots pour exprimer ce qu'ils ressentaient. Rien ne pouvait remplacer cet instant, où il put savourer le simple fait de la savoir en vie, dans ce monde. Contre lui. Toujours à lui. Même si elle resterait toujours éloignée de lui, d'une certaine façon.
Alastor aurait pu rester éternellement ainsi, dans une félicité absolue. Pourtant, Cassandra ne semblait pas l'entendre de la même oreille. Elle finit par le repousser, pour le regarder, l'air énigmatique. Il fronça les sourcils. Que ce passait-il ? Il eut instantanément la réponse : elle le poussa de toute ses forces, de telle façon qu'il tomba à la renverse sur le lit.
Stupéfait, il regarda sa femme en se redressant sur les coudes. Un sourire canaille illuminait son beau visage.
-Heu... Cass ? Tu es sûre de toi, là ?
Pour toute réponse, elle sauta à califourchon sur lui, le força à s'allonger sur le dos, les mains de chaque coté de son visage.
-Mon très cher époux... Tu as intérêt de me prouver que tu es plus vivant que jamais.
Il ouvrit la bouche... Mais n'eut pas l'occasion de parler. Elle prit possession de ses lèvres, avec une autorité indomptable. Ses mains glissèrent aussitôt sous le haut de cuir du démon, griffant ses pectoraux. Son corps réagit comme une bougie au contact d'une flamme : il se réchauffa d'un coup. Ses instincts prirent le pas sur sa raison, son sexe se trouva soudain à l'étroit dans son pantalon.
Il agrippa les fesses de sa femme, la plaqua contre ses hanches en lui rendant son baiser. Il savourait la sensation de la sentir au dessus de lui, soudain aussi aguicheuse qu'une succube. Quand elle se faufila sous sa ceinture pour caresser son pénis, il émit un grondement menaçant, rompit leur baiser.
-Cela fait si longtemps que je n'ai plus ton goût sur la langue, susurra-t-elle en le regardant droit dans les yeux.
En un clin d'œil, il se retrouva au dessus d'elle, Cassandra allongée sur le ventre, le nez dans le coussin. Elle poussa d'ailleurs un cri de protestation, mais il la fit taire lui mordillant la nuque.
-Tu sais ce que je veux ? Gronda-t-il en frottant son sexe contre ses fesses, malgré le remparts de leurs vêtements. J'ai envie de plonger en toi...
Il tira sur le haut d sa femme, mettant à nue une épaule qu'il croqua doucement.
-... De te faire gémir, de te faire crier mon nom jusqu'à l'évanouissement.
-Le tiens ou le mien ? Haleta-t-elle en se frottant contre lui.
-Tu déclareras forfait avant moi.
-Ha ouais ? J'aimerais bien voir ça !
Elle parvint à le repousser, de telle façon qu'il tomba du lit. Cassandra se retrouva aussitôt sur lui, entreprit de le déshabiller férocement tout en l'embrassant. Il lui rendit la pareille, le cœur battant la chamade. Il la voulait. Par tous les dieux, il la voulait, au point d'en devenir fou !
Quand, enfin, il atteignit sa peau nue, dénuée de tout armure, de tout sous-vêtement, il bandait au point d'en avoir mal. Il lui en fallait plus. Il devait... Il voulait... Cassandra glapit de plaisir quand il la souleva du sol. Elle enroula ses jambes autour de sa taille, ses seins ronds et fermes écrasés contre lui. Plaquée rudement contre le mur, elle émit un gémissement langoureux lorsque son gland vint caresser l'entrée dans son sexe, sans la pénétrer.
-Supplie-moi, murmura-t-il à son oreille.
-Al...
-Mieux que ça...
Il s'infligeait une torture, pourtant, voir les joues rougies de sa femme, son regard langoureux et ses lèvres entrouvertes sur un souffle rauque l'excitait encore plus.
-Par tous les dieux de cette foutue terre, prends-moi, Al, ou je te... !
