Chapitre 13 : Comme des Majorettes Sous Acide
La poussière tomba dans un éclat luminescent sur les lignes noires tracées sur le sol. Satisfait, Barbatos se frotta les mains sur son pantalon. S'il avait bien calculé, tout était prêts. Ce sale râleur d’Alastor ne pourrait pas le prendre à rebrousse-poil.
Surtout s'il n'était pas tenu au courant.
L’ange déchu grimpa les escaliers quatre par quatre, en sifflotant gaiement. Puis l’échelle, pour enfin émerger à la lueur de l’après-midi. Déjà ? Il ne s’était pas rendu compte du temps passé sous terre. Il aurait peut-être besoin d’une bonne douche.
Mais d’une douche accompagnée. Où se trouvait donc son peloton de donzelles prêtent à se battre farouchement, dont les joues s’échauffaient au moindre contact contre leur hanche ? Il avait repéré une petite elfe rousse, aux seins plus épanouis que ceux de Cassandra.
Avant d’aller courtiser la belle, il fit un détour par chez Freddy. Le grand chêne dormait à poings fermés, ses feuilles s’agitant par moment pour mieux se dorer la pilule. Celui-là, alors, il doutait de rien.
-Tout va bien, Barbatos ?
Nergal s’avança vers lui, un grand sourire aux lèvres. Alors lui, depuis sa rencontre avec Blanche, il rayonnait. Enfin un heureux en ménage.
-Comme quelqu’un sur le point de se faire assiéger. Et toi ?
-Mmh… Sur le qui-vive. Je m’inquiète pour Blanche, elle travaille beaucoup trop.
C’était vrai. Elle avait reconstruit l’intégralité du refugeen deux jours. Aujourd’hui elle avait commencé à monter les fortifications, avec l’aide de sa horde d’objets animés. Cette lare ne s’arrêtait jamais.
-Nous travaillons tous beaucoup en ce moment, fit l’ange en haussant les épaules. Entre l’entraînement des femmes, des hommes, et la surveillance alentour, personne n’a eu l’occasion de se reposer.
-D’ailleurs, des nouvelles d’Alastor ? Lui aussi doit en prendre plein la tête.
-Pourquoi cela ?
Ils se retournèrent de concert. Hell Ferguson s’avançait vers eux d’un pas nonchalant, l’air suffisante. Elle venait d'achever la formation des hommes du refuge, pourtant elle semblait aussi fraîche et désagréable qu'à l'accoutumée.
-Tu veux ma photo, déchu ?
-Pour la brûler, oui.
-Du calme, vous deux, intervint Nergal, conscient de la tension. Alastor ne supporte les nymphes, c'est tout.
-Alors pourquoi s’infliger leur compagnie ?
Tiens tiens… Cette hautaine de Hell n’était même pas au courant de ce détail des plus charmant au sujet d’Exil. Barbatos lui adressa un sourire satisfait. Elle le fusilla du regard en retour.
-Ce lopin de terre appartenait jadis aux Hespérides.
-Les Gardiens des Pommes d’Or ? Pourquoi ont-ils fait un tel sacrifice ? s’étonna-t-elle.
Oh… Il venait de lui parler sans se faire rembarrer. La curiosité faisait sauter sont mauvais caractère, ou quoi ?
-Ils ont fait un Pacte avec Alastor, lui expliqua Nergal. En échange de sa protection, ils lui ont offert ce territoire.
-Et quelle est la forme de leur Pacte ?
-La forme ? s’étonnèrent les deux hommes.
Cette fois-ci, elle lança à Barbatos un sourire supérieur. Mince. Il avait perdu la main.
-Tout Pacte a une représentation physique, les gars. Sur ces bonnes paroles, je vais prendre mon tour de garde.
Nergal et l’ange restèrent un moment interdit. Une forme ? Par tous les dieux… Ils n’y avaient pas pensé ! Alastor n’avait jamais vraiment discuté de l'obtention de ces terres, aussi n’avaient-ils jamais cherché plus loin. Mais maintenant, Barbatos se sentait piqué par la curiosité.
