Chapitre 15 : Dignes de Gobelins Bourrés

 Il avait froid. Terriblement froid. Comme si des blocs de glaces entouraient ses jambes, pour l’attirer vers le fond. Toujours plus profondément. C’était à la limite de la douleur, à la limite de l’insupportable. Que lui arrivait-il ? Avait-il vraiment un pied dans la tombe, cette fois-ci ?

-Svenn ? Tu m’entends ?

-Que ce passe-t-il, Silke ?

-Je crois qu’il a bougé.

Des pas lourds firent grincer un sol au parfum boisé. Tiens ? Il pouvait sentir ça, lui ? Il pouvait aussi sentir une fragrance masculine, mêlée de sang et de sueur. De pouvoir.

-Je t’assure, Fergus, je n’ai pas rêvé.

-Je te crois. Néanmoins, il est tard. Nous devrions tous…

Une sonnerie retentit, vrillant les tympans fragiles de Svenn. Il eut envie de hurler. De leur dire d’arrêter, de détruire la source de ce bruit insupportable. Mais il en fut incapable. Par bonheur, cela cessa brutalement.

-Allô, Al ?Oui… Tu sembles bien énervé… Quoi ? J’arrive tout de suite. Oui. Rika, je dois retourner d’urgence en Exil. Occupe-toi des petits.

-Cela n'entre pas dans notre accord.

-Tu peux rendre un service de temps en temps, non ? Alors arrête de râler et poste-toi dans le couloir. Le premier qui fait mine d’entrer, tu le liquides.

-Oh, Fergus…. Tu as du caractère, maintenant ?

Le loup ne parvint pas à suivre le reste de la conversation. Une vague de froid s’empara à nouveau de lui, le plongeant dans un abîme sans fond. Il eut littéralement l’impression de geler jusqu’aux os, de pouvoir se briser au moindre contact. Il en perdit l’ouïe, en perdit l’odorat.

Il dut même perdre connaissance, car lorsqu'il revint à lui, il n’y avait plus un bruit. Il parvint à papillonner des paupières, pour enfin fixer le plafond. C’était la nuit, ça, c’était certain. Ha, oui, ils étaient dans les Arènes, aussi. Dans les cavernes.

Alors comment pouvait-il être certain de se trouver dans la nuit ?

Intrigué, il repoussa les couvertures, pour se diriger vers la fenêtre. Elle donnait sur une taverne un étage plus bas, où des chants et des rires s’élevaient. Curieux, il huma l’air. De la viande. Du poulet, cuit avec du miel et des herbes introuvables en ces lieux. Il n’avait jamais senti les choses de cette façon…

-Svenn ? Svenn ! Tu es réveillé !

Silke. Un parfum incroyablement doux envahit ses narines. Il ferma les yeux, pour mieux l’apprécier. Celui d’une femme, mêlé à des senteurs de bouton d’or. Une main sur son épaule déclencha une sensation si forte qu’il fit un bond en arrière.

Il fixa la Némésis avec des yeux ronds, surpris par la chaleur qu’elle dégageait. Elle, en revanche, le regarda comme s’il était devenu fou. Elle s’était changée. Un short noir imprimé de têtes de morts décorait ses hanches, son débardeur sobre peinait à couvrir son nombril. Svenn se frotta la poitrine, se sentant soudain fiévreux.

-Du calme. Je voulais juste voir si tout allait bien. C’est… Le cas ?

-Silke…

Il prononça son nom d’une étrange de façon. Perturbé, il se passa la langue sur lèvres… Et se heurta à quelque chose de pointu. Des... Canines ? Oh non. Pas ce cauchemar ! Ce n’était pas en train de recommencer !?

-Svenn, qu’est-ce qui t’arrive, bon sang ?

-Non ! haleta-t-il en se planquant contre le mur, pour se soustraire à la main tendue de la jeune femme. Je… Heu…

Il était bloqué entre le lit et elle, l’empêchant de s’échapper de façon plus ou moins honorable. Silke dut en arriver à la même conclusion, car elle lui fonça presque dessus. Le rythme cardiaque de Svenn grimpa en flèche. Il se sentait soudain mal. Très mal.

-Quoi ? Tu as peur que je te fasse mal ? Demanda-t-elle, sa poitrine à un cheveu de son torse.

-Ce n’est pas ça…

Chaud… Trop chaud. La tête lui tournait. Il allait vraiment tourner de l’œil, à ce rythme…

-Tu as peur de me faire mal ?

Il ferma à nouveau les yeux. C’était ça. Il avait peur de se jeter sur elle. Peur de sentir de nouveau ses dents pulser, peur de repérer sa carotide, d’y plonger ses canines, peur de s’abreuver de son sang jusqu’à étancher une soif anormale.

Ses jambes se dérobèrent sous lui. Mince. Il n’était qu’une lavette, en plus du reste ! Il avait failli l’oublier.

-Svenn… murmura Silke en s’agenouillant devant lui. Tu devrais peut être te remettre au lit.

