Chapitre 14 : Le Baiser du Démon

Cassandra était fermement décidée à se changer les idées. Ce soir, un grand banquet était donné en son honneur, pour son retour après tant de siècles loin de « chez elle ». Les habitants se pressaient dans tout le village en riant, en préparant victuailles ou en acheminant chaises de bois et tables taillées dans le roc. La fête devait avoir lieu devant le tertre du manoir.

La nuit était tombée, tout était installé, désormais. Avant le repas, musique et chants prirent leur place au milieu des convives, poussant tout un chacun à danser. Bacchus, Faas et Marilu se mêlèrent à la troupe, laissant Cass seule avec Potchi. L’animal polymorphe s’était transformé en petit renard pour venir se lover sur ses genoux. Il dormait depuis dix bonnes minutes déjà, la laissant seule avec ses pensées.

Elle se sentait étrangère au milieu de son propre peuple.

Morose, elle laissa son regard dériver sur les dizaines de danseurs. Une silhouette attira aussitôt son attention, à l’orée de toute cette agitation. Alastor se détourna juste avant que leurs yeux ne se croisent, lui dissimulant son visage. Son cœur se serra. Il avait disparu toute la journée. Qu’avait-il donc fait, bon sang !?

Potchi glapit faiblement quand elle le posa sur la chaise à côté d’elle, fermement décidée à avoir des réponses. Avait-il couché, oui ou non, avec Marilu ? Personne ne s’aperçut de son départ. Tant mieux, car elle n’était pas du tout d’humeur à discuter. La démarche d’Al était étrange. Il… Boitait ? Non de… Il ne boitait jamais. Sauf ce jour-là, où elle l’avait surprise en Exil, les traits crispés par la douleur, en se tenant la cuisse. Cela avait-il un rapport ?

Le démon ne s’arrêta pas. Il entra dans le manoir pour se faufiler dans les couloirs, jusqu’au jardin devant sa chambre. Là, il prit une profonde inspiration, se passa une main sur le visage. Son épuisement était évident.

Il entra dans la pièce, la laissant seule à l’ombre de la lune. Une seconde plus tard, un rugissement retentissait. Cassandra se précipita en avant, stupéfaite d’entendre un vacarme de combat ici, en plein milieu du manoir. En déboulant dans la chambre, elle dut se jeter en avant pour éviter une hamadryade, dont le dos se brisa sur la fontaine. Deux autres s’acharnaient sur Alastor, en plantant leurs ongles dans ses chairs, leurs dents tentant de déchiqueter ses bras. Elle n’avait jamais vu ces gardiens des nymphes dans un tel état.

-Bande de parasites ! rugit Al en en attrapant une par ses cheveux vert.

Furieuse de le voir se faire attaquer ainsi, Cassandra bondit sur l’une d’elles. Elle tomba dans un bruit sourd, accompagné du bruit de ses dents cassées par le poing de la nymphe. La seconde sauta à terre dès qu’elle la reconnut, ses grands yeux verts écarquillés.

-Je vous ai déjà dit de ne pas toucher à mon mari ! Dernier avertissement. La prochaine fois, tu auras plus d’un corps à ramasser.

Elles émirent des bruits rocailleux, avant de détaler tels des lapins, la laissant seule avec Alastor. A peine essoufflée, Cassandra se tourna vers lui, enfin prête à lui poser ses questions. Mais son regard posé sur elle l’arrêta net. Il était songeur, accompagné d’un demi-sourire qu’elle ne lui avait pas vu depuis longtemps.

-Quoi ?

-Je ne t’avais plus vu en nymphe depuis des siècles.

Elle baissa les yeux sur sa tenue, inchangée depuis sa visite chez la Mère. De façon incompréhensible, le rouge lui monta aux joues. Elle avait l’impression de se retrouver nue devant lui.