-Vous vous n’êtes vraiment jamais posé la question ?
Il retint difficilement un juron en sursautant. Freddy le Chêne venait de se réveiller, sa face d’écorce s’ouvrant sur de grands yeux de bois. Oh purée, il avait même un sourire mutin.
-Si Alastor ne nous en a pas parlé, c’est que l’information n’est pas importante, rétorqua Nergal.
-Moi, je sais ce qui représente le Pacte.
-Ben alors dit le nous, fit Barbatos. Quoi ? Ne me regarde pas comme ça, tête de démon ! Toi aussi tu as envie de savoir.
-Je n'ai jamais prétendu avoir le droit de vous le dire.
Cette fois-ci, ils se turent. Il n’y avait qu’une seule chose pouvant empêcher cette pipelette de chêne de parler. Alastor l’avait encore menacé de le débiter en petits morceaux. Cela impliquait un secret bien plus excitant que ce que pensait Barbatos.
*
Alastor avait enchaîné cinq combats de qualification dignes de majorettes sous acide. Franchement. Si les plus grands guerriers de l’Invisible se réduisaient à ce ramassis de mauviettes, l’avenir des Arènes était des plus compromis.
Ce Tournoi avait pour but de montrer la puissance d'un guerrier, mais également d'une race en particulier. Le vainqueur mettait à l'honneur tous les siens, car il avait été le seul à survivre jusqu'au bout.
Car là était la dangerosité des Arènes : les combats étaient à mort. Il fallait vraiment être désespéré ou certain de ses capacités pour y participer. Voir suicidaire. Mais les gains étaient conséquents. De quoi faire vivre le village pendant cinq années.
C'était la seule chose capable de faire participer Alastor. Il ne le faisait pas pour la gloire, pour le sang, pour mettre sur le devant de la scène les démons. Il le faisait pour l'argent. Or, il se savait capable de tuer tous ses ennemis. D'ailleurs, il y avait eu un nombre incalculable d'abandons depuis l'annonce de sa participation.
Tous des lâches.
-Tu as soufflé l’assistance, remarqua Fergus.
-Il n'y a vraiment pas de quoi. A l’époque, les compétiteurs se battaient pour de vrai. Je pouvais au moins assister à de vrais combats.
-Rabat-joie.
-Pfff, souffla Al en déambulant au milieu de la foule des Arènes.
En tous cas, les esprits étaient échauffés par les affrontements, car tous s’écartaient sur son chemin, avec des yeux ronds comme des soucoupes. On murmurait, on minaudait. A moins que ce soit à cause de son statut de chef d’Exil. Depuis son installation dans le village, il n’était plus revenu dans ces cavernes où l’adrénaline planait dans l’air.
-Je croyais que tu étais une mauviette.
Rika ne réagit pas à son œillade assassine. Dire qu’il discutait avec une Némésis, venue faire les courses de Lucifer.
-La mauviette a en partie sauver ta sœur, alors tiens-toi à carreaux.
-Je t’ai déjà battu à plate couture, rétorqua-t-elle.
-Ta gueule.
-Non mais, quel caractère ! On collabore, je te rappelle !
-Dans ce cas, laisse ces guerriers tranquilles. Aucun d’eux n’a envie de finir étalon sous le regard du Déchu. Et puis, tu es quoi, toi ? Si vous n’avez pas de mâles dans votre lignée, qui a culbuté ta mère ?
-C’est formulé avec une telle délicatesse…
Alastor roula des yeux exaspérés. La pruderie, en ces lieux, était des plus déplacée. D’un autre côté, il en avait rien à faire de ses origines. Pour le moment, il y avait des choses bien plus urgentes. D’ailleurs, l’une d’entre elle se trouvait assise à la table du bar qu’ils venaient de croiser. Faisant marche arrière, le démon fonça droit sur les trois vampires, dont le plus âgé devint livide. Kurt, Faith et Stefan. Il attrapa ce dernier par le col de sa chemise toute neuve, pour planter ses yeux rouge sang dans le siens.