Cette simple phrase balaya tout le reste. Au lit ? Une myriade d’images se propagea dans son esprit, toutes classées X. Elle l’appela de nouveau, ce qui ne fit rien pour arranger son cas. Pas plus que son débardeur et son short si sexy, si faciles à enlever... Il haleta, au supplice. Il lui suffirait de glisser sa main sous le tissu pour…

-Svenn ? Dis-moi comment je peux t'aider, je le ferai… Mais dis quelque chose !

Elle posa une main sur sa cuisse. Il fut définitivement perdu.

*

Le Bourreau déboula en Exil en plein milieu d’une véritable guerre.

Des cris, de guerre ou d’agonie, raisonnaient de toute part, dans les ruelles jusqu’au grand Chêne. Des sortent de lutins à la peau grisâtre courraient en tous sens, armés de haches ou de masses deux fois plus grandes qu’eux, avec une férocité digne d’un gobelin bourré. Il plissa les paupières, sa mauvaise humeur grimpant encore d’un cran. C’était une blague ? C’était ça, que Lucifer envoyait ? Des lutins ténébreux ?

-Al !

Trois Nergal se précipitèrent vers lui, couverts de sang noir et talonnés par Barbatos. L’ange sifflotait gaiement, visiblement peu impressionné par la riposte de Lucifer. Il y avait de quoi, d’un autre côté.

-Bon sang, tu étais passé où !? s’exclama son ami triplé.

-En train de dompter une érection inutile. Ça te pose un problème ?

-Hé, ho, pas la peine d’être désagréable.

-Ça peut être inutile, une érection ? ajouta Barbatos.

-J’ai besoin de me défouler, poulet, gronda-t-il en faisant apparaître sa hache. Tu veux que ça tombe sur toi, ou je dézingue les lutins ?

Une explosion noircit les murs d’une rue d’Exil, un peu plus loin. Un tic nerveux agita la joue du démon.

-Quel est le connard qui lance des bombes sur mon village !?

-Ce sont ceux d’en bas ! s’exclama vivement Barbatos, en pointant son doigts vers le camp des réfugiés.

-Je vais leur faire passer le goût de jouer avec mes nerfs, gronda le Bourreau en fonçant tout droit.

Il grimpa sur les remparts, avisa la situation en contre-bas. D’accord, les lutins étaient destinés à passer entre les lignes. Il pouvait laisser les habitants d’Exil se charger d’eux. En revanche, des ogres s’amusaient à démonter le camp de réfugiés, avec des hurlements barbares.

Un sourire féroce étira ses lèvres. Ils tombaient bien, ceux-là.

*

Silke avait l’impression de rêver. Submergée par un torrent de sensations, elle avait passé ses bras autour de la nuque de Svenn. Elle n’avait jamais connu ça. Jamais un baiser n’avait été si agréable, si intense. Si assoiffé.

Le jeune loup la dominait, prenant sa bouche avec une douceur déversant dans son corps une chaleur exquise. Quand ses mains remontèrent sous son débardeur pour effleurer la courbe de ses seins, elle émit un gémissement étouffé. Il ne lui en fallut pas plus.

Il se mit à caresser sa poitrine, ses pouces trouvant en un clin d’œil ses tétons durcis par l’excitation. Oh, par tous les dieux… Elle allait devenir folle…. Elle qui avait toujours eu l’habitude de Lucifer, de ses manières d’esclavagiste, elle ne savait plus où elle en était.

Mais une chose était certaine : même si Svenn était vierge, il savait très bien y faire.

Silke haleta lorsqu’il rompit leur baiser, pour goûter de sa bouche ce que ses mains s’évertuaient à affoler. Elle mollit entre ses bras, le plaisir la faisant défaillir. Il l’allongea aussitôt sur le sol, la prenant au dépourvu. Bon sang, il était attentionné en plus ! Et…

-Ha, Svenn !

Il venait de poser sa paume en coupe sur son sexe, sa peau brûlante la mettant au supplice. Sa bouche abandonna sa poitrine pour l’embrasser de nouveau, au même instant où il glissait un doigt entre ses lèvres intimes. Pour la caresser, doucement, lentement. Par tous les dieux ! On ne l’avait jamais touché ainsi ! Incapable de résister, elle ondula des hanches contre lui. Il poussa un grondement sourd, en enlevant sa main, pour plaquer ses hanches contre les siennes. En dépit du tissu qui les séparait, la sensation de son érection fit danser des étoiles sous ses paupières. Elle voulait le voir… Le toucher… Le goûter, aussi… Oh oui…

Il lui baiser sa gorge, lui mordillait la peau, la rendant complètement folle. Qu’il lui laisse juste un instant, pour lui rendre la monnaie de sa pièce, et il allait la supplier de…

Un grand froid l’envahit soudain.

Svenn s’était redressé d’un bond, haletant, les yeux écarquillés par l’horreur. Surprise, Silke le regarda, sans comprendre. Il posa une main sur sa bouche, comme pour couvrir un cri d'horreur, avant de sauter par la fenêtre ouverte.

-Svenn !

Encore chancelante, elle s’appuya contre le mur, estomaquée. Il avait d'ors et déjà disparu dans les rues de l’Arène.

Un truc lui échappait, c'était évident. Mais quoi ?

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