-C’était pour une visite au Grand Arbre. Enfin, bref, ce n’est pas la…

Le baiser la prit au dépourvu. Alastor passa une main derrière sa nuque, pour l'attirer à lui. Ses lèvres s'emparèrent alors des siennes avec une douceur infinie. Le cœur à deux doigts de jaillir de sa poitrine, Cassandra se sentit fondre contre lui. Ou plutôt, un brasier s’empara d’elle. Prenant appui sur ses épaules, elle enroula ses jambes autour de ses hanches, se plaquant contre lui. Il lâcha un grondement rauque sans s’arrêter, sa langue engagée dans un ballet obsédant. Oh oui… Cette force… Ses mains sur ses cuisses, son corps qui l’appuyait rudement contre le mur… Elle en avait envie… Tellement envie...

-A… Al… Stop…

Pour toute réponse, il posa un genou à terre. Elle ne sut par quel tour de magie elle se retrouva soudain les jambes sur ses épaules, mais elle s'en moquait. Le dos calé contre le mur, elle était largement offerte à… Elle poussa un glapissement surpris en sentant quelque chose d’humide contre son intimité. Sa langue. C’était sa…

-Al…

Ses hanches bougèrent malgré elle, malgré ses mains crispées dans l’épaisse chevelure du démon pour le repousser. Elle devait l’arrêter. Elle devait… Elle devait… Un gémissement sourd remonta le long de sa gorge. Il venait de glisser un doigt en elle, avec une telle facilité qu’elle en aurait rougit s’il ne lui avait pas donné un tel plaisir. Il le retira doucement avant de revenir, en une excitante cadence. Elle était en train de sombrer. Incapable de penser, Cassandra s'agrippa à lui, les vagues de plaisir allant au rythme de ses coups de langue sur son clitoris, de son doigts en elle, plus vif, plus chaud, plus... Il ne lui fallut pas longtemps pour être emportée par un orgasme délicieux.

Beaucoup plus, en revanche, pour redescendre sur terre.

Allongée sur le lit, haletante, elle fixait Alastor. Débarrassé de sa veste et de sa chemise d’humain, son torse ferme et musclé luisait à la lueur de la lune. Ses yeux rouge brillaient, lui donnant l’impression d’être une souris à la merci d’un chat.

Avec un petit sourire, il la prit dans ses bras. Sa chaleur la fit frissonner, ses lèvres sur sa peau la rendant de nouveau pantelante. Oh oui... Elle le voulait... Tout entier, pleinement, elle voulait... Soudain, elle sentit son érection se presser contre son ventre.

Cela parut rompre le charme. Une bouffée de panique l'envahit, incontrôlable.

-Cassandra ? murmura-t-il d’une voix rauque, contre sa nuque.

Il l’avait senti. Il avait immédiatement détecté sa tension. Le démon tenta de l’apaiser de petits baisers, en vain. Elle secoua la tête, la gorge nouée. Elle croyait pouvoir... Elle aurait tellement voulu...

-Al… Je… Je suis désolée… Je n’aurais pas dû…

-Cass...

-Non ! Non… Tu…

Il se dressa sur ses avants-bras. En croisant son expression désespérée, elle eut une véritable envie de pleurer.

-Tu sais bien que ce n’est pas que je ne veux pas, Alastor…C’est que nous ne pouvons pas.

Sans un mot, il s’agenouilla entre ses cuisses. Lui embrassa doucement l’intérieur du genou, avant de sortir de la chambre, sans prendre la peine de récupérer ses affaires. La laissant seule avec ses remords et ses cauchemars.

*

C'est une très, très belle nuit, songea Barbatos, tout sourire.

Il y avait une belle demi-lune. Le camp des réfugiés avait été retapé partiellement, mais suffisamment. Et en plus, il n’y avait pas de vent. Parfait. Tout était absolument parfait.

Il prit une profonde inspiration, savourant cet air frais. Il avait conclu avec la petite elfe à forte poitrine. Il avait pris une bonne douche. Il ne s’était pas fait attraper par le mari. Tout était prêt. Que demander de plus ?