Il s'enfonça en elle d'un coup de rein, lui coupant la parole, muée en un cri de plaisir. Une explosion de sensation l'envahit, la chaleur irradia dans tout son corps, comme s'il était ramené à la vie après ces années d'oubli. Ses hanches se mirent à jouer, son souffle s'accéléra, s'accordant à celui de Cassandra. L'entendre haleter dans son cou, entre deux gémissements, le fit perdre tout contrôle.
La nymphe se retrouva sur le lit, le démon allant et venant entre ses cuisses, ses coups de reins devenant de plus en plus avides, de plus en plus incontrôlables. Elle lui laboura le dos de ses ongles, lui mordit l'épaule une vaine tentative de contenir ses vocalises. Jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus, agrippant les draps en criant son nom, suppliant Alastor de l'emmener vers un orgasme dévastateur.
*
Assise en tailleur sur le sol, Silke se triturait l'une de ses mèches de cheveux en réfléchissant. Tout d'abord, elle détestait cette situation. Être avec cette famille de vampires arriérés. De plus elle haïssait la proximité de Faith, occupée à lorgner Svenn sans vergogne. Ses yeux brillaient, comme s'ils avaient partagé une chose importante, faisant grimper en flèche son antipathie déjà bien marquée. Avec ses cheveux noirs et ses seins logés dans un étroit décolleté, elle lui faisait penser à une prostituée.
Elle sourit, bien malgré elle. Des deux, elle était bien la plus proche de ce statut. Ses ébats tronqués avec Svenn lui avait rappelé la dureté des étreintes de Lucifer, les choses qu'elle avait du accepter pour survivre.
Silke se regarda les ongles, songeuse. Si Svenn l'avait embrassé, c'était bien parce qu'il ne connaissait pas son passé. Se faire culbuter par le Déchu sous ses yeux était presque une peccadille en comparaison. Lui était si innocent, si... Normal. Pourrait-il seulement comprendre que pour vivre, nous étions parfois contraints de faire des choses ignobles ?
Elle regarda le jeune loup. Debout prés de la fenêtre, il paressait grave. Torse nu, ses bras croisés faisaient contracter ses biceps, ce qui l'interpella. N'avait-il pas pris des muscles ? Et des fesses, aussi ? Certes, elle avait eu largement le temps de détailler son profil, à son insu, mais là, il lui paressait plus... Bah. Étant donné que ses cheveux étaient devenus blanc comme neige, un autre changement n'était pas étonnant.
En détournant les yeux, elle croisa le regard de Faith. En silence, elle lui fit un doigt d'honneur, ce qui lui valut une œillade assassine. Ben quoi ? Elle avait le droit de se rincer l'œil, elle aussi !
Bon sang... Si seulement elle pouvait utiliser ses pouvoirs... Elle montrerait à cette garce de quoi était capable une Némésis. De quoi on souffrait si on osait la contrarier. Mouais. Elle ressemblait vraiment à Rika, dit de cette façon. Sa sœur cherchait peut être à la protéger par ses moyens tordus, mais elle n'en restait pas moins complètement dingue. Nergal la surnommait « la Fossoyeuse ». S'il connaissait le nombre de meurtres à son compteur, il rirait jaune.
Enfin, elle ne valait pas mieux. Aucun cimetière ne serait assez grand pour contenir les cadavres de son passé.
-Silke ? Murmura Faith, tout prés d'elle.
-Ouais ?
Le coup l'atteignit par derrière, la prenant totalement au dépourvu. Il fut d'une telle violence que sa tête rebondit contre le mur, avec un craquement suivit d'une implacable douleur. Faith hurla. Silke glissa sur le coté, à l'instar d'une poupée de chiffon. Prés de la fenêtre, l'éclat de la lune se refléta sur les cheveux de Svenn. Il poussa un rugissement de rage en se ruant vers elle. Stefan lui faucha les jambes et lui fracassa le crâne contre l'angle du lit. Un coup de pied d'un autre atteignit la Némésis à la tempe. Une seconde avant de perdre connaissance, elle n'eut qu'une seule pensée.
Ils c'étaient fait avoir comme des débutants.
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