-A… Al ? gargouilla-t-il.
-Tu ne peux pas supporter Svenn car tu penses qu’il couche avec ta fille, je le sais, gronda le démon. Mais si tu as un rapport avec ce qui lui est arrivé, tu mangeras tes couilles en ragoût.
Le vampire retomba sans grâce sur son siège lorsqu'il le relâcha, instantanément encadré par son fils et sa fille. Stupides, à l'instar de leur père. Décidément, il ne comprendrait jamais comment Holly, la belle institutrice, avait pu se marier avec lui. Il ne le supportait tellement plus qu’il ne l’avait même pas tenu informé de la situation en Exil.
Quoi qu’il en soit, il eut une très mauvaise surprise en arrivant dans la chambre d’auberge, louée par Fergus. Bon, depuis le temps, il était habitué à voir Silke au chevet de Svenn. En revanche, le loup, lui, avait changé.
-Que s’est-il passé ? demanda Alastor en prenant place de l’autre côté du lit, abasourdit.
-Je n’en sais rien, soupira la Némésis, non sans garder un œil sur sa sœur. Il est parti avec Faith pour m’empêcher de la tuer. Quand nous l’avons retrouvé, il était à terre.
-Son visage était comment ?
-Comme avant.
Cela est donc arrivé dans son sommeil, songea le démon en caressant une mèche de cheveux de Svenn. D’un blanc immaculé, elle était soyeuse sous ses doigts. Oui. Blanche. Lui qui était brun. Leur jeune métamorphe amorçait une transformation, c’était certain.
-Le sort qui a été levé à son réveil, intervint Fergus, les bras croisés sur son torse. Comment était-il ?
-Tellement ancré en lui qu’il a été capable de prendre sa forme.
Un profond silence s’abattit sur la pièce, renforcé par l’angoisse. Seule Rika chantonnait du bout des lèvres, attendant que ça passe. Ha, oui. Fergus l’avait empêché de le tuer, il avait oublié. Elle ne se sentait pas concernée par la santé de Svenn.
-Vous pensez… commença Silke. Vous pensez que c’est lié à sa forme animale ? Qu’il est en train de…
-De guérir de son incapacité à se transformer ? acheva Alastor, maussade. J’ai quelques doutes. Fergus. En tant que métamorphe, tu es le plus à même de comprendre la situation.
Le Bourreau se redressa, réprima un gémissement de douleur. Sa jambe le faisait horriblement souffrir, depuis les matchs de qualifications. Il avait la sensation qu’une chose hideuse se répandait dans ses veines, de plus en plus loin dans son organisme.
-Je vais rester avec lui, fit Fergus, en l’avisant attentivement. De toute façon, tu m’avais d’ors et déjà confié sa protection.
-Sa protection ?
Al ébouriffa les cheveux de Silke, un peu attendrit par son inquiétude. Même lui était capable de voire l’affection qu’elle portait au jeune loup.
-Les parents de Svenn sont venus en Exil pour protéger leur fils. Aux dernières nouvelles, la menace de l’ordre de l’inconnu existe toujours. Comme je ne peux pas rester, j’ai demandé à un Ferguson de jouer les gardes du corps.
-Cela me permet aussi d’assister aux Jeux des Arènes.
-Ouais. Pour ce que ça vaut cette année, franchement...
Il parlait, il parlait, mais l’heure tournait. Le rapprochant de plus en plus de sa confrontation avec Cassandra. Le démon appliqua sa paume contre le miroir en pied, posé dans un coin de la chambre d’auberge.
-Mon ami, intervint Fergus, en l’attrapant par le bras.
-Mmh ?
-Si tu souffres tant, prends une canne. Ça soulageras ta jambe.
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