-C'est quoi ce comportement suspect ?

Ha, oui, la touche finale.

C’était le tour de garde de Hell, dont la chevelure rousse devenait plus sombre à cette heure de la nuit. Vêtue de son armure minimaliste, elle dardait sur lui un regard sévère en approchant. Elle était bien faite, tout de même. N’importe quel homme se serait fait un plaisir de la tripoter, si elle n’avait pas eu un si mauvais caractère.

-Pourquoi souris-tu  ? Qu’est-ce que tu prépares, tête de piaf ?

-Ha, ça tu le sauras dans une minute, chantonna-t-il en portant sa montre à hauteur d’yeux. Dis-moi, Hell, sais-tu pourquoi on m’a mis à la porte du Paradis ?

-Parce que tu es aussi monstrueux que Lucifer ?

-Perdu…

Elle roula des yeux exaspérés, à un mètre à peine de lui. Dans sa tête, Barbatos entama le compte à rebours, particulièrement content de lui.

-Alors pourquoi ?

-Parce que j’ai insulté le Créateur.

-Hein ? Mais pourquoi ?

-Hé, Hell... Je vais te faire part d’une grande nouvelle.

-Tu me fatigues, soupira-t-elle. Accouche, ou je te découpe.

Barbatos déploya soudain ses ailes blanches. Les yeux de la Ferguson faillirent jaillirent de leurs orbites, lorsqu'un enfer de flammes se déchaîna autour d’eux.

Pile poil dans les temps.

-L’apocalypse commence maintenant.

*

Elle était ici depuis trois mois à peine, pourtant Cassandra adorait déjà ce lieu. Perchée sur une épine rocheuse, au milieu d'un territoire humain, le domaine offert à Alastor pour leurs épousailles était superbe. Atypique, charmant et douillet, avec son village abandonné par les précédents locataires. En plus, un immense arbre trônait sur l'unique place, d'une magnificence absolue !

La nymphe ne comptait plus le nombre de fois où ils avaient fait l'amour sous ses feuilles, à l’abri des regards des oiseaux. Rien que d'y penser, elle frissonna de plaisir. Une chose était certaine : son mari lui était non seulement fidèle, mais en plus il faisait l'amour comme un dieu. Rien a voir avec ce qu'elle avait pu s'imaginer de la chose, avec les niais baisers de Faas.

Tiens... C'était la première fois qu'elle pensait à lui depuis le mariage.

Les mains sur le ventre, elle ne put s’empêcher de sourire. Oui. Elle n'y pensait plus. Pour une très bonne raison : elle était amoureuse d'Alastor.

-Chérie ? Tu ne devrais pas rester dehors, il fait frais.

Grand, beau, ténébreux, le Bourreau s'approcha d'elle. D'abord inquiet, il lui sourit presque aussitôt. Ses yeux rouge sang s’illuminèrent, lui réchauffant le cœur. Il lui avait dit qu'il l'aimait. Ce, bien avant d'apprendre la bonne nouvelle. Celle qu'elle s’apprêtait à lui annoncer, à l'ombre du grand Chêne.

-Quoi ? Tu as un air niais.

-Toi aussi, je te signal, lança-t-elle en se blottissant dans ses bras.

Elle adorait ses muscles. Ils étaient durs sous ses doigts, doux quand il l'enlaçait. Un fantasme ambulant. Au plus ça allait, au plus elle se trouvait dévergondée.

-Tu es bizarre, aujourd'hui, murmura-t-il contre son oreille. Il se passe quelque chose.

Cassandra leva les yeux vers lui, son cœur battant soudain la chamade. Il haussa un sourcil curieux, attendant la réponse. Elle n'avait jamais été très douée pour tourner autour du pot. Aussi lui provoqua-t-elle l'un des plus gros choc émotionnel de sa vie.

-Je suis enceinte.

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